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     Date : 2000920

     Dossier : A-414-98


OTTAWA (ONTARIO), LE MERCREDI 20 SEPTEMBRE 2000

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE STRAYER

CORAM :      LE JUGE STRAYER, J.C.A.

         LE JUGE ISAAC, J.C.A.

         LE JUGE SHARLOW, J.C.A.


E N T R E :

     SA MAJESTÉ LA REINE

     demanderesse

     -- et --

     ADELE SCHAFER

     défenderesse


JUGEMENT

     La demande de contrôle judiciaire est accueillie avec dépens, l'ordonnance de la Cour de l'impôt datée du 3 juin 1998 est annulée, et l'affaire est renvoyée à la Cour de l'impôt pour fins de réexamen sur le fondement que la requête en annulation aurait dû être accueillie avec dépens au motif qu'en vertu de l'alinéa 304(5)a) de la LTA, la Cour de l'impôt n'avait pas la compétence pour proroger le délai applicable au dépôt de l'avis d'opposition.

B. L. Strayer

J.C.A.

Traduction certifiée conforme

    

Bernard Olivier, B.A., LL.B.

     Date : 2000920

     Dossier : A-414-98





CORAM :      LE JUGE STRAYER, J.C.A.

         LE JUGE ISAAC, J.C.A.

         LE JUGE SHARLOW, J.C.A.




E N T R E :


     SA MAJESTÉ LA REINE

     demanderesse

     -- et --

     ADELE SCHAFER

     défenderesse



Audition tenue à Saskatoon (Saskatchewan), le jeudi 25 mai 2000


JUGEMENT rendu à Ottawa (Ontario), le mercredi 20 septembre 2000


MOTIFS DE JUGEMENT PAR :      LE JUGE ISAAC, J.C.A.

Y A SOUSCRIT :      LE JUGE STRAYER, J.C.A.

    

MOTIFS DE JUGEMENT CONCORDANTS PAR :      LE JUGE SHARLOW, J.C.A.




Date: 2000920

Dossier : A-414-98

CORAM :      LE JUGE STRAYER, J.C.A.

         LE JUGE ISAAC, J.C.A.

         LE JUGE SHARLOW, J.C.A.

E N T R E :

     SA MAJESTÉ LA REINE

     demanderesse

     - et -


     ADELE SCHAFER

     défenderesse


     MOTIFS DU JUGEMENT

LE JUGE ISAAC, J.C.A.

[1]      Il s'agit d'une demande de contrôle judiciaire de la décision dans laquelle la Cour canadienne de l'impôt a rejeté l'appel que la défenderesse avait formé contre une décision du ministre du Revenu national (le ministre), qui avait rejeté sa demande de prorogation du délai applicable au dépôt d'un avis d'opposition. La Cour de l'impôt a rejeté l'appel du contribuable et accueilli la requête en annulation du ministre au motif qu'il n'était pas nécessaire d'accueillir la demande de prorogation de délai de la défenderesse vu que la demande avait été déposée dans le délai de 90 jours prévu par la loi.

[2]      Les faits pertinents sont simples. En 1993, la Willows Golf Corporation devait à la Couronne du chef du Canada la somme de 116 033,30 $ au titre de la taxe sur les produits et services fédérale (la TPS) payable en vertu de la Loi sur la taxe d'accise1, somme qu'elle n'était pas en mesure de payer. La Couronne a jugé que la Willows Golf Corporation avait transféré à tout le moins le même montant d'argent ou des biens d'une valeur équivalente à son principal actionnaire, Reginald Shafer, pour une considération moindre que la juste valeur marchande et qu'en conséquence, il était responsable du fait d'autrui, aux termes de l'article 325 de la LTA, pour ce qui de la somme que devait la Willows Golf Corporation au titre de la TPS. Il a été apprécié sur ce fondement.

[3]      La Couronne a également jugé que M. Schafer avait transféré les mêmes montants à son épouse, Adele Schafer, afin qu'elle puisse faire des paiements hypothécaires relatifs à leur demeure, et qu'en raison de ce transfert, elle était également responsable du fait d'autrui aux termes de l'article 325 de la LTA pour ce qui est de la somme que devait M. Schafer au titre de la TPS, qui, en fait, était la somme que devait la Willows Golf Corporation à ce titre. Le ministre du Revenu national (le ministre) a posté deux avis de cotisation à Mme Schafer le 24 août 1993 qui totalisait 83 001,78 $. Madame Schafer a reçu ces avis, consulté son avocat, puis déposé des avis d'opposition.

[4]      Le ministre a posté un troisième avis de cotisation à l'intention de Mme Schafer le 2 septembre 1993 pour les 33 031,62 $ qu'il restait à payer au titre de la TPS. Elle devait déposer un avis d'opposition dans un délai de 90 jours suivant cette date. Madame Schafer a déclaré dans son témoignage, que le juge de la Cour de l'impôt a accepté, qu'elle n'avait jamais reçu l'avis. Elle a témoigné en outre qu'elle avait pour la première fois entendu parler de l'avis dans le cadre d'un interrogatoire préalable qui a eu lieu le 20 juillet 1996. Le 18 septembre 1996, ses procureurs ont écrit au ministre en vue d'obtenir, aux termes de l'article 303 de la LTA, une prorogation du délai applicable au dépôt d'un avis d'opposition à l'égard de cet avis de cotisation. Le ministre a reçu la demande le 23 septembre 1996. Il l'a rejetée le 23 octobre suivant. Le 18 novembre 1996, la défenderesse a présenté à la Cour de l'impôt une nouvelle demande de prorogation de délai. Le 20 mars 1998, la demanderesse a demandé à la Cour de l'impôt de rendre une ordonnance annulant la demande de prorogation de la défenderesse au motif qu'en vertu de l'alinéa 304(5)a) de la LTA, la Cour de l'impôt n'avait pas compétence pour trancher une telle demande. Le ministre a fondé cette demande sur le fait que la demande de prorogation de délai en vertu du paragraphe 303(1) de la LTA n'avait pas été présentée au cours de l'année suivant l'expiration du délai prévu ailleurs dans la partie IX de la LTA pour formuler une opposition. Le juge de la Cour de l'impôt a rejeté la demande et accueilli la requête en annulation au motif que la demande n'était pas nécessaire vu que le délai applicable à la formulation d'une opposition n'avait commencé à courir que le 20 juillet 1996, soit le jour où la défenderesse avait reçu l'avis de cotisation. La présente demande de contrôle judiciaire que le ministre a formée contre cette décision est fondée sur la prétention que la Cour de l'impôt n'a pas la compétence voulue pour traiter de la question.

[5]      Le ministre a mis en doute, devant la Cour de l'impôt, la crédibilité de l'allégation de Mme Schafer selon laquelle elle n'aurait jamais reçu l'avis de cotisation. Le juge de la Cour de l'impôt a estimé qu'elle était un témoin crédible, malgré le fait qu'elle a fait plusieurs fausses déclarations au sujet des condamnations antérieures de son époux pour fraude. Le ministre a de nouveau soutenu devant nous que Mme Schafer avait, en fait, reçu l'avis de cotisation avant le 20 juillet 1996.

[6]      Le ministre a également fait valoir que le juge de la Cour de l'impôt n'aurait pas dû croire Mme Schafer. Avec égards, je suis d'avis que la présente demande de contrôle judiciaire ne peut être accueillie sur ce fondement vu l'absence de toute erreur manifeste justifiant l'intervention de notre Cour à l'égard de la décision du juge de la Cour de l'impôt en ce qui concerne cette conclusion en matière de crédibilité. Il ne revient pas à notre Cour d'infirmer une conclusion qu'un juge de première instance a tirée sauf s'il existe des motifs irrésistibles de le faire . Le juge de la Cour de l'impôt a cru Mme Schafer, et nous devons donc accepter cette conclusion.

[7]      Avec égards, je suis cependant d'avis que les dispositions pertinentes de la LTA prévoient clairement que le délai applicable au dépôt d'un avis d'opposition commence à courir à la date où le ministre envoie l'avis de cotisation et que la réception de cet avis ne constitue pas une condition préalable. Voici le libellé de ces dispositions :

300. (1) After making an assessment, the Minister shall send to the person assessed a notice of the assessment.

301(1.1) Any person who has been assessed and who objects to the assessment may, within ninety days after the day notice of the assessment is sent to the person, file with the Minister a notice of objection in the prescribed form and manner setting out the reasons for the objection and all relevant facts.

303.(1) Where no objection to an assessment is filed under section 301 . . . within the time limit otherwise provided, a person may make an application to the Minister to extend the time for filing a notice of objection . . . and the Minister may grant the application.

304.(1) A person who has made an application under section 303 may apply to the Tax Court to have the application granted after either

     (a) the Minister has refused the application, or
     (b) ninety days have elapsed after service of the application under subsection 303(1) and the Minister has not notified the person of the Minister's decision,

but no application under this section may be made after the expiration of thirty days after the day the decision has been mailed to the person under subsection 303(5).

304(5) No application shall be granted under this section unless

     (a) the application was made under subsection 303(1) within one year after the expiration of the time otherwise limited by this Part for objecting . . . and

     (b) the person demonstrates that

         (i) within the time otherwise limited by this Act for objecting,
             (A) the person was unable to act or to give a mandate to act in the person's name, or
             (B) the person had a bona fide intention to object to the assessment or make the request,
         (ii) given the reasons set out in the application and the circumstances of the case, it would be just and equitable to grant the application, and
         (iii) the application was made under subsection 303(1) as soon as circumstances permitted it to be made.

     [Emphasis added.]


334. (1) For the purposes of this Part and subject to subsection (2), anything sent by first class mail or its equivalent shall be deemed to have been received by the person to whom it was sent on the day it was mailed.

            

335. (1) Where, under this Part or a regulation made under this Part, provision is made for sending by mail a . . . notice . . . an affidavit of an officer of the Agency, sworn before a commissioner or other person authorized to take affidavits, setting out that the officer has knowledge of the facts in the particular case, that such a . . . notice . . . was sent by registered or certified mail on a named day to the person to whom it was addressed (indicating the address), and that the officer identifies as exhibits attached to the affidavit the post office certificate of registration of the letter or a true copy of the relevant portion thereof and a true copy of the request, notice or demand, is evidence of the sending and of the request, notice or demand.

300.(1) Une fois une cotisation établie à l'égard d'une personne, le ministre lui envoie un avis de cotisation.

301(1.1) La personne qui fait opposition à la cotisation établie à son égard peut, dans les 90 jours suivant le jour où l'avis de cotisation lui est envoyé, présenter au ministre un avis d'opposition, en la forme et selon les modalités déterminées par celui-ci, exposant les motifs de son opposition et tous les faits pertinents.

303.(1) Le ministre peut proroger le délai pour produire un avis d'opposition dans le cas où la personne qui n'a pas fait opposition à une cotisation en application de l'article 301 . . . dans le délai par ailleurs imparti lui présente une demande à cet effet.

304.(1) La personne qui a présenté une demande en application de l'article 303 peut demander à la Cour canadienne de l'impôt d'y faire droit après:

     a) le rejet de la demande par le ministre;
     b) l'expiration d'un délai de 90 jours suivant la signification de la demande, si le ministre n'a pas avisé la personne de sa décision.

Toutefois, une telle demande ne peut être présentée après l'expiration d'un délai de 30 jours suivant l'envoi de la décision à la personne selon le paragraphe 303(5).

304.(5) Il n'est fait droit à la demande que si les conditions suivantes sont réunies:

     a) la demande a été présentée en application du paragraphe 303(1)dans l'année suivant l'expiration du délai par ailleurs imparti pour faire opposition . . .;

     b) la personne démontre ce qui suit:

         (i) dans le délai d'opposition par ailleurs imparti, elle n'a pu ni agir ni mandater quelqu'un pour agir en son nom, ou avait véritablement l'intention de faire opposition à la cotisation ou de présenter la requête,





         (ii) compte tenu des raisons indiquées dans la demande et des circonstances de l'espèce, il est juste et équitable de faire droit à la demande,
         (iii) la demande a été présentée dès que les circonstances le permettaient,
         (iv) l'opposition est raisonnablement fondée.

     [Non souligné dans l'original]

334.(1) Pour l'application de la présente partie, tout envoi en première classe ou l'équivalent est réputé reçu par le destinataire à la date de sa mise à la poste.


335.(1) Lorsque la présente partie ou un règlement d'application prévoit l'envoi par la poste . . . d'un avis . . . l'affidavit d'un fonctionnaire du ministère, souscrit en présence d'un commissaire ou autre personne autorisée à le recevoir, constitue la preuve de l'envoi . . . de l'avis, s'il indique que le fonctionnaire est au courant des faits de l'espèce, que la demande, l'avis ou la mise en demeure a été envoyé par courrier recommandé ou certifié à une date indiquée à l'intéressé dont l'adresse est précisée et que le fonctionnaire identifie comme pièces jointes à l'affidavit, le certificat de recommandation remis par le bureau de poste ou une copie conforme de la partie pertinente du certificat et une copie conforme de la demande, de l'avis ou de la mise en demeure.

[8]      Le paragraphe 301(1.1) de la LTA prévoit que la personne qui fait opposition à la cotisation établie par le ministre doit agir dans les 90 jours suivant le jour où l'avis de cotisation lui a été « envoyé » . La Cour de l'impôt est parvenue à la conclusion (que la défenderesse n'a pas contestée) que le ministre avait mis l'avis de cotisation dans le sac postal de Postes Canada le 2 septembre 1993. Cette interprétation du paragraphe 301(1.1) de la part de la Cour de l'impôt sous-entend que le mot « envoyé » signifie « reçu » par le contribuable.

[9]      Je sais que la Cour de l'impôt a donné une interprétation d'articles presque identiques de la Loi de l'impôt sur le revenu1 portant que le délai applicable ne commence pas à courir à moins que le contribuable ait reçu l'avis de cotisation dans le délai prévu par la loi2. Cependant, notre Cour a critiqué cette approche dans le passé. Dans l'arrêt Canada c. Bowen, le juge Stone de la Cour d'appel a cité un passage de la décision Antoniou de la Cour de l'impôt exigeant que l'avis ait été reçu pour que le délai commence à courir, puis il a dit :

En toute déférence, nous ne pouvons souscrire à cette conclusion. À notre avis, cette dernière ne tient pas compte du sens évident du paragraphe 165(3) et de l'article 169 de la Loi [de l'impôt sur le revenu] ...
À notre avis, l'obligation qui incombait au Ministre aux termes du paragraphe 165(3) correspondait précisément à ce qu'il a fait, c'est-à-dire aviser l'intimé de la ratification de la cotisation par courrier recommandé. Rien, dans ce paragraphe ni dans l'article 169, n'exigeait que la notification soit « signifiée » à personne ou soit reçue par le contribuable3.

[10]      La Cour suprême a conclu, dans l'arrêt Alberta (Treasury Branches) c. M.R.N., que si le libellé de la LTA n'était pas ambigu, celle-ci devait être appliquée de façon stricte et indépendamment de son objet. Voici ce que le juge Cory a écrit au nom des juges majoritaires :

. . . lorsqu'il n'y a aucun doute quant au sens d'une mesure législative ni aucune ambiguïté quant à son application aux faits, elle doit être appliquée indépendamment de son objet4.

[11]      Dans un certain nombre d'arrêts faisant intervenir la Loi de l'impôt sur le revenu, la Cour suprême du Canada a adopté une démarche similaire. Par exemple, dans l'arrêt Shell Canada Ltée c. Canada, le juge McLachlin (tel était alors son titre) a exprimé son point de vue sur la question, aux paragraphes 40 et 41 :

Deuxièmement, la jurisprudence fiscale de notre Cour est bien établie: l'examen de la « réalité économique » d'une opération donnée ou de l'objet général et de l'esprit de la disposition en cause ne peut jamais soustraire le tribunal à l'obligation d'appliquer une disposition non équivoque de la Loi à une opération du contribuable. Lorsque la disposition en cause est claire et non équivoque, elle doit simplement être appliquée: Continental Bank, précité, au par. 51, le juge Bastarache; Tennant, précité, au par. 16, le juge Iacobucci; Canada c. Antosko, [1994] 2 R.C.S. 312, aux pp. 326, 327 et 330, le juge Iacobucci; Friesen c. Canada, [1995] 3 R.C.S. 103, au par. 11, le juge Major; Alberta (Treasury Branches) c. M.R.N., [1996] 1 R.C.S. 963, au par. 15, le juge Cory.
Parce qu'ils n'ont pas suffisamment tenu compte de ces principes très importants, j'estime avec égards que le ministre et la Cour d'appel fédérale ont commis une erreur.5

[12]      Avec égards, je suis d'avis que les principes énoncés dans ces passages s'appliquent tout aussi bien à la présente affaire et que nous devrions éviter de susciter l'intervention de l'instance supérieure en adoptant la démarche de la Cour de l'impôt. L'alinéa 304(5)a) n'oblige pas le ministre à signifier l'avis de cotisation en personne au contribuable, voire même que celui-ci reçoive l'avis. Cet alinéa prévoit simplement que la Cour de l'impôt ne peut entendre une demande de prorogation de délai si elle a été présentée plus d'une année suivant l'expiration du délai prévu au paragraphe 301(1.1). Le paragraphe 301(1.1) prévoit que le délai commence à courir quatre-vingt-dix jours après que l'avis a été « envoyé » . En conséquence, la seule exigence applicable est que le ministre doit établir que l'avis a été envoyé. Il n'existe pas d'exigence selon laquelle l'avis doit avoir été reçu afin que le délai commence à courir. Le libellé du paragraphe 301(1.1) est clair et non ambigu et on doit l'appliquer indépendamment de son objet.

[13]      Cependant, même si, contrairement à la conclusion que j'ai tirée en ce qui concerne l'interprétation qu'il convient de donner au mot « envoyé » qui se trouve au paragraphe 301(1.1), ce mot signifiait que le contribuable doit avoir reçu l'avis de cotisation, le paragraphe 334(1) de la LTA s'applique de toute façon en l'espèce et la défenderesse est réputée avoir reçu l'avis de cotisation le 2 septembre 1993.

[14]      La Cour de l'impôt estime que ce paragraphe crée une présomption réfutable en ce qui concerne la date de réception de l'avis. Avec égards, je ne souscris pas à ce point de vue.

[15]      Dans l'arrêt St. Peter's Evangelical Lutheran Church (Ottawa) v. Ottawa (City), le juge McIntyre a dit :

Certes, il est vrai que les termes « réputé » ou « présomption » n'indiquent pas toujours une présomption décisive dans un texte législatif. Le terme doit être interprété en fonction de tout le contexte de la loi envisagée. . . . Toute autre conclusion [c.-à-d. toute conclusion autre qu'une disposition déterminative réfutable] ferait échouer l'ensemble du plan législatif conçu précisément pour assurer à la fois la conservation du patrimoine ontarien et la protection des propriétaires.6

La question revient donc à savoir si la conclusion selon laquelle le paragraphe 334(1) contient une disposition déterminative réfutable qui irait à l'encontre de la LTA est fondée.

[16]      Avec égards, je suis d'avis que le paragraphe 334(1) ne crée pas une présomption réfutable. Je suis parvenu à cette conclusion pour deux motifs. D'abord, je me suis fondé sur la conclusion que le juge Stone a tirée dans l'arrêt Bowen selon laquelle :

l'exigence de réception de l'avis serait difficile, sinon totalement impossible, à appliquer du point de vue administratif.7

Je suis d'accord qu'il serait extrêmement difficile d'administrer un régime, dans lequel l'avis est envoyé au contribuable par courrier ordinaire de première classe, qui obligerait le ministre à communiquer avec chaque personne à qui un avis de cotisation a été envoyé afin de s'assurer que chacun a bel et bien reçu l'avis.

[17]      Le deuxième motif a trait au paragraphe 335(1) de la LTA. Ce paragraphe décrit comment le ministre peut établir qu'il a effectivement envoyé l'avis de cotisation au contribuable. Il prévoit clairement qu'il incombe au ministre d'établir qu'il a envoyé l'avis à la défenderesse. Aucun paragraphe correspondant ne décrit comment le ministre ou le contribuable peut établir que ce dernier a reçu l'avis de cotisation. Avec égards, je suis d'avis que le fait que la LTA ne contienne pas de disposition décrivant la méthode permettant d'établir la réception ou l'absence de réception d'un avis de cotisation constitue une preuve forte qui démontre la nature péremptoire de la disposition déterminative.


[18]      Pour ces motifs, je suis donc d'avis d'accueillir la demande de contrôle judiciaire avec dépens, d'annuler l'ordonnance de la Cour de l'impôt datée du 3 juin 1998, et de renvoyer l'affaire à la Cour de l'impôt pour fins de réexamen sur le fondement que la requête en annulation aurait dû être accueillie avec dépens au motif qu'en vertu de l'alinéa 304(5)a) de la LTA, la Cour de l'impôt n'avait pas la compétence pour proroger le délai applicable au dépôt de l'avis d'opposition.

                                    

     (s) « Julius A. Isaac »

     J.C.A.

Je souscris à ces motifs

B.L. Strayer, J.C.A.




Traduction certifiée conforme


Bernard Olivier, B.A., LL.B.




Date : 2000912


Dossier : A-414-98


CORAM :      LE JUGE STRAYER, J.C.A.

         LE JUGE ISAAC, J.C.A.

         LE JUGE SHARLOW, J.C.A.

E N T R E :


SA MAJESTÉ LA REINE


demanderesse


- et


ADELE SCHAFER


défenderesse

     MOTIFS DE JUGEMENT

LE JUGE SHARLOW, J C.A.

[1]      J'ai lu l'ébauche des motifs de M. le juge Isaac. Je souscris à son raisonnement et à sa conclusion. J'aimerais cependant ajouter une remarque. Madame Schafer, qui a agi pour son propre compte dans la présente affaire, a exposé avec une clarté admirable son argument au sujet de la principale question litigieuse :

[TRADUCTION] ... il n'est que juste et équitable d'interpréter la Loi sur la taxe d'accise de façon à accorder à tout citoyen canadien l'occasion de former un appel contre l'établissement arbitraire d'une cotisation par un tiers lorsqu'il en est saisi et à empêcher Revenu Canada de se cacher derrière une interprétation technique des lois afin d'éviter de ne pas être assujetti à un examen indépendant, de la part de la Cour de l'impôt, des cotisations qu'il a établies.

[2]      Le juge de la Cour de l'impôt était de toute évidence d'accord avec le principe sous-tendant l'argument de Mme Schafer, comme je le suis moi-même, bien que je sois incapable de conclure que les dispositions de la Loi sur la taxe d'accise régissant les demandes de prorogation de délai peuvent raisonnablement être interprétées d'une façon qui permette à Mme Schafer de parvenir au résultat qu'elle escomptait.

[3]      Le raisonnement que le juge de la Cour de l'impôt a adopté en l'espèce a pour la première fois été exposé dans Antoniou c. M.R.N., 88 D.T.C. 1415 (C.C.I.). Dans cette décision, le juge Brulé a dit (à la page 1416) que l'alinéa 167(5)a) de la Loi de l'impôt sur le revenu (qui s'apparente à l'alinéa 303(5)a) de la Loi sur la taxe d'accise) :

[TRADUCTION] ... doit être interprété de façon à reconnaître que le législateur n'avait pas l'intention de priver un contribuable qui n'a pas reçu d'avis d'une cotisation du droit de s'y opposer.

[4]      La même approche a été empruntée dans d'autres cas, par exemple Rideau Arcades Ltd. c. M.R.N., 92 D.T.C. 1671 (C.C.I.), le juge Garon (tel était alors son titre) et Adler c. La Reine, 98 D.T.C. 1414 (C.C.I.), le juge Hamlyn.

[5]      Ce résultat est très valable. En effet, il ne contrevient pas de façon importante au régime que la Loi sur la taxe d'accise établit en matière d'établissement des cotisations et de recouvrement des impôts, tout en assurant que le contribuable ait l'occasion de contester l'établissement d'une cotisation dont il n'a pas été avisée à temps, sans faute de sa part, afin de respecter le délai prévu par la loi.

[6]      Les dispositions législatives en matière d'établissement de cotisations, d'oppositions et d'appels visent à fournir des règles claires permettant de déterminer si le ministre a rempli son obligation d'établir une cotisation, et à fournir des procédures par lesquelles les contribuables peuvent contester des cotisations susceptibles d'être erronées. Le législateur fédéral a choisi d'adopter une règle qui ne tient pas compte de la possibilité, même lointaine, que le contribuable puisse omettre de respecter le délai dans lequel il pouvait s'opposer ou former un appel en raison d'un manquement de la part du système postal. Je ne comprends pas pourquoi le législateur fédéral a choisi de priver les contribuables de l'occasion de contester une cotisation dont ils ignorent l'existence, mais il s'agit d'un choix que le législateur pouvait valablement faire.


                                     Karen R. Sharlow

                            





Traduction certifiée conforme


Bernard Olivier, B.A., LL.B.


     COUR D'APPEL FÉDÉRALE

     AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :                              A-414-98


INTITULÉ DE LA CAUSE :                  La Reine c. Adele Schafer


LIEU DE L'AUDIENCE :                      Saskatoon (Saskatchewan)


DATE DE L'AUDIENCE :                      le 25 mai 2000


MOTIFS DE JUGEMENT PAR :                  le juge Isaac, J.C.A.

Y A SOUSCRIT :                          le juge Strayer, J.C.A.

MOTIFS DE JUGEMENT CONCORDANTS PAR :      le juge Sharlow, J.C.A.


EN DATE DU :                          21 septembre 2000


ONT COMPARU :


M. Gordon Berscheid                          POUR L'APPELANTE

Mme Adele Schafer                          POUR SON PROPRE COMPTE


AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :


M. Morris Rosenberg

Sous-procureur général du Canada                  POUR L'APPELANTE

Ottawa (Ontario)

Mme Adele Schafer                          POUR SON PROPRE COMPTE

Saskatoon (Saskatchewan)






__________________

1..      L.R.C. (1985), ch. 1 (5e suppl.). Les dispositions de cette loi ont été récemment modifiées trop souvent pour que leur reproduction soit utile en l'espèce.

2..      Voir, par exemple, Antoniou c. MRN, 88 DTC 1415 [ci-après Antoniou] et Adler c. MRN, 98 DTC 1414.

3..      91 DTC 5594 (C.A. F.) aux pages 5595 et 5596.

4..      [1996] 1 R.C.S. 963, au par. 15.

5..      [1999] 3 R.C.S. 616, aux pages 641 et 642.

6..      [1982] 2 R.C.S. 616, à la page 629.

7..      Supra, note 4, à la page 5995.

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