Décisions de la Cour d'appel fédérale

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Date : 20050920

Dossier : A-248-05

Référence : 2005 CAF 304

CORAM :       LE JUGE ROTHSTEIN

LE JUGE NADON

LA JUGE SHARLOW

ENTRE :

                                                         SUZANNE BOUDREAU

                                                                                                                                    demanderesse

                                                                             et

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL et

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

                                                                                                                                          défendeurs

                                       Audience tenue à Ottawa (Ontario), le 22 août 2005

                               Ordonnance rendue à Ottawa (Ontario), le 20 septembre 2005

MOTIFS DE L'ORDONNANCE :                                                                   LA JUGE SHARLOW

Y ONT SOUSCRIT :                                                                                      LE JUGE ROTHSTEIN

                                                                                                                              LE JUGE NADON


Date : 20050920

Dossier : A-248-05

Référence : 2005 CAF 304

CORAM :       LE JUGE ROTHSTEIN

LE JUGE NADON

LA JUGE SHARLOW

ENTRE :

                                                         SUZANNE BOUDREAU

                                                                                                                                    demanderesse

                                                                             et

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL et

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

                                                                                                                                          défendeurs

                                                  MOTIFS DE L'ORDONNANCE

                                                                             

LA JUGE SHARLOW


[1]                La demanderesse, Suzanne Boudreau, a déposé une demande de contrôle judiciaire à l'encontre d'une décision du ministre du Revenu national de délivrer un avis d'intention de retirer, à compter du 1er janvier 1996, l'agrément du régime de pension de la société Cryptic Web Information Technology Security Inc (Cryptic Web). Mme Boudreau demande à la Cour de rendre une ordonnance annulant la décision du ministre ou, subsidiairement, une ordonnance interdisant au ministre de retirer l'agrément du régime de pension rétroactivement, à une date antérieure au 16 octobre 2003 (date de l'avis d'intention de retrait d'agrément). Peu après avoir déposé sa demande de contrôle judiciaire, Mme Boudreau a déposé un avis de requête demandant à la Cour de rendre certaines ordonnances interlocutoires.

[2]                En réponse aux requêtes de Mme Boudreau, la Couronne a déposé un dossier dans lequel elle conteste ces requêtes; le dossier contient également un avis de requête demandant à la Cour de rendre une ordonnance annulant la demande de contrôle judiciaire de Mme Boudreau au motif que la Cour n'a pas la compétence nécessaire pour entendre cette demande. Mme Boudreau conteste la requête de la Couronne.

[3]                La Cour a convoqué une audience pour entendre les arguments des parties sur la question relative à la compétence. Si la Couronne obtenait gain de cause sur ce point, la demande de contrôle judiciaire serait annulée. Puisque la décision relative à cette requête pouvait emporter l'issue finale de la demande de contrôle judiciaire, les arguments sur la question préliminaire relative à la compétence ont été entendus par trois juges : Loi sur les Cours fédérales, L.R.C. 1985, ch. F-7, article 16.

Les faits


[4]                Pour bien comprendre le contexte de la présente instance, il faut connaître certains aspects fiscaux des régimes de pension, les conséquences fiscales liées à l'agrément d'un régime de pension en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu, L.R.C. 1985, ch. 1 (5e suppl.) et les conséquences fiscales liées au retrait d'agrément d'un régime de pension.

[5]                Règle générale, tout paiement versé dans le cadre d'un régime de pension, agréé ou non agréé, est assujetti à l'impôt s'il est versé à un participant ou au profit d'un participant. Cette règle s'applique systématiquement, peu importe que le paiement soit versé sous forme de rentes périodiques ou d'une somme forfaitaire (alinéa 56(1)a) de la Loi de l'impôt sur le revenu).

[6]                Certains avantages fiscaux sont liés à l'agrément d'un régime de pension en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu. Premièrement, toute cotisation versée par un participant à un régime de pension agréé peut être déduit, sous réserve de certaines restrictions, du revenu de ce participant pour le calcul de l'impôt sur le revenu. Deuxièmement, les revenus découlant des investissements détenus dans un régime de pension sont exemptés de l'impôt, à condition que l'investissement soit conservé dans le régime (sous réserve de certaines conditions). Troisièmement, dans certaines circonstances, l'argent peut être transféré d'un régime de pension agréé vers un autre régime de pension agréé (ou dans un autre régime à impôt différé reconnu) au profit d'un participant, sans que le participant ne soit pénalisé pour ce transfert sur le plan fiscal.


[7]                Le retrait d'agrément d'un régime de pension ne met pas fin au régime en tant que tel. Celui-ci continue d'exister mais sans les avantages fiscaux liés à l'agrément. Ainsi, les participants ne peuvent plus verser de contributions déductibles dans ce régime. Les revenus liés aux investissements détenus dans le régime deviennent imposables. Les participants ne peuvent plus procéder à un transfert d'argent non imposable dans un autre régime de pension. Un tel transfert de fonds deviendrait sans doute imposable entre les mains du participant, soit à titre de rente en vertu de l'alinéa 56(1)a) de la Loi de l'impôt sur le revenu, soit à titre de versement d'une fiducie en vertu de l'alinéa 12(1)m) de la Loi de l'impôt sur le revenu, selon les circonstances. Si les fonds sont transférés d'un régime de pension non agréé à un régime agréé, le participant s'expose à une double imposition; en effet, non seulement le montant transféré est assujetti à l'impôt mais les rentes subséquemment versées dans le cadre du régime de pension sont elles aussi imposables.

[8]                Le retrait d'agrément d'un régime de pension est la dernière étape d'une procédure prévue par la loi (que nous examinerons plus en détail dans les pages qui suivent). Le ministre soutient qu'il est possible, dans certaines circonstances, que la date d'effet du retrait d'agrément d'un régime de pension soit antérieure au dénouement, et même au commencement de la procédure de retrait d'agrément. Apparemment, le ministre pense que lorsque la date d'effet du retrait est antérieure à la procédure de retrait, les participants au régime perdent rétroactivement les avantages fiscaux liés à l'agrément.


[9]                Il n'est pas nécessaire pour l'instant de trancher la question du bien-fondé des arguments du ministre, en ce qui concerne l'effet rétroactif du retrait d'agrément d'un régime de pension. Il suffit de souligner que si le ministre a raison, les participants à un régime de pension agréé pourraient se retrouver avec un lourd fardeau fiscal imprévu, si l'agrément de leur régime de pension était retiré, et un fardeau encore plus lourd, si l'agrément était retiré de manière rétroactive. Le problème de l'éventuel effet rétroactif du retrait d'agrément d'un régime de pension est au coeur même de la demande de contrôle judiciaire de Mme Boudreau.

[10]            À une certaine époque, Mme Boudreau était salariée du gouvernement fédéral et cotisait au régime de rente de la fonction publique, maintenu pour les employés du gouvernement fédéral en vertu de la Loi sur la pension de la fonction publique, L.R. 1985, ch. P-36. Mme Boudreau affirme qu'au cours d'une certaine période entre 1999 et 2000, alors qu'elle avait quitté la fonction publique, elle a travaillé chez Cryptic Web et adhéré au régime de pension de cette société. À l'époque, le régime de pension de Cryptic Web était un régime agréé.

[11]            Il semble que le régime de pension de Cryptic Web ait obtenu l'agrément à compter du 1er janvier 1996. En 1999, des arrangements permettaient à un fonctionnaire fédéral qui quittait son emploi pour un poste dans le secteur privé de présenter une demande afin que l'argent détenu dans le régime de rente de la fonction publique soit transféré dans un régime de pension agréé maintenu par ou pour le nouvel employeur. Lorsqu'elle a quitté son poste dans la fonction publique, Mme Boudreau s'est prévalue de ces arrangements et a fait transférer son argent en son nom, dans le régime de pension de Cryptic Web. Mme Boudreau et la Couronne ne sont pas d'accord quant à savoir si le montant transféré était exact mais la Cour n'est pas saisie de ce litige.


[12]            À un moment donné, l'argent transféré dans le régime de pension de Cryptic Web a de nouveau été transféré après l'an 2000, apparemment en conformité avec la loi applicable, dans un autre régime de pension agréé.

[13]            Le 16 octobre 2003, le ministre a envoyé à Cryptic Web un avis d'intention de retrait d'agrément de son régime de pension prenant effet le 1er janvier 1996, comme le prévoient les alinéas 147.1(11)a) et j) de la Loi de l'impôt sur le revenu, L.R.C. 1985, ch. 1 (5e suppl.). Les dispositions pertinentes de ces alinéas sont libellées comme suit :

147.1 (11) Lorsque l'une des situations suivantes se produit après que le ministre a agréé un régime de pension:

147.1 (11) Where, at any time after a pension plan has been registered by the Minister,

a)         le régime n'est pas conforme aux conditions d'agrément réglementaires [...]

(a)        the plan does not comply with the prescribed conditions for registration [...]

le ministre peut informer l'administrateur du régime par avis -- appelé "avis d'intention" au présent paragraphe et au paragraphe (12) --, envoyé en recommandé, qu'il entend retirer l'agrément du régime à la date précisée dans l'avis d'intention, qui ne peut être antérieure aux dates suivantes:

the Minister may give notice (in this subsection and subsection 147.1(12) referred to as a "notice of intent") by registered mail to the plan administrator that the Minister proposes to revoke the registration of the plan as of a date specified in the notice of intent, which date shall not be earlier than the date as of which,

j)          si l'alinéa a) s'applique, la date où le régime cesse d'être conforme [...].

(j)         where paragraph 147.1(11)(a) applies, the plan failed to so comply [...].


[14]            L'argument du ministre, comme l'expose l'avis d'intention de retrait d'agrément du régime de pension de Cryptic Web, est que l'une des conditions de l'agrément n'a jamais été respectée. Selon cette condition, le principal objet du régime doit être la prestation de rentes de retraite à des individus relativement à leurs services à titre de salariés. Le ministre allègue que les participants au régime de pension de Cryptic Web n'ont jamais été des salariés de la société.

[15]            Cryptic Web a interjeté appel de l'avis d'intention de retrait. Son recours est fondé sur l'alinéa 172(3)f) de la Loi de l'impôt sur le revenu, dont les dispositions pertinentes sont libellées comme suit :

172 (3) Lorsque le ministre: [...]

172 (3) Where the Minister [...]

f)          [...] envoie à l'administrateur d'un régime de pension agréé l'avis d'intention prévu au paragraphe 147.1(11), selon lequel il entend retirer l'agrément du régime; [...]

(f)        [...] gives notice under subsection 147.1(11) to the administrator of a registered pension plan that the Minister proposes to revoke its registration [...]

[...] l'administrateur du régime ou l'employeur qui participe au régime, dans une situation visée aux alinéas f) ou f.1), peuvent interjeter appel à la Cour d'appel fédérale de cette décision ou de la signification de cet avis.

[...] the administrator of the plan or an employer who participates in the plan, in a case described in paragraph 172(3)(f) [...], may appeal from the Minister's decision, or from the giving of the notice by the Minister, to the Federal Court of Appeal.


[16]            Les faits en l'espèce semblent identiques aux circonstances dans Loba Ltd. c. Canada (Ministre du Revenu national - M.R.N.), [2005] 1 C.T.C. 6, 2004 D.T.C. 6680 (C.A.F.), autorisation d'interjeter appel refusée le 7 avril 2005, [2004] C.S.C.R. n ° 540 (QL). La Cour a rejeté l'appel, car elle a jugé que le ministre pouvait raisonnablement conclure, en se fondant sur les éléments de preuve dont il disposait, que les conditions n'étaient pas remplies à la date du retrait d'agrément.

[17]            L'appel de Cryptic Web est toujours en instance. À la demande des parties, l'appel est demeuré en suspens en attendant qu'il soit statué sur l'appel dans Loba. Pour des raisons qui n'ont rien à voir avec la question dont est saisie la Cour aujourd'hui, l'appel est toujours en suspens et on ne sait pas clairement s'il sera finalement entendu ou non.

[18]            En mai 2005, Mme Boudreau a demandé l'autorisation d'intervenir dans l'appel interjeté par Cryptic Web. Si j'ai bien compris, son intérêt dans ce recours en appel est fondé sur la proposition implicite, comme il ressort de certains énoncés de l'avis d'intention de retrait d'agrément du régime de pension de Cryptic Web, que si le retrait d'agrément prend effet le 1er janvier 1996 (soit la date indiquée dans l'avis d'intention), cela pourrait avoir des conséquences fiscales rétroactives pour certaines personnes ayant adhéré au régime de pension alors qu'il était agréé, comme c'est le cas pour Mme Boudreau.


[19]            On a fait valoir, par exemple, que l'une des conséquences du retrait d'agrément du régime de pension de Cryptic Web à compter du 1er janvier 1996 serait que l'argent transféré par Mme Boudreau après le 1er janvier 1996, entre le régime de rente de la fonction publique et le régime de pension de Cryptic Web, serait imposable entre ses mains à compter de la date du transfert (à condition que la déclaration de revenus pour l'année d'imposition visée ne soit pas prescrite). On a également soutenu que tous les revenus découlant des investissements détenus dans le régime, en 1996 et au cours des années subséquentes, deviendraient imposables. Si cela s'avère exact, ce sera apparemment Mme Boudreau et les autres participants au régime de pension qui devront assumer indirectement l'impôt à payer, puisque cet impôt sera prélevé sur les sommes détenues dans le cadre du régime. On ne sait pas clairement si le ministre soutiendrait alors que le transfert subséquent de l'argent de Mme Boudreau, entre le régime de pension de Cryptic Web et un autre régime de pension, aurait d'autres conséquences sur le plan fiscal.

[20]            La requête en intervention de Mme Boudreau a été rejetée le 7 juillet 2005 au motif qu'elle était prématurée. Puisque sa requête n'a pas été rejetée sur le fond, Mme Boudreau peut toujours présenter une nouvelle requête en intervention dans l'appel de Cryptic Web, dans l'éventualité où l'instance reprend son cours.

[21]            Le 1er juin 2005, Mme Boudreau a déposé l'avis de demande de contrôle judiciaire à l'origine de la présente instance, en s'appuyant sur le paragraphe 147.1(13) de la Loi de l'impôt sur le revenu. La question soulevée par la Couronne aujourd'hui est la suivante : la Cour a-t-elle la compétence nécessaire pour entendre la demande de Mme Boudreau?


Analyse

[22]            La Cour d'appel fédérale est un tribunal constitué en vertu de la loi. Elle n'a aucune compétence hormis celle que lui confèrent les lois du Parlement. L'article 27 de la Loi sur les Cours fédérales, L.R.C. 1985, ch. F-7, donne à la Cour le pouvoir d'entendre les appels à l'encontre d'une décision de la Cour fédérale ou de la Cour canadienne de l'impôt (CCI). L'article 28 de la Loi sur les Cours fédérales habilite la Cour à entendre et à trancher les demandes de contrôle judiciaire visant les décisions des offices fédéraux expressément mentionnés. Aucune décision du ministre du Revenu national n'est mentionnée à l'article 28 de la Loi sur les Cours fédérales. En conséquence, aucun recours direct ne peut être intenté devant la Cour contre une décision du ministre, sauf les recours prévus au paragraphe 172(3) et les autres recours prévus dans la Loi de l'impôt sur le revenu.

[23]            La Loi de l'impôt sur le revenu est l'une des lois fédérales qui confèrent compétence à la Cour dans les affaires qui ne relèvent pas de l'article 27 ou de l'article 28 de la Loi sur les Cours fédérales. L'alinéa 172(3)f) de la Loi de l'impôt sur le revenu prévoit un droit d'appel à l'encontre des décisions du ministre de délivrer un avis d'intention de retirer l'agrément d'un régime de pension. Cependant, seuls l'administrateur du régime et les employeurs participants sont habilités à se prévaloir du droit d'appel prévu à l'alinéa 172(3)f). Les participants au régime n'ont pas accès à ce recours en appel.


[24]            Mme Boudreau soutient que la Cour tire son pouvoir d'entendre sa demande de contrôle judiciaire du paragraphe 147.1(13) de la Loi de l'impôt sur le revenu. La Couronne conteste cet argument et affirme que le paragraphe 147.1(13) ne doit pas recevoir une interprétation aussi large que celle proposée par Mme Boudreau.

[25]            Pour trancher la question de la portée du paragraphe 147.1(13), on doit examiner le mécanisme établi par la loi à l'égard du retrait d'agrément d'un régime de pension. Ce mécanisme est défini aux paragraphes 147.1(11), (12) et (13) ainsi que dans la disposition instituant un droit d'appel, le paragraphe 172(3), mentionné plus haut. Les paragraphes 147.1(11), (12) et (13) sont reproduits ci-après dans leur intégralité :

147.1 (11) Lorsque l'une des situations suivantes se produit après que le ministre a agréé un régime de pension:

147.1 (11) Where, at any time after a pension plan has been registered by the Minister,

a)         le régime n'est pas conforme aux conditions d'agrément réglementaires;

(a)        the plan does not comply with the prescribed conditions for registration,

b)         le régime n'est pas géré tel qu'il est agréé;

(b)        the plan is not administered in accordance with the terms of the plan as registered,

c)         l'agrément du régime peut être retiré;

(c)        the plan becomes a revocable plan,



d)         une condition (y compris une condition applicable de façon générale aux régimes de pension agréés en général ou à une catégorie de régimes et une condition imposée pour la première fois avant 1989) que le ministre a imposée au régime par écrit n'est pas respectée;

(d)        a condition imposed by the Minister in writing and applicable with respect to the plan (including a condition applicable generally to registered pension plans or a class of such plans and a condition first imposed before 1989) is not complied with,

e)         une des exigences énoncées aux paragraphes (6) ou (7) n'est pas respectée;

(e)        a requirement under subsection 147.1(6) or 147.1(7) is not complied with,

f)          des prestations sont payées par le régime ou des cotisations y sont versées contrairement au paragraphe (10);

(f)        a benefit is paid by the plan, or a contribution is made to the plan, contrary to subsection 147.1(10),

g)         l'administrateur ne présente pas de déclaration de renseignements ou de rapport actuariel concernant le régime ou un participant à celui-ci selon les modalités réglementaires de temps ou autres;

(g)        the administrator of the plan fails to file an information return or actuarial report relating to the plan or to a member of the plan as and when required by regulation,

h)         un employeur participant ne présente pas de déclaration de renseignements concernant le régime ou un participant à celui-ci selon les modalités réglementaires de temps ou autres;

(h)        a participating employer fails to file an information return relating to the plan or to a member of the plan as and when required by regulation, or

i)          l'agrément du régime aux termes de la Loi de 1985 sur les normes de prestation de pension ou d'une loi provinciale semblable est refusé ou retiré,

(i)         registration of the plan under the Pension Benefits Standards Act, 1985 or a similar law of a province is refused or revoked,

le ministre peut informer l'administrateur du régime par avis -- appelé "avis d'intention" au présent paragraphe et au paragraphe (12) --, envoyé en recommandé, qu'il entend retirer l'agrément du régime à la date précisée dans l'avis d'intention, qui ne peut être antérieure aux dates suivantes:

the Minister may give notice (in this subsection and subsection 147.1(12) referred to as a "notice of intent") by registered mail to the plan administrator that the Minister proposes to revoke the registration of the plan as of a date specified in the notice of intent, which date shall not be earlier than the date as of which,

j)          si l'alinéa a) s'applique, la date où le régime cesse d'être conforme,

(j)         where paragraph 147.1(11)(a) applies, the plan failed to so comply,

k)         si l'alinéa b) s'applique, la date où le régime n'est plus géré tel qu'il est agréé;

(k)        where paragraph 147.1(11)(b) applies, the plan was not administered in accordance with its terms as registered,

l)          si l'alinéa c) s'applique, la date où l'agrément du régime peut être retiré;

(l)         where paragraph 147.1(11)(c) applies, the plan became a revocable plan,

m)        si l'alinéa d) ou e) s'applique, la date où la condition ou l'exigence n'est plus respectée;

(m)       where paragraph 147.1(11)(d) or 147.1(11)(e) applies, the condition or requirement was not complied with,

n)         si l'alinéa f) s'applique, la date où les paiements ou versements ont été effectués;

(n)        where paragraph 147.1(11)(f) applies, the benefit was paid or the contribution was made,

o)         si l'alinéa g) ou h) s'applique, la date fixée pour la présentation;

(o)        where paragraph 147.1(11)(g) or 147.1(11)(h) applies, the information return or actuarial report was required to be filed, and

p)         si l'alinéa i) s'applique, la date du refus ou du retrait.

(p)        where paragraph 147.1(11)(i) applies, the registration referred to in that paragraph was refused or revoked.



147.1 (12) Le ministre peut, s'il envoie un avis d'intention à l'administrateur d'un régime de pension agréé ou si celui-ci lui demande par écrit de retirer l'agrément, informer l'administrateur par avis -- appelé "avis de retrait" au présent paragraphe et au paragraphe (13) --, envoyé en recommandé, du retrait de l'agrément du régime à compter de la date précisée dans l'avis de retrait, qui ne peut être antérieure à celle précisée dans l'avis d'intention ou dans la demande de l'administrateur. L'avis de retrait est envoyé aux dates suivantes:

a)         si l'administrateur demande au ministre par écrit de retirer l'agrément du régime, une date donnée postérieure à la réception de la demande de l'administrateur;

b)         dans les autres cas, 30 jours après la mise à la poste de l'avis d'intention.

147.1 (12) Where the Minister gives a notice of intent to the administrator of a registered pension plan, or the plan administrator applies to the Minister in writing for the revocation of the plan's registration, the Minister may,

(a)        where the plan administrator has applied to the Minister in writing for the revocation of the plan's registration, at any time after receiving the administrator's application, and

(b)        in any other case, after 30 days after the day of mailing of the notice of intent,

give notice (in this subsection and subsection 147.1(13) referred to as a "notice of revocation") by registered mail to the plan administrator that the registration of the plan is revoked as of the date specified in the notice of revocation, which date may not be earlier than the date specified in the notice of intent or the administrator's application, as the case may be.

147.1 (13) L'agrément d'un régime de pension agréé est retiré à compter de la date précisée dans l'avis de retrait, sauf ordonnance contraire de la Cour d'appel fédérale ou de l'un de ses juges sur demande formulée avant qu'il ne soit statué sur tout appel interjeté selon le paragraphe 172(3).

147.1 (13) Where the Minister gives a notice of revocation to the administrator of a registered pension plan, the registration of the plan is revoked as of the date specified in the notice of revocation, unless the Federal Court of Appeal or a judge thereof, on application made at any time before the determination of an appeal pursuant to subsection 172(3), orders otherwise.


[26]            À mon avis, la Cour ne peut entendre la demande de Mme Boudreau que dans la mesure où elle accepte les trois propositions suivantes, concernant la portée du paragraphe 147.1(13). Premièrement, la Cour doit être autorisée à rendre au moins une des ordonnances que cherche à obtenir Mme Boudreau (une ordonnance annulant la décision du ministre de délivrer l'avis d'intention ou, subsidiairement, une ordonnance confirmant que la date d'effet du retrait ne peut être antérieure à la date de l'avis d'intention). Deuxièmement, Mme Boudreau doit avoir la qualité nécessaire pour présenter une demande en vertu du paragraphe 147.1(13). Troisièmement, il doit être possible de déposer une demande en vertu du paragraphe 147.1(13) avant que le ministre n'ait délivré l'avis de retrait d'agrément du régime de pension de Cryptic Web.

[27]            Dans le cadre du mécanisme de retrait d'agrément d'un régime de pension, le ministre peut délivrer deux types d'avis à l'administrateur du régime. Le premier avis, mentionné au paragraphe 147.1(11), est un « avis d'intention de retirer l'agrément » ou « avis d'intention » .

[28]            L'avis d'intention de retirer l'agrément d'un régime de pension doit préciser le motif du retrait proposé, soit l'un des motifs énoncés aux alinéas 147.1(11)a) à i). L'avis doit également indiquer une date d'effet proposée pour le retrait. La date d'effet proposée ne peut être antérieure aux dates indiquées aux alinéas 147.1(11)j) à p), selon le motif du retrait proposé. En l'espèce, le motif mentionné par le ministre pour justifier son intention de retirer l'agrément est fondé sur l'alinéa 147.1(11)a), à savoir que le régime n'est pas conforme aux conditions d'agrément réglementaires; ainsi, aux termes de l'alinéa 147.1(11)j), la date d'effet ne peut être antérieure à « la date où le régime cesse d'être conforme » .


[29]            L'avis d'intention de retirer l'agrément d'un régime de pension est assujetti à un droit d'appel prévu par la loi, plus précisément à l'alinéa 172(3)f) de la Loi de l'impôt sur le revenu. Le recours en appel relève directement de la compétence de la Cour. Ce droit d'appel est conféré à l'administrateur du régime à qui l'avis d'intention est délivré et à chaque employeur participant au régime concerné. Étrangement, le paragraphe 147.1(11) exige que le ministre donne à l'administrateur du régime, mais non aux employeurs participants, l'avis d'intention de retirer l'agrément du régime de pension.

[30]            L'avis d'intention de retirer l'agrément correspond également au début de la période de 30 jours après laquelle le ministre peut délivrer le deuxième type d'avis prévu dans ce mécanisme de retrait, à savoir « l'avis de retrait » prévu au paragraphe 147.1(12). L'avis de retrait est l'instrument qui emporte le retrait de l'agrément du régime de pension.

[31]            Le ministre peut délivrer un avis de retrait en vertu de l'alinéa 147.1(12)a), sur présentation d'une demande de retrait d'agrément de l'administrateur du régime, ou en vertu de l'alinéa 147.1(12)b), soit 30 jours suivant l'envoi d'un avis d'intention.

[32]            L'avis de retrait doit préciser la date d'effet du retrait. Toutefois, le ministre dispose d'un pouvoir discrétionnaire assez étendu en ce qui concerne le choix de la date d'effet.


[33]            Lorsque l'avis de retrait est délivré par suite d'une demande de l'administrateur du régime (ci-après le retrait volontaire), la date d'effet indiquée dans l'avis de retrait peut correspondre à n'importe quelle date, à condition qu'elle ne soit pas antérieure à la date indiquée dans la demande de l'administrateur.

[34]            Lorsque l'avis de retrait est donné après la délivrance d'un avis d'intention par le ministre (ci-après le retrait forcé), la date d'effet indiquée dans l'avis de retrait peut correspondre à n'importe quelle date, à condition qu'elle ne soit pas antérieure à la date d'effet proposée dans l'avis d'intention.

[35]            Le ministre peut délivrer un avis de retrait 30 jours suivant l'envoi de l'avis d'intention de retirer l'agrément, peu importe si un recours en appel a été déposé en vertu du paragraphe 172(3) de la Loi de l'impôt sur le revenu. Ainsi, le ministre a le droit, mais non l'obligation, de surseoir à la délivrance de l'avis de retrait jusqu'à ce qu'il soit statué sur l'appel. Rappelons que, dans l'avis de retrait, peu importe sa date de délivrance, le ministre peut choisir une date d'effet qui soit subséquente à la date d'effet proposée dans l'avis d'intention.

[36]            Aux termes du paragraphe 147.1(13), l'agrément d'un régime de pension est retiré à la date d'effet indiquée dans l'avis de retrait, « sauf ordonnance contraire de la Cour [...] ou de l'un de ses juges sur demande formulée avant qu'il ne soit statué sur tout appel interjeté selon le paragraphe 172(3) » . Il s'agit de la dernière partie du paragraphe 147.1(13). Mme Boudreau et la Couronne ne s'entendent pas sur la signification de cette disposition, car elle n'est pas précise sur plus d'un aspect important.


[37]            Il est clair, par exemple, que le paragraphe 147.1(13) confère à la Cour le pouvoir de rendre une « ordonnance contraire » , sur demande formulée avant qu'il ne soit statué sur un appel interjeté en vertu du paragraphe 172(3). En l'absence d'une telle ordonnance, l'agrément du régime de pension est retiré à la date d'effet indiquée dans l'avis de retrait. Cependant, on ne connaît pas clairement la nature des ordonnances visées au paragraphe 147.1(13), on ne sait pas exactement quelles personnes sont habilitées à formuler une demande en vertu de cette disposition et à quel moment une telle demande peut être faite.

[38]            Avant d'examiner ces questions, j'aimerais formuler quelques remarques générales sur le retrait d'agrément d'un régime de pension qui, à mon avis, doivent servir de repères pour l'interprétation du paragraphe 147.1(13).

[39]            Premièrement, le mécanisme de retrait d'agrément d'un régime de pension comme l'établit la loi concerne le retrait d'agrément à la demande de l'administrateur du régime ou par suite d'une décision du ministre.


[40]            Deuxièmement, la seule restriction quant au délai pour présenter une demande en vertu du paragraphe 147.1(13) est que celle-ci doit être formulée avant qu'il ne soit statué sur un appel interjeté en vertu du paragraphe 172(3). On pourrait en déduire que si le paragraphe 147.1(13) s'applique aux retraits volontaires, il ne fait l'objet d'aucune prescription. Ce résultat peut paraître étrange, mais il prend tout son sens dans un mécanisme de retrait prévoyant que seul l'administrateur du régime doit recevoir l'avis de retrait, c'est-à-dire une partie parmi toutes les parties susceptibles d'être affectées par le retrait. En outre, puisque toute mesure corrective prise en vertu du paragraphe 147.1(13) est de nature discrétionnaire, il me semble que tout retard déraisonnable de la part du demandeur, dans le cas d'un retrait volontaire, réduirait ses chances d'obtenir une mesure corrective.

[41]            Troisièmement, même si le Parlement a prévu que seul l'administrateur d'un régime agréé ou un employeur participant peut exercer le droit d'appel établi au paragraphe 172(3) lorsque le ministre délivre un avis d'intention de retirer l'agrément d'un régime, le Parlement n'a pas imposé une restriction semblable en ce qui concerne les demandes présentées en vertu du paragraphe 147.1(13) lorsque le ministre délivre un avis de retrait. Ainsi, le libellé du paragraphe 147.1(13) donne à penser que le champ d'application de cette disposition est plus étendu que celui du paragraphe 172(3).


[42]            Quatrièmement, les conséquences fiscales du retrait d'agrément d'un régime de pension affectent surtout les participants au régime. Je présume que, dans la plupart des cas, les participants au régime n'ont pas leur mot à dire sur les décisions prises concernant l'administration du régime. Il n'est pas déraisonnable de supposer que le Parlement ait voulu offrir une forme quelconque de recours aux participants à un régime de pension dont l'agrément est sur le point d'être retiré, même si ce recours n'est pas aussi exhaustif que le droit d'appel prévu au paragraphe 172(3).

[43]            Examinons maintenant les questions formulées plus haut. Le paragraphe 147.1(13) est reproduit ci-après par souci de commodité.

147.1 (13) L'agrément d'un régime de pension agréé est retiré à compter de la date précisée dans l'avis de retrait, sauf ordonnance contraire de la Cour d'appel fédérale ou de l'un de ses juges sur demande formulée avant qu'il ne soit statué sur tout appel interjeté selon le paragraphe 172(3).

147.1 (13) Where the Minister gives a notice of revocation to the administrator of a registered pension plan, the registration of the plan is revoked as of the date specified in the notice of revocation, unless the Federal Court of Appeal or a judge thereof, on application made at any time before the determination of an appeal pursuant to subsection 172(3), orders otherwise.

Quelle est la nature des ordonnances visées dans l'expression « ordonnance contraire » , au paragraphe 147.1(13)?

[44]            La principale fonction du paragraphe 147.1(13) est de donner un effet juridique à l'avis de retrait d'agrément d'un régime de pension. Cet effet juridique comporte deux aspects. Le premier est le retrait comme tel (l'agrément du régime de pension est retiré) et le deuxième est la date d'effet de ce retrait (l'agrément est retiré à compter de la date indiquée dans l'avis de retrait).


[45]            Subsidiairement, le paragraphe 147.1(13) vise également à établir une exception, en ce qui concerne l'effet juridique de l'avis de retrait. Cette exception est « l'ordonnance contraire » prononcée par la Cour, ou un des juges de la Cour, sur présentation d'une demande respectant les conditions définies par la loi.

[46]            Il faut se demander si « l'ordonnance contraire » concerne les deux effets juridiques mentionnés au paragraphe 147.1(13) ou seulement la date d'effet. Selon moi, on peut résumer cette question comme suit : si une demande conforme aux conditions de la loi est formulée, le paragraphe 147.1(13) confère-t-il à la Cour le pouvoir : a) d'annuler complètement le retrait; b) de modifier la date d'effet du retrait; c) de suspendre le retrait ou de surseoir au retrait jusqu'à ce qu'il soit statué sur l'appel interjeté en vertu du paragraphe 172(3)?

[47]            Les deux premières options correspondent aux ordonnances principale et subsidiaire que Mme Boudreau cherche à obtenir dans sa demande de contrôle judiciaire. La troisième option correspond, selon moi, au point de vue de la Couronne en ce qui concerne la portée limitée du paragraphe 147.1(13).


[48]            En l'espèce, je propose d'examiner seulement les deuxième et troisième options. En effet, Mme Boudreau n'a qu'un intérêt limité en ce qui concerne le retrait d'agrément du régime de pension de Cryptic Web. Toutes conséquences fiscales éventuellement associées au retrait d'agrément seraient limitées par une ordonnance modifiant la date d'effet pour la fixer à une date subséquente à la date à laquelle Mme Boudreau a retiré son argent du régime de pension de Cryptic Web pour le transférer dans un autre régime de pension, ce qui s'est apparemment produit à un moment quelconque, peut-être en 2002 mais en tout état de cause, avant que le ministre ne délivre l'avis d'intention.

[49]            La Couronne propose une interprétation du paragraphe 147.1(13) qui limiterait la compétence de la Cour au seul pouvoir de suspendre le retrait ou d'y surseoir jusqu'à ce qu'il soit statué sur l'appel interjeté en vertu du paragraphe 172(3), et non de modifier définitivement la date d'effet du retrait. Pour plusieurs raisons, je ne suis pas disposée à retenir une interprétation aussi restrictive.

[50]            Interpréter le paragraphe 147.1(13) de manière à ce que la Cour ne soit habilitée qu'à prononcer une ordonnance de suspension ou de sursis à l'égard du retrait, empêcherait toute possibilité de se prévaloir du paragraphe 147.1(13), même lorsqu'un appel est interjeté en vertu du paragraphe 172(3), en vue d'obtenir une ordonnance modifiant la date d'effet précisée dans l'avis de retrait. Supposons, par exemple, que le ministre délivre un avis d'intention de retirer l'agrément d'un régime de pension et indique une date d'effet donnée pour ce retrait. Supposons ensuite que l'administrateur du régime interjette appel et que, tandis que l'appel est en instance, le ministre délivre un avis de retrait indiquant une date d'effet différente, comme il semble autorisé à le faire. À mon avis, il serait déraisonnable dans un tel cas de priver l'appelant du recours prévu au paragraphe 147.1(13 ) pour contester la date d'effet ainsi modifiée.


[51]            L'interprétation proposée par la Couronne pose une autre difficulté : elle est fondée sur l'hypothèse selon laquelle aucune demande ne peut être formulée en vertu du paragraphe 147.1(13), à moins qu'un appel n'ait été interjeté en vertu du paragraphe 172(3). Autrement dit, elle repose sur l'hypothèse selon laquelle le Parlement souhaite empêcher le recours au paragraphe 147.1(13) dans les cas de retrait volontaire.

[52]            Il est aisé d'imaginer comment le paragraphe 147.1(13) pourrait être employé dans le cas d'un retrait volontaire. Il peut arriver que le ministre et l'administrateur du régime ne soient pas d'accord sur le bien-fondé du retrait ou sur le choix de la date d'effet. Si c'est le bien-fondé du retrait qui est en cause, soit l'administrateur n'en fera pas la demande, soit le ministre refusera la demande. Dans un cas comme dans l'autre, le retrait d'agrément n'aura pas lieu. Par contre, si l'administrateur soumet une demande de retrait et que le ministre juge le retrait approprié, les deux parties peuvent ne pas s'entendre sur le choix de la date d'effet. Le point de vue du ministre aura nécessairement préséance, à moins que l'administrateur ne soit autorisé à se prévaloir du paragraphe 147.1(13) pour demander une ordonnance fixant une autre date d'effet. Je ne vois aucune raison logique de croire que le Parlement ait voulu empêcher le recours au paragraphe 147.1(13) dans un tel cas. Je ne trouve rien non plus dans le mécanisme établi par la loi qui laisse entendre que le Parlement ait eu cette intention.


[53]            Pour ces motifs, je pense que le paragraphe 147.1(13) doit être interprété de manière à conférer à la Cour, que le retrait soit volontaire ou forcé, le pouvoir de rendre une ordonnance modifiant la date d'effet précisée dans l'avis de retrait, de même que le pouvoir, lorsqu'il n'a pas encore été statué sur un appel interjeté en vertu du paragraphe 172(3), de suspendre le retrait ou de surseoir à ce retrait jusqu'à l'issue du recours en appel.

[54]            À supposer que cette interprétation est correcte, l'exercice du pouvoir de la Cour exigerait que la demande respecte les conditions prévues au paragraphe 147.1(13). Il s'agit donc de déterminer dans quelles circonstances la demande respecte ces conditions.

Quelles sont les personnes habilitées à formuler une demande en vertu du paragraphe 147.1(13)?

[55]            Selon la Couronne, seul l'administrateur d'un régime dont l'agrément est sur le point d'être retiré, ou un employeur participant, peut formuler une demande en vertu du paragraphe 147.1(13), et non les participants au régime. La réponse la plus directe que l'on puisse donner face à cet argument est que le Parlement n'a jamais dit que le recours prévu au paragraphe 147.1(13) était accessible seulement aux parties dotées d'un droit d'appel en vertu du paragraphe 172(3), alors qu'il aurait été facile pour lui de le préciser.


[56]            Il me semble en outre que le raisonnement de la Couronne sur ce point souffre des mêmes faiblesses que pour la question examinée plus haut, c'est-à-dire qu'il repose sur l'hypothèse selon laquelle une demande en vertu du paragraphe 147.1(13) doit nécessairement être liée à un appel interjeté en vertu du paragraphe 172(3), et qu'il ne peut donc s'appliquer aux cas où le retrait est volontaire. Cette hypothèse n'est pas plus valable pour cette question qu'elle ne l'était pour la question précédente.

[57]            Il peut également arriver que le ministre et les autres parties concernées par un régime de pension ne soient pas d'accord sur la date d'effet à fixer pour le retrait d'agrément de ce régime. De fait, parmi toutes les parties intéressées, ce sont vraisemblablement les participants qui ont le plus intérêt à ce que tout différend sur le choix d'une date d'effet soit réglé. Vu que le paragraphe 147.1(13) porte sur le règlement des différends concernant la date de retrait et vu que cette disposition ne contient aucune restriction précise qui justifierait de limiter l'accès de ce recours aux seuls administrateurs du régime et employeurs participants, je ne suis pas disposée à ajouter une telle limite en retenant une interprétation aussi restrictive que celle proposée par la Couronne.


[58]            Un autre élément mérite d'être souligné, selon moi : en pratique, rien ne garantit que la décision de l'administrateur du régime de demander un retrait d'agrément, ou que la décision de l'administrateur du régime ou d'un employeur participant de ne pas interjeter appel d'un retrait forcé ou d'accepter un règlement ou d'abandonner un tel appel, tiendra nécessairement compte des intérêts des participants. Il est vrai que les participants au régime ont toujours la possibilité de se prévaloir des recours civils contre l'administrateur du régime ou l'employeur participant, si leurs intérêts sont menacés, mais ces recours peuvent être vains si l'administrateur du régime et l'employeur participant ne possèdent aucun actif. De plus, de tels recours doivent être intentés devant les cours de justice provinciales, qui n'ont probablement pas la compétence voulue pour annuler un retrait. La Couronne soutient que les conséquences fiscales liées au retrait d'agrément peuvent, dans la mesure où elles se traduisent par une cotisation, faire l'objet d'un appel devant la Cour canadienne de l'impôt, mais je suis loin d'être certaine que la CCI soit habilitée, dans un appel en matière d'impôt sur le revenu, à ignorer la date d'effet du retrait d'agrément d'un régime de pension précisée dans l'avis de retrait.

[59]            Si le paragraphe 147.1(13) n'autorise pas les participants à contester la date d'effet du retrait d'agrément d'un régime de pension, la décision du ministre de délivrer un avis de retrait relève alors sans aucun doute de la compétence de premier ressort exclusive de la Cour fédérale en vertu de l'article 18 de la Loi sur les Cours fédérales (à condition que l'article 18.5 de la Loi sur les Cours fédérales ne fasse pas obstacle à la demande; voir : Syndicat des travailleurs en télécommunications c. Canada (Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes), [1993] 1 C.F. 231 (C.A.)), question sur laquelle je n'exprimerai pas d'opinion). Si l'on tient pour acquis que la Cour fédérale a la compétence voulue pour entendre l'affaire, cela signifie que deux tribunaux différents pourraient être appelés à trancher le même litige, avec le risque que des décisions contradictoires soient rendues.

[60]            En définitive, je suis portée à penser que quiconque est en mesure de démontrer un intérêt concret et important dans le retrait d'agrément d'un régime de pension, a la qualité nécessaire pour formuler une demande en vertu du paragraphe 147.1(13).


À quel moment une demande en vertu du paragraphe 147.1(13) peut-elle être formulée?

[61]            Une demande en vertu du paragraphe 147.1(13) peut-elle être formulée avant que le ministre ne délivre un avis de retrait? Le ministre soutient que non et s'appuie sur le début du paragraphe, dans sa version anglaise ( « where the Minister gives a notice of revocation to the administrator of a registered pension plan » ).

[62]            À mon avis, le début du paragraphe 147.1(13) est suffisamment clair pour étayer la conclusion selon laquelle une ordonnance ne peut pas être rendue en vertu de cette disposition tant et aussi longtemps qu'un avis de retrait n'a pas été délivré. Cependant, il n'interdit pas de formuler une demande en vertu du paragraphe 147.1(13) à l'égard d'un régime de pension pour lequel le ministre n'a pas encore délivré l'avis de retrait mais pour lequel il a délivré un avis d'intention visé par un recours en appel, comme c'est le cas en l'espèce.


[63]            Il me semble que si Mme Boudreau a la qualité requise pour formuler une demande en vertu du paragraphe 147.1(13) et si la Cour a le pouvoir de lui accorder l'une des mesures correctives qu'elle demande, le fait qu'aucun avis de retrait n'a encore été délivré peut justifier le report de l'audition de sa demande, mais ce n'est pas une raison pour conclure que cette demande n'a pas été formulée au moment opportun. La Cour ne peut rendre une ordonnance en vertu du paragraphe 147.1(13), à moins qu'une demande n'ait été formulée en vertu du paragraphe 147.1(13) « avant qu'il ne soit statué sur tout appel interjeté selon le paragraphe 172(3) » . S'il est possible de délivrer une ordonnance avant qu'il ne soit statué sur l'appel, il doit être possible de formuler une demande d'ordonnance alors que l'appel est en instance.

Résumé et conclusion proposée concernant la requête de la Couronne sur la question de compétence

[64]            Comme il est mentionné plus haut, je suis portée à conclure que Mme Boudreau a la qualité requise pour présenter une demande de contrôle judiciaire et que la Cour a la compétence voulue pour accorder l'une des mesures correctives qu'elle demande (une ordonnance modifiant la date d'effet du retrait d'agrément du régime de pension de Cryptic Web), mais la Cour ne peut se prononcer sur sa demande tant et aussi longtemps qu'un avis de retrait ne sera pas délivré.

[65]            J'ai formulé mes conclusions sous une forme conditionnelle, car il me semble inutile pour le moment de tirer une conclusion définitive. En effet, l'appel interjeté par Cryptic Web est toujours en instance, et Mme Boudreau conserve le droit de présenter une nouvelle demande d'intervention dans cette instance, si la procédure suit son cours. Dans ce cas, l'issue de l'appel pourrait faire en sorte que la présente demande ne conserve qu'un intérêt purement théorique (que Mme Boudreau ait été autorisée ou non à intervenir).

[66]            Je rendrais une ordonnance de sursis à l'égard de la demande et de toutes les requêtes déposées à ce jour, jusqu'à ce qu'il soit statué sur l'appel interjeté par Cryptic Web.


                                                                                                                                     « K. Sharlow »                

                                                                                                                                                     Juge                 

« Je souscris aux présents motifs

    Marshall Rothstein, juge »

« Je souscris aux présents motifs

     M. Nadon, juge »

Traduction certifiée conforme

Michèle Ali


                                                     COUR D'APPEL FÉDÉRALE

                                              AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                         A-248-05

AUDITION DE LA REQUÊTE EN ANNULATION DE LA DEMANDE DE CONTRÔLE JUDICIAIRE PRÉSENTÉE PAR LE DÉFENDEUR

INTITULÉ :                                        Suzanne Boudreau c. Ministre du Revenu national et al.

LIEU DE L'AUDIENCE :                  Ottawa (Ontario)

DATE DE L'AUDIENCE :                Le 22 août 2005

MOTIFS DE L'ORDONNANCE : La juge Sharlow

Y ONT SOUSCRIT :              Le juge Rothstein

Le juge Nadon

DATE DES MOTIFS :                       Le 20 septembre 2005

COMPARUTIONS :

Lubomyr Chabursky

POUR LA DEMANDERESSE

Roger Leclaire

Justine Malone

POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Lubomyr Chabursky

Ottawa (Ontario)

POUR LA DEMANDERESSE

John H. Sim, c.r.

Sous-procureur général du Canada

POUR LE DÉFENDEUR


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