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Date : 20000204



CORAM      LE JUGE STONE

         LE JUGE LÉTOURNEAU

         LE JUGE MALONE



     Dossier : A-535-98

ENTRE :

         JUSTIN BIDERMAN

     appelant

ET

     SA MAJESTÉ LA REINE

     intimée


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     Dossier : A-536-98

ENTRE :

         TODD BIDERMAN

     appelant

ET

     SA MAJESTÉ LA REINE

     intimée

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     Dossier : A-537-98


ENTRE :

         MATTHEW BIDERMAN

     appelant

ET

     SA MAJESTÉ LA REINE

     intimée








     Audience tenue à Toronto (Ontario), le lundi 10 janvier 2000



     Jugement prononcé à Ottawa (Ontario), le vendredi 4 février 2000









MOTIFS DU JUGEMENT PAR :      LE JUGE LÉTOURNEAU

SOUSCRIVENT À CES MOTIFS :      LE JUGE STONE

     LE JUGE MALONE





Date : 20000204


CORAM      LE JUGE STONE

         LE JUGE LÉTOURNEAU

         LE JUGE MALONE


     Dossier : A-535-98

ENTRE :

         JUSTIN BIDERMAN

     appelant

ET

     SA MAJESTÉ LA REINE

     intimée


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     Dossier : A-536-98

ENTRE :

         TODD BIDERMAN

     appelant

ET

     SA MAJESTÉ LA REINE

     intimée

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     Dossier : A-537-98


ENTRE :

         MATTHEW BIDERMAN

     appelant

ET

     SA MAJESTÉ LA REINE

     intimée




     MOTIFS DU JUGEMENT



LE JUGE LÉTOURNEAU



[1]      Justin, Todd et Matthew Biderman sont les appelants dans les dossiers A-535-98, A-536-98 et A-537-98. Dans leurs appels, ils soulèvent les deux questions suivantes :

     a)      Michael B. Biderman, père des appelants, a-t-il validement renoncé à la maison familiale que lui avait léguée son épouse par testament ?
     b)      Dans l"affirmative, les appelants sont-ils néanmoins solidairement responsables, aux termes de l"alinéa 160(1)c ) de la Loi de l"impôt sur le revenu (la Loi), des impôts dus par leur père parce que le bien, sous la forme du droit d"hériter de la maison familiale, qui aurait été dévolu à leur père, leur a été transféré pour une valeur inférieure à la juste valeur marchande par une personne avec laquelle ils avaient un lien de dépendance ?

[2]      Les alinéas 160(1)c) et e) sont rédigés dans les termes suivants :

SECTION 160:      Tax liability re property transferred not at arm's length.

(1) Where a person has, on or after May 1, 1951, transferred property, either directly or indirectly, by means of a trust or by any other means whatever, to

[...]


(c)      a person with whom the person was not dealing at arm's length,

the following rules apply:

[...]

(e)      the transferee and transferor are jointly and severally liable to pay under this Act an amount equal to the lesser of
     (i) the amount, if any, by which the fair market value of the property at the time it was transferred exceeds the fair market value at that time of the consideration given for the property, and
     (ii) the total of all amounts each of which is an amount that the transferor is liable to pay under this Act in or in respect of the taxation year in which the property was transferred or any preceding taxation year,

but nothing in this subsection shall be deemed to limit the liability of the transferor under any other provision of this Act.

ARTICLE 160:      Transfert de biens entre personnes ayant un lien de dépendance.

(1) Lorsqu'une personne a, depuis le 1er mai 1951, transféré des biens, directement ou indirectement, au moyen d'une fiducie ou de toute autre façon à l'une des personnes suivantes:

[...]

c)      une personne avec laquelle elle avait un lien de dépendance,

les règles suivantes s'appliquent:

[...]

e)      le bénéficiaire et l'auteur du transfert sont solidairement responsables du paiement en vertu de la présente loi d'un montant égal au moins élevé des montants suivants:
     (i) l'excédent éventuel de la juste valeur marchande des biens au moment du transfert sur la juste valeur marchande à ce moment de la contrepartie donnée pour le bien,
     (ii) le total des montants dont chacun représente un montant que l'auteur du transfert doit payer en vertu de la présente loi au cours de l'année d'imposition dans laquelle les biens ont été transférés ou d'une année d'imposition antérieure ou pour une de ces années;

aucune disposition du présent paragraphe n'est toutefois réputée limiter la responsabilité de l'auteur du transfert en vertu de quelque autre disposition de la présente loi.


Les faits et la procédure

[3]      Dale Rochelle Biderman est décédée le 6 octobre 1991, laissant dans le deuil son mari et trois enfants de moins de 18 ans (les appelants). Dans son testament daté du 9 avril 1976, elle léguait tous ses biens à son époux ou, advenant son prédécès, à ses trois enfants en fiducie. Les biens de la succession au moment de son décès comprenaient la maison familiale située au 1370 Hasting Drive, London (Ontario), et 500 actions ordinaires qui n"avaient guère de valeur et qui ne sont pas en cause dans le présent litige.

[4]      Cinq jours avant le décès de son épouse, M. Biderman qui était endetté envers Revenu Canada depuis 1988 (les sommes dues au 14 juillet 1995 s"élevaient à 74 723,97 $) a signé un document manuscrit daté du 1er octobre 1991, par lequel il renonçait à l"héritage qui lui était légué par testament, ainsi qu"à son droit d"agir comme exécuteur, fiduciaire ou administrateur du testament ou de la succession de son épouse. Toutefois, dans les faits, il a agi comme exécuteur de la succession de son épouse. En outre, il a continué de vivre dans la maison familiale avec les appelants après le décès de son épouse et il y demeure encore aujourd"hui.

[5]      Le 30 septembre 1994, soit trois ans après sa première renonciation informelle, M. Biderman a signé ce que j"appellerais une renonciation formelle à ses droits en tant que bénéficiaire de la succession de son épouse. La maison familiale, qui valait alors 180 000 $, a été transférée par M. Biderman, en sa capacité d"exécuteur de la succession, à Earl Biderman à titre de fiduciaire pour les appelants. Ce transfert, effectué dans les trois ans suivant le décès de Mme Biderman, empêchait que le bien-fonds soit dévolu à M. Biderman aux termes du paragraphe 9(1) de la Loi sur l"administration des successions de l"Ontario (L.R.O. 1990, ch. E-22).

Vesting of real estate not disposed of within 3 years

9. (1) Real property not disposed of, conveyed to, divided or distributed among the persons beneficially entitled thereto under section 17 by the personal representative within three years after the death of the deceased is, subject to the Land Titles Act in the case of land registered under that Act and subject to subsections 53(3) and (5) of the Registry Act, and subject as hereinafter provided, at the expiration of that period, whether probate or letters of administration have or have not been taken, thenceforth vested in the persons beneficially entitled thereto under the will or upon the intestacy or their assigns without any conveyance by the personal representative, unless such personal representative, if any, has signed and registered, in the proper land registry office, a caution in Form 1, and, if a caution is so registered, the real property mentioned therein does not so vest for three years from the time of the registration of the caution or of the last caution if more than one was registered.

Dévolution des biens immeubles qui ne sont pas aliénés dans les trois ans

9. (1) Les biens immeubles que le représentant successoral n'a ni aliénés, ni cédés, ni distribués aux personnes y ayant droit à titre bénéficiaire en vertu de l'article 17, dans les trois années qui suivent la mort du défunt, que des lettres d'homologation ou d'administration aient ou non été obtenues sont, sans cession par le représentant successoral, dévolus, à l'expiration de cette période, à ces personnes en vertu du testament ou du fait de la succession ab intestat, ou à leurs ayants droit. Cette dévolution a lieu sous réserve de la Loi sur l'enregistrement des droits immobiliers, si le bien-fonds est enregistré sous le régime de cette loi et des paragraphes 53(3) et (5) de la Loi sur l'enregistrement des actes. Si le représentant successoral, le cas échéant, signe et enregistre au bureau d'enregistrement immobilier compétent un avertissement rédigé selon la formule 1, les biens immeubles qui y sont mentionnés ne sont dévolus que trois ans après l'enregistrement de l'avertissement ou, si plus d'un avertissement a été enregistré, trois ans après l'enregistrement du dernier.

Les biens constituant la succession, par suite de l"abandon par M. Biderman de son intérêt dans celle-ci, sont donc passés aux appelants.

[6]      Le ministre du Revenu national (le ministre) a envoyé un avis de cotisation à chacun des appelants aux termes de l"alinéa 160(1)c ) de la Loi en s"appuyant sur le fait que M. Biderman avait un droit dans les biens de la succession quand il a signé la renonciation formelle et qu"il avait directement ou indirectement transféré le bien-fonds aux appelants avec qui il avait un lien de dépendance.

La décision de la Cour canadienne de l"impôt

[7]      Les appelants ont sans succès contesté la cotisation établie par le ministre devant la Cour canadienne de l"impôt. Le juge de la Cour de l"impôt a conclu que la maison familiale était un bien qui avait été transféré par M. Biderman aux appelants au sens de l"alinéa 160(1)c ) de la Loi. Il a suivi deux démarches différentes pour parvenir à cette conclusion.

[8]      Tout d"abord, il s"est dit d"avis que, même si M. Biderman avait signé une renonciation valide, il avait néanmoins un droit découlant du testament qui correspondait à la valeur nette de la maison familiale. La renonciation à ce droit a donné lieu au transfert du bien au sens de l"article 160. Par conséquent, ce qui a été transféré, ce n"est pas le bien visé dans la succession, mais plutôt le droit de M. Biderman se rattachant à ce bien. Pour appuyer son analyse, le juge de la Cour de l"impôt a cité les arrêts Estate of David Fasken v. Minister of National Revenue1 et La Reine c. Kieboom2, dans lesquels les mots " transfert " et " bien " ont été interprétés largement. Selon ces arrêts, bien qu"un transfert puisse être effectué même quand une personne se départit simplement de certains droits, le bien peut faire référence à tout intérêt possible qu"une personne peut avoir dans des biens.

[9]      Deuxièmement, le juge de la Cour de l"impôt a conclu que M. Biderman n"avait pas véritablement renoncé au bien qui lui avait été légué par testament parce qu"il a continué de profiter de ce bien pendant près de trois ans en vivant lui-même dans la maison avec ses trois enfants et parce qu"il a utilisé le bien pour négocier une entente avec Revenu Canada au sujet de sa dette.

M. Biderman a-t-il validement renoncé à la maison familiale qui lui a été léguée par testament ?

[10]      Comme on l"a déjà mentionné, M. Biderman a signé deux renonciations, une avant le décès de son épouse et la deuxième près de trois ans après ce décès.

[11]      Dans le contexte des testaments et des successions, la renonciation est l"acte par lequel une personne refuse d"accepter une succession qui lui est dévolue ou un intérêt qui lui est légué. Une telle renonciation peut être faite à n"importe quel moment avant que le bénéficiaire ne profite des biens3. Cette renonciation ne requiert aucune forme particulière et elle peut même être attestée par la conduite de l"intéressé4.

[12]      En l"espèce, la première renonciation informelle de M. Biderman en 1991 n"a, à mon avis, aucun effet légal et n"est d"aucune utilité pour lui. Dans ce cas, loin de différer du droit civil du Québec, la common law pose, comme condition de validité, que la renonciation soit faite après le décès du testateur, c"est-à-dire à un moment où le légataire est en droit d"hériter. Bien que le Code civil du Québec renferme une disposition précise interdisant expressément la renonciation concernant une succession qui n"est pas encore ouverte5, la nature de la renonciation dans la common law et son effet rétroactif à la date du décès du défunt mène au même résultat. Dans la décision Bence v. Gilpin6, citée dans Re McFaden7 et dans McLean & Kerr v. Hrab8, le juge en chef Kelly a déclaré :

     [TRADUCTION]
     Pour être valable, la renonciation doit être un acte par lequel une personne qui a droit à un bien provenant d"une succession y renonce immédiatement et avant de l"utiliser, ce qui équivaut en fait à dire : " Je ne serai pas le propriétaire de ce bien ".

     (Non souligné dans l"original)

[13]      Il ne peut y avoir de droit à une succession tant que celle-ci n"est pas ouverte puisqu"une donation testamentaire peut toujours être révoquée avant le décès. Une fois qu"elle est faite, la renonciation est rétroactive à la date du décès du défunt9.

[14]      Qui plus est, la conduite ultérieure de M. Biderman est totalement incompatible avec sa renonciation. Bien qu"il ait prétendu avoir renoncé à la fois à la donation et aux pouvoirs d"administration, il a commencé et continué d"agir ultérieurement comme l"exécuteur de la succession de son épouse. À ce titre, il a fait homologuer le testament le 15 mai 199210. En outre, il a signé, le 6 octobre 1994, l"acte translatif de propriété concernant la maison familiale11, de même que l"acte de transfert des actions et une déclaration de transmission de ces actions le 30 septembre 199412.

[15]      De plus, le juge de la Cour de l"impôt a conclu qu"il avait négocié en 1992 un règlement avec M. Carone, vérificateur de l"impôt de Revenu Canada, en faisant valoir qu"il avait personnellement droit à une part de la succession de son épouse. Il a donc proposé de rembourser à même la succession un montant global de 20 000 $, suivi de mensualités moins élevées. Les extraits suivants du témoignage de M. Carone sont le fondement de la conclusion du juge13 :

     TRADUCTION
     Le témoin : Je suis désolé. Au cours de ma conversation avec lui [M. Biderman], je lui aurais demandé s"il avait pris d"autres mesures pour déposer une proposition de faillite. Je lui aurais donc posé directement une question au sujet de la faillite. Quand il est venu me voir, il m"a dit qu"il n"avait plus l"intention de faire faillite et il a proposé de faire un versement de 20 000 $, à même la succession de son épouse. En plus, il s"engageait à faire des versements de 500 $ par mois.
     [....]
     Q.      Vous avez discuté du fondement de la proposition et de l"entente que vous avez conclu ?
     R.      Oui. Il a proposé de nous rembourser 20 000 $ à même la succession de son épouse.
     [....]
     Q.      Donc, le 23 avril 1992, vous avez eu une conversation. Quel est votre souvenir de cette conversation ?
     R.      Il a dit, au moment où nous avons convenu de respecter ses conditions, qu"il ferait homologuer le testament original. Si cela n"était pas possible, il devrait s"en remettre au testament modifié qui transférait tous les biens à ses enfants. Il nous fallait attendre que le testament soit homologué pour recevoir les 20 000 $.
     [....]
     Q.      Pouvez-vous dire à la Cour quelles mesures vous avez prises par la suite ?
     R.      Certainement. Sans consulter mes notes, je me souviens que j"ai effectivement accepté d"attendre jusqu"à ce que le testament original soit homologué pour recevoir les 20 000 $, pourvu qu"il me remette une copie du testament original, que nous n"avions pas.
     Q.      Avez-vous obtenu ce testament ?
     R.      Oui.
     Q.      Alors vous avez attendu le paiement qui allait vous être versé dès que l"administrateur de la succession serait nommé ?
     R.      C"est exact.
     Q.      Avez-vous reçu ce versement ?
     R.      Non, jamais.


[16]      L"avocat des appelants a insisté sur le fait que la première renonciation faite par M. Biderman, avant le décès de son épouse, démontre que M. Biderman a toujours eu l"intention de refuser la succession, intention qui a été confirmée trois ans plus tard par la renonciation formelle. Bien que la renonciation initiale eût pu produire ce genre de résultat et permettre de soutenir une inférence à cet effet, cet argument est impossible à défendre compte tenu de la conduite ultérieure de M. Biderman.

[17]      La deuxième tentative de M. Biderman de renoncer à son héritage a été faite le 30 septembre 199414. La question qu"il faut se poser relativement à cette tentative, c"est de savoir si elle a été faite trop tard, c"est-à-dire à un moment où M. Biderman avait perdu le droit et la possibilité de faire une renonciation valide parce qu"il avait déjà commencé à s"occuper de la succession et qu"il avait par ailleurs profité de la donation. Dans ce cas, il était devenu le bénéficiaire en vertu du testament et, par conséquent, il ne pouvait qu"abandonner son droit dans les biens, et non pas y renoncer. En pareil cas, l"abandon de la maison familiale au profit des appelants serait le genre de transfert de propriété qui tombe sous le coup de l"article 160 de la Loi.

[18]      Le juge de la Cour de l"impôt a examiné la conduite de M. Biderman pour déterminer s"il avait accepté la succession testamentaire et perdu son droit d"y renoncer. En agissant ainsi, il avait le droit de tenir compte des propos que M. Biderman a tenus à des tiers15. Il a conclu à l"existence des faits suivants : M. Biderman avait bénéficié du bien pendant près de trois ans avant d"y renoncer et, comme on l"a déjà mentionné, il avait déclaré que ce bien était le sien dans la négociation du règlement avec Revenu Canada.

[19]      Les appelants ont contesté la validité de ces conclusions de fait. Pour ce qui est des avantages associés à l"occupation de la maison, ils ont fait valoir que leur père avait vécu dans la maison familiale après le décès de leur mère pour s"acquitter de ses obligations envers eux en vertu du droit de la famille. À ce titre, il a continué de payer les dépenses de la maison, de même que l"hypothèque16 jusqu"à ce que celle-ci, nous a-t-on dit, soit achetée par sa belle-mère en 1994.

[20]      Je dois dire que cet argument des appelants est attrayant et aurait pu avoir un certain poids si cela avait été le seul geste posé par M. Biderman. Toutefois, sa conduite implique beaucoup plus que cela. Il a agi comme seul exécuteur du testament en conformité avec les dispositions de celui-ci, bien qu"il prétende, du moins pour ce qui a trait à l"homologation du testament, qu"il a agi comme exécuteur simplement pour accélérer les choses17. Pendant toute la négociation avec Revenu Canada, alors qu"il agissait comme exécuteur de la succession, en plus de déclarer qu"il avait un intérêt dans cette succession, il n"a jamais révélé qu"il avait signé en octobre 1991, une renonciation informelle à la donation et aux pouvoirs d"administration.

[21]      Le témoignage de M. Biderman devant le juge de la Cour de l"impôt était crucial. Sa crédibilité était très fortement contestée18 :

     [TRADUCTION]
     Le juge : Je pense que la crédibilité de M. Biderman jouera probablement un rôle important dans les motifs de ma décision.

[22]      Tout d"abord, M. Biderman a nié avoir négocié avec Revenu Canada en faisant valoir que les biens légués par testament lui appartenaient personnellement19. Il a ensuite déclaré qu"il avait fait une offre de règlement à Revenu Canada, mais que l"offre avait été refusée. M. Carone, qui a témoigné pour le compte de Revenu Canada, a affirmé, au contraire, que l"offre avait été acceptée, qu"une entente avait été conclue, qu"il avait rédigé une lettre pour confirmer l"entente et qu"il en avait fait parvenir une copie à M. Biderman20. Selon l"entente, le paiement devait être fait le 15 avril 1992, mais il ne l"a jamais été. M. Biderman n"a pu se souvenir de cela21.

[23]      M. Biderman a déclaré dans son témoignage qu"il n"avait pas payé de loyer pendant qu"il vivait dans la maison familiale, mais qu"il avait payé l"hypothèque en lieu et place du loyer22. Toutefois, en contre-interrogatoire, il a été forcé d"admettre qu"en 1996 il a réclamé dans sa déclaration de revenu un crédit d"impôt foncier et de taxes sur les ventes de l"Ontario relativement à un loyer de 10 200 $ qu"il affirmait avoir payé au cours de l"année23.

[24]      Finalement, le juge de la Cour de l"impôt était saisi d"une preuve attestant que M. Biderman avait été radié du Barreau pour avoir irrégulièrement utilisé des fonds en fidéicommis à son avantage personnel et que, en sa qualité d"avocat, il savait que le legs de la maison familiale pouvait faire et ferait l"objet d"une mesure d"exécution par Revenu Canada24.

[25]      Manifestement, en parvenant à sa conclusion concernant la question de l"acceptation du testament, le juge de la Cour de l"impôt a accordé peu d"importance au témoignage de M. Biderman. À mon avis, il disposait d"une preuve suffisante pour appuyer ses conclusions de fait et je ne peux dire qu"elles sont déraisonnables ou que le juge " a commis une erreur manifeste et dominante qui a faussé son appréciation des faits "25. Il a eu l"avantage d"entendre les témoins et d"évaluer leur crédibilité. En l"absence d"une telle erreur, ce n"est pas le rôle de la Cour d"appel de substituer son opinion à celle du juge de la Cour de l"impôt26, et elle ne dispose pas non plus d"un tel pouvoir.

[26]      Donc, ce que j"ai appelé la renonciation formelle était en fait un abandon ou une remise. Une renonciation se fait avant que le bénéficiaire accepte la donation et l"abandon se produit après qu"il a accepté la donation. Parce que le juge de la Cour de l"impôt a conclu que M. Biderman, par sa conduite, avait perdu son droit à la renonciation quand il a transféré la succession aux appelants, ce transfert s"est fait au moyen d"un abandon. La succession lui avait été léguée à titre bénéficiaire et les appelants ont reçu la maison familiale directement de M. Biderman.

[27]      Les conséquences fiscales sont simples. Il s"agit du cas d"un débiteur fiscal qui a transféré un bien à des personnes avec qui il avait un lien de dépendance pour une valeur inférieure à la juste valeur marchande. En pareil cas, les appelants sont solidairement responsables, avec M. Biderman, pour les impôts qu"il doit. Voilà qui règle l"appel.

En supposant que M. Biderman a fait une renonciation valide, les appelants sont-ils néanmoins solidairement responsables aux termes de l"alinéa 160(1)c ) de la Loi ?

[28]      Étant donné que j"ai conclu qu"il n"y avait pas eu de renonciation valide, il n"est pas nécessaire de répondre à cette question. Toutefois, les parties ont fait valoir que c"est la première fois que l"interprétation de l"article 160 est soumis à l"examen de notre Cour et que les questions soulevées par l"intimée et les appelants à cet égard sont importantes. Après avoir examiné attentivement la demande des parties, je crois qu"il serait dans l"intérêt de la justice que je traite de ces questions plutôt que de les ignorer. De toute façon, la question a été pleinement débattue et l"analyse en sera faite ci-dessous comme si la réponse que j"ai donnée à la première question n"était pas exacte.

[29]      L"intimée fait valoir que, par l"effet combiné de l"article 160 de la Loi et de la définition large qui est donnée du terme bien au paragraphe 248(1), même si M. Biderman avait fait une renonciation valide, il aurait transféré aux appelants non pas la maison familiale, mais le droit d"hériter ou un droit dans le bien qui lui aurait été dévolu par testament, dont la valeur correspondait à la valeur nette de la maison familiale.

[30]      En réponse à cet argument, les appelants invoquent l"alinéa 248(8)b ) de la Loi en vertu duquel, à leur avis, le transfert qui s"est produit est réputé être une conséquence du décès de Mme Biderman. Par conséquent, ledit transfert n"a pas été fait par M. Biderman au sens du paragraphe 160(1). Autrement dit, d"après l"argument, c"est Mme Biderman qui est l"auteur du transfert aux appelants et non son époux. Pour mieux comprendre les prétentions respectives des parties, je reproduis ci-dessous les extraits pertinents des textes invoqués par elles :

Section 160:      Tax liability re property transferred not at arm's length.

(1) Where a person has, ...transferred property, either directly or indirectly, by means of a trust or by any other means whatever, to

...

...

(c)      a person with whom he was not dealing at arm's length,

...

Article 160:      Transfert de biens entre personnes ayant un lien de dépendance.

(1) Lorsqu'une personne a, ...transféré des biens, directement ou indirectement, au moyen d'une fiducie ou de toute autre façon à l'une des personnes suivantes:

...

...

c)      une personne avec laquelle elle avait un lien de dépendance,

...


Section 248:      [Interpretation].

(1) Definitions. In this Act,

"property" - "property" means property of any kind whatever whether real or personal or corporeal or incorporeal and, without restricting the generality of the foregoing, includes

(a)      a right of any kind whatever, a share or a chose in action,

...

Article 248:      Définitions.

(1) Les définitions qui suivent s'appliquent à la présente loi.

"biens" - "biens" Biens de toute nature, meubles ou immeubles, corporels ou incorporels, y compris, sans préjudice de la portée générale de ce qui précède:


a)      les droits de quelque nature qu'ils soient, les actions ou parts;

...


(8) Occurrences as a consequence of death. For the purpose of this Act,

...

(b)      a transfer, distribution or acquisition of property as a consequence of a disclaimer, release or surrender by a person who was a beneficiary under the will or other testamentary instrument or on the intestacy of a taxpayer or the taxpayer's spouse shall be considered to be a transfer, distribution or acquisition of the property as a consequence of the death of the taxpayer or the taxpayer's spouse, as the case may be; and

...

(8) Conséquences d'un décès. Pour l'application de la présente loi:

...

b)      un transfert, une attribution ou une acquisition de biens par suite d'une renonciation ou d'un abandon par une personne qui était bénéficiaire en vertu du testament ou autre acte testamentaire d'un contribuable ou de son conjoint, ou qui était héritier ab intestat de l'un ou l'autre, est considéré comme un transfert, une attribution ou une acquisition de biens par suite du décès du contribuable ou de son conjoint, selon le cas;

...

     (Non souligné dans l"original)

[31]      Je vais maintenant répondre à l"argument des appelants qui est fondé sur leur interprétation et leur compréhension de l"alinéa 248(8)b ).

[32]      Il est vrai, comme l"ont souligné les appelants, que l"alinéa 248(8)b ) se trouve dans une section de la Loi intitulée " Définitions " et, qui plus est, que ces définitions s"appliquent à toute la Loi comme en fait foi la disposition liminaire du paragraphe : " Pour l"application de la présente loi ". À première vue, la disposition semble avoir l"effet souhaité par les appelants. Il ne fait aucun doute, pour les fins de la présente discussion, que l"acte juridique posé par M. Biderman en faveur des appelants est soit une renonciation, soit un abandon ou une remise.

[33]      En réponse à la prétention des appelants, l"intimée fait valoir que la disposition a été adoptée en 1985 parce qu"on craignait que les transferts libres d"impôt prévus à l"article 70 ne s"appliquent pas dans les cas où une contrepartie serait payée par un bénéficiaire pour satisfaire aux conditions d"une fiducie testamentaire puisque, dans ces circonstances, ce transfert pourrait découler du paiement fait plutôt qu"être une conséquence du décès.

[34]      L"argument de l"intimée est appuyé et confirmé par une note technique du ministère des Finances reproduite dans l"affaire Succession Husel c . La Reine27 :

     [TRADUCTION]
     Sept. 1985 NT - Le nouveau paragraphe 248(8) donne, pour l"application de la loi, une définition plus large des transferts de biens " par suite du décès " d"un contribuable. Cet amendement est pertinent pour l"application des diverses dispositions spéciales de l"article 70 concernant les transferts de biens et pour la définition de l"expression " fiducie testamentaire " que l"on retrouve à l"alinéa 108(1)i ).

     (Non souligné dans l"original)


Je souscris à l"opinion du juge Kempo de la C.C.I., dans l"affaire précitée, qui a déclaré que les notes techniques sont de simples expressions d"opinion ou d"intention faites par leurs auteurs et qu"elles ne lient aucunement les tribunaux.

[35]      Il est indiscutable que le paragraphe 248(8) est un ajout utile aux règles sur les dispositions présumées au moment du décès (paragraphe 70(5)), de même qu"aux transferts libres d"impôt au profit du conjoint qui en découlent (paragraphe 70(6)). Cela permet aussi de parer au danger d"une double imposition des gains en capital : une première fois au moment de la disposition présumée lors du décès, et une deuxième fois au moment de la renonciation aux biens ou de leur abandon.

[36]      La portée de l"application du paragraphe 248(8), non restreinte et mal définie, crée de la confusion et se prête au type d"argument soulevé par les appelants. Il n"est pas nécessaire que nous décidions si l"application du paragraphe 248(8) est limitée uniquement aux transferts libres d"impôt prévus à l"article 70 ou que nous essayons de définir la portée exacte et appropriée de l"application de ce paragraphe, étant donné que je suis porté à croire qu"il ne s"applique pas en l"espèce pour les raisons suivantes.

[37]      Le paragraphe 248(8), lu de concert avec l"article 70, a pour but de reconnaître la responsabilité fiscale pour les gains en capital et détermine à qui incombe cette responsabilité et à quel moment. L"article 160 de la Loi est une disposition anti-échappatoire concernant les transferts. Son but est " d"empêcher un contribuable de faire échec à la réclamation par le ministre des impôts non payés en transférant ses biens à son conjoint, ou à certaines autres personnes, pour une contrepartie minimale ou nulle "28. Il ne s"applique qu"une fois que la responsabilité fiscale, quelle qu"elle soit, et non pas uniquement pour les gains en capital, a été établie. Il traite du recouvrement effectif des impôts et élargit la gamme des personnes à qui Revenu Canada peut les réclamer. Étant donné que l"alinéa 248(8)b ) couvre tous les actes possibles menant à un transfert de bien, ou les diverses façons d"effectuer ce transfert, il semblerait faire échec au but de l"article 160 si un bénéficiaire, après avoir accepté une donation, pouvait, en cherchant à s"abriter derrière les dispositions de l"alinéa 248(8)b ), abandonner cette donation et ainsi contrecarrer les efforts de recouvrement du ministre. En fait, l"interprétation littérale que donne l"alinéa 248(8)b ) de l"article 160 semblerait le rendre inapplicable au legs d"un bien réel en vertu d"un testament lorsque ce legs a fait l"objet d"une renonciation ou d"un abandon. Cela ne peut être, et je suis certain que cela n"était pas, l"intention du législateur. Toutefois, je m"abstiendrai d"exprimer un point de vue définitif sur ce point.

[38]      Cela dit, il me semble que l"intimée cherche, par ailleurs, une interprétation large de l"article 160 qui, à mon avis, élargirait la portée de l"application de cette disposition anti-échappatoire au-delà de l"intention du législateur et du libellé de l"article.

[39]      La prétention de l"intimée est, en termes simples, la suivante. Même s"il a validement renoncé à la maison familiale, M. Biderman a transféré un bien à ses enfants, directement ou indirectement, au sens de cet article en se départissant du droit qu"il avait d"hériter de ce bien. Il en est ainsi parce que ce droit d"hériter est en soi un bien aux termes de la définition de ce terme donnée à l"alinéa 248(1)a ) de la Loi.

[40]      À l"appui de cette prétention, l"intimée cite de nombreuses causes où la notion de transfert, de même que les mots " directement " ou " indirectement " et " bien ", ont reçu une interprétation large. Elle s"appuie sur les passages suivants de notre collègue le juge Linden dans l"arrêt La Reine c. Kieboom29 :

     Quant au mot " transfert ", le lord-juge James a déclaré à la page 7 de l"arrêt Gathercole v. Smith (1980-1981), 17 Ch. D. 1 que le substantif " transfert " est [TRADUCTION] " l"un des termes les plus généraux que l"on puisse employer ". Le lord-juge Lush a déclaré que le mot " transférable " comprend [TRADUCTION] " tout moyen par lequel un bien peut être transmis d"une personne à une autre ".
     Le président Thorson, se fondant sur les définitions précitées dans le jugement Estate of David Fasken v. M.N.R., 49 DTC 491, a déclaré, à la page 497 :
         [TRADUCTION] Le mot " transfert " n"est pas un terme technique. Pour qu"il y ait transfert d"un bien d"un mari à sa femme, il n"est pas nécessaire qu"il soit fait selon une forme particulière, ni qu"il soit fait directement. Il suffit que le contribuable se départisse du bien et le remette à son épouse, c"est-à-dire qu"il lui transmette le bien. Le moyen employé pour atteindre ce résultat, qu"il soit direct ou indirect, peut à juste titre être appelé un transfert.
     [....]
     Lord Langdale a déjà déclaré que le mot " bien " est [TRADUCTION] " le terme le plus général que l"on puisse employer, étant donné qu"il sert à désigner et à décrire tous les droits possibles qu"une personne peut avoir. " (Voir Jones v. Skinner (1836), 5 L.J. (N.S.) ch. 87, à la page 90 ; voir également Re Liness (1919), 46 O.L.R. 320, à la page 322 ; Estate of Fasken, précité, à la page 496 ; et Vaillancourt c. M.R.N., [1991] 3 C.F. 663.)

[41]      Dans cette affaire, la Cour d"appel a statué qu"un contribuable avait transféré des biens à son épouse en lui donnant une partie de son droit de propriété dans les actions de sa société. Par ce transfert, il s"était départi de certains droits de toucher des dividendes sur les actions émises par la société au nom de son épouse.

[42]      L"intimée fonde également sa prétention sur cette déclaration du juge Rip de la Cour canadienne de l"impôt dans Algoa Trust et al. c. La Reine30 qui faisait référence au raisonnement de Lord Radcliffe dans St. Aubyn v. A.-G.31 :

     Si le mot " transfert " est pris en son sens premier, une personne effectue un transfert de bien au profit d"une autre si elle fait l"action ou signe l"acte par lequel elle se départit du bien et simultanément l"accorde à cette autre personne.

     (Non souligné dans l"original)

[43]      Dans la décision La Reine c. Hewett32, M. Hewett avait transféré à son épouse son intérêt dans le foyer conjugal à un moment où il devait de l"impôt à Revenu Canada. La Cour d"appel a statué que le transfert de ce droit contrevenait à l"article 160 de la Loi.

[44]      Toutes ces affaires font clairement ressortir que l"auteur du transfert était propriétaire du bien visé par le transfert et qu"un transfert de bien en vertu du paragraphe 160(1) exige que le bien transféré soit la " propriété " de l"auteur du transfert. Comme le juge Dussault de la C.C.I. le déclare dans Montreuil et al. c. La Reine33 pour ce qui a trait à l"interprétation des termes " transfert " et " bien " au paragraphe 160(1) :

     Transférer un bien ou un droit est l"équivalent de le transmettre. Cette transmission se fait toujours d"une personne qui en est titulaire ou propriétaire à une autre qui en devient bénéficiaire, que ce soit du fait des parties ou par le seul effet de la loi.

     (Non souligné dans l"original)

[45]      Toutefois, la situation est différente dans le cas d"une renonciation valide à une donation. La renonciation est rétroactive à la date du décès du défunt34. Comme il a été dit dans Sembaliuk et al. v. Sembaliuk35, la nature d"une renonciation valide fait en sorte que la donation n"est jamais acceptée :

     [TRADUCTION]
     En réalité, il n"y a pas de donataire d"une donation à laquelle on a renoncé. Le legs est caduc. Il peut aller aux créanciers ou à d"autres demandeurs, il peut aller à d"autres bénéficiaires, ou il peut aller au bénéficiaire du reliquat.

[46]      Par conséquent, le bénéficiaire choisi n"est pas le propriétaire du bien donné en raison de la renonciation valide et il ne peut céder le legs auquel il a renoncé parce qu"il ne lui appartient pas. Autrement dit, [TRADUCTION] " une renonciation opère par voie d"annulation, et non par voie d"aliénation "36. Cet énoncé du droit par la Cour d"appel britannique a été accepté par la Cour d"appel de l"Alberta dans l"affaire Sembaliuk et l"autorisation d"appel dans cette affaire a été refusée par la Cour suprême du Canada le 18 février 1985. Une renonciation n"implique pas une dévolution et une cession de bien. Par conséquent, lorsqu"il y a une renonciation valide, il n"y a, à mon avis, aucun transfert de bien, direct ou indirect, et l"alinéa 160(1)c ) ne peut s"appliquer à la personne qui a fait cette renonciation.

[47]      Si nous devions accepter la prétention de l"intimée, nous en arriverions à un résultat injuste, sinon absurde. Un débiteur fiscal ne pourrait signer une renonciation valide avant le décès de son conjoint. Il ne pourrait pas non plus en signer une après parce qu"il ne pourrait jamais renoncer à son droit d"hériter du bien. Ce droit qui correspond à la valeur nette du bien serait transféré et ce transfert tomberait sous le coup du paragraphe 160(1). Cette prétention aurait pour effet général de modifier radicalement la common law en présumant qu"une personne a acquis un droit dans une succession contre sa volonté, alors que les précédents jurisprudentiels indiquent clairement que [TRADUCTION] " la loi n"est pas assez absurde pour forcer un homme à accepter une succession contre sa volonté "37. Par conséquent, le bénéficiaire du reliquat en vertu du testament, dans les limites du paragraphe 160(1), devient responsable du paiement des impôts dus par le débiteur fiscal qui a renoncé à la donation.

[48]      L"intimée s"appuie sur deux anciennes causes anglaises pour appuyer sa prétention que les appelants avaient un droit jusqu"au moment de la renonciation : Re Stratton's Deed of Disclaimer , Stratton and Others v. Inland Revenue Commissioners38 et Re Parsons, Parsons v. Attorney-General39. En toute déférence, je ne crois pas que ces arrêts lui soient d"une grande utilité.

[49]      L"affaire Parsons traitait de la question de savoir si l"époux [TRADUCTION] " était juridiquement apte à disposer " du legs au sens de l"alinéa 22(2)a ) de la Finance Act, 1894, au cours de la période comprise entre le décès de la testatrice et la date de la renonciation par son époux. La Cour d"appel a dû interpréter les mots " juridiquement apte à disposer " qui, dans le contexte d"une disposition déterminative, devaient être interprétés, selon la Cour, dans leur sens large et courant. Par conséquent, elle a statué que le mari était juridiquement apte à disposer du legs par une renonciation. La Cour a expressément déclaré que l"interprétation de ces mots n"avait rien à voir avec le droit relatif à la renonciation des legs qui prévoit qu"une personne n"a aucun droit dans un legs auquel elle a renoncé et que la donation est nulle ab initio40.

[50]      Dans Stratton's Deed of Disclaimer, la Cour d"appel s"est appuyée sur la décision rendue dans Re Parsons . Encore une fois, la Cour devait interpréter une disposition précise (le paragraphe 45(2) de la Finance Act, 1940) qui imputait au défunt, aux fins du paiement des droits de succession, une aliénation en faveur de la personne à l"avantage de laquelle le droit était éteint. Dans ce contexte particulier, la Cour a statué qu"une aliénation incluait une aliénation par renonciation parce qu"elle éteignait le droit de la personne qui avait signé la renonciation. La particularité du contexte est illustrée par cette déclaration du lord juge Jenkins, à la page 602 :

     [TRADUCTION]
     On pourrait dire, à tout le moins, qu"il est anormal qu"un avantage conféré par transfert soit passible de droits advenant le décès du testateur dans un délai de cinq ans, alors qu"un avantage tout à fait similaire conféré par voie de renonciation ne serait pas soumis à des droits au moment du décès de la personne qui a renoncé, quelle que soit la date à laquelle le décès puisse se produire après la date de la renonciation.

[51]      Comme la Commission d"appel de l"impôt l"a fait remarquer dans Plaxton v. M.N.R.41, ces deux affaires traitaient d"un article d"une loi anglaise qui n"a aucune contrepartie dans les lois canadiennes correspondantes. Pour ce qui a trait à l"affaire Stratton's Deed of Disclaimer , la Cour d"appel de l"Alberta dans Sembaliuk , précité, a fait remarquer que la Cour d"appel britannique avait pris soin d"utiliser le terme " éteint " plutôt qu"un terme impliquant une cession ou un transfert.

[52]      Je crois qu"il faudrait une disposition beaucoup plus précise et beaucoup plus claire que le paragraphe 160(1) actuel pour donner effet à la modification draconienne recherchée par l"intimée.

[53]      Pour ces raisons, je suis d"avis de rejeter l"appel avec dépens.

     " Gilles Létourneau "

     JUGE



" Je souscris à ces motifs,

     A.J. Stone, juge "


" Je souscris à ces motifs,

     Brian Malone, juge "



Traduction certifiée conforme


Laurier Parenteau, LL. L.

COUR D"APPEL FÉDÉRALE

     AVOCATS ET PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER



DOSSIER :                          A-535-98

INTITULÉ DE LA CAUSE :              JUSTIN BIDERMAN c. LA REINE

DOSSIER :                          A-536-98

INTITULÉ DE LA CAUSE :              TODD BIDERMAN c. LA REINE

DOSSIER :                          A-537-98

INTITULÉ DE LA CAUSE :              MATTHEW BIDERMAN c. LA REINE
LIEU DE L"AUDIENCE :                  Toronto (Ontario)
DATE DE L"AUDIENCE :              le 10 janvier 2000

MOTIFS DU JUGEMENT PAR :          le juge Létourneau

SOUSCRIVENT À CES MOTIFS :          le juge Stone

                             le juge Malone

DATE :                          le 4 février 2000


ONT COMPARU :

Gino Morga, c.r.                      POUR LES APPELANTS

David McNevin

Susan G. Tataryn                      POUR L"INTIMÉE

Peter M. Kremer


PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER :

Wilson, Walker, Hochberg, Slopen              POUR LES APPELANTS

Windsor (Ontario)

Morris Rosenberg                      POUR L"INTIMÉE

Sous-procureur général du Canada

__________________

1      49 D.T.C. 491 (Cour de l"Échiquier).

2      92 D.T.C. 6382 (C.A.F.).

3      Re Jung (1979), 99 D.L.R. (3d) 65, p. 70 (C.S.C.-B.). Voir également Mellows, The Law of Succession, 5e éd., Butterworths, Londres, 1993, p. 420 ; Williams on Wills, The Law of Wills, vol. 1, Butterworths, Londres, 1995, p. 480.

4      Id..

5      Voir l"art. 631. Voir également Germain Brière, Le nouveau droit des successions , 2e éd., Wilson et Lafleur Ltée, Montréal, 1997, p. 115.

6      (1868) L.R. & Ex. 76.

7      [1937] O.W.N. 404 (H.C.O.).

8      (1998), 75 O.T.C. 24 (Div. gén. de l"Ont.).

9      Re Jung (1979), 99 D.L.R. (3d) 65, p. 70 (C.S.C.-B.). Voir également A.H. Oosterhoff on Wills and Succession, 4e éd., Carswell, Toronto, 1995, p. 492 ; Williams on Wills, The Law of Wills, vol. 1, Butterworths, London, 1995, p. 481.

10      Dossier d"appel, onglets 7 et 20, p. 134.

11      Id., onglet 9.

12      Id., onglets 12 et 13.

13      Id., onglet 20, aux pages 187, 191, 194 et 195.

14      Id., onglet 8.

15      Cossitt v. Minister of National Revenue, [1949] Ex. C.R. 339.

16      Dossier d"appel, onglet 20, pages 96 à 100 et 141 et 142.

17      Id., onglet 20, p. 134.

18      Id., onglet 20, p. 42. Voir également aux pages 115 et 116 lorsque le juge a déclaré qu"à son avis la crédibilité de M. Biderman était cruciale.

19      Id., p. 125.

20      Id., pages 191 et 192.

21      Id., p. 124.

22      Id., pages 96 à 100 et 141 et 142.

23      Id., pages 142 à 144.

24      Id., pages. 84, 87, 88 et 107.

25      Stein c. Le navire " Kathy K ", [1976] 2 R.C.S. 802, p. 808 ; Lapointe c. Hôpital Le Gardeur, [1992] 1 R.CSR. 351, pages 358 à 360 ; R. c. Van Der Peet, [1996] 2 R.C.S. 507, p. 566.

26      Id..

27      94 D.T.C. 1765, at p. 1771 (T.C.C.). See D.M. Sherman, Department of Finance , Technical Notes, De Boo, Don Mills, Ontario, 1989, at p. 822.

28      La Reine c. Hewett , 98 D.T.C. 6003, p. 6004 (C.A.F.) ; Algoa Trust et al. c. La Reine, 93 D.T.C. 405, p. 411 (C.C.I.).

29      92 D.T.C. 6382, p. 6386 (C.A.F.).

30      93 D.T.C. 405, p. 411.

31      [1952] A.C. 15 (H.L.).

32      98 D.T.C. 6003.

33      94 D.T.C. 1821, p. 1830.

34      Re Jung, précité, notes 3, 65, p. 70 (C.S.C.-B.) ; Mellows, précité, note 3, p. 420. Voir également la note 9.

35      (1984), 15 D.L.R. (4th) 303, pages 309 et 310 (C.A. Alb.).

36      Re Paradise Motor Co. Ltd., [1968] 2 All. E.R. 625, p. 632 (C.A.).

37      Townson v. Tickell (1819), 3 B & Ald. 31, 106 E.R. 575, aux pages 576 et 577 (C.B.R.) ; Bence v. Gilpin (1868), L.R. & Ex. 76, p. 82.

38      [1957] 2 All. E.R. 594 (C.A.).

39      [1942] All. E.R. Annotated 496 (C.A.).

40      Id., p. 497. Voir également la Note de la rédaction, p. 496.

41      60 D.T.C. 38, p. 41.

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