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Date : 20001221

Dossier : A-678-96

OTTAWA (ONTARIO), LE 21 DÉCEMBRE 2000

EN PRÉSENCE DE M. LE JUGE STONE

M. LE JUGE ISAAC

M. LE JUGE SHARLOW

ENTRE :

KENNETH JAMES

appelant

(demandeur)

- et -

SA MAJESTÉ LA REINE

intimée

défenderesse

                                                             JUGEMENT

Il est fait droit à l'appel avec dépens. Le jugement de la section de première instance est annulé et l'affaire renvoyée à la section de première instance pour un nouveau procès.

« A.J. Stone »

Juge

Traduction certifiée conforme

_______________________________

Suzanne M. Gauthier, LL.L., Trad a.


Date : 20001221

Dossier : A-678-96

CORAM :       LE JUGE STONE,

LE JUGE ISAAC,

LE JUGE SHARLOW

ENTRE :

KENNETH JAMES

appelant

(demandeur)

- et -

SA MAJESTÉ LA REINE

intimée

défenderesse

Appel entendu à Toronto (Ontario), le 7 novembre 2000

JUGEMENT DE LA COUR rendu à Ottawa (Ontario), le 21 décembre 2000

MOTIFS DU JUGEMENT DE LA COUR                                                                              


Date : 20001121

Dossier : A-678-96

CORAM :       LE JUGE STONE,

LE JUGE ISAAC,

LE JUGE SHARLOW

ENTRE :

KENNETH JAMES

appelant

(demandeur)

- et -

SA MAJESTÉ LA REINE

intimée

défenderesse

                                                 MOTIFS DU JUGEMENT

LA COUR :

Il s'agit d'un appel concernant les nouvelles cotisations à l'impôt sur le revenu pour les années 1974, 1975, 1976 et 1977 établies le 8 mars 1979, selon lesquelles M. James était imposable en vertu du paragraphe 56(2) de la Loi de l'impôt sur le revenu, tel qu'il se lisait alors (L.C. 1970-71-72, ch. 63), sur certaines sommes qui avaient été versées au cours de ces années-là. La Couronne a non seulement inclus ces montants dans le revenu de M. James mais elle lui a également imposé des pénalités aux termes du paragraphe 163(2) de la Loi de l'impôt sur le revenu.


M. James a déposé des avis d'opposition le 30 mai 1979 ou vers cette date. Les opérations visées par les nouvelles cotisations ont fait l'objet d'une enquête criminelle qui a duré quatre ans. Pendant cette période, aucune décision n'a été prise à l'égard des avis d'opposition. Des accusations ont été portées contre M. James en mai 1983. Le procès a débuté en novembre 1984. Les accusations ont été rejetées. La Couronne a fait appel en vain devant la Cour de district de l'Ontario mais son appel devant la Cour d'appel de l'Ontario a été accueilli en juillet 1986. M. James a obtenu l'autorisation d'appeler devant la Cour suprême du Canada mais son appel a été rejeté en mai 1988.

Un nouveau procès a débuté en décembre 1988 mais l'instance a été suspendue par le juge. La Couronne a fait appel mais s'est ensuite désistée en février ou en mars 1989. Quelques mois plus tard, en novembre 1989, la Couronne a examiné les avis d'opposition et a ratifié les nouvelles cotisations. À ce moment-là, plus de dix années s'étaient écoulées depuis la date à laquelle les avis d'opposition avaient été produits.


Une fois les cotisations ratifiées, M. James a fait appel devant la Cour de l'impôt. Le juge de la Cour de l'impôt a fait droit à l'appel en partie. Dans une décision datée du 29 décembre 1992 et rapportée à 93 D.T.C. 161, [1993] 1 C.T.C. 2126, [1992] T.C.J. No. 778 (QL), le juge de la Cour de l'impôt a jugé que M. James devait payer de l'impôt sur certaines sommes versées par K.C.R. Investments Ltd. mais pas sur le dividende versé par Pedigree Holdings Ltd. au neveu d'Elsa Kirsten, la conjointe de fait de M. James. Il a également jugé que la Couronne ne s'était pas acquittée du fardeau qui lui appartenait de justifier les pénalités imposées.

M. James a interjeté appel de cette décision devant la section de première instance qui a entendu l'affaire à titre de procès de novo conformément au régime d'appel en vigueur avant 1992 en matière d'impôt. La Couronne a interjeté un appel incident dans lequel elle soutenait que M. James était imposable sur le dividende en question et que les pénalités étaient justifiées. Le juge de première instance a rejeté l'appel de M. James, fait droit à l'appel incident de la Couronne au sujet des pénalités mais a rejeté l'appel incident de la Couronne concernant le dividende : 96 D.T.C. 6509, [1996] F.C.J. No. 1146 (QL).

Le juge de première instance a également rejeté une requête présentée pour le compte de M. James tendant à l'annulation des nouvelles cotisations dans laquelle il était allégué que le Ministre n'avait pas agi avec toute la diligence possible dans l'examen des avis d'opposition : 96 D.T.C. 6416, [1996] 3 C.T.C. 125, [1996] F.C.J. No. 899 (QL), et il a jugé que certains documents bancaires étaient admissibles : (1996), 115 F.T.R. 277, [1996] F.C.J. No. 1053 (QL).

M. James interjette maintenant appel de toutes les décisions prononcées par le juge de première instance. La Couronne n'a pas présenté d'appel incident au sujet de la question du traitement fiscal des dividendes, qui n'est plus en litige.


La requête en annulation des nouvelles cotisations pour défaut d'établir les nouvelles cotisations avec toute la diligence possible.

Comme nous l'avons déjà noté, le Ministre n'a ratifié les nouvelles cotisations visées par le présent appel que dix ans après la date à laquelle M. James avait déposé ces avis d'opposition. En première instance, une requête a été présentée pour le compte de M. James en vue d'obtenir l'annulation des nouvelles cotisations parce que le Ministre n'avait pas respecté l'obligation que lui impose l'alinéa 165(3)a) de la Loi de l'impôt sur le revenu (telle qu'il se lisait avant 1991). Le juge de première instance a rejeté cette requête.

L'alinéa 165(3)a) se lisait ainsi pendant les années d'imposition en litige :


165(3) Dès réception de l'avis d'opposition, formulé en vertu du présent article, le ministre_:

a) avec diligence, examine de nouveau la cotisation et annule, ratifie ou modifie cette dernière ou établit une nouvelle cotisation;

[...]

et en avise le contribuable par lettre recommandée.

165(3) Upon receipt of a notice of objection under this section, the Minister shall,

(a) with all due dispatch reconsider the assessment and vacate, confirm or vary the assessment or reassess; [...]

and he shall thereupon notify the taxpayer of his action by registered mail.


Cette disposition est pour l'essentiel identique à la version actuelle du paragraphe 165(3) de la Loi de l'impôt sur le revenu.


La Couronne soutient que l'annulation des nouvelles cotisations n'est pas la réparation appropriée pour remédier à un retard indu dans l'examen d'une opposition, mais que de toute façon, il n'y a pas eu de retard indu parce que l'examen des oppositions a été suspendu en attendant l'issue des poursuites pénales.

La Loi de l'impôt sur le revenu ne prévoit pas la conséquence que peut entraîner l'omission de la part du Ministre d'examen un avis d'opposition avec diligence. L'arrêt qui fait autorité sur ce point devant notre Cour est l'arrêt Bolton c. La Reine, (1996), 200 N.R. 303, 96 D.T.C. 6413, [1996] 3 C.T.C. 3 (C.A.F.). Dans cette affaire, le juge Hugessen, parlant au nom de la Cour, a déclaré ceci (à la page 304, N.R.) :

le législateur n'entendait clairement pas que le défaut du ministre d'examiner de nouveau une cotisation avec toute la diligence possible ait pour effet d'annuler la cotisation. En cas d'inaction de la part du ministre, le contribuable a pour recours l'appel prévu à l'article 169 :

La référence à l'article 169 se rapporte à l'alinéa 169(1)b) de la Loi de l'impôt sur le revenu, tel qu'il se lit actuellement. Avant le 18 juillet 1983, son prédécesseur, l'alinéa 169b), était en vigueur et se lisait ainsi :



169 Lorsqu'un contribuable a signifié un avis d'opposition à une cotisation, prévu à l'article 165, il peut interjeter appel auprès de la Commission de révision de l'impôt pour faire annuler ou modifier la cotisation_:

[...]b) après l'expiration des 180 jours qui suivent la signification de l'avis d'opposition sans que le ministre ait notifié au contribuable le fait qu'il a annulé ou ratifié la cotisation ou procédé à une nouvelle cotisation;

169 Where a taxpayer has served notice of objection to an assessment under section 165, he may appeal to the Tax Review Board to have the assessment vacated or varied after [...]

(b) 180 days have elapsed after service of the notice of objection and the Minister has not notified the taxpayer that he has vacated or confirmed the assessment or reassessed;


L'art. 58 du ch. 158 S.C. 1980-81-82-83 a modifié l'alinéa 169b) pour remplacer le titre de « Commission de révision de l'impôt » par celui de « Cour canadienne de l'impôt » à partir du 18 juillet 1983. Le paragraphe 70(1) du ch. 45 L.C. 1984 a ramené à 90 jours la période de 180 jours accordée pour le dépôt des avis d'opposition après le 20 décembre 1984, mais pour le reste l'alinéa 169b) est devenu l'alinéa 169(1)b) de la version actuelle de la Loi de l'impôt sur le revenu.

Si l'arrêt Bolton s'applique toujours, M. James ne peut obtenir le redressement recherché, quel que soit le motif du délai de dix ans mis à examiner les oppositions.

L'avocat de M. James soutient que Bolton ne fait plus autorité parce qu'il est contraire aux arrêts Schultz c. La Reine, [1996] C.F. 423, 95 D.T.C. 5657, [1996] 2 C.T.C. 127, [1995] F.C.J. No. 1471(QL) (C.A.F.), Ministre du Revenu national v. Appleby, [1965] 1 Ex. C.E. 244, 64 D.T.C. 5199, [1964] C.T.C. 323 (C.É.) et J. Stollar Construction Ltd. c. Ministre du Revenu national, 89 D.T.C. 134, [1989] 1 C.T.C. 2171 (C.C.I.).


On soutenait dans chacune de ces affaires que la réparation à accorder lorsque le Ministre n'a pas examiné avec toute la diligence possible un avis d'opposition était l'annulation des nouvelles cotisations. L'arrêt Bolton est postérieur à ces causes et traite directement de la question de la mesure de la réparation. Il n'y a rien dans ces différentes causes qui permettrait d'écarter le principe énoncé dans Bolton.

J. Stollar Construction est le seul arrêt dans lequel la Cour a annulé les nouvelles cotisations. C'est une décision de la Cour de l'impôt et il faut tenir pour acquis qu'elle a été implicitement infirmée par l'arrêt Bolton de notre Cour.

Les commentaires formulés dans les arrêts Schultz et Appleby au sujet du redressement constituaient des remarques incidentes. Il a été jugé dans ces deux affaires que le Ministre n'avait pas omis d'agir avec toute la diligence possible, de sorte que la question de la réparation appropriée n'a pas été soulevée. Nous notons également que dans Schultz, la Cour a reconnu que le contribuable qui a déposé un avis d'opposition peut invoquer l'alinéa 169(1)b) de la Loi de l'impôt sur le revenu et interjeter appel directement devant la Cour de l'impôt.


L'avocat de M. James soutient que l'interprétation de l'alinéa 165(3)b) qui a été donnée dans Bolton impose au Ministre une obligation légale mais ne donne aux contribuables aucun moyen efficace d'obliger le Ministre à respecter cette obligation. Il est vrai que, selon l'arrêt Bolton, le contribuable ne peut prétendre avoir le droit de faire annuler une nouvelle cotisation parce que l'examen de l'opposition qu'il a formée dure depuis trop longtemps. Il n'en découle pas toutefois que le contribuable ne dispose d'aucun recours. Il peut interjeter appel devant la Cour de l'impôt aux termes de l'alinéa 169(1)b) ou introduire une instance devant la Cour fédérale pour obliger le Ministre à examiner l'opposition et à prendre une décision à ce sujet. Il existe des décisions traitant de demandes de ce genre dans le contexte d'autres dispositions de la Loi de l'impôt sur le revenu qui imposent au Ministre l'obligation d'agir avec toute la diligence possible : Burnet c. Canada, 98 D.T.C. 6205, [1999] 3 C.T.C. 60, [1998] F.C.J. No. 364 (QL) (C.A.F.); Merlis Investments Ltd. c. Canada, [2000] F.C.J. No. 1746 (QL) (C.F. 1re inst.).

Nous en arrivons à la conclusion qu'il n'existe aucun motif d'écarter la décision qu'a prononcée notre Cour dans l'affaire Bolton et que le juge de première instance a rejeté à bon droit la requête tendant à l'annulation ou à la modification des avis de nouvelles cotisations.

Les documents bancaires

Au procès, la Couronne a présenté des copies de nombreux documents bancaires et demandait au départ qu'ils soient admis en vertu de l'article 29 de la Loi sur la preuve au Canada, ch. C-5, L.R.C. (1985), modifiée. Voici les passages de l'article 29 qui se rapportent à la présente affaire :




29. (1) Sous réserve des autres dispositions du présent article, une copie de toute inscription dans un livre ou registre tenu dans une institution financière fait foi dans toutes procédures judiciaires, jusqu'à preuve contraire, de cette inscription, ainsi que des affaires, opérations et comptes y inscrits.

(2) Une copie d'une inscription dans ce livre ou registre n'est pas admise en preuve sous le régime du présent article à moins qu'il n'ait préalablement été établi que le livre ou registre était, lors de l'inscription, l'un des livres ou registres ordinaires de l'institution financière, que l'inscription a été effectuée dans le cours ordinaire des affaires, que le livre ou registre est sous la garde ou la surveillance de l'institution financière, et que cette copie en est une copie conforme. Cette preuve peut être fournie par le gérant ou par le comptable de l'institution financière ou par tout employé de l'institution qui connaît le contenu du livre ou du registre et peut être donnée de vive voix ou par affidavit devant un commissaire ou une autre personne autorisée à recevoir les affidavits.

[...]

(4) Lorsque la preuve est produite sous forme d'affidavit en conformité avec le présent article, il n'est pas nécessaire de prouver la signature ou la qualité officielle de la personne souscrivant l'affidavit, si la qualité officielle de cette personne est énoncée dans le corps de l'affidavit.

(5) Dans les procédures judiciaires auxquelles l'institution financière n'est pas partie, l'institution financière ou un officier de l'institution financière ne peut être contraint à produire un livre ou registre dont le contenu peut être prouvé sous le régime du présent article, ni à comparaître comme témoin afin de prouver les affaires, opérations et comptes y inscrits, sauf par ordonnance du tribunal rendue pour un motif spécial.

(6) À la demande d'une partie à une procédure judiciaire, le tribunal peut ordonner que cette partie soit libre d'examiner les inscriptions dans les livres ou registres d'une institution financière pour les fins de cette procédure, et d'en prendre copie. La personne dont le compte doit être examiné doit recevoir avis de la demande deux jours francs au moins avant l'audition de la demande et, s'il est démontré au tribunal que l'avis ne peut être donné à la personne elle-même, cet avis peut être donné à l'adresse de l'institution financière.

29 (1) Subject to this section, a copy of any entry in any book or record kept in any financial institution shall in all legal proceedings be admitted in evidence as proof, in the absence of evidence to the contrary, of the entry and of the matters, transactions and accounts therein recorded.

(2) A copy of an entry in the book or record described in subsection (1) shall not be admitted in evidence under this section unless it is first proved that the book or record was, at the time of the making of the entry, one of the ordinary books or records of the financial institution, that the entry was made in the usual and ordinary course of business, that the book or record is in the custody or control of the financial institution and that the copy is a true copy of it, and such proof may be given by any person employed by the financial institution who has knowledge of the book or record or the manager or accountant of the financial institution, and may be given orally or by affidavit sworn before any commissioner or other person authorized to take affidavits.

[...]

(4) Where evidence is offered by affidavit pursuant to this section, it is not necessary to prove the signature or official character of the person making the affidavit if the official character of that person is set out in the body of the affidavit.

(5) A financial institution or officer of a financial institution is not in any legal proceedings to which the financial institution is not a party compellable to produce any book or record, the contents of which can be proved under this section, or to appear as a witness to prove the matters, transactions and accounts therein recorded unless by order of the court made for special cause.

(6) On the application of any party to a legal proceeding, the court may order that that party be at liberty to inspect and take copies of any entries in the books or records of a financial institution for the purposes of the legal proceeding, and the person whose account is to be inspected shall be notified of the application at least two clear days before the hearing thereof, and if it is shown to the satisfaction of the court that he cannot be notified personally, the notice may be given by addressing it to the financial institution.


À ces copies étaient joints des affidavits souscrits en 1984, 12 ans avant le procès, qui avaient été préparés dans le but de produire ces documents aux termes de l'article 29 de la Loi sur la preuve au Canada dans l'instance pénale mentionnée ci-dessus. Il y avait en tout 19 affidavits qui concernaient diverses banques et comptes bancaires. La liste des affidavits comprend les numéros 1 à 7 (pièce 25, Documents bancaires, volume I), les numéros 8 à 11 (pièce 26, Documents bancaires, volume II), 12 (pièce 27, Documents bancaires, volume III) et 13 à 19 (pièce 28, Documents bancaires, volume IV). L'affidavit numéro 4 a été retiré parce qu'il ne s'agissait que d'une version préliminaire, qui avait été jointe par erreur (Compte rendu, volume 5, 2 juillet 1996, pages 7 à 9). Le juge de première instance a admis les autres documents.


L'avocat de M. James soutient, pour différents motifs, que le juge de première instance a commis une erreur lorsqu'il a déclaré ces documents admissibles. Pour les motifs ci-dessous, nous avons conclu que les documents étaient admissibles.

Nous notons au départ qu'il n'existe aucun élément indiquant que les documents déclarés admissibles par le juge de première instance ne sont pas fiables ou qu'ils ne reflètent pas avec exactitude les opérations dont ils font état. Il n'a pas été soutenu que ces documents n'ont pas été communiqués en temps utile à M. James selon les règles ordinaires en matière de communication de documents, et qu'il n'a pu en prendre connaissance. L'avocat de M. James affirme que celui-ci a subi un préjudice en raison de la production de ces documents parce qu'ils lui ont été présentés au cours de son contre-interrogatoire et qu'il a été obligé de faire des aveux susceptibles de lui nuire et qu'il n'aurait pas faits si les documents avaient été déclarés inadmissibles.

Pour ce qui est des affidavits numéros 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12, 13, 14, 17 et 18 (Compte rendu, volume 5, 2 juillet 1996, page 9), les copies des documents jointes aux affidavits ne portent pas le tampon des pièces, ni la signature du commissaire qui a fait prêter serment. Il était donc impossible de conclure que les documents joints étaient réellement des copies des documents auxquels se rapportaient apparemment les affidavits correspondants. L'avocat de M. James soutient que ces documents joints n'auraient pas dû être déclarés admissibles aux termes de l'article 29 de la Loi sur la preuve au Canada.


Cet argument est quelque peu trompeur dans la mesure où les documents annexés n'ont pas été déclarés admissibles aux termes de l'article 29 de la Loi sur la preuve au Canada. Ils ont été admis au départ sans que personne s'aperçoive de l'erreur mais ils ont été retirés du dossier à la demande de l'avocat de la Couronne après que celui-ci ait expliqué au juge de première instance que les affidavits comportaient des lacunes. L'avocat de la Couronne a ensuite présenté ce document à M. James qui a témoigné au procès. Il les a identifiés et a témoigné au sujet de leur contenu. Nous ne voyons aucun élément permettant de conclure que les documents qu'a identifiés M. James n'étaient pas admissibles.

L'avocat de M. James a soulevé deux autres arguments au sujet des documents bancaires. Ces arguments portent uniquement sur les documents correspondant aux affidavits qui ne comportaient pas les lacunes que nous venons de mentionner (affidavits numéros 1, 2, 3, 15, 16 et 19 (Compte rendu, volume 5, 2 juillet 1996, page 9), qui se trouvent dans le Mémoire d'appel, volume 7, pages 1067, 1086 et 1089 et volume 11, pages 1983, 1987 et 2116).


Le premier argument est que les documents n'auraient pas dû être admis en preuve parce que les affidavits n'ont pas été souscrits au moment du procès tenu en 1996, mais en 1984. L'article 29 de la Loi sur la preuve au Canada n'impose aucune condition concernant le moment où l'affidavit doit être souscrit. Habituellement, il est préparé avant le procès au cours duquel les documents doivent être utilisés. Il peut arriver que la période écoulée entre la rédaction de l'affidavit et le procès soulève un doute sur la fiabilité des documents mentionnés dans l'affidavit mais le juge de première instance a toute latitude pour apprécier la force probante de ces documents. La période écoulée en l'espèce est particulièrement longue mais ce seul fait n'a pas pour effet de rendre inadmissibles les affidavits en question.

Le deuxième argument présenté par l'avocat de M. James est qu'il faudrait interpréter le passage suivant du paragraphe 29(2) « le livre ou registre est sous la garde ou la surveillance de l'institution financière » comme faisant référence au moment du procès et non pas au moment où l'affidavit a été préparé. L'avocat a soutenu qu'au moment du procès, les documents en question n'étaient plus sous la garde ou la surveillance des banques en question. Cette affirmation n'est pas fondée sur les éléments de preuve figurant au dossier mais sur une admission faite au procès par l'avocat de la Couronne au moment où l'on examinait l'admissibilité des documents bancaires.


Pour les fins qui nous occupent ici, nous sommes disposés à tenir pour acquis que les documents originaux, dont des copies étaient jointes aux affidavits, n'existaient pas au moment du procès. Nous ne sommes toutefois pas disposés à accepter l'argument selon lesquels les copies de ces documents sont inadmissibles du seul fait que les originaux ont disparu. L'avocat n'a cité aucune jurisprudence sur ce point. La seule autorité citée à l'appui de cet argument est l'ouvrage Documentary Evidence in Canada par J. Douglas Ewart (Agincourt: Carswell, 1984), qui contient une affirmation en ce sens à la page 128 mais qui n'est étayée par aucune jurisprudence. Nous estimons que cette affirmation n'est pas juste, et que l'argument ne peut être retenu.

L'article 29 autorise la production de copies de documents bancaires sans exiger qu'un représentant de la banque témoigne en personne à leur sujet (sauf dans les cas particuliers où s'applique le paragraphe 29(5)) ni que les documents originaux soient présentés. Cette exception aux règles de preuve habituelles est justifiée, comme le juge de première instance l'a déclaré, par la nécessité et par la présence de circonstances qui garantissent la fiabilité des documents produits.

D'après nous, le paragraphe 29(2) qui exige que les documents soient sous la garde ou la surveillance de la banque fait référence au moment où l'affidavit est préparé et non pas à la date du procès. En fait, aucun déposant ne peut déclarer dans un affidavit, avant le début du procès, que les documents seront sous la garde ou la surveillance de la banque au moment où débutera le procès. Une telle affirmation constituerait une prévision ou porterait sur une intention future mais ne serait pas un énoncé de fait. Si le législateur avait eu l'intention que les copies des documents bancaires ne soient admissibles que dans la mesure où les originaux sont sous la garde et la surveillance de la banque, il aurait imposé aux institutions financières l'obligation de conserver les originaux de tous les documents mentionnés dans un affidavit préparé en vertu de l'article 29. Il n'existe aucune obligation de ce genre.


L'avocat de M. James soutient que son interprétation du paragraphe 29(2) est étayée par le paragraphe 29(6). Nous ne pouvons souscrire à cet argument. Le paragraphe 29(6) a pour but de faciliter l'accès à des documents bancaires dans le cadre d'une instance judiciaire, en autorisant le tribunal à prononcer une ordonnance à ce sujet. Cette disposition n'a pas pour effet de garantir que certains documents existent au moment où l'ordonnance est demandée.

L'interprétation du paragraphe 56(2)

Les nouvelles cotisations contestées sont fondées sur l'application du paragraphe 56(2) de la Loi de l'impôt sur le revenu, qui se lisait ainsi au moment des faits :


Tout paiement ou transfert de biens fait, suivant les instructions ou avec l'accord d'un contribuable, à toute autre personne au profit du contribuable ou à titre d'avantage que le contribuable désirait voir accorder à l'autre personne doit être inclus dans le calcul du revenu du contribuable dans la mesure où il le serait si ce paiement ou transfert avait été fait au contribuable.

A payment or transfer of property made pursuant to the direction of, or with the concurrence of, a taxpayer to some other person for the benefit of the taxpayer or as a benefit that the taxpayer desired to have conferred on the other person shall be included in computing the taxpayer's income to the extent that it would be if the payment or transfer had been made to him.



Il est bien établi que le paragraphe 56(2) s'applique lorsque quatre conditions sont réunies. Ces quatre conditions ont été énoncées dans les arrêts Murphy c. La Reine, 80 D.T.C. 6314, [1980] C.T.C. 386 (C.F. 1re inst.) et Fraser Companies, Ltd. c. La Reine, 81 D.T.C. 5051, [1981] C.T.C. 61 (C.F. 1re inst.) et adoptées par la Cour suprême du Canada dans l'arrêt Neuman c. M.R.N., [1998] 1 R.C.S. 770, 98 D.T.C. 6297, [1998] 3 C.T.C. 177 (au paragraphe 32 de la décision de M. le juge Iacobucci) :

(1)        le paiement doit être fait à une autre personne que le contribuable à l'égard duquel une nouvelle cotisation est établie;

(2)        la répartition doit être faite suivant les instructions ou avec l'accord du contribuable à l'égard duquel une nouvelle cotisation est établie;

(3)        le paiement doit être fait au profit du contribuable à l'égard duquel une nouvelle cotisation est établie ou à une autre personne à titre d'avantage que ce contribuable souhaitait voir accorder à cette autre personne;

(4)        le paiement aurait été inclus dans le revenu du contribuable à l'égard duquel une nouvelle cotisation est établie si ce dernier l'avait reçu lui-même.

Si l'on veut comprendre le débat que suscite l'application du paragraphe 56(2) en l'espèce, il faut savoir que deux thèses s'opposent au sujet des paiements en question.

Au cours des années visées par l'appel, M. James, l'appelant, était un avocat indépendant et un associé du cabinet d'avocats James & Suits. Un des clients de ce cabinet d'avocats était K.C.R. Investments Ltd., une société de courtage immobilier.


M. James était également un dirigeant et un administrateur de Pedigree Holdings Ltd., qui avait émis deux actions ordinaires, dont l'une était enregistrée au nom de M. James mais qu'il détenait,jusqu'en 1977, en fiducie, prétend-il, pour un mineur, le neveu d'Elsa Kirsten (la conjointe de fait de M. James). L'autre action était enregistrée au nom d'un tiers pendant les années visées par l'appel.

La Couronne soutient que pendant les années en cause, M. James a fourni des services à K.C.R. Investments Ltd., sans passer par le cabinet d'avocats, services pour lesquels l'appelant, et non le cabinet d'avocats, avait le droit d'être rémunéré et que, conformément aux directives qui lui ont été données par l'appelant, K.C.R. Investments a versé une partie de ces honoraires à Elsa Kirsten et à Pedigree Holdings Ltd. La Couronne soutient également que Mme Kirsten n'a pas fourni de services permettant de conclure que ces sommes ont été gagnées par elle et non pas par M. James.

Si la version des faits que donne la Couronne est exacte, les quatre conditions prévues par le paragraphe 56(2) sont réunies. Les paiements ont été effectuées à des personnes autres que M. James. Ces sommes ont été versées à ces personnes suivant les instructions ou avec l'accord de M. James. Les paiements ont été effectués à l'avantage de Mme Kirsten (parce qu'elle n'a pas fourni de contrepartie pour ces derniers). Finalement, le paiement aurait été inclus dans le revenu de M. James s'il l'avait reçu.


Par contre, M. James a tenté de démontrer que les sommes versées à Mme Kirsten et à Pedigree Holdings Ltd. avait réellement pour but de rémunérer le travail qu'elle avait effectué pour K.C.R. Investments Ltd., et qu'il s'agissait donc d'un revenu pour elle et non pour lui. Pour étayer cette version des faits, il s'appuie notamment sur le fait que les sommes en question ont été effectivement déclarées dans les rapports d'impôt de Mme Kirsten et qu'elle a été imposée sur ces montants. Si la version des faits exposée par M. James est exacte, le paragraphe 56(2) ne peut s'appliquer.

Le juge de première instance a accepté la version des faits présentée par la Couronne. Si ces conclusions de fait sont confirmées, il semble qu'il n'y ait aucun obstacle à conclure que le paragraphe 56(2) a été correctement appliqué. Cependant, l'avocat de M. James signale ce qu'il appelle une cinquième condition dont dépend l'application du paragraphe 56(2). Il précise que cette cinquième condition exige que l'on démontre que le bénéficiaire réel des sommes en question (en l'espèce Mme Kirsten) ne doit pas être imposé sur ces montants.


L'argument de l'existence d'une cinquième condition découle d'une remarque incidente prononcée dans l'arrêt Winter c. Canada, [1991] 1 C.F. 585, 90 D.T.C. 6681, [1991] 1 C.T.C. 113 (C.R.). Dans cette affaire, M. Winter, actionnaire et dirigeant d'une société, avait fait en sorte que la société vende un immeuble à son gendre pour une somme inférieure à sa valeur. M. Winter s'est vu appliquer le paragraphe 56(2) pour le motif qu'il avait fait verser à son gendre une somme appartenant à la société et parce que cette somme aurait été imposable entre les mains de M. Winter aux termes du paragraphe 15(1) si celui-ci l'avait reçue. Le gendre était également actionnaire de la société et comme il avait reçu le soi-disant versement, on soutenait qu'il aurait dû être imposé sur l'avantage qu'il en avait retiré à titre d'actionnaire aux termes du paragraphe 15(1), ce qui écartait la possibilité d'appliquer le paragraphe 56(2) parce qu'alors ce montant aurait également été imposable pour M. Winter.

Le juge Marceau, parlant au nom de la Cour dans Winter, a reconnu la logique de cet argument mais a jugé qu'il ne pouvait s'appliquer aux faits de l'espèce parce que le gendre avait reçu la somme versée par la société à titre de gendre et non pas d'actionnaire. Par conséquent, cette opération n'avait pas conféré d'avantage à un actionnaire imposable aux termes du paragraphe 15(1) pour le gendre. M. le juge Marceau a déclaré ceci (nos soulignés) lorsqu'il a analysé cet argument (à la page 594, C.F.) :

[...], je reconnais que la validité d'une cotisation établie en vertu du paragraphe 56(2) de la Loi, dans le cas où le contribuable n'avait lui-même aucun droit au versement effectué ou au bien transféré, est assujettie à une condition implicite, soit celle que le bénéficiaire ou le cessionnaire n'ait pas été assujetti à l'impôt sur l'avantage qu'il a reçu. Le problème pour l'appelant cependant est qu'à mon avis, cette réserve n'entre pas en jeu en l'espèce.


La référence à une « condition implicite » découle simplement du fait que le paragraphe 56(2) ne peut être appliqué à un montant imposable à titre de revenu pour la personne qui l'a véritablement reçu, parce que dans ce cas la quatrième condition n'est pas remplie. Autrement dit, la quatrième condition exige implicitement que le versement en question soit un montant que seul le contribuable, en l'espèce M. James, a le droit de recevoir à titre de revenu (voir le paragraphe 53 de la décision de M. le juge Iacobucci dans Neuman, ci-dessus). Si l'on considère les commentaires du juge Marceau de cette façon, il est clair que l'application du paragraphe 56(2) ne dépend aucunement d'une cinquième condition.

Compte tenu des deux thèses qui s'opposent dans cette affaire, les sommes versées par K.C.R. Investments Ltd. à Mme Kirsten ne peuvent viser à la fois à rémunérer les services de Mme Kirsten et ceux de M. James. Les deux théories s'excluent mutuellement. Si ces paiements représentent la rémunération des services fournis par Mme Kirsten, le paragraphe 56(2) n'exige pas que ces paiements soient imposés entre les mains de M. James. Cependant, si Mme Kirsten n'a pas fourni des services justifiant le versement des sommes en question, et si c'est M. James qui les a fournis, la conclusion qui s'impose est que le paragraphe 56(2) s'applique et rend ces versements imposables entre les mains de M. James.

Il semble qu'on ait soutenu au procès que si ces montants sont imposables pour M. James, il devrait avoir droit à une déduction correspondante, le raisonnement étant que s'il a le droit de recevoir ces sommes à titre d'honoraires juridiques, Mme Kirsten a également le droit de recevoir des montants analogues pour les services qu'elle a fournis. Le juge de première instance n'a pas retenu cet argument parce que les plaidoiries écrites déposées pour le compte de M. James ne mentionne aucune demande de déductions à titre de frais. Cet argument n'a pas été repris en appel.


Nous avons tenu compte de l'allégation faite par M. James selon laquelle les montants en question ont été inscrits dans les déclarations d'impôt de Mme Kirsten. Le juge de première instance a conclu que Mme Kirsten n'avait pas gagné les montants en question et qu'il ne s'agissait donc pas d'un revenu pour elle. Mme Kirsten n'était pas légalement obligée de payer de l'impôt sur des montants qui ne constituaient pas un revenu pour elle. La façon dont elle a produit ses déclarations n'empêche pas de conclure que le paragraphe 56(2) doit s'appliquer si les montants en question représentaient un revenu auquel seul M. James avait droit.

Crainte raisonnable de partialité

Enfin, l'avocat de M. James soutient que la décision attaquée doit être annulée parce que le fait que le juge de première instance soit intervenu au cours de l'interrogatoire des témoins soulève une crainte raisonnable de partialité.

Les principes applicables ne sont pas contestés. Ils sont bien établis comme l'indiquent les affaires suivantes : Yuill v. Yuill, [1945] 1 All E.R. 183 (C.A.), Jones v. National Coal Board, [1957] 2 All E.R. 155 (C.A.), Majcenic v. Natale, [1968] 1 O.R. 189 (C.A.); R. c. Brouillard, [1985] 1 R.C.S. 39, Rajaratnam c. Canada (ministre de l'Emploi et de l'Immigration), (1991), 135 N.R. 300, [1991] F.C.J. No. 1271 (C.A.F.) (QL); Sorger v. Bank of Nova Scotia (1998), 39 O.R. (3d) 1, 160 D.L.R. (4th) 66 (C.A.).


En règle générale, un juge peut poser des questions aux témoins pour préciser certaines choses ou obtenir des détails mais il ne doit pas intervenir dans l'interrogatoire des témoins au point de donner l'impression qu'il agit comme un avocat. Un juge qui se comporterait ainsi donnerait automatiquement l'impression qu'il a adopté une position contraire à l'une des parties. Cela compromettrait l'apparence d'impartialité qui est essentielle si l'on veut que justice soit non seulement faite mais qu'elle paraisse l'être. Une telle attitude risque également de nuire au travail des avocats.

Il y a lieu d'examiner dans le contexte de l'instance, prise globalement, l'allégation selon laquelle le juge serait intervenu de façon irrégulière au cours de l'interrogatoire des témoins. L'objectif recherché n'est pas d'apprécier les motifs ou les intentions à l'origine de ces interventions. Il s'agit plutôt de déterminer si ces interventions amèneraient un observateur raisonnable et bien informé à craindre que l'attitude du juge de première instance empêche celui-ci d'examiner les faits de façon juste et impartiale : Committee for Justice and Liberty c. Office national de l'énergie, [1978] 1 R.C.S. 369. Si le tribunal constate que certaines interventions ont eu cet effet, la seule réparation possible est de renvoyer l'affaire pour un nouveau procès.


L'instruction de la présente affaire s'est étalée sur 11 jours aux mois de juin, juillet et août 1996. Un temps considérable a été consacré à des requêtes, à des arguments portant sur divers points soulevés au cours du procès et aux conclusions finales. Les témoins ont été entendus les 26, 27 et 28 juin, les 2 et 3 juillet et les 22 et 23 août 1996. Les conclusions finales ont été présentées les 30 et 31 août 1996 et le juge a rendu sa décision oralement à la fin des débats.

L'avocat de M. James a cité 27 cas où le juge de première instance est intervenu pour interroger les témoins. Nous avons soigneusement examiné le compte rendu, en tenant dûment compte des contraintes qu'entraîne la tenue d'un procès et de la latitude qu'il convient d'accorder aux juges de première instance pour qu'ils puissent remplir leurs obligations. Nous avons également tenu compte des limitations inhérentes qui s'attachent aux comptes rendus, qui reprennent uniquement les paroles prononcées et ne reflètent pas les nuances que peut apporter la façon de prononcer les paroles consignées. Nous notons également que les interrogatoires auxquels a procédé l'avocat ont donné lieu souvent à des réponses confuses et apparemment incompatibles avec la preuve documentaire.

Nous avons conclu que la plupart des interventions qu'a faites le juge de première instance, compte tenu du contexte dans lequel elles se sont produites, ont consisté à poser des questions pour préciser les témoignages et n'étaient donc pas susceptibles de justifier les objections formulées pour le compte de M. James.


Cependant, avec égard pour le juge de première instance, nous sommes obligés de convenir avec l'avocat de M. James que le juge a, à plusieurs reprises, interrogé les témoins comme s'il s'agissait d'un contre-interrogatoire. Nous ne nous proposons pas de décrire ces incidents en détail. Il suffit de mentionner que le juge de première instance a demandé aux témoins d'expliquer des contradictions apparentes, a débattu avec eux du sens de certains documents ou déclarations antérieures et qu'il les a interrogés sur des points qui n'avaient pas été abordés par les avocats. Il a ainsi agi d'une façon susceptible d'amener un observateur objectif à conclure de façon raisonnable qu'il jouait le rôle du procureur de la Couronne (Compte rendu, volume V, pages 133 à 139, 143 à 146, 169 à 170, 172 et 173 et volume VI, pages 84 à 94).

L'avocat de la Couronne a fait remarquer que certaines interventions qui ont suscité des objections concernaient le dividende versé par Pedigree Holdings Ltd., question qui a été finalement été tranchée en faveur de M. James.

Cela est vrai, mais il est également vrai que certaines interventions du juge de première instance sur la légalité des paiements effectués à Mme Kirsten, la principale question en litige en appel, montre que celui-ci a outrepassé le rôle normal d'un juge. De toute façon, il ne s'agit pas de savoir si le juge de première instance a réellement fait preuve de partialité ou de prévention à l'égard de M. James. Cela n'a aucunement été suggéré en l'espèce, et cela n'aurait pu l'être. Il s'agit de savoir si la façon dont il a mené le procès aurait pu soulever une crainte raisonnable de partialité dans l'esprit d'un observateur objectif et bien informé.


Nous sommes forcés de conclure que M. James a droit d'obtenir réparation et que la seule réparation possible est d'accueillir l'appel et de renvoyer l'affaire pour un nouveau procès.

Conclusions de fait du juge de première instance

L'avocat de M. James a présenté plusieurs arguments concernant les conclusions de fait auxquelles est arrivé le juge de première instance. Étant donné que nous avons conclu qu'il y avait lieu d'ordonner un nouveau procès, il nous a paru préférable de ne pas formuler de commentaires sur ces arguments.

Dispositif

Nous faisons droit à l'appel avec dépens et annulons le jugement de la section de première instance. L'affaire est renvoyée pour un nouveau procès.

« A.J. Stone »

Juge

« Juilius A. Isaac »

Juge

« Karen R. Sharlow »

Juge

Traduction certifiée conforme

__________________________________

Suzanne M. Gauthier, LL.L., Trad a.


COUR D'APPEL FÉDÉRALE

NOMS DES AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                         A-678-96

INTITULÉ DE LA CAUSE :             Kenneth James

- et -

Sa Majesté la Reine

LIEU DE L'AUDIENCE :                  Toronto (Ontario)

DATE DE L'AUDIENCE :                7 novembre 2000

MOTIFS DU JUGEMENT PRONONCÉS PAR : le juge Stone

le juge Isaac

le juge Sharlow

EN DATE DU :                                   21 décembre 2000

ONT COMPARU :

Vincent Ross Morrison                                      pour l'appelant

Kathryn Philpott                                                            pour l'intimée

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Morrison, Brown, Sosnovitch

Toronto (Ontario)                                                          pour l'appelant

Morris Rosenberg

Sous-procureur général du Canada

Ottawa (Ontario)                                                           pour l'intimée

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