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Date : 20000215

 

Dossier : A-346-99

 

 

CORAM :      LE JUGE EN CHEF

                        LE JUGE LÉTOURNEAU

                        LE JUGE NOËL

 

 

ENTRE :

 

               LES LIGNES AÉRIENNES CANADIEN INTERNATIONAL LIMITÉE

                                                                             et

                                                                 AIR CANADA

 

                                                                                                                                          appelantes

 

                                                                           ET

 

                LA COMMISSION CANADIENNE DES DROITS DE LA PERSONNE

                                                                             et

                       LE SYNDICAT CANADIEN DE LA FONCTION PUBLIQUE

                                          (DIVISION DU TRANSPORT AÉRIEN)

                                                                             et

                       L’ALLIANCE DE LA FONCTION PUBLIQUE DU CANADA

 

                                                                                                                                                intimés

 

 

 

 

Audience tenue à Montréal (Québec), le mardi 15 février 2000

 

 

Jugement prononcé à l’audience à Montréal (Québec), le mardi 15 février 2000

 

 

 

 

 

MOTIFS DE JUGEMENT DE LA COUR DU :                                                  JUGE NOËL


 

 

 

Date : 20000215

 

Dossier : A-346-99

 

 

CORAM :       LE JUGE EN CHEF

                        LE JUGE LÉTOURNEAU

                        LE JUGE NOËL

 

ENTRE :

 

LES LIGNES AÉRIENNES CANADIEN INTERNATIONAL LIMITÉE

                                                                             et

                                                                 AIR CANADA

 

                                                                                                                                           appelantes

 

                                                                            ET

 

                  LA COMMISSION CANADIENNE DES DROITS DE LA PERSONNE

                                                                             et

                         LE SYNDICAT CANADIEN DE LA FONCTION PUBLIQUE

                                            (DIVISION DU TRANSPORT AÉRIEN)

                                                                             et

                         L’ALLIANCE DE LA FONCTION PUBLIQUE DU CANADA

 

                                                                                                                                                 intimés

 

 

                                            MOTIFS DE JUGEMENT DE LA COUR

                                          (Prononcés à l’audience à Montréal (Québec),

                                                          le mardi 15 février 2000)

 

LE JUGE NOËL

 

[1]        Cet appel porte sur un jugement interlocutoire de la Section de première instance, qui accordait à l’Alliance de la fonction publique du Canada (AFPC) l’autorisation d’intervenir dans les demandes de contrôle judiciaire présentées par la Commission canadienne des droits de la personne (la Commission) et le Syndicat canadien de la fonction publique (Division du transport aérien) (SCFP). Ces demandes de contrôle judiciaire portent sur une décision du Tribunal canadien des droits de la personne (le Tribunal) qui rejetait une plainte du SCFP, portant que les appelantes pratiquaient une politique salariale discriminatoire vis‑à‑vis leurs pilotes, agents de bord et membres du personnel des opérations techniques.

 

[2]        Dans sa décision, le Tribunal a notamment décidé que les employés susmentionnés d’Air Canada et des Lignes aériennes Canadien International Limitée (Canadien) travaillent dans des « établissements » distincts aux fins de l’article 11 de la Loi canadienne sur les droits de la personne, puisqu’ils sont soumis à des politiques des salaires et du personnel différentes.

 

[3]        L’AFPC n’a pas demandé à intervenir dans les procédures devant le Tribunal.

 

[4]        La décision du Tribunal a été rendue le 15 décembre 1998. La Commission et le SCFP ont déposé des demandes de contrôle judiciaire le 15 janvier 1999. La demande d’autorisation d’intervenir de l’AFPC a été déposée le 6 mai 1999. La seule question visée par la demande d’intervention est celle de savoir si les agents de bord, pilotes et membres du personnel des opérations techniques à l’emploi d’Air Canada et de Canadien font partie d’un seul et même « établissement » aux fins de l’article 11 de la Loi.

 

[5]        L’ordonnance autorisant l’intervention de l’AFPC a été prononcée sans motifs, avec certaines conditions. Elle est rédigée comme suit :

[traduction]

L’Alliance de la fonction publique du Canada (l’Alliance) est autorisée à intervenir comme suit :

 

a) l’Alliance se verra signifier toute la documentation des autres parties;

 

b) l’Alliance peut présenter son propre mémoire des faits et du droit au plus tard le 14 juin 1999, soit dans les 14 jours de la signification et du dépôt des mémoires des faits et du droit des Lignes aériennes Canadien International Limitée et d’Air Canada, comme le précise l’ordonnance de M. le juge Lemieux en date du 9 mars 1999;

 

c) le Syndicat canadien de la fonction publique (Division du transport aérien), demandeur, la Commission canadienne des droits de la personne, demanderesse, les Lignes aériennes Canadien International, défenderesse, et Air Canada, défenderesse, peuvent déposer une réponse au mémoire des faits et du droit de l’Alliance au plus tard le 28 juin 1999, soit dans les 14 jours de la date de la signification du mémoire des faits et du droit de l’Alliance;

 

d) le droit des parties de déposer une demande d’audience ne subira aucun retard du fait de l’intervention de l’Alliance dans ces procédures;

 

e) l’Alliance sera consultée sur les dates de l’audience en l’instance;

 

f) l’Alliance pourra présenter ses plaidoiries devant la Cour.

 

[6]        Pour réussir ici, les appelantes doivent démontrer que le juge des requêtes a mal interprété les faits ou qu’il a commis une erreur de principe en accordant l’autorisation d’intervenir. Une cour d’appel n’interviendra pas dans l’exercice du pouvoir discrétionnaire d’un juge des requêtes simplement parce qu’elle aurait pu l’exercer différemment.

 

[7]        À ce sujet, l’avocat de l’AFPC souligne, à bon droit, que le fait que le juge des requêtes n’a pas motivé son ordonnance ne veut pas dire qu’il ne s’est pas fondé sur des considérations pertinentes. Toutefois, ceci veut dire que notre Cour n’a pas l’avantage de connaître son raisonnement. Par conséquent, on ne peut déférer au processus mental qui l’a amené à exercer son pouvoir discrétionnaire comme il l’a fait.

 

[8]        On peut raisonnablement présumer que pour accorder l’autorisation d’intervenir, le juge des requêtes a dû considérer les facteurs suivants, qui ont été énoncés à la fois par les appelantes et par l’AFPC comme étant pertinents en l’instance[1] :

 1) La personne qui se propose d’intervenir est‑elle directement touchée par l’issue du litige?

 

 2) Y a‑t‑il une question qui est de la compétence des tribunaux ainsi qu’un véritable intérêt public?

 

 3) S’agit‑il d’un cas où il semble n’y avoir aucun autre moyen raisonnable ou efficace de soumettre la question à la Cour?

 

 4) La position de la personne qui se propose d’intervenir est‑elle défendue adéquatement par l’une des parties au litige?

 

 5) L’intérêt de la justice sera‑t‑il mieux servi si l’intervention demandée est autorisée?

 

 6) La Cour peut‑elle entendre l’affaire et statuer sur le fond sans autoriser l’intervention?

 

[9]        Le juge doit aussi avoir eu à l’esprit l’article 109 des Règles de la Cour fédérale de 1998, plus spécifiquement son paragraphe 2, qui fait que l’AFPC doit expliquer, dans sa requête, de quelle manière sa participation « ... aidera à la prise d’une décision sur toute question de fait et de droit se rapportant à l’instance ».

 

[10]      Tout en acceptant le fait que l’AFPC a une expertise réelle dans le domaine de l’équité salariale, on note néanmoins au dossier que :

 1. l’AFPC ne représente personne à l’emploi de l’une ou l’autre des lignes aériennes appelantes;

 2. la décision du Tribunal ne renvoie à aucun litige auquel l’AFPC est partie;

 3. les motifs qui justifient l’autorisation d’intervenir accordée à l’AFPC sont exactement les mêmes que ceux qui seront soulevés par la Commission et par le SCFP;

 4. rien dans la documentation déposée par l’AFPC n’indique qu’elle se prépare à présenter une jurisprudence, des autorités, ou un point de vue que la Commission ou le SCFP ne pourraient pas, ou ne voudraient pas, présenter.

 

[11]      Il est clair que l’intérêt le plus important de l’AFPC est de nature « jurisprudentielle »; elle s’inquiète du fait que si la décision du Tribunal est confirmée, il pourrait y avoir des répercussions sur les litiges portant sur l’équité salariale à l’avenir. Il est bien établi qu’une demande d’intervention ne peut se fonder uniquement sur un intérêt de cette nature[2].

 

[12]      À part le fait de faire valoir son expertise dans le domaine de l’équité salariale, l’AFPC devait démontrer dans sa demande d’autorisation qu’elle apporterait quelque chose de plus au débat que ce qui était déjà soumis à la Cour par les parties. Plus spécifiquement, elle devait démontrer de quelle façon son expertise pouvait aider la Cour à régler les questions soulevées par les parties. Elle n’en a rien fait. À défaut de connaître le raisonnement du juge des requêtes, on ne peut trouver aucune base sur laquelle il pourrait avoir autorisé cette intervention sans commettre une erreur.

 

[13]      L’appel est accueilli, l’ordonnance du juge des requêtes autorisant l’intervention est infirmée, la demande d’autorisation d’intervenir de l’AFPC est rejetée, et son mémoire des faits et du droit déposé le 14 juin 1999 est retiré du dossier. Les appelantes ont droit aux dépens en cet appel.

 

 

 

          Marc Noël            

J.A.

 

 

 

Traduction certifiée conforme

 

 

Bernard Olivier  


                                               

 

                 COUR FÉDÉRALE DU CANADA

                              SECTION D’APPEL

 

 

Date : 20000215

 

Dossier : A-346-99

 

 

 

ENTRE :

 

            LES LIGNES AÉRIENNES CANADIEN

INTERNATIONAL LIMITÉE

                                               et

                                   AIR CANADA

 

                                                                              appelantes

 

                                             ET

 

LA COMMISSION CANADIENNE DES DROITS DE

LA PERSONNE

                                               et

    LE SYNDICAT CANADIEN DE LA FONCTION

PUBLIQUE

            (DIVISION DU TRANSPORT AÉRIEN)

                                               et

   L’ALLIANCE DE LA FONCTION PUBLIQUE DU

CANADA

 

                                                                                    intimés

 

 

 

 

________________________________________________

 

 

                         MOTIFS DU JUGEMENT

 

________________________________________________

 

 


 

COUR FÉDÉRALE DU CANADA

                                                                   SECTION D’APPEL

 

                                                    AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

 

No DU GREFFE :                       A-346-99

 

INTITULÉ DE LA CAUSE :     LES LIGNES AÉRIENNES CANADIEN INTERNATIONAL

                                                     LIMITÉE ET AUTRES

                                                                                                                                           appelantes

 

                                                     ET

 

                                                     LA COMMISSION CANADIENNE DES

                                                     DROITS DE LA PERSONNE ET AUTRES

                                                                                                                                                 intimés

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :         Montréal (Québec)

 

 

DATE DE L’AUDIENCE :       Le 15 février 2000

 

 

MOTIFS DE JUGEMENT DE M. LE JUGE NOËL

 

 

EN DATE DU :                          15 février 2000

 

 

 

ONT COMPARU

 

M. Peter M. Blaikie                                                                                              pour les appelantes

 

M. Andrew Raven                                                                                                        pour l’intimée

                                                  L’ALLIANCE DE LA FONCTION PUBLIQUE DU CANADA

 

 

 


AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

HEENAN BLAIKIE

Montréal (Québec)                                                                                                pour les appelantes

 

CALEY et WRAY                                                                                                        pour l’intimé

Toronto (Ontario)                                           LE SYNDICAT CANADIEN DE LA FONCTION

                                                                                        PUBLIQUE (Division du transport aérien)

 

 

LA COMMISSION CANADIENNE                                                                         pour l’intimée

DES DROITS DE LA PERSONNE                           LA COMMISSION CANADIENNE DES

Ottawa (Ontario)                                                                              DROITS DE LA PERSONNE

 

 

RAVEN, ALLEN,                                                                                                       pour l’intimée

CAMERON et BALLANTYNE                      L’ALLIANCE DE LA FONCTION PUBLIQUE

Ottawa (Ontario)                                                                                                       DU CANADA


 

 

 

Date : 20000215

 

Dossier : A-346-99

 

 

MONTRÉAL (QUÉBEC), LE 15 FÉVRIER 2000

 

 

CORAM :                                   LE JUGE EN CHEF

                                                     LE JUGE LÉTOURNEAU

                                                     LE JUGE NOËL

 

ENTRE :

 

LES LIGNES AÉRIENNES CANADIEN INTERNATIONAL LIMITÉE

                                                                           ET

                                                                 AIR CANADA

 

                                                                                                                                          appelantes

 

                                                                             et

 

                LA COMMISSION CANADIENNE DES DROITS DE LA PERSONNE

                                                                             et

                       LE SYNDICAT CANADIEN DE LA FONCTION PUBLIQUE

                                          (DIVISION DU TRANSPORT AÉRIEN)

                                                                             et

                       L’ALLIANCE DE LA FONCTION PUBLIQUE DU CANADA

 

                                                                                                                                                intimés

 

 

 

                                                                   JUGEMENT

 

            L’appel est accueilli. L’ordonnance du juge des requêtes autorisant l’intervention dans les dossiers T‑62‑99 et T‑63‑99 est infirmée. La demande d’autorisation d’intervenir présentée par l’Alliance de la fonction publique du Canada est rejetée et son mémoire des faits et du droit déposé le 14 juin 1999 est retiré du dossier. Les appelantes ont droit aux dépens devant la Cour d’appel.

 

 

       J. Richard       

J.C.

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

 

 

Bernard Olivier

 



          [1]  Rothmans, Benson & Hedges Inc. c. Canada (Procureur général) (no 1) (1989), [1990] 1 C.F. 74 (1re Inst.), aux pp. 79 à 83; Rothmans, Benson & Hedges Inc. c. Canada (Procureur général) (no 2) (1989), [1990] 1 C.F. 84 (1re Inst.), à la p. 88; Rothmans, Benson & Hedges Inc. c. Canada (Procureur général) (no 3) (1989), [1990] 1 C.F. 90 (C.A.F.).

          [2] Voir  R c. Bolton [1976] 1 C.F. 252 (le juge en chef Jackett); Tioxide Canada Inc. c. Ministre du Revenu national [1994], 1 74 N.R. 212 (le juge d’appel Hugessen).

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