Décisions de la Cour d'appel fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Recueil des arrêts de la Cour fédérale
Sebastian c. Première nation Saugeen n 29 (Conseil de la) (C.A.) [2003] 3 C.F. 48

Date : 20030122

Dossier : A-387-01

Référence neutre : 2003 CAF 28

CORAM :       LE JUGE DESJARDINS

LE JUGE ISAAC

LE JUGE MALONE

ENTRE :

                          LE CONSEIL DE LA PREMIÈRE NATION SAUGEEN no 29

                                                       et LE CHEF RANDAL ROOTE

                                                                                                                                                         appelants

                                                                                   et                               

                                                                                                                                                          

                                                                                   

JAMES SEBASTIAN et 544282 ONTARIO INC.

faisant affaire sous la raison sociale de HIDEAWAY CAMPGROUND

intimés

                                   Audience tenue à Toronto (Ontario), le 7 octobre 2002.

                                Jugement prononcé à Ottawa (Ontario), le 22 janvier 2003.

MOTIFS CONCORDANTS SAUF QUANT AUX DÉPENS :                                  LE JUGE ISAAC

MOTIFS DU JUGEMENT :                                                                               LE JUGE DESJARDINS

Y A SOUSCRIT :                                                                                                       LE JUGE MALONE


Date : 20030122

Dossier : A-387-01

Référence neutre : 2003 CAF 28

CORAM :       LE JUGE DESJARDINS

LE JUGE ISAAC

LE JUGE MALONE

ENTRE :

                          LE CONSEIL DE LA PREMIÈRE NATION SAUGEEN no 29

                                                       et LE CHEF RANDAL ROOTE

                                                                                                                                                         appelants

                                                                                   et                               

                                                                                                                                                          

                                                                                   

JAMES SEBASTIAN et 544282 ONTARIO INC.

faisant affaire sous la raison sociale de HIDEAWAY CAMPGROUND

intimés

                                                           MOTIFS DU JUGEMENT

                                   (Audience tenue à Toronto (Ontario), le 7 octobre 2002

                               Jugement prononcé à Ottawa (Ontario), le 22 janvier 2003)

LE JUGE ISAAC (motifs concordants sauf quant aux dépens)

[1]                 Le présent appel est interjeté à l'encontre d'une ordonnance prononcée le 18 mai 2001 par un juge des requêtes de la Section de première instance.


[2]                 L'ordonnance a été délivrée après l'audition des arguments par téléconférence tenue d'urgence le vendredi précédant le week­-end de la fête de Victoria en 2001. Elle précisait que sa délivrance était une conséquence de la réparation demandée par les intimés dans leur requête en vue d'obtenir :

[traduction]

a)             une ordonnance enjoignant à l'intimé [l'appelant dans le présent appel], à ses représentants et préposés ainsi qu'à quiconque obéit à ses instructions de retirer tous les écriteaux portant l'inscription « Fermé » dans la zone à proximité des lieux d'exploitation de 544282 Ontario Inc. faisant affaire sous la raison sociale de Hideaway Campground et autorisant quiconque prend connaissance de cette ordonnance à faire de même;

b)             une ordonnance enjoignant à l'intimé et au chef Randal Roote de comparaître devant un juge de la Cour pour expliquer pourquoi ils ne devraient pas être déclarés coupables d'outrage au tribunal relativement à l'ordonnance prononcée le 4 août 2000 par M. le juge O'Keefe, laquelle interdit à l'intimé, à ses représentants et préposés et à quiconque obéit à ses instructions ou prend connaissance de cette ordonnance de clore, de gêner, d'empêcher ou de perturber d'une façon quelconque les activités de 544282 Ontario Inc. faisant affaire sous la raison sociale de Hideaway Campground.

[J'ai ajouté les termes en caractères gras.]

[3]                 À l'appui de leur requête, les intimés ont signifié et déposé l'affidavit de Matthew Sokolsky, souscrit le 18 mai 2001, qui donne des détails sur les actes reprochés aux appelants. Au dire des intimés, ces actes les autoriseraient à obtenir la réparation demandée. La requête et l'affidavit déposé à l'appui ont été dûment signifiés aux appelants.


[4]                 Après avoir pris connaissance des documents déposés par les avocats et entendu les arguments des parties par téléconférence, le juge des requêtes a rendu l'ordonnance contestée en l'espèce dont le dispositif est rédigé en partie comme suit :

[traduction]

1.            LA COUR ORDONNE QUE la résolution du Conseil de bande, portant la date du 16 mai 2001, n'ait pas force exécutoire à l'endroit de 544282 Ontario Inc. faisant affaire sous la raison sociale de Hideaway Campground.

2.             LA COUR ORDONNE QUE l'intimé, ses représentants et préposés ou quiconque obéit à ses instructions retirent tous les écriteaux portant l'inscription « Fermé » dans la zone à proximité des lieux d'exploitation de 544282 Ontario Inc. faisant affaire sous la raison sociale de Hideaway Campground. Quiconque prenant connaissance de la présente ordonnance peut retirer tous les écriteaux portant l'inscription « Fermé » dans la zone à proximité des lieux d'exploitation de 544282 Ontario Inc. faisant affaire sous la raison sociale de Hideaway Campground.

3.              LA COUR ORDONNE QUE l'intimé et le chef Randal Roote soient tenus de comparaître devant un juge de la Cour, à Toronto, le lundi 4 juin 2001, à 10 h en matinée ou aussitôt que l'affaire pourra être entendue après cette heure, pour expliquer pourquoi ils ne devraient pas être déclarés coupables d'outrage au tribunal relativement à l'ordonnance prononcée le 4 août 2000 par M. le juge O'Keefe, laquelle interdit à l'intimé, à ses représentants et préposés et à quiconque obéit à ses instructions ou prend connaissance de cette ordonnance de clore, de gêner, d'empêcher ou de perturber d'une façon quelconque les activités de 544282 Ontario Inc. faisant affaire sous la raison sociale de Hideaway Campground.

Contexte factuel

[5]                 Je propose maintenant de résumer le contexte factuel à l'origine du litige entre les parties afin d'élaborer et de fournir une appréciation des questions en litige dans le présent appel.


[6]                 En 1985, Sa Majesté la Reine du chef du Canada, avec le consentement du Conseil de la bande indienne Saugeen et les personnes qui occupaient alors les biens­­-fonds cédés à bail, a loué à l'intimé, 544282 Ontario Inc., une partie des biens-fonds désignés comme étant la réserve indienne Saugeen no 29, qui a été mise de côté à l'usage et au profit de la bande indienne Saugeen, pour une période de 20 ans, soit du 1er mai 1985 au 30 avril 2005. Le bail est assujetti aux dispositions de la Loi sur les Indiens, L.R.C. (1985), ch-I, et ses modifications, ainsi qu'à ses règlements.

[7]                 En vertu de l'article 4 du bail, la société intimée s'est engagée à utiliser les biens­-fonds loués seulement pour les besoins d'exploitation d'un parcours de golf miniature, d'un restaurant, d'une salle de jeux électroniques et d'installations de camping en plein air, et pour aucun autre besoin quel qu'il soit. Au fil du temps, la société intimée a fait des investissements importants sur les biens-fonds loués. Elle encaissait la plus grande partie de ses revenus durant les mois d'été chaque année, particulièrement durant le week-end de la fête de Victoria, le 1er août et à la fête du Travail. L'intimé James Sebastian gagne sa vie avec les profits de l'entreprise.

[8]                 Durant le long week-end de mai 2000, le Conseil de bande appelant (le Conseil appelant) a adopté une résolution (RCB1) qui forçait la fermeture du camping Hideaway parce qu'il y avait eu « deux morts » . Dans les documents déposés auprès de la Cour en vue de l'audition du présent appel, les appelants n'ont présenté aucun élément de preuve démontrant que les intimés étaient d'une façon quelconque responsables de ces « deux morts » .


[9]                 Le 25 mai 2000, sans donner avis à l'intimé, le Conseil appelant a adopté une résolution modifiant le zonage des terrains de camping en interdisant toute activité économique sur ceux-ci (RCB2).

[10]            Par la suite, le Conseil appelant a adopté une troisième résolution qui déclarait que l'intimé James Sebastian était une personne indésirable et qui interdisait à ce dernier l'accès à la réserve, notamment au bien-fonds qu'il avait loué (RCB3). Une quatrième résolution a ensuite été adoptée pour déclarer la fermeture du camping Hideaway du 29 juin au 4 juillet 2000 (RCB4).

[11]            Les intimés ont cherché à obtenir du Conseil appelant l'assurance qu'il ne nuirait pas aux affaires de Hideaway Campground dans l'attente de la décision relative à la demande de contrôle judiciaire présentée à l'encontre de ses résolutions. N'ayant reçu aucun accusé de réception ni aucune réponse du Conseil appelant à cet égard, les intimés ont présenté une requête pour injonction interlocutoire le 4 août 2000. Cette requête a été entendue par le juge O'Keefe à la Section de première instance qui a accueilli la requête et délivré une ordonnance enjoignant au Conseil appelant, suivant les termes déjà cités, de ne pas nuire à l'exploitation du terrain de camping des intimés.

[12]            Des exemplaires de l'ordonnance du juge O'Keefe ont été signifiés aux appelants ainsi qu'à la division Saugeen des services de police d'Anishinabek. Il semblerait que cette dernière ait eu à l'époque la responsabilité d'assurer les services policiers à la réserve Saugeen.


[13]            Le 16 mai 2001, le Conseil appelant a adopté une nouvelle résolution qui forçait la fermeture de tous les terrains de camping sur ses propriétés pour une période de temps indéterminée, en invoquant que son geste était motivé par la violence.

[14]            Le 17 mai 2001, le chef Randal Roote s'est rendu au camping Hideaway et a informé l'intimé James Sebastian que le terrain de camping ne serait pas ouvert le week-end prochain et qu'il entendait, en tant que chef du Conseil, faire ce qui serait nécessaire pour le garder fermé. Lorsque l'intimé lui a rappelé l'existence de l'ordonnance rendue par le juge O'Keefe en date du 4 août 2000, le chef Roote a répliqué que cette ordonnance [traduction] « importe peu » .

[15]            Le 18 mai 2001, des représentants du Conseil appelant se sont rendus au camping Hideaway et ont installé sur la route y menant des écriteaux portant l'inscription « Fermé » .


[16]            Le même jour, les intimés ont signifié et déposé une requête à être entendue par téléconférence le jour même pour demander l'ordonnance faisant l'objet du présent appel. La requête a été entendue par Mme le juge Tremblay-Lamer qui l'a accueillie et qui a rendu l'ordonnance à l'encontre de laquelle le présent appel a été interjeté. Le motif « g) » de l'avis de requête déposé par les intimés allègue que [traduction] « l'intention avouée du chef Roote et les écriteaux constituent une preuve prima facie de l'outrage au tribunal relativement à l'ordonnance rendue par le juge O'Keefe et causent un préjudice irréparable aux affaires de Hideaway Campground » .

[17]            Le dossier de la présente affaire n'indique pas si le Conseil appelant a présenté une demande de suspension de l'ordonnance du juge O'Keefe ou interjeté appel à l'égard de celle-ci.

[18]            Le dossier ne contient aucune déclaration des appelants contredisant ou mettant d'une façon quelconque en doute les faits allégués par les intimés. Ces allégations de fait demeurent incontestées et je les ai traitées comme telles.

Règles pertinentes de la Cour concernant l'outrage au tribunal

[19]            Les articles 466 à 474 des Règles de la Cour fédérale (1998) (les Règles) ont remplacé les anciens articles 354, 355 et 2500 des Règles de la Cour fédérale. Les nouvelles dispositions constituent en soi un code en matière d'outrage au tribunal à la Cour fédérale du Canada. Ces dispositions sont reproduites ci-dessous. À titre comparatif, je reproduis également les anciens articles.

Articles 466 à 474 des Règles de la Cour fédérale (1998)

466. Sous réserve de la règle 467, est coupable d'outrage au tribunal quiconque :

466. Subject to rule 467, a person is guilty of contempt of Court who

a) étant présent à une audience de la Cour, ne se comporte pas avec respect, ne garde pas le silence ou manifeste son approbation ou sa désapprobation du déroulement de l'instance;

(a) at a hearing fails to maintain a respectful attitude, remain silent or refrain from showing approval or disapproval of the proceeding;

b) désobéit à un moyen de contrainte ou à une ordonnance de la Cour;

(b) disobeys a process or order of the Court;

c) agit de façon à entraver la bonne administration de la justice ou à porter atteinte à l'autorité ou à la dignité de la Cour;

(c) acts in such a way as to interfere with the orderly administration of justice, or to impair the authority or dignity of the Court;

d) étant un fonctionnaire de la Cour, n'accomplit pas ses fonctions;

(d) is an officer of the Court and fails to perform his or her duty; or

e) étant un shérif ou un huissier, n'exécute pas immédiatement un bref ou ne dresse pas le procès-verbal d'exécution, ou enfreint une règle dont la violation le rend passible d'une peine.

(e) is a sheriff or bailiff and does not execute a writ forthwith or does not make a return thereof or, in executing it, infringes a rule the contravention of which renders the sheriff or bailiff liable to a penalty.

467. (1) Sous réserve de la règle 468, avant qu'une personne puisse être reconnue coupable d'outrage au tribunal, une ordonnance, rendue sur requête d'une personne ayant un intérêt dans l'instance ou sur l'initiative de la Cour, doit lui être signifiée. Cette ordonnance lui enjoint :

467. (1) Subject to rule 468, before a person may be found in contempt of Court, the person alleged to be in contempt shall be served with an order, made on the motion of a person who has an interest in the proceeding or at the Court's own initiative, requiring the person alleged to be in contempt

a) de comparaître devant un juge aux date, heure et lieu précisés;

(a) to appear before a judge at a time and place stipulated in the order;

b) d'être prête à entendre la preuve de l'acte qui lui est reproché, dont une description suffisamment détaillée est donnée pour lui permettre de connaître la nature des accusations portées contre elle;

(b) to be prepared to hear proof of the act with which the person is charged, which shall be described in the order with sufficient particularity to enable the person to know the nature of the case against the person; and

c) d'être prête à présenter une défense.

(c) to be prepared to present any defence that the person may have.

(2) Une requête peut être présentée ex parte pour obtenir l'ordonnance visée au paragraphe (1).

(2) A motion for an order under subsection (1) may be made ex parte.

(3) La Cour peut rendre l'ordonnance visée au paragraphe (1) si elle est d'avis qu'il existe une preuve prima facie de l'outrage reproché.

(3) An order may be made under subsection (1) if the Court is satisfied that there is a prima facie case that contempt has been committed.

(4) Sauf ordonnance contraire de la Cour, l'ordonnance visée au paragraphe (1) et les documents à l'appui sont signifiés à personne.

(4) An order under subsection (1) shall be personally served, together with any supporting documents, unless otherwise ordered by the Court.

468. En cas d'urgence, une personne peut être reconnue coupable d'outrage au tribunal pour un acte commis en présence d'un juge et condamnée sur-le-champ, pourvu qu'on lui ait demandé de justifier son comportement.

468. In a case of urgency, a person may be found in contempt of Court for an act committed in the presence of a judge and condemned at once, if the person has been called on to justify his or her behaviour.

469. La déclaration de culpabilité dans le cas d'outrage au tribunal est fondée sur une preuve hors de tout doute raisonnable.

469. A finding of contempt shall be based on proof beyond a reasonable doubt.

470. (1) Sauf directives contraires de la Cour, les témoignages dans le cadre d'une requête pour une ordonnance d'outrage au tribunal, sauf celle visée au paragraphe 467(1), sont donnés oralement.

470. (1) Unless the Court directs otherwise, evidence on a motion for a contempt order, other than an order under subsection 467(1), shall be oral.

(2) La personne à qui l'outrage au tribunal est reproché ne peut être contrainte à témoigner.

(2) A person alleged to be in contempt may not be compelled to testify.

471. La Cour peut, si elle l'estime nécessaire, demander l'assistance du procureur général du Canada dans les instances pour outrage au tribunal.

471. Where the Court considers it necessary, it may request the assistance of the Attorney General of Canada in relation to any proceedings for contempt.

472. Lorsqu'une personne est reconnue coupable d'outrage au tribunal, le juge peut    ordonner :

472. Where a person is found to be in contempt, a judge may order that

a) qu'elle soit incarcérée pour une période de moins de cinq ans ou jusqu'à ce qu'elle se conforme à l'ordonnance;

(a) the person be imprisoned for a period of less than five years or until the person complies with the order;

b) qu'elle soit incarcérée pour une période de moins de cinq ans si elle ne se conforme pas à l'ordonnance;

(b) the person be imprisoned for a period of less than five years if the person fails to comply with the order;

c) qu'elle paie une amende;

(c) the person pay a fine;

d) qu'elle accomplisse un acte ou s'abstienne de l'accomplir;

(d) the person do or refrain from doing any act;

e) que les biens de la personne soient mis sous séquestre, dans le cas visé à la règle 429;

(e) in respect of a person referred to in rule 429, the person's property be sequestered; and

f) qu'elle soit condamnée aux dépens.

(f) the person pay costs.

473. (1) En cas d'absence du shérif ou d'empêchement ou de refus d'agir de sa part, tout bref d'exécution ou autre moyen de contrainte, y compris le mandat de saisie de biens délivré en vertu de la règle 481, peut être adressé à une personne à qui pourrait être adressé un acte d'exécution émanant d'une cour supérieure de la province où l'exécution doit s'effectuer.

473. (1) Where there is no sheriff or a sheriff is unable or unwilling to act, a process, including a warrant for arrest of property under rule 481, may be issued to any person to whom a process of a superior court of the province in which the process is to be executed could be issued.

(2) Lorsqu'un bref d'exécution ou autre moyen de contrainte est adressé à un shérif, celui-ci peut, à sa discrétion, en confier l'exécution à toute personne autorisée par les lois provinciales à exécuter les actes d'exécution émanant d'une cour supérieure de la province.

(2) Where a process is issued to a sheriff, it may, at the sheriff's direction, be executed by a person authorized under provincial law to execute the process of a superior court of the province in which the process is to be executed.

474. (1) Dans le cas où une ordonnance rendue contre la Couronne lui enjoignant de payer une somme pour les dépens ou à tout autre titre est exécutoire, l'administrateur délivre un certificat de jugement attestant :

474. (1) Where an order made against the Crown for the payment of money for costs or otherwise is executory and

a) que le délai d'appel est expiré, lorsqu'elle n'a fait l'objet d'aucun appel;

(a) where no appeal of the order has been instituted, the time allowed by law for an appeal from the order has expired, or

b) qu'elle n'a pas été infirmée ou qu'elle a été modifiée, lorsqu'elle a fait objet d'un appel.

(b) where there has been an appeal from the order, the order has been affirmed or varied on appeal, the Administrator shall issue a certificate of judgment accordingly.

(2) Le certificat visé au paragraphe (1) est transmis par l'administrateur au bureau du sous-procureur général du Canada.

(2) A certificate issued under subsection (1) shall be transmitted by the Administrator to the office of the Deputy Attorney General of Canada.

Articles 354, 355 et 2500 des anciennes Règles de la Cour fédérale    

354. (1) Toute personne présente à une séance de la Cour ou d'un protonotaire doit s'y comporter avec respect, garder le silence et s'abstenir de manifester son approbation ou sa sésapprobation de ce qui s'y passe.

354. (1) Every person present at a sittings of the Court or a prothonotary must maintain a respectful attitude, remain silent and refrain from showing approval or disapproval of the proceedings.

(2) L'observation de l'alinéa (1) est obligatoire en tout lieu où un juge exerce les fonctions de son état.

(2) Paragraph (1) must be observed wherever a judge carries out his official functions.

(3) Toute personne qui contrevient à l'alinéa (1) ou qui n'obéit pas dans l'instant à l'ordre d'un juge, d'un protonotaire ou d'un officier sous leur autorité est coupable d'outrage au tribunal, et, s'il est un officier de justice, le tribunal peut le suspendre de sa fonction.

(3) Any person who contravenes paragraph (1) or who does not obey at once an order of a judge or a prothonotary or an officer under his authority is guilty of contempt of court and, if he is an officer of the Court, the Court may suspend him from his functions.

355. (1) Est coupable d'outrage au tribunal quiconque désobéit à un bref ou une ordonnance de la Cour ou d'un de ses juges, ou agit de façon à gêner la bonne administration de la justice, ou à porter atteinte à l'autorité ou à la dignité de la Cour. En particulier, un officier de la justice qui ne fait pas son devoir, et un shérif ou huissier qui n'exécute pas immédiatement un bref ou qui ne dress pas le procès-verbal d'exécution y afférent ou qui, enfreint une règle dont la violation le rend passible d'une peine, est coupable d'outrage au tribunal.

355. (1) Anyone is guilty of contempt of court who disobeys any process or order of the Court or a judge thereof, or who acts in such a way as to interfere with the orderly administration of justice, or to impair the authority or dignity of the Court. In particular, any officer of justice who fails to do his duty, and any sheriff or bailiff who does not execute a writ forthwith or does not make a return thereof or, in executing it, infringes any rule the violation whereof renders him liable to a penalty, is guilty of contempt of court.

(2) Sauf disposition contraire, quiconque est coupable d'outrage au tribunal est passible d'une amende qui, dans le cas d'un particulier ne doit pas dépasser $5,000 ou d'un emprisonnement d'un an au plus. L'emprisonnement et, dans le cas d'une corporation, une amende, pour refus d'obéissance à un bref ou une ordonnance, peuvent être renouvelés jusqu'à ce que la personne condamnée obéisse.

(2) Except where otherwise provided, anyone who is guilty of contempt of court is liable to a fine, which in the case of an individual shall not exceed $5,000, or to imprisonment for a period not exceeding one year. Imprisonment, and in the case of a corporation, a fine, for refusal to obey any process or order may be repeatedly inflicted until the person condemned obeys.

(3) Quiconque se rend coupable d'outrage au tribunal en présence du juge dans l'exercice de ses fonctions peut être condamné sur-le-champ, pourvu qu'on lui ait demandé de justifier son comportement.

(3) Anyone who is guilty of contempt of court in the presence of the judge in the exercise of his functions may be condemned at once, provided that he has been called upon to justify his behaviour.

(4) Une personne ne peut être condamnée pour outrage au tribunal commis hors de la présence du juge que s'il lui a été signifié une ordonnance de justification lui enjoignant de comparaître devant la Cour, au jour et à l'heure fixés pour entendre la preuve des actes dont il est accusé et pour présenter, le cas échéant, sa défense en exposant les raisons de sa conduite. Cette ordonnance, rendue par le juge soit de sa propre initiative, soit sur demande, doit obligatoirement être signifiée à personne, à moins qu'un autre mode de signification ne soit autorisé pour des raisons valables. La demande d'ordonnance de justification enjoignant d'exposer les raisons peut être présentée sans qu'il soit nécessaire de la faire signifier.

(4) No one may be condemned for contempt of court committed out of the presence of the judge, unless he has been served with a show cause order ordering him to appear before the Court, on the day and at the hour fixed to hear proof of the acts with which he is charged and to urge any grounds of defence that he may have. The show cause order issued by the judge of his own motion or on application must be served personally, unless for valid reasons another mode of service is authorized. The application for the issuance of the show cause order may be presented without its being necessary to have it served.

(5) La procédure prévue à l'alinéa (4) n'exclut pas une demande d'incarcération en vertu du chapitre I de la Partie VII. L'une ou l'autre de ces deux méthodes de procédure peut être appliquée, mais le fait de s'être engagé dans l'une de ces deux voies supprime la possibilité de s'engager dans l'autre. Les autres dispositions de la présente Règle n'excluent pas les pouvoirs inhérents à la Cour; et la présente Règle ainsi que les pouvoirs inhérents à la Cour peuvent être invoqués en toute circonstance appropriée.

(5) The procedure set out in paragraph (4) is without prejudice to an application for committal under Division I of Part VII. The two methods of proceeding are alternatives and when one has been acted on, the other cannot be invoked. The other provisions in this rule are without prejudice to the inherent powers of the Court; and both this rule and the inherent powers can be invoked on any appropriate occasion.

2500. (1) Le pouvoir qu'a la Cour d'infliger une peine pour outrage au tribunal pourra être exercé au moyen d'une ordonnance d'incarcération.

2500. (1) The power of the Court to punish for contempt of court may be exercised by an order of committal.

(2) Une demande d'ordonnance d'incarcération doit être faite par requête et il doit obligatoirement s'écouler 8 jours francs au moins entre la signification de l'avis de requête et la date d'audition qui y est indiquée.

(2) An application for an order of committal shall be made by motion and there must be at least 8 clear days between the service of the notice of motion and the day named therein for the hearing.

(3) Sous réserve de l'alinéa (4), l'avis de requête et une copie de l'affidavit à l'appui de la requête doivent obligatoirement être signifiés à la personne dont on demande l'incarcération, par voie de signification à personne.   

(3) Subject to paragraph (4), the notice of motion and a copy of the affidavit in support must be served personally on the person sought to be committed.

(4) La Cour pourra, si elle estime juste de le faire, dispenser de la signification de l'avis de requête et de l'affidavit exigé par la présente Règle.

(4) The Court may dispense with service of the notice of motion and affidavit under this Rule if it thinks it just to do so.

(5) Rien dans les dispositions précédentes de la présente Règle ne doit être interprété comme portant atteinte au pouvoir qu'a la Cour de rendre de sa propre initiative une ordonnance d'incarcération contre une personne coupable d'outrage au tribunal.

(5) Nothing in the foregoing provisions of this Rule shall be taken as affecting the power of the Court to make an order or committal of its own motion against a person guilty of contempt of Court.

(6) Sur permission de la Cour, un bref de contrainte par corps peut être décerné (Formule 71) et un bref ainsi décerné doit être exécuté dans la mesure où il est nécessaire de l'exécuter.

(6) By leave of the Court, a writ of attachment may issue (Form 71) and a writ so issued shall be executed according to the exigency thereof.

(7) La personne contrainte par corps doit être amenée sans retard devant la Cour et si, après qu'on lui aura donné toute possibilité de répondre à ce qui lui est reproché, la Cour est convaincue qu'il est juste de le faire, elle pourra ordonner son incarcération (Formules 72 et 73).

(7) The person attached shall, without delay, be brought before the Court and if, after he has been given a full opportunity to answer what is alleged against him, the Court is satisfied that it is just to do so, the Court may order him to be committed (Forms 72 and 73).

(8) L'ordonnance d'incarcération doit être exécutée par le shérif compétent ou toute autre personne qui peut être désignée par l'ordonnance.

(8) The order for committal shall be executed by the appropriate sheriff or such other person as may be designated by the order.

(9) La Cour pourra, par ordonnance, prescrire la suspension de l'exécution d'une ordonnance d'incarcération pour la période ou aux conditions qu'elle spécifie.

(9) The Court may by order direct that the execution of an order of committal shall be suspended for such period or on such terms or conditions as it may specify.

(10) Lorsque l'exécution d'une ordonnance d'incarcération est suspendue par une ordonnance rendue en vertu de l'alinéa (9), celui qui demande l'ordonnance d'incarcération doit, sauf instructions contraires de la Cour, signifier à la personne contre laquelle ladite ordonnance a été rendue, un avis l'informant de l'ordonnance de suspension rendue en vertu dudit alinéa et des conditions de celle-ci.

(10) Where execution of an order of committal is suspended by an order under paragraph (9), the applicant for the order of committal shall, unless the Court otherwise directs, serve on the person against whom it was made a notice informing him of the making and terms of the order under that paragraph.

(11) La Cour pourra, soit à la demande d'une personne incarcérée pour outrage au tribunal, soit à la demande de toute autre partie, soit de sa propre initiative, libérer cette personne.

(11) The Court may, on the application of any person committed to prison for any contempt of court, or on the application of any other party or of its own motion, discharge him.

(12) Lorsqu'une personne a été incarcérée pour avoir omis de se conformer à un jugement ou à une ordonnance lui enjoignant de délivrer une chose quelconque à une autre personne ou de la déposer à la Cour ou ailleurs, et qu'un bref de séquestration a également été décerné pour l'exécution de ce jugement ou de cette ordonnance, les commissaires désignés par le bref de séquestration peuvent, si la chose est sous la garde ou sous l'autorité de la personne incarcérée, en prendre possession comme si elle appartenait à cette personne et, sous réserve de la portée générale de l'alinéa (11), la Cour peut libérer la personne incarcérée et elle peut donner les instructions qu'elle juge à propos en ce qui concerne les dispositions à prendre au sujet de la chose dont les commissaires ont pris possession.

           (12) Where a person has been committed for failing to comply with a judgment or order requiring him to deliver any thing to some other person or to deposit it in court or elsewhere, and a writ of sequestration has also been issued to enforce that judgment or order, then, if the thing is in the custody or power of the person committed, the commissioners appointed by the writ of sequestration may take possession of it as if it were the property of that person and, without prejudice to the generality of paragraph (11), the Court may discharge the person committed and may give such directions for dealing with the thing taken by the commissioners if it thinks fit.

(13) Rien dans les dispositions précédentes de la présente Règle ne doit être interprété comme portant atteinte au pouvoir qu'a la Cour de rendre une ordonnance enjoignant à une personne coupable d'outrage au tribunal, ou à une personne passible de peine en vertu d'un texte législatif ou réglementaire de la même façon que si elle était coupable d'outrage au tribunal, de payer une amende ou de fournir une garantie assurant sa bonne conduite. Lesdites dispositions s'appliquent, dans le mesure du possible, et avec les modifications qui s'imposent, dans le cas d'une demande d'une telle ordonnance comme elles s'appliquent dans le cas d'une demande d'incarcération.

(13) Nothing in the foregoing provisions of this Rule shall be taken as affecting the power of the Court to make an order requiring a person guilty of contempt of court, or a person punishable by virtue of any enactment in like manner as if he had been guilty of contempt of court, to pay a fine or to give security for his good behaviour, and those provisions, so far as applicable, and with the necessary modifications, shall apply in relation to an application for such an order as they apply in relation to an application for an order of committal.

(14) Rien dans les dispositions précédentes de la présente Règle ne doit être interprété comme portant atteinte au pouvoir qu'a la Cour aux termes de la Règle 355.

(14) Nothing in the foregoing provisions of this Rule shall be taken as affecting the power of the Court under Rule 355.

Les questions en litige

[20]            Les appelants interjettent appel de l'ordonnance du juge des requêtes et demandent que l'ordonnance prononcée soit annulée en raison de son défaut de conformité avec l'article 467 des Règles. Subsidiairement, ils demandent que l'ordonnance soit suspendue jusqu'à ce que l'intimé dépose une ordonnance plus détaillée et plus précise avec l'autorisation de la Cour. La demande afférente au moyen subsidiaire s'appuie sur la théorie voulant que l'allégation du défaut de conformité avec l'article 467 des Règles soit une question grave qui mérite d'être tranchée. En outre, ils disent qu'ils subiront un préjudice irréparable si la suspension n'est pas accordée et que la prépondérance des inconvénients penche en leur faveur.


[21]            Avant d'entreprendre l'analyse des questions en litige, il pourrait être utile de faire certaines observations générales concernant l'approche relative aux nouvelles dispositions. Comme je l'ai dit, les articles 466 à 471 définissent l'outrage au tribunal et prescrivent la procédure à suivre dans les instances pour outrage au tribunal. Promulguées en 1998, ces dispositions remplacent les anciens articles 354, 355 et 2500 et font partie intégrante d'un code complet régissant l'outrage au tribunal à la Cour.

[22]            Les nouvelles dispositions ont été élaborées par un comité des règles composé de membres juristes de la Cour et de membres du Barreau nommés par le procureur général du Canada.

[23]            Ce comité était secondé dans ses travaux par des experts en matière de procédure civile dans les deux grands régimes juridiques du Canada - la common law et le droit civil. Les Règles, telles qu'elles ont été promulguées, reflètent les tendances en matière de procédure civile et s'inspirent en partie des règles provinciales sélectives.

[24]            Je reproduis ci-dessous l'article 3 des Règles qui, à mon avis, énonce l'approche philosophique dont tous les officiers de la Cour doivent tenir compte dans l'interprétation et l'application des nouvelles Règles.

3. Les présentes règles sont interprétées et appliquées de façon à permettre d'apporter une solution au litige qui soit juste et la plus expéditive et économique possible.

3. These Rules shall be interpreted and applied so as to secure the just, most expeditious and least expensive determination of every proceeding on its merits.


[25]            Depuis l'entrée en vigueur des Règles de la Cour fédérale (1998), l'accent doit être mis sur une résolution des conflits « qui soit juste et la plus expéditive et économique possible » , tel que l'exige l'article 3 des Règles.

[26]            Les articles 56 à 60 traitent de l'inobservation des Règles. Je reproduis ci-dessous les articles 56 et 58 qui sont révélateurs.

56. L'inobservation d'une disposition des présentes règles n'entache pas de nullité l'instance, une mesure prise dans l'instance ou l'ordonnance en cause. Elle constitue une irrégularité régie par les règles 58 à 60.

56. Non-compliance with any of these Rules does not render a proceeding, a step in a proceeding or an order void, but instead constitutes an irregularity, which may be addressed under rules 58 to 60.

58. (1) Une partie peut, par requête, contester toute mesure prise par une autre partie en invoquant l'inobservation d'une disposition des présentes règles.

58. (1) A party may by motion challenge any step taken by another party for non-compliance with these Rules.

(2) La partie doit présenter sa requête aux termes du paragraphe (1) le plus tôt possible après avoir pris connaissance de l'irrégularité.

(2) A motion under subsection (1) shall be brought as soon as practicable after the moving party obtains knowledge of the irregularity.

[27]            Compte tenu des dispositions de l'article 58, je suis d'avis que les objections des appelants à l'ordonnance sont prématurées. Voir à ce sujet la décision Desnoes & Geddes Ltd. c. Hart Breweries Ltd., [2002] CFPI 118, où Mme le juge Dawson a ordonné ex meru motu qu'un exposé écrit détaillant chaque acte reproché soit signifié et déposé. Elle a tranché ainsi parce qu'elle n'était pas d'avis que l'ordonnance de justification délivrée dans cette affaire décrivait la nature des accusations portées contre les intimés.


[28]            Considérant qu'à mon avis les objections des appelants à l'ordonnance dont appel est interjeté sont prématurées, j'estime que l'appel devrait être rejeté avec dépens. J'ai été tenté d'aborder les arguments soulevés par les deux avocats dans le présent appel par égards pour ces derniers, mais il me semble que, si l'affaire est entendue en première instance, il se peut que le juge ait une opinion différente de la mienne. Pour ce motif, j'estime qu'il est plus prudent de m'abstenir de commenter ces arguments.

                                                                                       « Julius A. Isaac »             

                                                                                                             Juge                          

Traduction certifiée conforme

Suzanne M. Gauthier, trad. a., LL.L.


LE JUGE DESJARDINS (pour la majorité)

[29]            Je ne partage pas entièrement l'opinion exprimée par mon collègue M. le juge Isaac pour trancher la présente affaire, compte tenu du fait que je donne une interprétation différente à l'article 58 des Règles.

[30]            La Cour est saisie d'un appel à l'encontre d'une ordonnance, prononcée par Mme le juge Tremblay-Lamer, qui commande la tenue d'une audience pour outrage au tribunal en vertu de l'article 467 des Règles de la Cour fédérale (1998), DORS/98-106. La contestation de cette ordonnance est fondée sur le défaut de conformité avec les exigences d'avis et de certitude de l'article 467. Le juge Isaac estime que l'appel est prématuré et que les appelants devraient procéder par requête présentée devant la Section de première instance conformément aux articles 56 et 58 des Règles.

1. Articles 56 et 58 des Règles

[31]            Les articles 56 et 58 des Règles sont rédigés comme suit :

56. Effet de l'inobservation - L'inobservation d'une disposition des présentes règles n'entache pas de nullité l'instance, une mesure prise dans l'instance ou l'ordonnance en cause. Elle constitue une irrégularité régie par les règles 58 à 60.

56. Non-compliance with any of these Rules does not render a proceeding, a step in a proceeding or an order void, but instead constitutes an irregularity, which may be addressed under rules 58 to 60.

58. (1) Une partie peut, par requête, contester toute mesure prise par une autre partie en invoquant l'inobservation d'une disposition des présentes règles.

58. (1) A party may by motion challenge any step taken by another party for non-compliance with these Rules.

(2) La partie doit présenter sa requête aux termes du paragraphe (1) le plus tôt possible après avoir pris connaissance de l'irrégularité.

(je souligne)

(2) A motion under subsection (1) shall be brought as soon as practicable after the moving party obtains knowledge of the irregularity.

(my emphasis)

[32]            L'article 56 prévoit que l'inobservation d'une disposition des Règles n'entache pas de nullité l'instance, une mesure prise dans l'instance ou l'ordonnance en cause mais constitue plutôt une irrégularité régie par les articles 58 à 60.

[33]            L'article 58 permet à une partie de contester par voie de requête toute mesure « prise par une autre partie » en invoquant l'inobservation d'une disposition des Règles. Il ne permet toutefois pas à une partie de contester par voie de requête une ordonnance délivrée par un juge en invoquant le défaut de conformité de l'ordonnance avec les Règles, à moins que ce défaut ne soit le résultat de « toute mesure prise par une autre partie » .

[34]            L'irrégularité débattue n'est attribuable à aucune des parties. L'ordonnance elle-même est contestée pour une irrégularité commise par le juge qui a rendu l'ordonnance. Par conséquent, l'article 58 ne s'applique pas.


[35]            La décision de Mme le juge Dawson dans Desnoes & Geddes Ltd. c. Hart Breweries Ltd., 2002 CFPI 118, ne constitue certainement pas une application de l'article 58 des Règles. Dans cette affaire, l'ordonnance introductive a été rendue par le protonotaire adjoint à la suite d'une injonction prononcée par le juge O'Keefe. Doutant de la conformité de l'ordonnance introductive, le juge Dawson, à l'audience sur l'ordonnance introductive, a soulevé la question du défaut de conformité avec l'alinéa 467(1)b) et a ajourné l'audience après avoir ordonné qu'un exposé écrit détaillant chaque acte reproché soit signifié et déposé.

2. Articles 3 et 466 à 472 des Règles

[36]            Je partage cependant l'opinion du juge Isaac quant à l'interprétation de l'article 3 qui prescrit que les Règles sont « interprétées et appliquées de façon à permettre d'apporter une solution au litige qui soit juste, et la plus expéditive et économique possible » .

[37]            Les articles 466 à 472 établissent un code régissant l'outrage au tribunal (voir les notes se rapportant à l'article 466 dans Sgayias, et al., Federal Court Practice, 2002, à la page 845). Ils prévoient une procédure en deux étapes. La première étape est celle de la demande par voie de requête d'une ordonnance, prévue à l'article 467, qui enjoint à la personne à qui l'outrage au tribunal est reproché de comparaître pour répondre aux allégations d'outrage. L'ordonnance peut être accordée sur une preuve prima facie de l'outrage reproché. La seconde étape est celle de l'audience sur l'outrage au tribunal elle-même, laquelle s'apparente à une instance criminelle. La preuve de l'outrage reproché doit être établie hors de tout doute raisonnable.


[38]            M. le juge Dickson (plus tard juge en chef) a affirmé, à la page 399 de l'arrêt Baxter Travenol Laboratories of Canada Ltd. c. Cutter (Canada) Ltd., [1983] 2 R.C.S. 388, que l'ordonnance introductive, désignée « ordonnance de justification » dans l'ancien paragraphe 355(4), était semblable à une assignation et que l'outrage devait en définitive être prouvé à l'audience subséquente. Notre Cour a établi que l'ordonnance introductive était susceptible d'appel lorsqu'elle était refusée (voir La Reine c. Perry, [1982] 2 C.F. 519 (C.A.), page 523) et lorsqu'elle était accordée (Baxter Travenol Laboratories of Canada Ltd. c. Cutter (Canada) Ltd., [1984]_ 56 N.R. 282). Dans cette dernière décision, toutefois, le juge Urie, s'exprimant au nom de la Cour, a estimé que les arguments des appelants, selon lesquels l'ordonnance introductive ne fournissait pas tous les détails au regard des alinéas 11a) et b) de la Charte étaient « prématurés » . Il a conclu que ces arguments constituaient des questions qui devaient être tranchées à l'instruction.

[39]            Les appelants, comme je l'expliquerai plus loin, soulève une question différente et encore plus préliminaire. Ils ne sont pas sûrs de bien comprendre les accusations portées contre eux et, par conséquent, ils s'interrogent au sujet de la suffisance des détails fournis à cet égard. Ils veulent savoir qui doit répondre à l'ordonnance, ce qu'on leur reproche et quels sont les éléments de preuve susceptibles d'être présentés contre eux. Ils ne sont pas encore prêts à présenter une défense. Ils sont préoccupés par le défaut de conformité de l'ordonnance introductive avec les Règles, non avec les dispositions de la Charte.


[40]            Même si j'estime que l'article 58 est inapplicable (et pour cette raison, il en va de même pour les articles 59 et 60), il serait peu souhaitable, à mon avis, que la procédure pour outrage au tribunal soit interrompue par un appel entre la première et la deuxième étape. Il vaudrait mieux que la question soulevée soit tranchée par le juge de première instance au début de l'audience sur l'outrage au tribunal. Un appel encouragerait les manoeuvres dilatoires. La présente affaire peut être un exemple de manoeuvre dilatoire et j'expliquerai pourquoi.

3. La question en litige dont la Cour est saisie

a) Comparaison des nouvelles et des anciennes dispositions

[41]            Les Règles actuelles concernant l'ordonnance introductive pour outrage au tribunal sont plus strictes que les anciennes. Par souci de commodité, je reproduis ci­-dessous le paragraphe 467(1) des Règles actuelles et l'ancien paragraphe 355(4).

Paragraphe 467(1) actuel

467(1) Sous réserve de la règle 468, avant qu'une personne puisse être reconnue coupable d'outrage au tribunal, une ordonnance, rendue sur requête d'une personne ayant un intérêt dans l'instance ou sur l'initiative de la Cour, doit lui être signifiée. Cette ordonnance lui enjoint :

467(1) Subject to rule 468, before a person may be found in a contempt of Court, the person alleged to be in contempt shall be served with an order, made on the motion of a person who has an interest in the proceeding or at the Court's own initiative, requiring the person alleged to be in contempt

a) de comparaître devant un juge aux date, heure et lieu précisés;

(a) to appear before a judge at a time and place stipulated in the order;

b) d'être prête à entendre la preuve de l'acte qui lui est reproché, dont une description suffisamment détaillée est donnée pour lui permettre de connaître la nature des accusations portées contre elle;

(b) to be prepared to hear proof of the act with which the person is charged, which shall be described in the order with sufficient particularity to enable the person to know the nature of the case against the person; and

c) d'être prête à présenter une défense.

   (je souligne)   

(c) to be prepared to present any defence that the person may have.

(my emphasis)

Ancien paragraphe 355(4)

355(4) Une personne ne peut être condamnée pour outrage au tribunal commis hors de la présence du juge que s'il lui a été signifié une ordonnance de justification lui enjoignant de comparaître devant la Cour, au jour et à l'heure fixés pour entendre la preuve des actes dont il est accusé et pour présenter, le cas échéant, sa défense en exposant les raisons de sa conduite. Cette ordonnance, rendue par le juge soit de sa propre initiative, soit sur demande, doit obligatoirement être signifiée à personne, à moins qu'un autre mode de signification ne soit autorisé pour des raisons valables. La demande d'ordonnance de justification enjoignant d'exposer les raisons peut être présentée sans qu'il soit nécessaire de la faire signifier.

(je souligne)

355 (4) No one may be condemned for contempt of court committed out of the presence of the judge, unless he has been served with a show cause order ordering him to appear before the Court, on the day and at the hour fixed to hear proof of the acts with which he is charged and to urge any grounds of defence that he may have. The show cause order issued by the judge of his own motion or on application must be served personally, unless for valid reasons another mode of service is authorized. The application for the issuance of the show cause order may be presented without it being necessary to have it served.

(my emphasis)


[42]            Outre la référence à « une ordonnance » plutôt qu'à « une ordonnance de justification » , un terme qui devrait désormais être abandonné, l'article actuel exige que l'ordonnance donne « une description suffisamment détaillée » de l'acte reproché à la personne « pour lui permettre de connaître la nature des accusations portées contre elle » . Le paragraphe 467(1) codifie les exigences antérieures de la common law. Sgayias et al, loc. cit., sous la rubrique traitant de l'article 466, à la page 845, décrit le nouvel article dans les termes suivants :

[traduction]

Les règles prévoient une procédure en deux étapes. La première étape est celle de la requête en vue d'obtenir l'ordonnance visée à l'article 467 pour enjoindre à la personne à qui l'outrage est reproché de comparaître pour répondre aux allégations d'outrage. Cette étape s'apparente à celle de l'ordonnance de justification prévue à l'ancien paragraphe 355(4). L'ordonnance peut être obtenue ex parte conformément au paragraphe 467(2) et sur présentation d'une preuve par affidavit. Le paragraphe 467(3) qui prévoit que l'ordonnance peut être accordée s'il existe une preuve prima facie de l'outrage reproché est le reflet de la jurisprudence. La règle exigeant que l'ordonnance énonce les actes reprochés suivant une description suffisamment détaillée est maintenant codifiée à l'alinéa 467(1)b).

La seconde étape est celle de l'audience pour outrage au tribunal. Celle-ci s'apparente à une instance criminelle. La preuve de l'outrage reproché doit être établie hors de tout doute raisonnable. Voir l'article 469 et Bhatnager c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), [1990] 2 R.C.S. 217 (C.S.C.). Les témoignages à l'audience sont donnés oralement et la personne à qui l'outrage est reproché ne peut être contrainte à témoigner. Voir l'article 470.

(Non souligné dans l'original.)

b) L'ordonnance frappée d'appel

[43]            Mme le juge Tremblay-Lamer a d'abord fait soigneusement référence au dossier de la requête. L'ordonnance introductive qu'elle a ensuite rendue énonce le dispositif suivant :

[traduction]     Après avoir pris connaissance du dossier de la requête et entendu les arguments des parties par téléconférence,

1. LA COUR ORDONNE QUE la résolution du Conseil de bande, portant la date du 16 mai 2001, n'ait pas force exécutoire à l'endroit de 544282 Ontario Inc. faisant affaire sous la raison sociale de Hideaway Campground.


2. LA COUR ORDONNE QUE l'intimé, ses représentants et préposés ou quiconque obéit à ses instructions retirent tous les écriteaux portant l'inscription « Fermé » dans la zone à proximité des lieux d'exploitation de 544282 Ontario Inc. faisant affaire sous la raison sociale de Hideaway Campground. Quiconque prenant connaissance de la présente ordonnance peut retirer tous les écriteaux portant l'inscription « Fermé » dans la zone à proximité des lieux d'exploitation de 544282 Ontario Inc. faisant affaire sous la raison sociale de Hideaway Campground.

3. LA COUR ORDONNE QUE l'intimé et le chef Randal Roote soient tenus de comparaître devant un juge de la Cour, à Toronto, le lundi 4 juin 2001, à 10 h en matinée ou aussitôt que l'affaire pourra être entendue après cette heure, pour expliquer pourquoi ils ne devraient pas être déclarés coupables d'outrage au tribunal relativement à l'ordonnance prononcée le 4 août 2000 par M. le juge O'Keefe, laquelle interdit à l'intimé, à ses représentants et préposés et à quiconque obéit à ses instructions ou prend connaissance de cette ordonnance de clore, de gêner, d'empêcher ou de perturber d'une façon quelconque les activités de 544282 Ontario Inc. faisant affaire sous la raison sociale de Hideaway Campground.

(Non souligné dans l'original.)

[44]       La résolution du Conseil de bande qui, en vertu du paragraphe premier de l'ordonnance, est déclarée comme étant sans force exécutoire, a été adoptée par le Conseil appelant le 16 mai 2001. Cette résolution est rédigée comme suit :

[traduction]

IL EST RÉSOLU :

QUE nous, le Conseil de bande Saugeen, par les présentes, ordonnons la fermeture de tous les terrains de camping à compter du mercredi 16 mai 2001, pour une période de temps indéterminée, en raison des menaces de violence.

ET QU'un communiqué de presse sera préparé pour annoncer la fermeture de tous les terrains de camping pour une durée indéterminée.

[45]       Le deuxième paragraphe ordonne ensuite que les appelants, leurs représentants et préposés ainsi que quiconque obéit à leurs instructions retirent tous les écriteaux portant l'inscription « Fermé » dans la zone à proximité des lieux d'affaires des intimés.


[46]       Finalement, le troisième paragraphe établit l'heure et le lieu de la tenue de l'audience à laquelle les appelants devront se présenter pour « expliquer » pourquoi ils ne devraient pas être déclarés coupables d'outrage au tribunal relativement à l'ordonnance du juge O'Keefe qui interdit aux personnes nommées dans l'ordonnance « de clore, de gêner, d'empêcher ou de perturber d'une façon quelconque les activités [¼] » des intimés.

[47]       Malgré l'utilisation du mot « expliquer » , les appelants reconnaissent ne pas avoir été induits en erreur à propos de la nature de l'audience et savent qu'ils ne sont pas confrontés à un renversement du fardeau de preuve (voir le paragraphe 30 de leur mémoire des faits et du droit). Ils ont toutefois exprimé leur inquiétude quant à savoir qui doit répondre à l'ordonnance, ce qu'on leur reproche et quels sont les éléments de preuve susceptibles d'être présentés contre eux.

c) Identification des auteurs présumés de l'outrage

[48]       Les appelants font valoir que le terme « intimé » utilisé pour désigner le Conseil n'est pas assez précis parce qu'il n'identifie pas les personnes à qui il est ordonné de comparaître à l'audience. Les appelants ne sont pas certains que l'ordonnance vise le Conseil en tant que quasi-personne morale ou tous et chacun des conseillers qui le compose.

[49]       Je ne vois aucune justification à cet argument.


[50]       L'article 467 énonce la procédure requise pour déclarer une « personne » coupable d'outrage au tribunal. Selon la définition donnée à l'article 2 des Règles, le terme « personne » s'entend notamment « d'un office fédéral, d'une association sans personnalité morale et d'une société de personnes » . Par ailleurs, l'article 2 de la version anglaise seulement indique que le terme anglais « tribunal » utilisé dans la définition du mot « person » a la même signification que le groupe de mots « federal board, commission or other tribunal » ou l'équivalent français « office fédéral » dont on trouve la définition dans les versions anglaise et française de la Loi sur la Cour fédérale.    

[51]       Il a été établi par notre Cour qu'un conseil de bande est un « office fédéral » au sens de l'article 2 de la Loi sur la Cour fédérale (voir Canatonquin c. Gabriel, [1980] 2 C.F. 792 (C.A.)). Dans la décision Manitoba Teachers' Society c. Chef et/ou conseil de la bande indienne de Fort Alexander, [1984] 1 C.F. 1109 (C.F. 1re inst.), le conseil de bande lui-même a été déclaré coupable d'outrage au tribunal en vertu des anciennes règles de la Cour.

[52]       La définition du terme « personne » et la jurisprudence antérieure confirment qu'un conseil de bande constitue en soi une entité distincte pour les besoins de la procédure pour outrage au tribunal. L'ordonnance du juge Tremblay-Lamer ne crée pas par conséquent d'incertitude quant à l'identité des auteurs présumés de l'outrage au tribunal en désignant le Conseil appelant.

d) Détails des actes reprochés

[53]       L'ordonnance précise que les actes présumés d'outrage au tribunal étaient « de clore, de gêner, d'empêcher ou de perturber d'une façon quelconque » les activités commerciales des intimés.


[54]       Ces actes ne sont pas énumérés expressément. L'alinéa 467(1)b) prescrit que les actes reprochés à la personne accusée d'outrage au tribunal doivent être énoncés dans une description « suffisamment détaillée [¼] pour lui permettre de connaître la nature des accusations portées contre elle » . La suffisance des détails est une question de degré et consiste en un élément objectif et un élément subjectif.

[55]       Les affidavits versés au dossier de la requête, sur lesquels s'est appuyée le juge Tremblay-Lamer, n'ont été contestés ni par le Conseil de bande ni par le chef Roote. Le dossier de la requête indique ce qui suit :

[traduction]

a) Que le 16 mai 2001, le Conseil de bande a adopté la résolution RCB4 pour censément fermer tous les terrains de camping sur la réserve de la Première nation Saugeen.

b) Que le chef Roote s'était rendu au camping Hideaway le 17 mai 2001 et avait affirmé qu'il le fermerait définitivement et que l'ordonnance du juge O'Keefe importait peu.

c) Que le 18 mai 2001, le Conseil de bande a installé des écriteaux portant l'inscription « Fermé » autour du camping Hideaway.

d) Que le 18 mai 2001, le chef Roote et les membres du Conseil de bande continuaient de bloquer l'accès au camping Hideaway.

[56]       Il est vrai que les actes d'outrage reprochés ne sont pas expressément mentionnés dans l'ordonnance introductive. Toutefois, ils le sont dans le dossier de la requête auquel l'ordonnance introductive fait référence. Les détails étaient donc connus des appelants.


[57]       La seconde question soulevée par les appelants en est donc une de forme uniquement.

4. Conclusion

[58]       Je conclus que la présente affaire devrait passer à la seconde étape de la procédure devant la Section de première instance sans attendre le délai inhérent au processus d'appel. Le juge qui présidera l'audience pour outrage au tribunal sera en mesure de s'assurer de la conformité avec les dispositions du nouveau paragraphe 467(1).

[59]       Je rejetterais l'appel. Je n'adjugerais toutefois pas de dépens puisque la question soulevée concerne l'interprétation et l'application des nouvelles Règles.

                                                                                   « Alice Desjardins »             

                                                                                                             Juge                         

« Je souscris aux présents motifs,

B. Malone, juge »

Traduction certifiée conforme

Suzanne M. Gauthier, trad. a., LL.L.


                          COUR FÉDÉRALE DU CANADA

SECTION D'APPEL

    AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                     A-387-01

INTITULÉ :                    Conseil de la Première nation Saugeen no 29

et chef Randal Roote c. James Sebastian et 544282 Ontario Inc. faisant affaire sous la

raison sociale de Hideaway Campground

                                                         

LIEU DE L'AUDIENCE :              Toronto (Ontario)

DATE DE L'AUDIENCE :              Le 10 octobre 2002

MOTIFS DU JUGEMENT :          LE JUGE DESJARDINS

Y A SOUSCRIT :           LE JUGE MALONE

MOTIFS CONCORDANTS

SAUF QUANT AUX DÉPENS :    LE JUGE ISAAC

DATE DES MOTIFS : Le 22 janvier 2003

COMPARUTIONS :

M. Derek Ground                                           POUR LES APPELANTS

M. James P. McReynolds                                    POUR LES INTIMÉS

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

William B. Henderson                                    POUR LES APPELANTS

2010-88, rue Bloor Est

Toronto (Ontario)

M4W 3G9

Solmon Rothbart Goodman LLP                         POUR LES INTIMÉS

18, rue King Est, bureau 1600

Toronto (Ontario)

M5C 1C4

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.