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Date : 20000118


Dossier : A-359-98

OTTAWA (ONTARIO), LE 18 JANVIER 2000

EN PRÉSENCE DE :      MONSIEUR LE JUGE ROBERTSON

                 MONSIEUR LE JUGE ROTHSTEIN

                 MONSIEUR LE JUGE MCDONALD

ENTRE :

BOW RIVER PIPELINES LTD.,


appelante,

- et -


SA MAJESTÉ LA REINE,


intimée.



JUGEMENT



     L"appel est accueilli avec dépens devant la présente Cour et la Cour canadienne de l"impôt. La décision du juge de la Cour de l"impôt en date du 1er mai 1998 est annulée et l"affaire est renvoyée au ministre du Revenu national pour qu"il établisse une nouvelle cotisation en conformité avec les motifs de la majorité.



" J.T. Robertson "

J.C.A.

Traduction certifiée conforme


Laurier Parenteau, LL.L.






Date : 20000118


Dossier : A-359-98

CORAM :      LE JUGE ROBERTSON

         LE JUGE ROTHSTEIN

         LE JUGE MCDONALD

ENTRE :

BOW RIVER PIPELINES LTD.,


appelante,

- et -


SA MAJESTÉ LA REINE,


intimée.






     Audience tenue à Edmonton (Alberta), le mercredi 1er décembre 1999.

     Jugement rendu à Ottawa (Ontario), le mardi 18 janvier 2000.





MOTIFS DU JUGEMENT PRONONCÉS PAR :      LE JUGE ROTHSTEIN

Y A SOUSCRIT :      LE JUGE McDONALD


MOTIFS DE DISSIDENCE PRONONCÉS PAR :      LE JUGE ROBERTSON




Date : 20000118


Dossier : A-359-98



CORAM :      LE JUGE ROBERTSON

         LE JUGE ROTHSTEIN

         LE JUGE McDONALD

        

ENTRE :

     BOW RIVER PIPELINES LTD.,

     appelante,

     - et -


     SA MAJESTÉ LA REINE,

     intimée.


     MOTIFS DE DISSIDENCE

LE JUGE ROBERTSON

[1] Je ne puis souscrire aux motifs prononcés par mon collègue, le juge Rothstein. Selon moi, l"appelante n"a pas le droit d"ajouter quelque montant que ce soit à son compte de frais cumulatifs à l"égard de biens canadiens relatifs au pétrole et au gaz (FBCPG) relativement aux avoirs miniers canadiens qu"elle a reçus à la dissolution d"une société en commandite. Certes, la contribuable a acquis des avoirs miniers. Toutefois, elle n"a engagé ni débours ni frais contrairement à ce que prévoient les alinéas 66.4(5)a ) et b) de la Loi de l"impôt sur le revenu. Elle n"a jamais versé de " contrepartie valable " en échange des avoirs en cause. L"argument portant qu"elle s"est départie de sa participation de " cessionnaire " dans la société en commandite en échange de ses biens (les avoirs miniers) comporte, selon moi, une faille fondamentale. Les faits pertinents sont exposés ci-dessous.

[2]      La contribuable et Lone Rock Resources Ltd. (Lone Rock) sont toutes les deux des sociétés par actions albertaines exerçant leurs activités dans le domaine de l"exploration pétrolière et gazière. La première a commencé à s"intéresser aux avoirs miniers canadiens de la deuxième. Elles sont finalement parvenues à une entente qui tenait compte des différents avantages fiscaux à tirer de la prise d"une série de mesures soigneusement orchestrées, échelonnées sur une période de plus de neuf mois.

[3]      [Mesure no 1] Lone Rock constitue une société par actions à dénomination numérique (la société à numéro) et en acquiert toutes les actions. [Mesure no 2] En janvier 1986, les deux sociétés par actions forment une société en commandite. La société à numéro est désignée comme le commandité et Lone Rock, comme le commanditaire. [Mesure no 3] La société à numéro fait un apport de 1 200 $ en échange d"une participation de 0,01 p. 100 dans la société en commandite. [Mesure no 4] Lone Rock effectue le transfert libre d"impôt de ses avoirs miniers canadiens en faveur de la société en commandite en échange d"une participation de 99,99 p. 100. La juste valeur marchande de ces avoirs s"élève à 12,3 millions de dollars. [Mesure no 5] La contribuable acquiert toutes les actions de Lone Rock. Le prix d"achat est de 6,3 millions de dollars, plus une somme de 7 millions de dollars versée pour rembourser la dette de Lone Rock envers la Banque de Montréal. [Mesure no 6] Le 29 septembre 1986, Lone Rock passe avec la contribuable un contrat par lequel Lone Rock convient de transférer tous ses biens à la contribuable. Ce contrat a pour objet de subroger la contribuable à Lone Rock à titre de commanditaire. Lone Rock se départit de sa participation de 99,9 p. 100 dans la société en commandite; en échange, la contribuable convient de payer toutes les dettes de Lone Rock. [Mesure no 7] Le même jour, Lone Rock est dissoute en vertu de la Business Corporations Act de l"Alberta. [Mesure no 8] Le lendemain, soit le 30 septembre 1986, la société à numéro passe un contrat avec la contribuable, dans lequel la société à numéro convient de transférer tous ses biens à la contribuable (son seul bien est sa participation de 0,01 p. 100 dans la société en commandite). En échange, la contribuable convient de payer toutes les dettes de la société à numéro. [Mesure no 9] La société à numéro est dissoute en vertu de la Business Corporations Act de l"Alberta. [Mesure no 10] Le même jour, la société en commandite passe un contrat avec la contribuable, par lequel la société en commandite convient de transférer tous ses biens (les avoirs miniers canadiens qui appartenait à l"origine à Lone Rock) à la contribuable. En échange, la contribuable convient de payer toutes les dettes de la société en commandite. [Mesure no 11] La société en commandite est dissoute en vertu de la Partnership Act de l"Alberta.

[4]      La contribuable a perdu la première ronde de sa bataille judiciaire avec le ministre du Revenu national lorsque la présente Cour a statué que la contribuable n"était pas devenue commanditaire subrogé parce qu"elle ne s"était pas conformée à la Partnership Act de l"Alberta [Mesure no 6]. Selon le paragraphe 65(3) de cette Loi, la contribuable a acquis le statut d"un " cessionnaire " ayant uniquement le droit de recevoir la " quote-part des bénéfices " ou " la restitution de son apport, auxquelles le cédant aurait par ailleurs eu droit ". Par conséquent, la contribuable ne pouvait se prévaloir de certains avantages fiscaux par application de l"alinéa 98(5)d ) de la Loi de l"impôt sur le revenu. La Cour a toutefois renvoyé la question visée par le présent appel à la Cour de l"impôt pour examen.

[5]      Le juge en chef adjoint Christie a rendu une décision défavorable à la contribuable en statuant qu"elle n"avait pas le droit d"ajouter quelque montant que ce soit à son compte de FBCPG en vertu des alinéas 66.4(5)a ) et b) de la Loi. Devant le juge Christie, la contribuable a fait valoir qu"elle avait acquis les avoirs miniers d"une partie avec laquelle elle n"avait aucun lien de dépendance, savoir Lone Rock, et avait versé à cette fin la somme de 13,3 millions de dollars, mais que ces frais n"avaient pas été reconnus aux fins de l"impôt. Ces frais de 13,3 millions de dollars étaient composés de la somme de 6,3 millions de dollars versée aux actionnaires de Lone Rock et de la somme de 7 millions de dollars versée pour rembourser la dette de Lone Rock envers la Banque de Montréal. Cet argument de la contribuable devait nécessairement échouer, car la somme de 13,3 millions de dollars a été dépensée pour acquérir les actions de Lone Rock, et non les biens lui appartenant qui avaient déjà été transférés à la société en commandite. Pour faire droit à la demande de la contribuable, le juge Christie aurait dû faire fi du principe selon lequel une société par actions constitue une entité juridique distincte. [Ce n"est qu"à l"audition du présent appel que l"avocat de la contribuable a judicieusement abandonné cet argument.]


[6]      Le juge Christie a conclu que le contrat entre la contribuable et la société en commandite par lequel cette dernière transférait ses avoirs miniers canadiens à la contribuable [Mesure no 10] était sans effet parce que la société en commandite avait cessé d"exister la veille du transfert. À son avis, la société en commandite a cessé d"exister parce que la contribuable n"a pas été subrogée à Lone Rock à titre de commanditaire. Lone Rock est donc demeurée l"unique commanditaire, mais comme elle a été dissoute immédiatement en vertu de la Business Corporations Act de l"Alberta, il ne pouvait pas exister de société en commandite sans commanditaire. Par conséquent, s"il n"existait pas de société en commandite, aucun contrat ne pouvait être conclu entre la contribuable et une partie inexistante [Mesure no 10].

[7]      L"autre argument important de la contribuable s"appuyait sur la prétention que la société en commandite continuait d"exister aux fins de l"attribution de ses biens en vertu de l"alinéa 98(1)a ) de la Loi de l"impôt sur le revenu. La contribuable a ensuite soutenu qu"elle avait acquis une participation dans la société en commandite en qualité de " cessionnaire " en vertu du paragraphe 65(3) de la Partnership Act et qu"elle s"était départie de son droit de cessionnaire de bénéficier de l"attribution de l"apport du cédant (Lone Rock) dans la société en commandite en échange de tous les biens de la société en commandite. Selon la contribuable, son coût d"acquisition de l"avoir minier est égal à la juste valeur marchande de sa participation de cessionnaire dans la société en commandite - 12,3 millions de dollars, somme équivalent à la juste valeur marchande des avoirs miniers canadiens acquis. C"est ce montant qui, de l"avis de la contribuable, aurait dû être ajouté à son compte de FBCPG. Le juge Christie a rejeté cet argument. Premièrement, il a statué que l"alinéa 98(1)a ) de la Loi de l"impôt sur le revenu ne prolongeait pas l"existence de la société en commandite aux fins de l"attribution de ses biens. Deuxièmement, et corrélativement, il a statué qu"il n"existait aucune partie en faveur de laquelle la contribuable pouvait se départir de son droit de cessionnaire. Enfin, le juge Christie a statué qu"une fois que la société en commandite avait cessé d"exister, les avoirs miniers ont été dévolus à la contribuable en sa qualité de cessionnaire du commanditaire. Par conséquent, il était impossible que la contribuable se départisse d"un droit en faveur d"une autre partie. Elle a plutôt reçu les avoirs miniers par voie de dévolution à la suite de la dissolution de la société en commandite. Le juge Christie estimait que le droit de cessionnaire s"est éteint et que la contribuable ne s"en est pas départie. Dans ce contexte, il a décidé que la contribuable n"avait pas engagé de débours ni de frais pour acquérir les avoirs miniers en cause, contrairement à ce qu"exigeaient les alinéas 66.4(5)a ) et b) de la Loi de l"impôt sur le revenu.

[8]      Mon collègue, le juge Rothstein, conclut, à juste titre selon moi, que l"existence de la société en commandite s"est prolongée à des fins d"attribution par application de l"alinéa 98(1)a ) de la Loi de l"impôt sur le revenu. Par conséquent, le juge Christie a commis une erreur en concluant qu"il n"existait aucune partie en faveur de laquelle la contribuable pouvait se départir de sa participation de cessionnaire dans la société en commandite. Le juge Rothstein amorce son analyse en tenant pour acquis que le juge Christie a eu raison de conclure que, selon les règles de droit régissant les sociétés de personnes, la société en commandite a cessé d"exister lorsque son commanditaire, Lone Rock, a été dissoute. Aux fins du présent appel, je suis disposé à reconnaître que la société en commandite a continué d"exister jusqu"à ce qu"elle soit formellement dissoute en vertu de la Partnership Act de l"Alberta [Mesure no 11]. Cela place la cause de la contribuable sous le meilleur jour possible, mais ne m"empêche pas de croire qu"elle n"a pas le droit de se prévaloir des avantages fiscaux qu"elle revendique. Subsidiairement, je traiterai de l"argument fondé sur l"existence d" une " cession " qu"a plaidé la contribuable en tenant pour acquis que la société en commandite a continué d"exister aux fins de l"attribution de ses biens par application du paragraphe 98(1)a ) de la Loi de l"impôt sur le revenu. Malgré cette concession, je demeure d"avis que la contribuable ne peut avoir gain de cause. Je m"empresse de souligner que, si la contribuable ne peut avoir gain de cause en présumant que toutes le mesures prises sont valides, elle ne devrait pas pouvoir avoir gain de cause lorsqu"au moins l"une de ces opérations est viciée en droit. Je débuterai mon analyse en dégageant certains faits cruciaux.

[9]      Des onze mesures décrites précédemment, trois revêtent une importance primordiale. Chaque opération comporte un contrat bilatéral. Le premier a pour objet, non réalisé, de vendre la participation de 99,99 p. 100 de Lone Rock dans la société en commandite à la contribuable [Mesure no 6]. On constate rétrospectivement que, selon les règles de droit régissant les sociétés de personnes en Alberta, la contribuable est devenu un cessionnaire et non un associé subrogé. Le deuxième contrat touche la vente, à la contribuable, de la participation de 0,01 p. 100 de la société à numéro dans la société en commandite [Mesure no 8]. Le troisième et dernier contrat vise la vente des biens de la société en commandite (les avoirs miniers canadiens) à la contribuable [Mesure no 10]. Dans ce contexte, trois faits revêtent une importance primordiale pour l"issue du présent appel.

[10]      Premièrement, la seule contrepartie fournie par la contribuable lorsqu"elle a acquis sa participation de cessionnaire dans la société en commandite de Lone Rock était la promesse de payer les dettes existantes de Lone Rock [Mesure no 6]. La contribuable a donné la même promesse à la société à numéro lorsqu"elle a acquis la participation de cette société par actions dans la société en commandite [Mesure no 8]. Enfin, elle a donné la même promesse à la société en commandite en échange de ses biens, c"est-à-dire des avoirs miniers canadiens en cause [Mesure no 10]. En résumé, la seule contrepartie fournie par la contribuable en vertu de chaque contrat était la promesse de payer les dettes existantes de l"autre partie au contrat.

[11]      Deuxièmement, les trois contrats en cause ne mentionnent pas le montant des dettes prises en charge par la contribuable, ce qui l"expose à une responsabilité illimitée, à moins, bien sûr, qu"il n"existe aucune dette. L"avocat de la contribuable a concédé que Lone Rock n"avait pas de dette " importante " au moment où elle a voulu vendre sa participation dans la société en commandite à la contribuable (par exemple des factures impayées). Cette concession concorde avec le fait que la seule dette de Lone Rock était celle qu"elle avait contractée envers la Banque de Montréal et qui avait déjà été remboursée par la contribuable en vertu du contrat d"achat d"actions. Quant aux dettes de la société à numéro, nous savons qu"elle n"avait pour tout bien que sa participation de 0,01 p. 100 dans la société en commandite, en échange de laquelle elle avait versé 1 200 $, de sorte qu"il serait irréaliste d"envisager que cette société par actions paravent ait contracté des dettes importantes. Je suis d"avis que ni Lone Rock, ni la société à numéro, ni la société en commandite n"avaient de dettes importantes susceptibles d"être prises en charge par la contribuable. S"il en était autrement, je suis convaincu que la preuve pertinente aurait été produite à l"instruction.

[12]      Troisièmement, il est clair que les seuls frais engagés par la contribuable en vertu de l"un de ces contrats visaient l"achat des actions de Lone Rock. Pour des raisons évidentes, le contrat d"achat d"actions ne pouvait pas emporter l"acquisition d"un avoir minier de Lone Rock par la contribuable.

[13]      En résumé, la contribuable n"a pas versé d"argent pour acquérir sa participation de cessionnaire dans la société en commandite, obtenir la participation du commandité et, enfin, acheter les biens de la société en commandite, c"est-à-dire les avoirs miniers canadiens en cause. La contribuable n"a pas fourni non plus d"autre contrepartie valable en échange de ce qu"elle a acheté. Tout ce qu"elle a donné, c"est une promesse de payer des dettes que les parties respectives savaient inexistantes. L"essentiel est que la contribuable n"a rien payé et ne s"est départie de rien en échange de ce qu"elle a reçu en vertu de ces trois contrats. Même si nous pouvions tenir pour acquis qu"elle s"est conformée strictement à toutes les dispositions de la Partnership Act de l"Alberta et que toutes les opérations étaient donc exécutoires, la contribuable n"est pas en mesure de démontrer qu"elle a fourni une contrepartie valable pour ce qu"elle a reçu. Sur le plan juridique, ces acquisitions peuvent être considérées comme des " dons " qui ne satisfont pas aux conditions fixées dans l"alinéa 66.4(5)a ) et le sous-alinéa 66.4(5)b)(i) de la Loi de l"impôt sur le revenu.

[14]      L"alinéa 66.4(5)a ) définit les " frais à l"égard de biens canadiens relatifs au pétrole et au gaz " d"un contribuable comme ..." tous débours ou frais engagés ou supportés après le 11 décembre 1979, qui représentent ... le prix, pour lui, d"un bien visé au sous-alinéa 66(15)c )(i), (iii) ou (iv) ou d"un droit sur un tel bien... ". Le sous-alinéa 66.4(5)b )(i) permet au contribuable d"ajouter à son compte de FBCPG cumulatifs " le total de tous les frais à l"égard de biens canadiens relatifs au pétrole et au gaz faits ou engagés par lui avant ... ". Peut-on dire que la contribuable a engagé des débours ou des frais pour acquérir les avoirs miniers appartenant à l"origine à Lone Rock? Non, si l"on s"en remet aux faits en l"espèce. Si la contribuable a engagé des débours ou des frais, c"est en raison de l"acquisition de sa participation de cessionnaire dans la société en commandite. Qu"est-ce que la contribuable a payé ou promis de donner en échange de cette participation? Rien - elle n"a versé aucune somme d"argent, ni fourni aucune contrepartie valable d"un autre type, pour sa participation de cessionnaire. Tout ce que la contribuable a donné, c"est la promesse de payer des dettes qui n"existaient pas. Elle a reçu quelque chose, mais en échange de rien. Par conséquent, la contribuable ne peut prétendre avoir engagé des débours ou des frais au sens des alinéas 66.4(5)a ) et b) de la Loi.

[15]      Si les avoirs miniers en cause avaient été transférés directement à la contribuable par Lone Rock sous forme de don, personne ne contesterait que la contribuable ne pourrait ajouter la juste valeur marchande de ces avoirs à son compte de FBCPG. Selon les règles de l"interprétation législative, la Loi ne le permettrait pas. De plus, une interprétation contraire ferait échec à l"objet des dispositions en cause. Les avocats de la contribuable l"expliquent succinctement dans l"extrait suivant de leur mémoire :

         [Traduction] Le coût est un concept crucial pour déterminer l"impôt à payer. L"utilisation la plus élémentaire du coût consiste à établir le prix auquel un contribuable peut vendre un bien sans que le produit de la vente soit considéré comme un revenu imposable. Le coût d"un avoir minier canadien est reconnu par un ajout au compte de frais cumulatifs à l"égard de biens canadiens relatifs au pétrole et au gaz (FBCPG) du contribuable. Lors de la disposition d"avoirs miniers canadiens , le produit de disposition est soustrait du compte. Si le montant inscrit au compte de FBCPG du contribuable devient égal à zéro, le produit de la vente des avoirs miniers canadiens peut être considéré comme un revenu imposable. [Note de bas de page no 1 : Ainsi, si un contribuable paie 100 $ pour un bien dont le coût s"établit donc à 100 $, puis vend ce bien au prix de 150 $, il ne paie pas de l"impôt sur le produit de 150 $ en entier, mais seulement sur le profit de 50 $.]

[16]      Selon moi, cela n"importe pas que la contribuable ait acquis ses biens indirectement, plutôt que directement, de Lone Rock. Il demeure que la contribuable a acquis ces biens sans contracter d"obligation exécutoire en droit. Par conséquent, la juste valeur marchande de ces biens ne peut être ajoutée au compte de FBCPG de la contribuable.

[17]      Je m"interromps ici pour souligner que si on persiste à croire que la société en commandite a continué d"exister jusqu"à ce qu"elle soit formellement dissoute en vertu de la Partnership Act de l"Alberta [Mesure no 11], deux aspects inexpliqués du stratagème fiscal utilisé méritent d"être notés. En tenant pour acquis que la contribuable est devenue le commanditaire subrogé remplaçant Lone Rock, et non un simple cessionnaire, aucune explication n"a été donnée quant à la façon dont la société en commandite aurait pu continuer à exister après que la contribuable a acheté la participation du commandité. En d"autres termes, si un contribuable achète les participations des deux seules personnes formant une société en commandite (le commandité et le commanditaire), comment la société en commandite peut-elle continuer d"exister? La loi albertaine définit une société de personnes comme deux personnes qui exploitent une entreprise en commun en vue de réaliser un bénéfice. Mise à part cette question de droit, aucune explication n"a été fournie quant à savoir pourquoi la contribuable aurait passé un contrat avec la société en commandite pour acquérir les avoirs miniers canadiens alors qu"elle détenait les participations à la fois du commanditaire et du commandité. En effet, la contribuable pourrait sembler conclure un contrat avec elle-même. Cette manoeuvre fiscale n"a aucun sens à moins que les conseillers de la contribuables aient cru que la société en commandite pouvait être considérée comme une entité juridique séparée ou distincte et que les participations détenues par les commandités et les commanditaires pouvaient être considérées de la même façon que les actions d"une société par actions. Or, comme cette supposition est contraire aux principes juridiques reconnus en matière de société de personnes, la seule justification plausible est que la contribuable a tenté d"acquérir indirectement de Lone Rock ce qu"elle ne voulait pas acquérir directement. Malheureusement, la contribuable ne pouvait pas, sans fournir de contrepartie valable, prétendre avoir le droit d"ajouter 12,3 millions de dollars à son compte de FBCPG.

[18]      J"examinerai maintenant le scénario subsidiaire qui tient pour acquis que la société en commandite a continué à exister uniquement aux fins de l"attribution de ses biens comme le prévoit l"alinéa 98(1)a ) de la Loi de l"impôt sur le revenu. La contribuable soutient s"être départie d"un bien (sa participation de cessionnaire) en échange d"un autre bien de valeur égale, soit les avoirs miniers. Elle s"en est départie en faveur de la société en commandite. Une analogie a été proposée entre cette situation et celle dans laquelle une personne acquiert un tableau en exécution d"un don, puis échange ce tableau contre un avoir minier canadien. La contribuable soutient que, dans ces circonstances, la personne en cause aurait le droit d"ajouter la juste valeur marchande du tableau à son compte de FBCPG. La contribuable fait valoir, par analogie, qu"elle a acquis gratuitement, non pas un tableau, mais une participation de cessionnaire dans la société et que ce bien a été échangé contre les avoirs miniers canadiens. Selon la contribuable, elle a donc engagé un coût égal à leur juste valeur marchande.

[19]      Je reconnais, par exemple, qu"une personne qui recevrait un tableau de Picasso en cadeau et l"échangerait contre un avoir minier canadien aurait le droit d"ajouter la juste valeur marchande du tableau à son compte de FBCPG , comme représentant le coût de cet avoir minier. Malheureusement, cette analogie ne tient pas. En l"espèce, les faits ne démontrent pas que les parties au contrat ont " troqué " ou " échangé " un bien distinct contre un autre. C"est-à-dire que la société en commandite et la contribuable n"ont pas conclu de contrat par lequel la contribuable convient de se départir de ses droits de cessionnaire de Lone Rock en échange des avoirs miniers. Les avoirs miniers lui ont plutôt été dévolus en raison de sa qualité de cessionnaire de Lone Rock.

[20]      Selon l"alinéa 98(1)a ) de la Loi de l"impôt sur le revenu, une société de personne est réputée ne pas avoir cessé d"exister " aussi longtemps que tous les biens ... n"ont pas été attribués aux personnes qui ont le droit de les recevoir, en vertu de la loi ". En l"espèce, la contribuable a le droit de recevoir les biens de la société en commandite, en vertu de la loi, et non d"un contrat, en sa qualité de cessionnaire du commanditaire original, Lone Rock. L"alinéa 98(1)a ) n"a pas pour objet de créer un lien contractuel entre la société de personnes et une personne qui a le droit d"en recevoir les biens. La contribuable n"a pas eu à fournir de contrepartie valable à la société en commandite en échange des biens, car elle y avait droit en vertu de la loi en raison de sa participation de cessionnaire. Dans ces circonstances, on ferait tout simplement erreur en parlant de la fourniture par la contribuable d"une contrepartie valable pour l"obtention d"une chose à laquelle elle avait droit en vertu d"une disposition législative et non d"une stipulation contractuelle. Le droit de la contribuable à la restitution de l"apport de Lone Rock dans la société en commandite en vertu du paragraphe 65(3) de la Partnership Act a été exécuté lorsqu"elle a reçu les avoirs miniers. Elle ne s"est pas départie de ce droit; il s"est éteint lorsqu"elle a reçu les avoirs miniers.

[21]      Je reconnais qu"à première vue, l"analogie avec le tableau peut sembler attrayante, mais on ne peut perdre de vue les faits en cause en l"espèce. La stratégie fiscale voulait que la contribuable acquière la participation de 99,99 p. 100 de Lone Rock dans la société en commandite, qui lui donnait droit à 99,9 p. 100 des bénéfices et, au moment de la dissolution de la société de personnes, à 99,9 p. 100 des avoirs miniers en cause. La contribuable n"a acquis que des droits de cessionnaire en vertu du contrat conclu entre elle et Lone Rock. Toutefois l"un de ces droits était celui de recevoir l"apport de Lone Rock dans la société en commandite. Ce droit s"est matérialisé au moment de la dissolution de la société en commandite. À ce moment, la contribuable n"a pas conclu de nouveau contrat pour acquérir les avoirs miniers, et ce pour deux raisons : (1) il était inutile de conclure un contrat puisque la contribuable avait droit au titre en common law sur ces avoirs miniers par application de la loi, c"est-à-dire en sa qualité de cessionnaire de Lone Rock dans la société en commandite; (2) il n"existait pas d"autre partie avec laquelle conclure le contrat. Lone Rock et la société en commandite avaient toutes les deux cessé d"exister et la société à numéro ne possédait qu"une participation de 0,01 p. 100 contre laquelle elle avait fait un apport de 1 200 $ (soit environ 0,01 p. 100 de la valeur des avoirs miniers de 12,3 millions de dollars). C"est pour cela que l"alinéa 98(1)a ) de la Loi de l"impôt sur le revenu prolonge l"existence de la société de personnes uniquement aux fins de l"attribution de ses biens. L"attribution se fait en conformité avec les droits préexistants des personnes intéressées, et non en vertu d"un contrat.

[22]      Il faut distinguer la présente affaire de l"analogie avec un tableau. En l"espèce, il n"existe qu"un échange ou contrat. L"analogie avec un tableau comporte deux opérations distinctes. La première est un don. La deuxième est un contrat en vertu duquel le tableau est échangé contre des avoirs miniers canadiens. On ne retrouve pas dans le présent appel les éléments de " troc " ou d"" échange " qui constituent les caractéristiques distinctives de la deuxième opération dans l"analogie avec le tableau. En l"espèce, il n"existe qu"un contrat entre Lone Rock et la contribuable, par lequel cette dernière acquiert certains droits en qualité de cessionnaire, qui lui donnent droit à la propriété en common law de certains biens dans lesquels Lone Rock avait une participation. Selon l"argument de la contribuable, la personne qui se départit du droit sur un bien en acquérant le titre en common law sur ce bien a le droit d"ajouter la juste valeur marchande de l"avoir minier à son compte de FBCPG. Il ne peut en être ainsi.

[23]      En définitive, tout ce que la contribuable a fait, c"est d"acquérir les avoirs miniers canadiens appartenant à l"origine à Lone Rock, indirectement plutôt que directement et sans contracter quelque obligation juridique que ce soit qui pourrait être considérée comme des débours ou des frais au sens des alinéas 66.4(5)a) et b) de la Loi de l"impôt sur le revenu. En d"autres termes, la contribuable a bel et bien acquis le droit au titre en common law sur le seul bien détenu par la société de personnes, mais sans payer quelque prix que ce soit ni contracter d"obligation exécutoire en droit. En se départant de ce droit en échange du bien même auquel il se rattachait, elle ne peut être considérée comme s"étant départie d"un bien en échange d"un autre.

[24]      Je suis d"avis de rejeter l"appel avec dépens.

    

     " J.T. Robertson "

     J.C.A.

Traduction certifiée conforme



Laurier Parenteau, LL.L.





Date : 20000118


Dossier : A-359-98

CORAM :      LE JUGE ROBERTSON

         LE JUGE ROTHSTEIN

         LE JUGE MCDONALD

ENTRE :

BOW RIVER PIPELINES LTD.,


appelante,

- et -


SA MAJESTÉ LA REINE,


intimée.




MOTIFS DU JUGEMENT


LE JUGE ROTHSTEIN


LA QUESTION EN LITIGE


[1]          Le présent appel d"une décision de la Cour canadienne de l"impôt porte sur le coût que l"appelante a le droit d"ajouter, le cas échéant, à son compte de frais cumulatifs à l"égard de biens canadiens relatifs au pétrole et au gaz (FBCPG) en vertu des alinéas 66.4(5)a ) et b) de la Loi de l"impôt sur le revenu relativement à certains avoirs miniers canadiens qu"elle a acquis.


LA DÉCISION DE LA COUR CANADIENNE DE L"IMPÔT


[2]          Le juge de la Cour canadienne de l"impôt a statué que le coût que l"appelante avait le droit d"ajouter à son compte de FBCPG en vertu des alinéas 66.4(5)a ) et b) était nul en l"espèce.



[3]          Sur le plan pratique, cette conclusion signifie que le bien sera considéré comme s"il n"avait pas de coût, de sorte qu"au moment de sa disposition, la totalité du produit de disposition de ce bien constituera un revenu imposable1.

LES DISPOSITIONS LÉGISLATIVES PERTINENTES


[4]          L"alinéa 66.4(5)b )(i) permet au contribuable d"ajouter à son compte de FBCPG cumulatifs " le total de tous les frais à l"égard de biens canadiens relatifs au pétrole et au gaz faits ou engagés par le contribuable avant ce moment ". L"alinéa 66.4(5)a ) définit les " frais à l"égard de biens canadiens relatifs au pétrole et au gaz " d"un contribuable comme " tous débours ou frais engagés ou supportés ... qui représentent ... le prix, pour lui, d"un bien visé au sous-alinéa 66(15)c )(i), (iii) ou (iv) ou d"un droit sur un tel bien ". Les parties ont convenu que le bien en cause répond à la définition énoncée au sous-alinéa 66(15)c )(i), (iii) ou (iv). La question à trancher est celle du montant des débours ou frais qu"a engagés l"appelante, le cas échéant, pour acquérir l"avoir minier canadien.


LES FAITS


[5]          Comme on pourrait s"y attendre, une série d"opérations, motivées en partie par des considérations de planification fiscale, ont précédé l"acquisition de l"avoir minier canadien par l"appelante. Certaines ont fait l"objet d"instances antérieures devant la Cour canadienne de l"impôt et devant la présente Cour2. Toutefois, pour trancher le présent appel, il n"est pas nécessaire d"examiner ces opérations ou instances antérieures, sauf accessoirement. Les opérations pertinentes quant à l"appel ont débuté le 29 septembre 1986.



[6]          Le 29 septembre 1986, Lone Rock Resources Ltd., une filiale à part entière de l"appelante, a cédé à l"appelante la totalité de ses biens, de ses éléments d"actifs et de ses entreprises. Le seul bien d"importance appartenant à Lone Rock était une participation de 99,9 p. 100 dans la société en commandite LRR. En qualité de cessionnaire des biens de Lone Rock, l"appelante croyait être devenue " commanditaire subrogé " de la société en commandite LRR, mais la présente Cour a déjà statué que l"appelante n"était jamais devenue associée parce que, semble-t-il, certaines conditions fixées par la Partnership Act de l"Alberta n"avaient pas été respectées3. Par conséquent, l"appelante avait simplement la qualité de cessionnaire d"une participation dans une société en commandite en vertu du paragraphe 65(3) de la Partnership Act . Voici cette disposition :

[Traduction] Le cessionnaire qui ne devient pas commanditaire subrogé n'a pas le droit
     a) de demander des renseignements ou d'exiger qu'il soit rendu compte des opérations de la société; ou
     b) d'inspecter les livres de la société,
mais il a uniquement le droit de recevoir la quote-part des bénéfices ou toute autre rémunération sous forme de revenu ou la restitution de son apport, auxquelles le cédant aurait par ailleurs eu droit.



[7]          Par la suite, le 29 septembre 1986, Lone Rock Resources Ltd. a été dissoute.



[8]          Le 30 septembre 1986, l"appelante a conclu une convention relative à l"attribution avec la société en commandite LRR, en vertu de laquelle la société en commandite a transféré tous ses biens à l"appelante. Ces biens comprenaient un avoir minier canadien qui avait été l"apport de Lone Rock Resources dans la société en commandite et qui, le 30 septembre 1986, avait une juste valeur marchande non contestée de 12 276 297 $4.



[9]          L"appelante soutient que, pour acquérir l"avoir minier canadien de la société en commandite, elle s"est départie de sa participation de cessionnaire de Lone Rock dans la société en commandite et que cette participation valait 12 276 297 $. L"appelante affirme que c"est là le coût qu"elle a engagé pour acquérir l"avoir minier canadien.


LES MOTIFS DU JUGE DE LA COUR DE L"IMPÔT


[10]          Le juge de la Cour de l"impôt a rejeté l"argument de l"appelante. Il a d"abord statué que la société en commandite avait été dissoute le 29 septembre 1986 et non le 30 septembre 1986 :

Le registraire délivre un certificat de dissolution à l'égard de Lone Rock en vertu de la Business Corporations Act de l'Alberta. Le paragraphe 203(6) de cette loi prévoit ceci : " La corporation cesse d'exister à la date indiquée dans le certificat de dissolution. " La date indiquée dans le certificat est le 29 septembre 1986. À mon avis, il y a donc eu dissolution ce jour-là.



[11]          Les motifs fournis par le juge de la Cour de l"impôt à l"appui de sa conclusion que la société en commandite a cessé d"exister le 29 septembre 1986 sont assez énigmatiques. Il peut cependant avoir cru que, compte tenu de la dissolution de Lone Rock et du fait que l"appelante n"est pas devenue commanditaire subrogé, la société en commandite LRR n"avait pas de commanditaire et que, sans commanditaire, une société en commandite ne peut exister. Le paragraphe 50(2) de la Partnership Act de l"Alberta prévoit :

[Traduction] Une société en commandite est composée
a) d"une ou de plusieurs personnes qui sont les commandités,
b) d"une ou plusieurs personnes qui sont les commanditaires.

Peu importe son motif, le juge de la Cour de l"impôt a conclu que la société en commandite avait été dissoute le 29 septembre 1986.



[12]          Compte tenu de la dissolution de la société en commandite, le juge de la Cour de l"impôt a ensuite conclu que l"appelante était devenue propriétaire de l"avoir minier appartenant à la société en commandite, non pas en engageant des débours ou des frais, mais simplement en raison de la dissolution de la société en commandite :

L'appelante est de fait devenue propriétaire des avoirs miniers canadiens qui appartenaient à la société en commandite. Cependant, cela s'est produit au moment où la société en commandite a été dissoute le 29 septembre 1986. À ce moment-là, l'appelante possédait une participation de 99,99 p. 100 dans la société et il n'est pas soutenu ou établi que les biens de la société visés par cette participation auraient pu être dévolus à une corporation ou à un particulier, à part l'appelante. La dissolution n'a pas eu lieu parce que l'appelante avait engagé une dépense. Elle résultait de l'échec d'un projet de planification fiscale destiné à assurer un transfert libre d'impôt en vertu du paragraphe 98(5), cet échec étant attribuable au fait que l'appelante n'était pas devenue membre de la société en commandite.



[13]          Enfin, le juge de la Cour de l"impôt a conclu que l"appelante ne s"était départie de rien pour recevoir l"avoir minier canadien :

En fait, l'appelante n'a pas renoncé à quoi que ce soit en faveur d'un autre intéressé. Elle a reçu des avoirs miniers au moment de la dissolution de la société en commandite. Tout droit qui peut avoir pris naissance en raison de l'application du paragraphe 65(3) de la Partnership Act aurait été exercé au moment de la réception par l'appelante des avoirs miniers. Pareil droit se serait éteint, non à cause de la renonciation, mais parce que, étant donné que les avoirs miniers avaient été dévolus à l'appelante, pareil droit s'était éteint.

LA THÈSE DE L"APPELANTE


[14]          L"appelante soutient que, pour l"application de la Loi de l"impôt sur le revenu, la société en commandite n"a pas cessé d"exister le 29 septembre 1986. En conséquence, en sa qualité de cessionnaire des biens de Lone Rock le 29 septembre 1986, l"appelante avait acquis à cette date une participation de cessionnaire dans la société en commandite en conformité avec le paragraphe 65(3) de la Partnership Act , cette participation de cessionnaire était un bien meuble par application du paragraphe 54(2) de la Partnership Act et, au moment de l"attribution de l"avoir minier canadien de la société en commandite à l"appelante, le 30 septembre 1986, l"appelante s"est départie de son bien meuble, savoir sa participation de cessionnaire, en échange de l"avoir minier canadien. L"appelante fait valoir que sa participation de cessionnaire dans la société en commandite, qui est un bien meuble, constituait des frais engagés pour recevoir l"avoir minier canadien.

LA THÈSE DE L"INTIMÉE


[15]          L"intimée s"appuie sur les motifs du juge de la Cour de l"impôt et affirme que, au moment où l"avoir minier canadien a été dévolu à l"appelante, son droit sur un bien meuble a cessé d"exister, qu"elle ne s"en est pas départie et qu"aucun prix n"a été supporté par l"appelante pour acquérir l"avoir minier canadien.

ANALYSE


[16]          Je suis du même avis que l"appelante que la société en commandite n"a pas cessé d"exister le 29 septembre 1986, pour l"application de la Loi de l"impôt sur le revenu. L"alinéa 98(1)a ) de la Loi de l"impôt sur le revenu prévoit :

(1) Aux fins de la présente loi, si une société, à une date quelconque après 1971, était considérée, sans le présent paragraphe, comme ayant cessé d'exister, les règles suivantes s'appliquent:
     (a) aussi longtemps que tous les biens de la société et tous ceux qui leur ont été substitués n'ont pas été attribués aux personnes qui ont le droit de les recevoir, en vertu de la loi, la société est réputée ne pas avoir cessé d'exister et chaque personne qui était un associé est réputée ne pas avoir cessé d'être associé.



[17]          Le juge de la Cour de l"impôt estimait que l"alinéa 98(1)a ) ne s"appliquait pas en l"espèce :

À mon avis, cette disposition ne s'appliquait pas de façon à prolonger l'existence de la société en commandite ou à maintenir la participation des associés parce qu'il n'existe aucune raison apparente de le faire en vertu de la Loi. Il n'est pas établi et il n'est pas soutenu que la société devait continuer à exister ou que les associés devaient continuer à avoir cette qualité afin de déterminer le revenu de la société ou l'obligation fiscale des associés ou de l'appelante à l'égard de ce revenu ou à toute autre fin pertinente aux fins de l'impôt.



[18]          À mon humble avis, les motifs fournis par le juge de la Cour de l"impôt ne tiennent pas compte du libellé de l"alinéa 98(1)a ). Cette disposition dit simplement que la société de personnes est " réputée ne pas avoir cessé d"exister " " aussi longtemps que tous les biens de la société ... n'ont pas été attribués aux personnes qui ont le droit de les recevoir ".



[19]          Il semble que le juge ait établi une correspondance entre le droit dont bénéficiait l"appelante en vertu de sa participation de cessionnaire de recevoir 99,99 p. 100 du bien de la société en commandite au moment de sa dissolution et l"attribution de ce bien à l"appelante. S"il en était ainsi, l"alinéa 98(1)a ) ne s"appliquerait pas pour prolonger l"existence de la société en commandite après le 29 septembre 1986. Toutefois, le contexte de l"alinéa 98(1)a ) indique qu"il n"y a pas d"équivalence entre le droit de recevoir le bien d"une société de personnes au moment de sa dissolution et son attribution. En d"autres termes, ce droit comporte un droit en equity de recevoir le bien alors que l"attribution signifierait le transfert du titre en common law sur le bien. Cette disposition reconnaît que, pour l"application de la Loi de l"impôt sur le revenu, un événement donnant lieu à la dissolution n"entraîne pas automatiquement l"attribution des biens de la société de personnes aux associés. Une opération attribuant les biens est nécessaire. L"avocat de l"appelante souligne que le rôle de l"alinéa 98(1)a ) consiste à garantie que les conséquences fiscales ne dépendent pas du fait qu"une société de personnes est dissoute en vertu de la loi avant que ses biens soient attribués.



[20]          En l"espèce, l"opération distincte emportant l"attribution a été conclue le 30 septembre 1986. Si l"on tient pour avéré, sans en décider, que le juge de la Cour de l"impôt a eu raison de statuer que la société en commandite a été dissoute le 29 septembre 1986 par application des règles de droit régissant les sociétés de personnes, la société en commandite n"a pas cessé d"exister pour l"application de la Loi de l"impôt sur le revenu en raison de l"alinéa 98(1)a ) de la Loi de l"impôt sur le revenu avant que l"avoir minier canadien soit attribué le 30 septembre 1986.



[21]          Avant que la société en commandite cesse d"exister, l"appelante était cessionnaire de la participation de LONE Rock dans la société en commandite, ce qui lui donnait droit à l"apport de LONE Rock dans la société en commandite en vertu du paragraphe 65(3) de la Partnership Act . L"apport de LONE Rock était l"avoir minier canadien.



[22]          Je partage l"opinion de l"appelante que sa participation de cessionnaire dans la société en commandite constituait un bien meuble. Selon le paragraphe 54(2) de la Partnership Act , la participation du commanditaire dans la société en commandite est un bien meuble. La cession de cette participation doit aussi constituer un bien meuble. La participation de cessionnaire de l"appelante, à l"époque pertinente, avait une valeur de 12 276 297 $. À la suite de l"attribution de l"avoir minier canadien de la société en commandite à l"appelante, celle-ci a cessé d"avoir droit au bien de la société en commandite, puisque ce droit avait été exécuté. Il s"ensuit nécessairement que l"appelante s"est départie de sa participation dans la société en commandite, qui était un bien meuble, en échange de l"avoir minier canadien.



[23]          Il n"est pas nécessaire que des débours ou frais soient engagés en argent comptant. En l"espèce, l"appelante a engagé un débours en se départant de sa participation de cessionnaire dans la société en commandite contre les biens de la société en commandite. La participation de cessionnaire, qui constituait un bien meuble, valait 12 276 297 $ et cette somme représente le prix de l"avoir minier canadien pour l"appelante.



[24]          Mon collègue, le juge Robertson, conclut que Bow River n"a pas supporté de coût pour acquérir le tire en common law sur l"avoir minier canadien. Si je comprends bien ses motifs, il estime nécessaire de tenir compte des opérations au moyen desquelles Bow River a obtenu sa participation de cessionnaire dans la société en commandite. Comme il est d"avis que Bow River n"a rien payé en échange de sa participation de cessionnaire et comme c"est sa participation de cessionnaire qui donne à Bow River le droit, en vertu de la loi, d"obtenir l"avoir minier canadien de la société en commandite au moment de sa dissolution, il conclut que Bow River n"a supporté aucun coût pour obtenir l"avoir minier canadien.



[25]          Je suis d"accord avec le juge Robertson pour dire que Bow River a le droit, en vertu de la loi, d"obtenir l"avoir minier canadien de la société en commandite au moment de la dissolution de la société en commandite et que ce droit lui est conféré en raison de sa participation de cessionnaire dans la société en commandite. Toutefois, je ne suis pas d"accord pour dire qu"il est pertinent de tenir compte de ce que Bow River a payé en échange de sa participation de cessionnaire. À mon avis, ce qui est pertinent, c"est la valeur et non le coût de la participation de cessionnaire de Bow River.



[26]          L"appelante soutient et l"intimée ne conteste pas que la juste valeur marchande de la participation de cessionnaire s"élevait à 12 276 297 $ immédiatement avant la dissolution de la société en commandite. La participation de cessionnaire constitue un bien meuble de Bow River. Avant la dissolution de la société en commandite, Bow River aurait pu céder cette participation de cessionnaire à un tiers en contrepartie d"une somme d"argent. Le prix de vente de la participation de cessionnaire n"aurait pas correspondu à son coût pour Bow River, mais à sa juste valeur marchande à l"époque pertinente, soit 12 276 297 $. Si Bow River avait alors acheté l"avoir minier canadien à la société en commandite contre une somme d"argent, elle aurait payé 12 276 297 $ à la société en commandite. Il serait été évident que Bow River a supporté un coût de 12 276 297 $ pour cet avoir minier canadien.




[27]          Plutôt que Bow River cède sa participation de cessionnaire à un tiers et utilise le produit obtenu pour acheter l"avoir minier canadien, l"avoir minier canadien a été dévolu à Bow River en raison de son droit, rattaché à sa participation de cessionnaire dans la société en commandite, aux biens de la société en commandite au moment de sa dissolution. L"effet net est toutefois le même. Bow River avait à l"origine un bien meuble valant 12 276 297 $ et aucun bien immeuble, alors qu"elle a maintenant un bien immeuble d"une valeur de 12 276 297 $ et aucun bien meuble.



[28]          Pour dire que Bow River n"a supporté aucun coût pour obtenir l"avoir minier canadien il faut n"attribuer aucune valeur à la participation de cessionnaire. Cela serait contraire aux faits établissant que la participation de cessionnaire avait, à l"époque pertinente, une valeur de 12 276 297 $.



[29]          Pour ces motifs, je ne partage pas l"opinion de mon collègue le juge Robertson sur l"issue de l"appel.

CONCLUSION


[30]          Je conclus que le coût que l"appelante a le droit d"ajouter à son compte de FBCPG en vertu des alinéas 66.4(5)a ) et b) de la Loi de l"impôt sur le revenu relativement à l"avoir minier canadien qu"elle a reçue à la dissolution de la société en commandite LRR s"élève à 12 276 297 $.



[31]          Je suis d"avis d"accueillir l"appel avec dépens devant la présente Cour et la Cour de l"impôt et de renvoyer l"affaire au ministre du Revenu national pour qu"il établisse une nouvelle cotisation à l"égard de l"appelante en conformité avec les présents motifs.

     " Marshall Rothstein "

     J.C.A.

" Je souscris à ces motifs,

F. Joseph McDonald "



Traduction certifiée conforme


Laurier Parenteau, LL.L.

COUR FÉDÉRALE

SECTION D"APPEL


AVOCATS ET AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER



DOSSIER :                  A-359-98
INTITULÉ DE LA CAUSE :      BOW RIVER PIPELINES LTD,

                     c.

                     SA MAJESTÉ LA REINE

LIEU DE L"AUDIENCE :          EDMONTON (ALBERTA)
DATE DE L"AUDIENCE :      1er décembre 1999

MOTIFS DU JUGEMENT

PRONONCÉS PAR :          MONSIEUR LE JUGE ROTHSTEIN
Y A SOUSCRIT :              MONSIEUR LE JUGE McDONALD

MOTIFS DE DISSIDENCE

PRONONCÉS PAR :          MONSIEUR LE JUGE ROBERTSON
DATE DES MOTIFS :          18 janvier 2000

ONT COMPARU :

Me Al Meghji

Me Gerald Grenon              POUR L"APPELANTE
Me Bonnie Moon              POUR L"INTIMÉE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Donahue & Associés

Toronto (Ontario)

Bennett Jones

Calgary (Alberta)              POUR L"APPELANTE

Me Morris Rosenberg

Sous-procureur général

du Canada

Ottawa (Ontario)              POUR L"INTIMÉE
__________________

1      L"avocat de l"appelante a dit à la Cour que le coût d"un avoir minier canadien est reconnu par un ajout au compte de FBCPG cumulatifs du contribuable. Lorsqu"un contribuable dispose d"un avoir minier canadien, il en déduit le produit de disposition de son compte. Si le montant inscrit au compte du contribuable devient égal à zéro, le produit de la vente d"un avoir minier canadien peut être traité comme un revenu imposable.

2      Bow River Pipe Lines Ltd. c. Canada (17 avril 1996), no de dossier 94-619(IT)G (C.C.I.), [1996] J.C.I. no 364 (QL); requête en réexamen rejetée, 96 D.T.C. 1414; appel accueilli en partie (1997), 216 N.R. 123 (C.A.F.).

3      R.S.A. 1980, ch. P-2.

4      La Cour s"est fait dire que la société en commandite n"avait pas d"autre bien important que l"avoir minier canadien et aucune dette importante.

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