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Date : 20000322


Dossier : A-674-98

CORAM :      LE JUGE STRAYER

         LE JUGE SEXTON

         LE JUGE EVANS

ENTRE :

     FIRST GREEN PARK PTY. LTD.,

     appelante,

     - et -


     LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA,

     intimé.


     Audience tenue à Toronto (Ontario) le mercredi 22 mars 2000.

     Jugement prononcé à Toronto (Ontario) le mercredi 22 mars 2000.


MOTIFS DU JUGEMENT :      LE JUGE STRAYER






Date : 200003222

Dossier : A-674-98

CORAM :      LE JUGE STRAYER

         LE JUGE SEXTON

         LE JUGE EVANS

ENTRE :

     FIRST GREEN PARK PTY. LTD.,

     appelante,

     - et -

     LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA,

     intimé.



MOTIFS DU JUGEMENT

(prononcés séance tenante à Toronto (Ontario)

le mercredi 22 mars 2000)


LE JUGE STRAYER


[1]          Il s"agit d"un appel interjeté contre une décision rendue par le juge Muldoon le 14 octobre 1998. Le juge avait conclu que le commissaire aux brevets n"avait pas le pouvoir discrétionnaire d"accorder une prorogation de délai pour permettre à l"appelante de rétablir une demande de brevet internationale réputée abandonnée le 9 février 1993.


[2]          Le litige se situe dans le cadre du Traité de coopération en matière de brevets (le Traité)1 et du Règlement d"application du Traité de coopération en matière de brevets édicté par le gouverneur en conseil pour mettre en oeuvre le Traité au Canada (le Règlement canadien)2. On trouve un bon exposé du régime du Traité dans les motifs du juge qui a entendu la demande et dans les motifs d"une décision du juge Richard3 prononcée le 5 mars 1997 à un stade antérieur de l"affaire. Il nous suffit de rappeler que le régime permet à un inventeur de déposer une demande de brevet internationale dans l"un des pays parties au Traité et de désigner les autres États membres dans lesquels il peut souhaiter obtenir la protection du brevet. La date de priorité attribuée est la date applicable dans le pays du dépôt initial. En l"espèce, la demande a été déposée en Australie, la date de priorité était le 9 août 1990 et le Canada était l"un des pays désignés. En vertu du Traité et du Règlement canadien, le demandeur pouvait demander l"enregistrement au Canada dans un délai de 30 mois à compter de la date de priorité, soit jusqu"au 9 février 1993, mais il ne l"a pas fait et la demande a été considérée comme abandonnée à compter de cette date. Selon le paragraphe 15(3) du Règlement canadien , l"appelante avait un délai supplémentaire de 12 mois pour demander le rétablissement de la demande, mais elle ne l"a pas demandé dans le délai.

[3]          Sa requête formelle de rétablissement n"a été présentée que le 12 octobre 1994, quelque 18 mois après l"abandon réputé. Le commissaire aux brevets a refusé la requête au motif qu"elle était présentée plus de 12 mois après l"abandon.

[4]          Le demandeur a demandé le contrôle judiciaire de ce refus devant le juge Richard. Il semble, et les avocats le confirment, que le pouvoir du commissaire d"accorder une prorogation du délai de 12 mois n"a pas été débattue devant le juge Richard et qu"aucune des deux parties ne voyait dans le paragraphe 15(3) un obstacle à une prorogation du délai au-delà de la période permise par le Règlement . Le juge Richard a supposé, comme les parties (et conformément à la pratique de longue date du commissaire, qui exerçait ce pouvoir discrétionnaire), que le commissaire avait ce pouvoir, nonobstant le Règlement canadien, en vertu de l"article 48.2) du Traité qui dispose :

48. 2a) Tout État contractant doit, pour ce qui le concerne, excuser pour des motifs admis par sa législation nationale tout retard dans l"observation d"un délai.
b) Tout État contractant peut, pour ce qui le concerne, excuser pour des motifs autres que ceux qui figurent au sous-alinéa a) tout retard dans l"observation d"un délai.

Il a jugé que le commissaire avait le pouvoir discrétionnaire, en vertu de l"article 48(2)b) de permettre un rétablissement après une période de 12 mois, règle normale dans les demandes nationales de brevet, et qu"il avait entravé indûment l"exercice de son pouvoir discrétionnaire en refusant de considérer une requête présentée après l"expiration de cette période. Il a ordonné un réexamen.

[5]          Le commissaire a donc reconsidéré le requête au fond, mais en exerçant son pouvoir discrétionnaire, a de nouveau refusé la prorogation de délai. Cette décision a fait l"objet d"une demande de contrôle judiciaire, jugée par le juge Muldoon.

[6]          Lors de l"audience, le savant juge a interrogé les parties sur l"effet du paragraphe 15(3) du Règlement canadien et sur son rapport avec l"application de l"article 48.2)b) du Traité . Le paragraphe 15(3) dispose :

15. (3) À la requête du demandeur, le commissaire peut rétablir une demande internationale réputée avoir été abandonnée en application du paragraphe (2) si, dans les douze mois qui suivent la date à laquelle la demande internationale a été réputée abandonnée, le demandeur :

         a) satisfait aux exigences prévues à l"article 13 et, s"il y a lieu, à l"article 14;

         b) acquitte la taxe de rétablissement prévue à l"annexe;
         c) convainc le commissaire, par affidavit, qu"il ne pouvait auparavant raisonnablement satisfaire aux exigences prévues à l"article 13 et, s"il y a lieu, à l"article 14.
     [L"italique est de moi.]

Après examen des observations orales et écrites sur la question, il a jugé que l"article 48(2)b) à lui seul ne conférait aucunement au commissaire le pouvoir d"accorder des prorogations de délai au-delà de la période prévue au paragraphe 15(3) du Règlement canadien . En d"autres termes, si, du point de vue du droit international, le Canada, à titre d"" État contractant " visé dans le Traité , avait la liberté de proroger les délais comme le prévoit l"article 48(2)b) du Traité , l"autorité législative canadienne capable de le faire serait le gouverneur en conseil édictant un règlement en vertu de la Loi sur les brevets , comme le paragraphe 15(3). Le gouverneur en conseil avait donc limité la période de prorogation à 12 mois à compter de la date de l"abandon réputé, soit la même période que pour les demandes nationales. Le juge a donc conclu que le commissaire n"avait pas le pouvoir discrétionnaire d"accueillir une requête de rétablissement d"une demande au-delà de la période de 12 mois et son refus d"accueillir une telle requête ne pouvait donc être attaqué en droit.

[7]          Il faut relever qu"aucune des parties n"a soulevé devant le juge Muldoon l"argument que la compétence du commissaire à exercer un tel pouvoir discrétionnaire bénéficiait déjà de l"autorité de la chose jugée du fait que le juge Richard avait statué en présupposant que le commissaire possédait ce pouvoir. Aucune des parties ne soulève la question de l"autorité de la chose jugée. En fait, la question des limites posées par la loi au pouvoir du commissaire n"a jamais été soumise au juge Richard pour qu"il la tranche. Il nous faut donc la traiter maintenant, du fait que le juge Muldoon a fondé son jugement sur ce motif.

[8]          Nous sommes d"avis que le commissaire n"avait pas le pouvoir de proroger le délai de rétablissement de la demande de brevet abandonnée au-delà de la période de 12 mois prévue au paragraphe 15(3) du Règlement canadien .

[9]          L"avocat de l"appelante plaide que l"article 48.2)b) du Traité cité plus haut confère au commissaire le pouvoir voulu à cet égard. Il cite une autre disposition du Règlement canadien, l"article 6, qui dispose notamment:

6. Les dispositions du Traité et le Règlement d"exécution du Traité s"appliquent aux demandes suivantes:

         a) une demande internationale déposée à l"office récepteur au Canada;

         b) une demande internationale dans laquelle le Canada a été désigné;

         c) une demande internationale dans laquelle le Canada est désigné et élu.

Il soutient que l"alinéa 6c) , qui rend le Traité applicable à une " demande internationale dans laquelle le Canada est désigné et élu ", comme c"est le cas de la demande en question, se trouve à rendre l"article 48.2)b) applicable et confère au commissaire le pouvoir voulu pour proroger le délai de rétablissement d"une demande internationale abandonnée au-delà de la période (12 mois) prévue pour les demandes nationales. Nous sommes d"avis que cet argument se fonde sur une conception erronée de la portée de l"article 48.2)b). Il ne s"agit pas d"une disposition de droit international directement applicable, qui, si elle est adoptée comme droit national, produit un effet juridique automatique. Au contraire, c"est une disposition habilitante qui porte que, si le Canada proroge le délai de rétablissement des demandes internationales, cela ne contreviendra pas au Traité . Mais elle suppose clairement que le Canada, et donc l"autorité législative compétente au Canada, devra prendre des mesures valides en droit canadien pour proroger le délai ou autoriser une personne à exercer le pouvoir discrétionnaire de proroger le délai. Nous ne saurions interpréter le Règlement canadien comme s"il introduisait un tel changement. La formulation plutôt générale de l"article 6 disposant que le Traité " s"appliquera aux " demandes est incomplète comme habilitation d"une autorité nationale parce que le Traité lui-même n"est directement applicable qu"à cet égard. De plus, une autre disposition du même Règlement , le paragraphe 15(3), vient précisément limiter le délai à 12 mois à l"égard de ces demandes. Il faut interpréter la formulation générale de l"article 6 d"une manière compatible avec la formulation précise du paragraphe 15(3).

[10]          Donc, comme nous sommes d"avis que c"est à bon droit que le savant juge saisi de la demande a statué que le commissaire n"avait pas le pouvoir d"accorder une prorogation de délai, nous n"avons pas à considérer si le pouvoir discrétionnaire (si tant est qu"il ait existé) a été exercé correctement en l"espèce.

        

[11]          L"appel sera donc rejeté.

    

     B.L. Strayer

                                     J.C.A.

    

Traduction certifiée conforme

Richard Jacques, LL. L.

COUR D"APPEL FÉDÉRALE

Avocats et avocats inscrits au dossier

N DU DOSSIER :                  A-674-98
INTITULÉ DE LA CAUSE :              FIRST GREEN PARK PTY. LTD. c. LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA
DATE DE L"AUDIENCE :              LE MERCREDI 22 MARS 2000
LIEU DE L"AUDIENCE :              TORONTO (ONTARIO)
MOTIFS DU JUGEMENT DE LA COUR :      LE JUGE STRAYER

Prononcés à Toronto (Ontario) le mercredi 22 mars 2000


ONT COMPARU :

Frank Farfan                      Pour l"appelante

Rita Tesolin

Gail Sinclair                      Pour l"intimé

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

MacBeth & Johnson                  Pour l"appelante

Avocats

301-133 Richmond St. W.

Toronto (Ontario)

M5H 2L7

Morris Rosenberg                  Pour l"intimé

Sous-procureur général du Canada




                    

COUR D"APPEL FÉDÉRALE




Date : 20000322


Dossier : A-674-98



ENTRE :

FIRST GREEN PARK PTY. LTD.


Appelante

- et -

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA


Intimé




    

MOTIFS DU JUGEMENT



__________________

1      Recueil des traités du Canada 1990, n 22, p. 1.

2      DORS/89-453, édicté en vertu des alinéas 12(1)h) et i) de la Loi sur les brevets, L.R.C. (1985,) ch. P-4.

3      72 C.P.R. (3d) 327.

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