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Date : 20040224

Dossier : A-507-02

Référence : 2004 CAF 78

CORAM :       LE JUGE DÉCARY

LE JUGE LÉTOURNEAU

LE JUGE EVANS

ENTRE :

                                                         GLOBAL TELEVISION

                                                 (Global Lethbridge, une division de

                                            CanWest Global Communications Corp.)

                                                                                                                                    demanderesse

                                                                             et

                             LE SYNDICAT CANADIEN DES COMMUNICATIONS,

                                                  DE L'ÉNERGIE ET DU PAPIER

                                                                                                                                           défendeur

                  Audience tenue à Vancouver (Colombie-Britannique), les 23 et 24 février 2004

              Jugement rendu à l'audience à Vancouver (Colombie-Britannique), le 24 février 2004

MOTIFS DU JUGEMENT DE LA COUR :                                                      LE JUGE EVANS


Date : 20040224

Dossier : A-507-02

Référence : 2004 CAF 78

CORAM :       LE JUGE DÉCARY

LE JUGE LÉTOURNEAU

LE JUGE EVANS

ENTRE :

                                                         GLOBAL TELEVISION

                                                 (Global Lethbridge, une division de

                                            CanWest Global Communications Corp.)

                                                                                                                                    demanderesse

                                                                             et

                             LE SYNDICAT CANADIEN DES COMMUNICATIONS,

                                                  DE L'ÉNERGIE ET DU PAPIER

                                                                                                                                           défendeur

                                           MOTIFS DU JUGEMENT DE LA COUR

(Rendus à l'audience à Vancouver (Colombie-Britannique), le 24 février 2004)

LE JUGE EVANS

A.        INTRODUCTION


[1]                La Cour est ici saisie de trois demandes de contrôle judiciaire visant l'annulation d'ordonnances rendues par le Conseil canadien des relations industrielles (le Conseil) par suite de deux plaintes déposées par le Syndicat canadien des communications, de l'énergie et du papier (le SCCEP) selon lesquelles Global Television (Global Lethbridge, une division de CanWest Global Communications Corporation) (CISA-TV) avait manqué à son obligation de négocier de bonne foi, en violation de l'alinéa 50a) du Code canadien du travail, L.R.C. 1985, ch. L-2. Le SCCEP est un syndicat national qui représente également les employés qui travaillent pour d'autres divisions de CanWest Global.

[2]                Selon la première plainte, l'employeur, dans la proposition finale qu'il avait faite à l'égard d'une nouvelle convention collective, avait insisté pour que la clause relative à l'absence de grève figurant à l'article 13 de la convention collective expirée soit élargie en vue d'inclure la disposition suivante, à l'article 13.1 : [traduction] « Pendant la durée de la présente convention, il est interdit au syndicat [...] de se livrer à toute activité destinée à nuire ou nuisant effectivement aux intérêts de CISA-TV. » Dans la présente instance, cette disposition a été désignée sous le nom de clause de « non-préjudice » .

[3]                La deuxième plainte de négociation de mauvaise foi se rapportait au fait que CISA-TV avait retiré sa proposition finale sans en aviser le syndicat lorsqu'elle avait reçu l'ordonnance initiale du Conseil faisant droit à la première plainte de négociation de mauvaise foi déposée par le SCCEP et déclarant que la disposition précitée n'était pas exécutoire.


[4]                Le Conseil a rendu trois ordonnances, chacune faisant l'objet d'une demande distincte de contrôle judiciaire de la part de CISA-TV. Premièrement, le Conseil a statué que la clause de « non-préjudice » proposée était trop générale, qu'elle allait à l'encontre de la politique du Code et qu'elle n'était donc pas exécutoire. En insistant sur cette clause au point d'en arriver à une impasse, l'employeur avait manqué à l'obligation de bonne foi qui lui incombait. Telle est la question sur laquelle porte la demande de contrôle judiciaire dans le dossier du greffe A-744-01.

[5]                Deuxièmement, afin de remédier à la négociation de mauvaise foi à laquelle s'était livrée CISA-TV en violation du Code, le Conseil a déclaré que les membres de l'unité de négociation pouvaient ratifier la proposition finale de l'employeur, même s'il avait conclu que la disposition contestée figurant à l'article 13.1 n'était pas exécutoire. CISA-TV dit qu'elle voulait uniquement offrir les autres dispositions de la proposition en tant que partie intégrante d'une convention collective comprenant une clause de « non-préjudice » .

[6]                L'avocat a fait savoir que la mesure de redressement était le facteur qui avait incité CISA-TV à décider de présenter les demandes de contrôle judiciaire ici en cause. CISA-TV considère que la mesure de redressement accordée par le Conseil porte gravement atteinte à la pierre angulaire du Code, à savoir que sauf dans des circonstances fort exceptionnelles, le Conseil ne devrait pas imposer, au moyen d'une mesure de redressement accordée en raison d'un manquement au Code, des dispositions figurant dans une convention collective qui sont différentes de celles que la partie qui a commis le manquement s'est engagée à respecter. CISA-TV conteste la validité de la mesure de redressement accordée dans le dossier du greffe A-745-01.


[7]                Le Conseil a rendu la première ordonnance le 28 novembre 2001 et l'ordonnance remédiatrice le 10 décembre 2001. Le Conseil a rendu publics les motifs des deux ordonnances le 10 décembre 2001 dans la décision-lettre 563.

[8]                Troisièmement, à la demande de CISA-TV, le Conseil a réexaminé la décision 563. Il n'a pas tenu d'audience et il a demandé aux parties de soumettre des copies d'autres conventions collectives pour qu'il puisse déterminer si, comme il l'avait conclu dans la décision 563, la clause de « non-préjudice » s'écartait des normes existantes de l'industrie. Dans la décision 187 du CCRI, en date du 12 août 2002, un tribunal différemment constitué a réexaminé et confirmé la décision 563. La décision 187 est contestée dans le dossier du greffe A-507-02.

[9]                Nous ne sommes pas convaincus que le Conseil ait commis une erreur susceptible de révision dans les trois ordonnances ici en cause. Les demandes de contrôle judiciaire, qui ont été entendues ensemble, seront donc rejetées. Les motifs pour lesquels les trois demandes sont rejetées sont énoncés dans un seul ensemble de motifs rendu dans le dossier du greffe A-507-02. Une copie de ces motifs sera versée dans les deux autres dossiers.


B.        POINTS LITIGIEUX ET ANALYSE

Première question :    Quelle est la norme de contrôle qui s'applique lorsqu'il s'agit de déterminer si le Conseil a excédé sa compétence en concluant que CISA-TV avait manqué à l'obligation de négocier de bonne foi qui lui était imposée par la loi?

[10]            L'avocat de CISA-TV a soutenu que la question de savoir si les faits auxquels le Conseil avait conclu constituaient une négociation de mauvaise foi, en violation de l'alinéa 50a), est une question « de compétence » à l'égard de laquelle la décision du Conseil, pour être maintenue, doit être correcte. Selon l'avocat, la conclusion de mauvaise foi est [traduction] l' « élément déclencheur » qui permet au Conseil d'exercer sa compétence pour accorder une mesure de redressement.

[11]            Nous ne sommes pas d'accord. En invoquant cet argument, l'avocat omet de reconnaître que le langage en matière de compétence a été largement remplacé dans les procédures de contrôle judiciaire. Selon le droit administratif contemporain, la principale question se rapporte toujours à la norme de contrôle applicable à la question à l'égard de laquelle le Conseil a censément commis une erreur, comme il est conclu selon l'analyse pragmatique et fonctionnelle : voir Dr. Q c. College of Physicians and Surgeons of British Columbia, [2003] 1 R.C.S. 247, 2003 CSC 19, paragraphes 24 et 25.


[12]            Néanmoins, l'avocat a soutenu que, même selon une analyse pragmatique et fonctionnelle, la norme de la décision correcte est la norme de contrôle applicable dans ce cas-ci étant donné que l'article 22 du Code canadien du travail ne constitue pas une véritable clause privative, et ce, dit-il, parce que le paragraphe 22(1) prévoit expressément que les dispositions privatives de l'article 22 n'empêchent pas la présente cour d'examiner les décisions du Conseil pour déterminer s'il y a absence ou excès de compétence, manquement à l'obligation d'équité, fraude ou faux témoignage, conformément aux motifs de révision énoncés aux alinéas 18.1(4)a), b) et e) de la Loi sur les Cours fédérales, L.R.C. 1985, ch. F-7.

[13]            L'avocat affirme qu'étant donné que le législateur a expressément retenu des motifs d'examen restreints, l'article 22 semble reconnaître un droit d'appel plutôt que de constituer une clause privative. L'avocat affirme que, selon l'approche pragmatique et fonctionnelle, l'existence d'un droit d'appel indique que le législateur voulait que les cours qui procèdent à l'examen surveillent de plus près les décisions d'un organisme en appliquant la norme de la décision correcte.


[14]            À notre avis, cet argument est dénué de fondement. Premièrement, il met l'accent sur la forme plutôt que sur la substance. Les motifs expressément prévus par la loi pour lesquels les décisions du Conseil peuvent être examinées par la Cour sont à peu près les mêmes que ceux pour lesquels les cours, dans les provinces, examinent les décisions des commissions provinciales de relations du travail lorsqu'elles sont protégées par le groupe bien connu de fortes dispositions privatives figurant dans les lois. N'entre pas ici en ligne de compte le fait que le contrôle judiciaire des décisions du Conseil qui est exercé par la Cour, une cour d'origine législative, repose sur un libellé législatif exprès plutôt que, comme c'est le cas pour les commissions provinciales, sur la common law qui s'applique au contrôle judiciaire et sur l'interprétation judiciaire des clauses limitatives, étayé par la garantie constitutionnelle d'un droit de contrôle judiciaire des procédures des organismes administratifs en cas d'excès ou d'absence de compétence et de manquement à l'obligation d'équité.

[15]            Deuxièmement, la Cour suprême du Canada a toujours traité l'article 22 comme une clause privative et, par conséquent, comme un facteur pragmatique et fonctionnel militant en faveur d'un degré élevé de retenue judiciaire. De fait, dans l'arrêt Royal Oak Mines Inc. c. Canada (Conseil des relations de travail), [1996] 1 R.C.S. 369, malgré le désaccord existant au sujet de la validité de la réparation accordée par le Conseil dans ce cas-là, la Cour a unanimement exprimé l'avis selon lequel la norme de la décision manifestement déraisonnable était la norme à appliquer pour déterminer si le Conseil avait excédé sa compétence en concluant que l'employeur avait violé l'alinéa 50a) du Code.


[16]            Troisièmement, le fait que la loi habilitante d'un organisme renferme une clause privative ou un droit d'appel est uniquement un indice de l'intention législative pour ce qui est la norme de contrôle. Des facteurs plus importants, dans l'approche pragmatique et fonctionnelle, sont le champ d'expertise de l'organisme, la nature de la question litigieuse, et la question de savoir si la question relève de l'expertise de l'organisme plutôt que de la cour d'examen. L'avocat a concédé que le Conseil est reconnu comme ayant un degré élevé d'expertise en matière de relations du travail, et que les questions litigieuses qui se posent en l'espèce se rapportent à l'application du Code aux faits de l'affaire et qu'elles relèvent du domaine d'expertise du Conseil. À notre avis, ces considérations indiquent fortement que le législateur voulait limiter au minimum le contrôle judiciaire des décisions du Conseil.

[17]            Pour ces motifs, nous concluons que la décision du Conseil selon laquelle CISA-TV a manqué à son obligation de négocier de bonne foi est susceptible de révision selon la norme de la décision manifestement déraisonnable.

Deuxième question :     Était-il manifestement déraisonnable pour le Conseil, dans la décision 187, de conclure que CISA-TV n'avait pas négocié de bonne foi en insistant pour que la clause de « non-préjudice » soit incluse dans la proposition finale?

[18]            À notre avis, il n'était pas manifestement déraisonnable pour le Conseil de conclure qu'eu égard aux faits portés à sa connaissance, et compte tenu notamment de la preuve des normes de l'industrie figurant dans les autres conventions collectives, la conduite de l'employeur constituait de la négociation de mauvaise foi. L'avocat de CISA-TV a reconnu que le Conseil avait correctement identifié les critères juridiques pertinents définissant la négociation de mauvaise foi dans le contexte factuel de la présente affaire. Toutefois, il a dit que la conclusion du Conseil était manifestement déraisonnable parce que le SCCEP avait refusé de discuter de la clause de « non-préjudice » proposée, qui ne différait qu'au point de vue du degré, plutôt que de la nature, de clauses similaires figurant dans les autres conventions collectives de l'industrie.


[19]            Nous ne sommes pas d'accord. Le SCCEP n'a jamais fait l'objet d'une plainte de négociation de mauvaise foi de la part de CISA-TV et, en se fondant sur la jurisprudence antérieure, le Conseil a statué qu'une partie n'est pas tenue de discuter d'une disposition qui est illégale ou, comme le Conseil l'a ici conclu, d'une disposition qui est contraire au principe d'ordre public énoncé dans le Code.

[20]            Quant à l'argument selon lequel la conclusion du Conseil était manifestement déraisonnable eu égard à la preuve dont il disposait, nous tenons à faire remarquer que la mesure dans laquelle la clause de « non-préjudice » n'était pas conforme aux normes de l'industrie est largement une question d'inférences fondées sur une comparaison des clauses et de leur effet probable sur le plan des relations industrielles, le Conseil étant bien mieux placé que la Cour pour effectuer cet examen compte tenu de son expertise. Comme l'avocat l'a concédé dans l'argumentation, l'obligation qui lui incombe lorsqu'il s'agit de nous convaincre que la conclusion du Conseil à cet égard est manifestement déraisonnable est fort lourde.


[21]            À notre avis, la conclusion que le Conseil qui a procédé au réexamen a tirée sur ce point est loin d'être manifestement déraisonnable. Ainsi, le Conseil a dit dans ses motifs que, même si la clause de « non-préjudice » visait peut-être bien les mêmes questions que les clauses figurant dans les autres conventions collectives conclues dans l'industrie de la radiodiffusion, la clause de CISA-TV avait une portée beaucoup plus large. Le Conseil a résumé son raisonnement comme suit (décision 187, paragraphe 41) :

À un moment ou à un autre, le fait d'inclure des questions de portée si générale qu'elles excèdent largement celle des conditions d'emploi et des questions connexes peut équivaloir à négocier de mauvaise foi. S'il est peut-être possible de négocier de telles conditions, il n'est pas permis d'insister à leur égard au point de mener les négociations à une impasse.

Troisième question : Le Conseil a-t-il manqué à l'obligation d'équité, dans la décision 563, en fondant la conclusion selon laquelle CISA-TV n'avait pas négocié de bonne foi sur une conclusion de fait qui n'était pas étayée par la preuve dont il disposait?

Quatrième question :    Le Conseil a-t-il manqué à l'obligation d'équité, dans la décision 563, en omettant d'aviser les parties et de les inviter à présenter des observations avant de fonder une conclusion de mauvaise foi sur la politique du Code, plutôt que sur le motif avancé dans la plainte du SCCEP?

[22]            À notre avis, la décision du Conseil qui a procédé au réexamen a remédié à tout présumé manquement à l'obligation d'équité de la part du Conseil dans la décision 563.

Cinquième question :    Le Conseil a-t-il manqué à l'obligation d'équité en refusant la demande de CISA-TV de tenir une audience aux fins du réexamen de la décision 563?

[23]            L'article 16.1 du Code autorise le Conseil à trancher toute affaire dont il est saisi sans tenir d'audience. Néanmoins, il ne faut pas ainsi présumer que le législateur autorise un manquement à l'obligation d'équité en permettant au Conseil de ne pas tenir d'audience lorsque la chose aurait pour effet de nier à une partie une possibilité raisonnable de participer au processus décisionnel.


[24]            Toutefois, la fonction de l'obligation d'équité est de fournir des normes de justesse de la procédure minimales plutôt qu'optimales. Par conséquent, il ne suffit pas pour CISA-TV de soutenir qu'une audience lui aurait fourni une possibilité plus efficace de présenter sa preuve au Conseil. Comme les autres organismes administratifs, le Conseil dispose de ressources restreintes qu'il doit allouer en décidant des circonstances dans lesquelles une audience est justifiée. Il doit également déterminer si une audience est susceptible d'améliorer la qualité de la décision finale au point de justifier les retards habituellement associés aux audiences.

[25]            À notre avis, les questions que le Conseil a tranchées dans la décision 187 pouvaient être tranchées d'une façon sûre compte tenu de la preuve et des observations écrites. Ainsi, la crédibilité n'était pas en cause dans ce cas-ci. La question des normes de l'industrie n'était pas non plus cruciale ou complexe à un point tel qu'il était impossible de s'attendre à ce que le Conseil la comprenne et la règle d'une façon adéquate en l'absence d'une preuve et d'une argumentation orales. De fait, lorsqu'elle a demandé au Conseil de tenir une audience, CISA-TV n'a pas informé celui-ci qu'il était essentiel de tenir une audience pour qu'elle soit en mesure de présenter sa preuve de façon efficace.


Sixième question :      Après que le Conseil eut conclu à un manquement à l'obligation de négocier de bonne foi, était-il manifestement déraisonnable de remédier au manquement en permettant aux membres de l'unité de négociation de ratifier la convention collective en l'absence de la clause de « non-préjudice » , ou malgré le caractère non exécutoire de cette clause, alors que CISA-TV n'a jamais voulu que la clause puisse être dissociée des avantages prévus dans le reste de la convention?

[26]            L'avocat de CISA-TV n'a pas soutenu que le Conseil avait mal interprété les pouvoirs réparateurs qui lui avaient été conférés en tenant compte, par exemple, de considérations légalement non pertinentes, ou en exerçant ces pouvoirs à des fins non autorisées par la loi. Il a plutôt soutenu qu'il était manifestement déraisonnable pour le Conseil, dans la décision 563, d'avoir prorogé la date de ratification de la convention prévue dans la proposition finale de CISA-TV, en sachant qu'il avait été conclu que la disposition contestée de la clause de « non-préjudice » n'était pas exécutoire parce qu'elle allait à l'encontre du Code. L'avocat a soutenu que le Conseil aurait dû donner aux parties la possibilité de tenter d'arriver, pour ce qui est du libellé, à une entente qui répondait aux préoccupations que celui-ci avait manifestées au sujet de la portée trop générale de la clause ainsi qu'à la préoccupation de CISA-TV, qui voulait protéger ses intérêts économiques, ces intérêts étant, selon cette dernière, en jeu dans la clause.

[27]            Nous tenons à faire remarquer que, tout en confirmant l'ordonnance remédiatrice, le Conseil qui a procédé au réexamen semble avoir été d'avis que le premier Conseil avait ordonné que les membres de l'unité de négociation soient autorisés à ratifier la convention, la disposition non exécutoire étant supprimée. Toutefois, selon ce que nous croyons comprendre, le premier Conseil a ordonné que toute la proposition soit soumise aux membres pour ratification, même si la disposition contestée de l'article 13.1 n'était pas exécutoire.


[28]            Nous ne croyons pas que cette incohérence apparente soit importante. Du point de vue de CISA-TV, le résultat était le même : les membres ont obtenu l'avantage de toutes les dispositions de la convention, y compris l'incitation d'une rémunération rétroactive dans le cas d'une ratification rapide, et le syndicat n'était pas lié par les termes offensants de la clause de « non-préjudice » .

[29]            L'avocat a soulevé trois points à l'appui de la position de sa cliente. Premièrement, le Conseil savait que CISA-TV avait maintenu qu'il existait un lien économique entre l'article 13.1, y compris les dispositions contestées, et les avantages accordés aux employés ailleurs dans la convention. En d'autres termes, étant donné que CISA-TV ne considérait pas l'article 13.1 comme dissociable, le Conseil imposait à CISA-TV les conditions d'une négociation collective dont celle-ci n'avait pas convenu en permettant aux employés de ratifier la convention, que ce soit sans la disposition contestée ou avec cette disposition, mais, dans ce dernier cas, en sachant que la disposition n'était pas exécutoire.


[30]            Deuxièmement, dans l'arrêt Royal Oak Mines, le juge en chef Lamer avait souligné que la négociation collective libre était le principe dominant en matière de relations du travail au Canada et que, même si ce principe n'était peut-être pas absolu, le Conseil ne devait l'enfreindre que dans des circonstances fort exceptionnelles. L'avocat de CISA-TV a soutenu qu'il n'existait aucune circonstance de ce genre dans ce cas-ci. En outre, a-t-il soutenu, l'avis exprimé par la Cour suprême, à savoir que l'imposition de conditions est une réparation exceptionnelle, n'était pas touché par l'adoption de l'alinéa 99(1)b.1) que le législateur a ajouté au Code après que le Conseil, dans l'affaire Royal Oak Mines, eut conclu que l'employeur avait négocié de mauvaise foi et, d'une façon discutable, imposé aux parties les dispositions d'une convention collective.

[31]            Troisièmement, en rendant l'ordonnance remédiatrice dans la décision 563, le Conseil savait que CISA-TV voulait retourner à la table de négociation pour renégocier l'article 13.1 en s'inspirant peut-être davantage du libellé plus précis employé dans les clauses de « non-préjudice » figurant dans les conventions collectives auxquelles les autres divisions de CanWest Global et le SCCEP avaient été parties.

[32]            Nous ne sommes pas convaincus que le Conseil ait exercé son large pouvoir discrétionnaire réparateur d'une façon manifestement déraisonnable. Premièrement, comme le Conseil l'a souligné, CISA-TV avait pris la position selon laquelle les membres de l'unité de négociation devraient être autorisés à ratifier la proposition, en reconnaissant qu'il existait un doute au sujet de sa validité et que le syndicat était encore libre de contester la clause de « non-préjudice » si l'employeur cherchait à lui donner effet. Par conséquent, le seul changement était qu'à la suite de la décision du Conseil, toute incertitude, pour ce qui est du caractère exécutoire de la clause, avait été résolue.


[33]            Deuxièmement, dans la décision 563, le Conseil a statué que CISA-TV avait commis un deuxième manquement à l'obligation de négocier de bonne foi lorsque, sur réception de l'ordonnance du Conseil le 28 novembre 2001, elle avait retiré sa proposition finale avant l'expiration de la date de ratification rapide, le 30 novembre 2001, en tentant ainsi de priver les employés de l'avantage d'augmentations rétroactives de salaire. Le Conseil a dit que CISA-TV aurait dû aviser le syndicat de son intention de retirer le projet d'entente.

[34]            Le Conseil qui a procédé au réexamen n'a pas expressément confirmé cette deuxième conclusion de négociation de mauvaise foi, mais il ne l'a pas non plus annulée. À notre avis, étant donné que le Conseil avait déjà fait droit à la première plainte de négociation de mauvaise foi déposée contre CISA-TV, la question de savoir si le retrait de l'offre constituait également de la négociation de mauvaise foi n'est pas essentiel à la détermination de la question de savoir si la réparation accordée était manifestement déraisonnable.

[35]            Toutefois, le Conseil aurait avec raison pu considérer la conduite de l'employeur comme pertinente lorsqu'il s'est agi de déterminer s'il devait permettre à CISA-TV de tenter de renégocier l'article 13.1. Le Conseil aurait pu considérer le retrait comme étant destiné à priver les employés des augmentations rétroactives de salaire parce que leur syndicat lui avait demandé de se prononcer sur la validité de la clause de « non-préjudice » . Dans ces conditions, il n'était pas déraisonnable pour le Conseil d'avoir conclu qu'il ne convenait pas d'ordonner des négociations additionnelles.


[36]            Troisièmement, la modification du Code par laquelle l'alinéa 99(1)b.1) a été ajouté renforce sans aucun doute la position réparatrice du Conseil en confirmant son pouvoir de remédier aux manquements à l'obligation de négocier de bonne foi en obligeant une partie à inclure ou à retirer des conditions spécifiques de sa position de négociation « s'il est d'avis que ces mesures sont nécessaires pour remédier aux effets de la violation » .

[37]            Sur ce point, nous ferons d'abord remarquer que si CISA-TV n'avait pas retiré son offre, le Conseil n'aurait pas strictement eu besoin de ce pouvoir pour rendre son ordonnance, parce qu'il donnait simplement aux membres de l'unité de négociation la possibilité de ratifier la proposition finale de CISA-TV. Dans la mesure où l'alinéa 99(1)b.1) s'applique parce que l'offre a été retirée, nous tenons à faire remarquer qu'il est pertinent comme autre point de repère lorsque le Conseil envisage d'exercer son large pouvoir réparateur d'une façon « juste » en vertu du paragraphe 99(2).

[38]            De plus, l'alinéa 99(1)b.1) renferme sa propre définition en ce qui concerne les circonstances dans lesquelles le pouvoir peut être exercé, à savoir « [si le Conseil] est d'avis que ces mesures sont nécessaires pour remédier aux effets de la violation » . Toutefois, nous n'avons pas à décider, pour les besoins de la demande, dans quelle mesure l'adoption de l'alinéa 99(1)b.1) a remplacé l'arrêt Royal Oak Mines en définissant les circonstances dans lesquelles il convient d'accorder ce genre de redressement.


[39]            Nous nous contenterons de dire que, compte tenu de la portée des pouvoirs réparateurs du Conseil, des clauses privatives et de l'importance de l'expertise du Conseil en matière de relations du travail, l'avocat de la demanderesse n'a pas réussi à nous convaincre que l'ordonnance du Conseil n'avait aucun rapport rationnel avec la violation du Code par CISA-TV et ses effets ou que, compte tenu des faits de la présente affaire et de la protection accordée par le Code aux employés à l'encontre de pratiques déloyales de travail, l'ordonnance violait l'engagement prévu par le Code en ce qui concerne la libre négociation collective.

C.        CONCLUSIONS

[40]            Pour ces motifs, les demandes de contrôle judiciaire seront rejetées avec dépens, mais un seul mémoire des dépens sera admis pour l'audience.

                                                                                « John M. Evans »            

                                                                                                     Juge                      

Traduction certifiée conforme

Suzanne M. Gauthier, trad. a., LL.L.


                             COUR D'APPEL FÉDÉRALE

                      AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                                     A-507-02

INTITULÉ :                                                    Global Television

c.

Le Syndicat canadien des communications, de l'énergie et du papier

LIEU DE L'AUDIENCE :                                         VANCOUVER (C.-B.)

DATE DE L'AUDIENCE :                                       LES 23 ET 24 FÉVRIER 2004

MOTIFS DU JUGEMENT DE LA COUR :            LE JUGE DÉCARY

LE JUGE LÉTOURNEAU

LE JUGE EVANS

RENDUS À L'AUDIENCE PAR :                LE JUGE EVANS

COMPARUTIONS :

Grant Stapon

POUR LA DEMANDERESSE

Shona Moore, c.r./M. Higgins

POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Bennett Jones LLP

Calgary (Alberta)

POUR LA DEMANDERESSE

Shortt, Moore & Arsenault

POUR LE DÉFENDEUR

Vancouver (C.-B.)

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