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Date : 20040708

Dossier : A-92-03

Référence : 2004 CAF 253

CORAM :       LA JUGE DESJARDINS

LE JUGE NADON

LE JUGE PELLETIER

ENTRE :

                                        LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

                                                                                                                                          demandeur

                                                                             et

                                                           CAROL MERRIGAN

                                                                                                                                      défenderesse

                       Audience tenue à Saint-Jean (Terre-Neuve et Labrador), le 24 juin 2004.

                                      Jugement rendu à Ottawa (Ontario), le 8 juillet 2004.

MOTIFS DU JUGEMENT :                                                                          LA JUGE DESJARDINS

Y ONT SOUSCRIT :                                                                                             LE JUGE NADON

                                                                                                                         LE JUGE PELLETIER


Date : 20040708

Dossier : A-92-03

Référence : 2004 CAF 253

CORAM :       LA JUGE DESJARDINS

LE JUGE NADON

LE JUGE PELLETIER

ENTRE :

                                        LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

                                                                                                                                          demandeur

                                                                             et

                                                           CAROL MERRIGAN

                                                                                                                                      défenderesse

                                                       MOTIFS DU JUGEMENT

LA JUGE DESJARDINS

[1]                Le point soulevé dans cette demande de contrôle judiciaire est celui de savoir si le juge-arbitre a commis une erreur sujette à révision lorsqu'il a infirmé la décision du conseil arbitral (le conseil), pour qui la défenderesse n'avait pas droit à des prestations d'emploi selon les termes du paragraphe 11(4) de la Loi sur l'assurance-emploi, L.C. 1996, ch. 23 (la Loi).


[2]                L'article 11 de la Loi prévoit notamment ce qui suit :

Semaine de chômage

11. (1) Une semaine de chômage, pour un prestataire, est une semaine pendant laquelle il n'effectue pas une semaine entière de travail.

...

Week of unemployment

11. (1) A week of unemployment for a claimant is a week in which the claimant does not work a full working week.

...

Exception : congé

(4) L'assuré qui travaille habituellement plus d'heures, de jours ou de périodes de travail que ne travaillent habituellement au cours d'une semaine des personnes employées à plein temps et qui a droit, aux termes de son contrat de travail, à une période de congé est censé avoir travaillé une semaine entière de travail au cours de chaque semaine qui est comprise complètement ou partiellement dans cette dernière période.

Exception -- compensatory leave

(4) An insured person is deemed to have worked a full working week during each week that falls wholly or partly in a period of leave if

(a) in each week the insured person regularly works a greater number of hours, days or shifts than are normally worked in a week by persons employed in full-time employment; and

(b) the person is entitled to the period of leave under an employment agreement to compensate for the extra time worked.

[3]                Une enquête, à laquelle s'était référé le conseil, avait révélé que la défenderesse travaillait comme directrice de bar pour le Club Columbus. Le Club avait fonctionné au cours des huit ou dix années antérieures avec deux serveuses permanentes, dont chacune travaillait une semaine sur deux et recevait des prestations d'assurance-emploi pour la semaine où elle ne travaillait pas. Le temps de travail de la défenderesse était d'environ 44 heures par semaine. Le conseil avait relevé que la défenderesse avait confirmé la déclaration de son employeur, ce à quoi elle avait ajouté qu'elle travaillait en général 42 heures par semaine, plus 10 heures ou davantage par semaine pour des fonctions spéciales.


[4]                Le conseil avait estimé que la défenderesse « n'était pas en chômage puisque, lorsqu'elle ne travaillait pas, c'était parce qu'elle prenait un congé fixé à l'avance qui résultait d'une semaine de travail plus longue, et qu'elle retournait au travail la semaine suivante » (A.B., page 61).

[5]                Infirmant la décision du conseil, le juge-arbitre a dit que le conseil avait mal interprété les faits, en se fondant sur une preuve produite par la Commission (pièce 5), preuve qui indiquait à tort que la défenderesse avait déclaré que « les heures normales d'ouverture du bar se chiffrent à 42 heures par semaine, mais d'autres activités, comme la restauration et les fêtes, ajoutent au moins 10 heures à ce total » (A.B., page 6).

[6]                Selon le juge-arbitre, la réalité, c'était que la défenderesse ne travaillait que 42 heures par semaine et pas davantage, et que, la semaine suivante, elle pouvait travailler, tout au plus, 10 heures supplémentaires. Fort de ce constat, le juge-arbitre a infirmé la décision du conseil et jugé que la défenderesse échappait à l'exception du paragraphe 11(4) de la Loi (A.B., pages 5-6).

[7]                À mon avis, le juge-arbitre a commis une erreur de droit lorsqu'il a modifié la décision du conseil.


[8]                Pour que le paragraphe 11(4) de la Loi soit applicable, il doit exister une preuve montrant que le prestataire a travaillé davantage que le nombre d'heures qui sont habituellement travaillées au cours d'une semaine par des personnes employées à temps plein. Il s'agit là essentiellement d'une question de fait, et le juge-arbitre ne devait pas intervenir à moins que le conseil eût commis une erreur sujette à révision, c'est-à-dire à moins qu'il eût « fondé sa décision ou son ordonnance sur une conclusion erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance » (alinéa 115(2)c) de la Loi).

[9]                Dans l'affaire Re Roberts et autres et Commission de l'emploi et de l'immigration du Canada et autres,[1985] 60 N.R. 349, [1985] A.C.F. n ° 413, (1985) 19 D.L.R. (4th) 570, le juge MacGuigan écrivait que, bien que le mot « appel » soit utilisé dans l'article 115 de la Loi (anciennement l'article 95 de la Loi sur l'assurance-chômage) pour décrire la procédure introduite devant un juge-arbitre, la compétence du juge-arbitre est pour l'essentiel identique à celle qui est conférée à la Cour d'appel fédérale par l'article 28 de la Loi sur les Cours fédérales. La procédure n'est donc pas un appel au sens habituel de ce mot, mais un contrôle circonscrit.

[10]            Le juge MacGuigan avait formulé dans les termes suivants le critère à appliquer, qui allait devenir l'alinéa 115(2)c) de la Loi :

À notre avis, le critère approprié que doit appliquer un juge-arbitre en vertu du paragraphe 95c) consiste à examiner s'il y avait quelque élément de preuve justifiant le conseil arbitral de conclure comme il l'a fait ou si ce dernier a commis une quelconque erreur de principe.


(Voir aussi Procureur général du Canada c. William Cole, [1983] 1 C.F. 425; Canada (Procureur général) c. Feere, [1995] A.C.F. n ° 109). De plus, dans l'arrêt Guay c. Canada (Commission de l'emploi et de l'assurance), (1997) 221 N.R. 329, [1997] A.C.F. n ° 1223, la Cour d'appel fédérale avait rappelé que le conseil arbitral est « le pivot de tout le système mis en place par la Loi pour ce qui est de la vérification des faits et de leur interprétation » .

[11]            La preuve autorisait la conclusion du conseil selon laquelle les heures normales de travail de la défenderesse, ainsi que ses heures supplémentaires, étaient faites durant la même semaine.

[12]            Un relevé de la conversation téléphonique qu'avaient eue le 1er juin 2002 Joseph Hogan, le directeur du Club Columbus, et un agent de l'assurance-emploi, faisait état des renseignements suivants (A.B., page 39) :

[traduction] Au cours des dernières années, le club a réduit les heures d'ouverture du bar, et les heures normales sont aujourd'hui au nombre de 44 par semaine. Lorsqu'il y a des fonctions spéciales, des mariages, des tournois de fléchettes, etc., les heures d'ouverture du bar sont en général prolongées et peuvent ajouter entre huit et dix heures au total hebdomadaire.

(C'est moi qui souligne)

[13]            La défenderesse elle-même, dans une lettre adressée au conseil le 8 juillet 2002, écrivait (A.B., page 43) :

[traduction] Comme il y avait trop d'heures à faire pour une seule personne, mais pas assez pour deux, on m'a demandé de travailler une semaine sur deux. Durant les semaines où je ne travaillais pas, j'avais le droit de travailler ailleurs si l'occasion s'en présentait. Les semaines où je ne travaillais pas étaient sans rapport aucun avec le Club Columbus et n'étaient pas considérées comme partie de mon horaire de travail.

...


Le Club Columbus est régulièrement ouvert sept jours par semaine, pour un total de 47 heures. Lorsque des activités de restauration s'y déroulent, des heures supplémentaires peuvent être nécessaires. Ces heures supplémentaires ne suivent cependant aucun plan précis d'organisation du travail, et il est donc impossible de prédire ce que sera le nombre d'heures. Durant plusieurs semaines ou mois de l'année, il n'y a aucune fonction spéciale, et des heures supplémentaires ne sont donc pas nécessaires.

(C'est moi qui souligne)

[14]            La pièce 5, qui d'après le juge-arbitre renfermait une erreur de fait, fait état du relevé d'une conversation entre la défenderesse et un agent de l'assurance-emploi. On peut y lire ce qui suit (A.B., page 41) :

[traduction] J'ai parlé à la prestataire à propos de son travail au Club Columbus de Carbonear. Elle a dit que les renseignements communiqués par l'administrateur sont exacts. Elle travaille à cet endroit depuis environ dix ans, et cet arrangement existait lorsqu'elle a commencé d'y travailler.

Elle affirme que les heures normales d'ouverture du bar au club se chiffrent à 42 heures par semaines, mais que d'autres activités, par exemple restauration et fêtes, ajoutent 10 heures ou davantage à ce total. Elle a dit qu'il y a généralement une forme ou une autre d'activité additionnelle au club chaque semaine.

(C'est moi qui souligne)

[15]            Le dossier ne précise nulle part sur quel fondement le juge-arbitre pouvait affirmer qu'un agent de l'assurance-emploi avait commis une erreur en consignant cette conversation. Le juge-arbitre lui-même n'a donné dans ses motifs aucune précision en ce sens.


[16]            Le juge-arbitre avait devant lui une lettre de la défenderesse, lettre probablement déposée avec son avis d'appel. Dans cette lettre, la défenderesse affirmait que le conseil arbitral avait commis une erreur dans l'examen des faits se rapportant à sa réclamation. Elle ne donnait cependant pas de renseignements additionnels sur le calcul de ses heures supplémentaires. Elle réaffirmait simplement que, lorsqu'elle ne travaillait pas, elle était en fait chômeuse et qu'elle recevait des prestations d'assurance-emploi depuis les dix années antérieures au titre d'un programme de partage du travail.

[17]            Quoi qu'il en soit, cette lettre de la défenderesse n'était pas devant le conseil arbitral et ne pouvait pas être prise en compte par le juge-arbitre (Canada (Procureur général) c. Taylor, (C.A.F.), 81 D.L.R. (4th) 679, 126 N.R. 345, [1991] A.C.F. n ° 508).

[18]            Eu égard aux éléments qu'il avait devant lui, le conseil pouvait donc tout à fait conclure que la défenderesse travaillait habituellement plus d'heures que ne travaillent habituellement au cours d'une semaine des personnes employées à temps plein.

[19]            Cette demande de contrôle judiciaire sera accueillie, sans dépens, la décision du juge-arbitre sera annulée, et l'affaire sera renvoyée au juge-arbitre en chef ou à son représentant, pour nouvelle décision, étant entendu que la défenderesse n'avait pas droit à des prestations d'emploi selon ce que prévoit le paragraphe 11(4) de la Loi.

                                                                             _ Alice Desjardins _              

                                                                                                     Juge                         

« Je souscris aux présents motifs

     M. Nadon, juge »

« Je souscris aux présents motifs

     J.D. Denis Pelletier, juge »

Traduction certifiée conforme

Suzanne M. Gauthier, trad. a., LL.L.


                                     COUR FÉDÉRALE

                      AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                           A-92-03

INTITULÉ :                                          PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

c. CAROL MERRIGAN

LIEU DE L'AUDIENCE :                    SAINT-JEAN (TERRE-NEUVE ET LABRADOR)

DATE DE L'AUDIENCE :                  LE 24 JUIN 2004

MOTIFS DE L'ORDONNANCE :     LA JUGE DESJARDINS

Y ONT SOUSCRIT :                            LE JUGE NADON

LE JUGE PELLETIER

DATE DES MOTIFS :                         LE 8 JUILLET 2004

COMPARUTIONS :

Melissa R. Cameron                                                                  pour le demandeur

Carol Merrigan                                                                          défenderesse, en son propre nom

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Morris Rosenberg                                                                      pour le demandeur

Sous-procureur général du Canada

Carol Merrigan                                                                          défenderesse, en son propre nom

Carbonear (Terre-Neuve et Labrador)


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