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Date : 20040304

Dossier : A-796-00

Référence : 2004 CAF 88

CORAM :       LE JUGE DÉCARY

LE JUGE LÉTOURNEAU

LE JUGE EVANS

ENTRE :

                             SA MAJESTÉ LA REINE DU CHEF DU CANADA

                                                                                                                                appelante

                                                                       et

                                                 LESLIE ANN RUTLEDGE

                                                                                                                                    intimée

Audience tenue à Vancouver (Colombie-Britannique), le 26 février 2004.

Jugement rendu à l'audience à Ottawa (Ontario), le 4 mars 2004.

MOTIFS DU JUGEMENT :                                                           LE JUGE LÉTOURNEAU

Y A SOUSCRIT :                                                                                        LE JUGE EVANS

MOTIFS CONCOURANTS :                                                                  LE JUGE DÉCARY


Date : 20040304

Dossier : A-796-00

Référence : 2004 CAF 88

CORAM :       LE JUGE DÉCARY

LE JUGE LÉTOURNEAU

LE JUGE EVANS

ENTRE :

                             SA MAJESTÉ LA REINE DU CHEF DU CANADA

                                                                                                                                appelante

                                                                       et

                                                 LESLIE ANN RUTLEDGE

                                                                                                                                    intimée

                                                 MOTIFS DU JUGEMENT

LE JUGE LÉTOURNEAU

[1]                Il s'agit d'un appel interjeté par Sa Majesté la Reine contre la décision par laquelle un juge de la Cour canadienne de l'impôt s'est attribué une compétence inhérente d'annuler le rejet d'un appel survenu à la suite du dépôt d'un avis de désistement effectué sur la foi d'un avis erroné.. Depuis le prononcé de cette décision, la présente cour a statué, dans l'arrêt Procureur général du Canada c. Scarola, 2003 CAF 157, qu'il n'existe aucune compétence inhérente de ce genre compte tenu du paragraphe 16.2(2) de la Loi sur la Cour canadienne de l'impôt, L.R.C. 1985, ch. T-2, dans sa forme modifiée, (la Loi), qui est ainsi libellé :


16.2 (1) La partie qui a engagé une procédure devant la Cour peut en tout temps s'en désister par avis écrit.

16.2 (1) A party who instituted a proceeding in the Court may, at any time, discontinue that proceeding by written notice.

(2) Le désistement équivaut au rejet de la procédure en cause à la date à laquelle la Cour reçoit l'avis de désistement.

[Non souligné dans l'original.]

(2) Where a proceeding is discontinued under subsection (1), it is deemed to be dismissed as of the day on which the Court receives the written notice.

[My emphasis.]

[2]                Il s'agit ici de savoir si la décision rendue dans l'affaire Scarola s'applique aux faits de la présente affaire, qui se rapporte à une cotisation secondaire établie conformément à l'article 160 de la Loi de l'impôt sur le revenu et, dans le cas où l'arrêt Scarola s'applique, si l'intimée peut invoquer les pouvoirs de redressement conférés au juge de la Cour de l'impôt en vertu de l'article 172 des Règles de la Cour canadienne de l'impôt (procédure générale) (les Règles) lorsqu'il s'agit d'annuler un jugement :

Annulation ou modification de jugements en raison d'erreurs - Général

Setting Aside, Varying or Amending Accidental Errors in Judgments - General

172. (1) Le jugement qui :

a) comporte une erreur découlant d'un lapsus ou d'une omission;

b) doit être modifié relativement à une question sur laquelle la Cour n'a pas statué,

peut être modifié par la Cour, sur demande ou de son propre chef.

172. (1) A judgment that,

(a) contains an error arising from an accidental slip or omission, or

(b) requires amendment in any matter on which the Court did not adjudicate,

may be amended by the Court on application or of its own motion.

(2) Une partie peut demander, par voie de requête dans l'instance, selon le cas :

a) l'annulation ou la modification d'un jugement en raison d'une fraude ou de faits survenus ou découverts après qu'il a été rendu;

b) un sursis d'exécution d'un jugement;

c) une mesure de redressement différente de celle qui a déjà été accordée.

[Non souligné dans l'original.]

(2) A party who seeks to,

(a) have a judgment set aside or varied on the ground of fraud or of facts arising or discovered after it was made,

(b) suspend the operation of a judgment, or

(c) obtain other relief than that originally directed,

may make a motion for the relief claimed.

[My emphasis.]

Les faits et la procédure

[3]                Les faits ci-dessous énoncés ne sont pas contestés. Le conjoint de l'intimée a fait l'objet d'une cotisation d'impôt d'un montant bien supérieur à la somme de 130 000 $. En 1988, il a transféré à l'intimée un titre de propriété pour une contrepartie d'un dollar et d'autres contreparties de valeur.

[4]                Par un avis de cotisation en date du 10 octobre 1991, le ministre du Revenu national (le ministre) a établi à l'égard de l'intimée une cotisation de 130 000 $ se rapportant au bien que son conjoint lui avait transféré. Le ministre s'est fondé sur l'article 160 dont l'objet, selon ce qu'a dit la présente cour dans l'arrêt Medland c. Canada, A-18-97, paragraphe 14 « consiste à empêcher un contribuable de transférer ses biens à son conjoint afin de faire échec aux efforts déployés par le ministre pour percevoir l'argent qui lui est dû » .


[5]                Le 15 avril 1994, l'intimée a déposé devant la Cour de l'impôt un avis d'appel à l'encontre de la cotisation. Au mois de mars 1996 ou vers le mois de mars 1996, le conjoint a produit auprès de Revenu Canada une proposition afin de régler toutes les questions fiscales en suspens. L'appel interjeté par l'intimée devait être entendu le 2 mai 1996, mais à sa demande, il a été ajourné au 5 septembre 1996. Après que son conjoint lui eut dit qu'il avait acquitté la dette fiscale qu'il avait envers Revenu Canada et puisqu'elle croyait qu'elle n'était donc plus responsable envers Revenu Canada, l'intimée a informé la Cour de l'impôt, le 29 août 1996, par l'entremise de son avocat, qu'elle abandonnait l'appel.

[6]                Toutefois, les négociations entre Revenu Canada et le conjoint n'étaient pas encore achevées, et les sommes dues n'avaient pas encore été payées. Les négociations ont pris fin le 26 mars 1997. Par une entente conclue ce jour-là, le conjoint de l'intimée s'est engagé à verser un montant s'élevant à 1,1 million de dollars sur une période d'un an, en quatre versements égaux, en paiement de sa dette fiscale. Or, le conjoint n'a effectué que deux versements, s'élevant en tout à 550 000 $.

[7]                Le 26 janvier 1999, Revenu Canada a écrit à l'intimée pour lui demander de payer le montant de la cotisation établie à son égard le 10 octobre 1991 en vertu du paragraphe 160(1) de la Loi de l'impôt sur le revenu. Le montant total qui était alors dû s'élevait à 249 920,81 $.


[8]                Le 14 mai 1999, l'intimée a demandé à la Cour de l'impôt de rétablir l'appel dont elle s'était désistée. L'affaire a été ajournée pendant que les parties tentaient d'en arriver à un règlement. Le 25 mai 2000, l'intimée a présenté devant la Cour canadienne de l'impôt une requête en vue d'obtenir une ordonnance rétablissant l'appel interjeté au moyen d'un avis d'appel le 14 août 1994. La requête a été accueillie le 7 décembre 2000. D'où l'appel interjeté contre cette décision.

La décision de la Cour de l'impôt

[9]                Le juge de la Cour de l'impôt a supposé qu'il possédait une compétence inhérente en vue de rétablir un appel qui avait par erreur été abandonné. Il a fait une distinction à l'égard de la décision rendue par la présente cour dans l'affaire Bogie c. Sa Majesté la Reine, 98 D.T.C. 6679, où, sans statuer sur la question de savoir si la Cour de l'impôt possédait la compétence inhérente alléguée, le juge Robertson, au nom de la Cour, a conclu que le contribuable ne pouvait pas se distancer de l'avis erroné donné par son comptable. Le juge Robertson a également rejeté l'argument du contribuable selon lequel il n'aurait pas pu découvrir l'état véritable de ses affaires même en faisant preuve d'une diligence raisonnable.


[10]            Le juge de la Cour de l'impôt a fait une distinction à l'égard de l'arrêt Bogie en se fondant sur le fait que cette affaire se rapportait à une cotisation directe visant le contribuable plutôt qu'à une cotisation secondaire comme c'est ici le cas. Il était également d'avis que l'intimée (l'appelante devant la Cour de l'impôt) ne pouvait pas être contrainte de faire preuve de diligence raisonnable. Aux paragraphes 11 et 12, il a énoncé les motifs à l'appui de sa conclusion :

[11] [...] En l'espèce, l'appelante croyait sincèrement les renseignements donnés par son époux, que ce dernier croyait de toute évidence exacts. Il ne s'agissait pas d'une simple question de faits techniques facilement discernable. L'ensemble du concept de confiance des conjoints l'un envers l'autre démolit toute suggestion selon laquelle l'appelante aurait dû remettre en question les dires de son époux ou du comptable de ce dernier en exerçant une " diligence raisonnable ". Elle a simplement accepté que les renseignements fournis par son époux étaient valables, c'est-à-dire que ses problèmes fiscaux avaient été réglés, et elle a agi en conséquence. En tout état de cause, rien dans la preuve n'indique que l'avocat de l'appelante était celui de son époux. Par conséquent, ni elle-même ni son avocat n'avaient le droit de recevoir de renseignements de la part de Revenu Canada.

[12] L'appelante n'était pas la contribuable dont les actions ont entraîné l'établissement d'une cotisation principale. Elle ne pouvait d'aucune façon connaître la situation de ce contribuable autrement qu'en recevant des renseignements de sa part. Une cotisation d'impôt secondaire a été établie à son égard en fonction d'une disposition de la Loi extrêmement inhabituelle et d'une grande portée. Son droit de poursuivre l'appel ne devrait pas être neutralisé par une exigence de diligence raisonnable qui en fait lui imposerait de remettre en question la véracité des dires de son propre époux.

[11]            Avec égards, je crois que le juge de la Cour de l'impôt ne disposait d'aucun motif valable lui permettant de faire une distinction à l'égard de l'arrêt Bogie. Toutefois, avant d'examiner la question, je dois faire quelques remarques au sujet de la conclusion que la présente cour a tirée dans l'arrêt Scarola, précité, et établir le contexte juridique dans lequel s'inscrit maintenant la question du rétablissement d'un appel abandonné.


La décision rendue par la présente cour dans l'affaire Scarola

[12]            Dans l'affaire Scarola, la présente cour faisait face à une question identique à celle qui est ici soulevée. Le 20 février 2001, l'appelant, par l'entremise de son avocat, avait informé la Cour de l'impôt qu'il abandonnait son appel. Conformément au paragraphe 16.2(2) de la Loi, le greffe a présumé que l'appel était rejeté dans une lettre envoyée à l'appelant le 21 février 2001. Le 28 août 2001, l'appelant a présenté une requête en vue de faire rétablir l'appel. Le 15 avril 2002, le juge de la Cour de l'impôt qui entendait la requête s'est fondé sur la doctrine de la compétence inhérente pour annuler l'avis de désistement et pour rétablir l'appel.

[13]            À la suite d'un appel interjeté contre cette décision, la présente cour a conclu que, par suite de la disposition déterminative figurant au paragraphe 16.2(2) de la Loi, un désistement conformément à cette disposition constitue un rejet, l'appel qui est rejeté est un appel sur lequel il a été statué et l'appel sur lequel il a été statué n'existe plus. Le paragraphe 21 des motifs de la décision est ainsi libellé :


[21] Conformément au paragraphe 16.2, un désistement constitue un rejet. L'appel qui est rejeté est un appel sur lequel il a été statué, et l'appel sur lequel il a été statué n'existe plus : voir Lehner c. MRN, 97 D.T.C. 5270, à la page 5271, juge Pratte (C.A.F.). Le paragraphe 16.2(2) fait du dépôt d'un avis de désistement un rejet par interprétation analogue à un véritable rejet. En d'autres termes, le désistement, par suite de cette disposition, acquiert tous les attributs d'un rejet. Il a le même effet qu'un jugement par lequel la Cour rejette l'appel, quoique l'effet soit obtenu par la simple application de la fiction juridique. Dans un cas comme dans l'autre, les pouvoirs de la Cour sont épuisés: le décideur est dessaisi. Un rejet, réputé ou réel, est une décision définitive qui met fin à l'affaire, sauf dans certaines circonstances telles que la fraude ou un pouvoir prévu par la loi autorisant le décideur à conserver ou acquérir de nouveau le pouvoir perdu.

[14]            De fait, l'emploi du mot « équivaut » , dans la version française du paragraphe 16.2(2), montre d'une façon claire et non équivoque que le désistement constitue un rejet. Le mot « équivaloir » signifie « valoir autant » , « être de même valeur » , « qui a la même valeur ou fonction » : voir Le Nouveau Petit Robert, Dictionnaire de la langue française, 1993, page 903. Ce mot a un sens concluant, un sens qui est plus définitif que les mots « réputé » ou « présumé » , qui créent simplement une présomption et qui permettent donc de se demander si cette présomption est réfutable. Le mot « équivaut » impose un sens et ne soulève pas simplement une présomption réfutable.

[15]            Dans l'arrêt Scarola, la présente cour a également statué que le rejet prévu au paragraphe 16.2(2) emporte le même effet qu'un jugement de rejet rendu par la Cour et doit être traité comme un jugement de rejet rendu par la Cour auquel l'article 172 des Règles s'applique. Cela étant, la Cour voulait que ces rejets prévus par la loi soient assujettis aux pouvoirs correctifs restreints conférés à l'article 172 des Règles : voir le paragraphe 25 de la décision.


[16]            Enfin, la présente cour a conclu que, selon son sens clair, l'article 16.2 avait éliminé la compétence inhérente ou résiduelle que possédait la Cour de l'impôt lorsqu'il s'agissait de permettre le retrait d'un avis de désistement; voir le paragraphe 27 de la décision.

Analyse de la décision de la Cour de l'impôt

[17]            Les conclusions tirées dans l'arrêt Scarola s'appliquent aux faits de la présente espèce. Il reste uniquement à déterminer si les pouvoirs correctifs prévus à l'article 172 des Règles permettaient au juge de la Cour de l'impôt d'annuler le jugement de rejet.

[18]            La seule partie pertinente de la disposition en question se trouve à l'alinéa (2)a). Selon cette disposition, un jugement de rejet peut être annulé s'il a été obtenu par la fraude ou sur la base de faits survenus ou découverts après que le jugement a été rendu.

[19]            Or, l'intimée n'a pas allégué la fraude dans ce cas-ci. L'intimée habite encore avec son conjoint. Elle allègue que le rejet de son appel était attribuable à une erreur qu'elle avait elle-même commise au sujet de l'obligation fiscale de son conjoint. De toute évidence, il ne s'agissait pas d'un fait qui était survenu après le prononcé du jugement. En outre, à mon avis, il ne s'agissait pas d'un fait qui n'aurait pas pu être découvert plus tôt si l'on avait fait preuve d'une diligence raisonnable : Saywack c. Canada (MEI), [1986] 3 C.F. 189, page 201; Bogie, précité.


[20]            Avec égards, le juge de la Cour de l'impôt a mis l'accent sur la mauvaise question lorsqu'il s'est demandé si l'intimée avait fait preuve d'une diligence raisonnable. Contrairement à ce qu'il a dit, il ne s'agissait pas de savoir si l'intimée avait fait preuve d'une diligence raisonnable ou pouvait faire preuve d'une diligence raisonnable en déterminant l'état des choses pour ce qui est de l'obligation fiscale de son conjoint. Je suis d'accord avec le juge de la Cour de l'impôt pour dire qu'il est peut-être difficile de le faire compte tenu de l'article 241 de la Loi de l'impôt sur le revenu, qui interdit généralement la communication à un tiers de renseignements concernant un contribuable. Il s'agissait plutôt de savoir si, en faisant preuve d'une diligence raisonnable, l'intimée pouvait déterminer l'état de ses propres affaires pour ce qui est de sa propre obligation fiscale. L'intimée avait fait l'objet d'une nouvelle cotisation établie par le ministre et elle s'opposait à cette nouvelle cotisation. L'intimée ou son avocat n'avait qu'à communiquer avec Revenu Canada pour obtenir un état à jour de son obligation fiscale et connaître la position prise par Revenu Canada sur ce point. Il convient de se rappeler que les actes de procédure étaient clos et que l'audience devait avoir lieu lorsque l'intimée a demandé à son avocat de déposer un avis de désistement. Le moins que l'on puisse dire, c'est que l'intimée a été négligente en omettant de vérifier la position de l'autre partie. Si elle l'avait fait avant de déposer l'avis de désistement, elle aurait appris que la cotisation établie par Revenu Canada à l'égard de son obligation fiscale et la demande relative au montant dû étaient encore en suspens.


[21]            Pour ces motifs, j'accueillerais l'appel avec dépens, j'annulerais la décision de la Cour canadienne de l'impôt et je rétablirais le rejet de l'appel interjeté par l'intimée.

« Gilles Létourneau »

Juge

« Je souscris aux présents motifs.

John M. Evans, juge »

Traduction certifiée conforme

Suzanne M. Gauthier, trad. a., LL.L.


LE JUGE DÉCARY (souscrivant aux motifs)

[22]            Je suis d'accord avec mon collègue le juge Létourneau lorsqu'il dit que l'appel devrait être accueilli, mais pour des motifs légèrement différents.

[23]            Il importe peu qu'en accueillant la requête que l'intimée avait présentée en vue de faire rétablir son appel, le juge de la Cour de l'impôt ait cru posséder une compétence inhérente ou se soit fondé sur une compétence d'origine législative - comme c'est maintenant le cas depuis que la présente cour a rendu sa décision dans l'affaire Procureur général du Canada c. Scarola, 2003 CAF 157, si, dans l'exercice de son pouvoir discrétionnaire, le juge a appliqué les principes applicables aux requêtes fondées sur l'article 172 des Règles de la Cour canadienne de l'impôt.


[24]            À mon avis, le juge de la Cour de l'impôt n'a pas commis d'erreur en faisant une distinction à l'égard de l'arrêt Bogie c. Sa Majesté la Reine, 98 D.T.C. 6679, pour le motif qu'une cotisation directe était en cause plutôt qu'une cotisation secondaire. Le pouvoir discrétionnaire doit être exercé d'une façon plus libérale en faveur du contribuable lorsqu'une cotisation secondaire est en cause en vertu de l'article 160 de la Loi de l'impôt sur le revenu, qui est une disposition que le juge de la Cour de l'impôt a décrite comme « extrêmement inhabituelle et d'une grande portée » , cette description étant conforme à la décision que la présente cour a rendue dans l'affaire Gaucher c. Canada (2000), 264 N.R. 369 (C.A.F.). Le contribuable qui n'est pas le contribuable dont les actions ont initialement donné lieu à l'établissement de la cotisation n'est pas nécessairement au courant des faits donnant lieu à l'obligation primaire et ne les connaît peut-être pas du tout. Lorsque le contribuable « secondaire » se désiste d'un appel se rapportant à sa propre responsabilité en se fondant sur des renseignements qu'il obtient du contribuable « primaire » , le fait qu'il découvre en fin de compte que les renseignements obtenus sont erronés peut bien, dans certaines circonstances, être suffisant pour permettre la réouverture du dossier en vertu du paragraphe 172(2) des Règles. Tant que la responsabilité primaire est encore en litige et existe encore dans le système judiciaire - fait qui est admis en l'espèce - le « caractère définitif des décisions et l'administration efficace de la justice » (soit les deux questions fondamentales identifiées dans l'arrêt Scarola, paragraphe 13), sont beaucoup moins compromis.

[25]            Ceci dit, le juge de la Cour de l'impôt a néanmoins commis une erreur de principe en disant ce qui suit au paragraphe 11 de ses motifs :

L'ensemble du concept de confiance des conjoints l'un envers l'autre démolit toute suggestion selon laquelle l'appelante aurait dû remettre en question les dires de son époux ou du comptable de ce dernier en exerçant une " diligence raisonnable ".


[26]            Le fait qu'elle a fait preuve d'une diligence raisonnable est le principal facteur qui entre en jeu lorsqu'une partie allègue des faits qui sont survenus ou ont été découverts après que le jugement a été rendu. On ne saurait omettre de tenir compte de ce facteur en se fondant sur la relation qui existe entre deux contribuables. Il faut tenir compte de ce facteur, quoique, à mon avis, d'une façon plus compréhensive.

[27]            Eu égard aux circonstances, la présente cour doit exercer elle-même le pouvoir discrétionnaire que le juge de la Cour de l'impôt a exercé d'une façon non juridictionnelle. On ne saurait faire preuve d'une diligence raisonnable en se fiant aux déclarations de son conjoint ou en se fondant simplement sur la conviction que l'affaire a été réglée.

[28]            Je statuerais sur l'appel de la même façon que mon collègue.

« Robert Décary »

Juge

Traduction certifiée conforme

Suzanne M. Gauthier, trad. a., LL.L.


COUR D'APPEL FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                                     A-796-00

(L'appelante interjette appel contre l'ordonnance rendue par le juge Bell, de la Cour canadienne de l'impôt, le 7 décembre 2000, dossier 94-1068(IT)G)

INTITULÉ :                                                    Sa Majesté la Reine du chef du Canada

c.

Leslie Ann Rutledge

LIEU DE L'AUDIENCE :                              Vancouver (C.-B.)

DATE DE L'AUDIENCE :                           le 26 février 2004

MOTIFS DU JUGEMENT :                        LE JUGE LÉTOURNEAU

Y A SOUSCRIT :                                            LE JUGE EVANS

MOTIFS CONCOURANTS :                        LE JUGE DÉCARY

DATE DES MOTIFS :                                   LE 4 MARS 2004

COMPARUTIONS :

Frank Quo Vadis                                               POUR L'APPELANTE

Linda Bell                                                          POUR L'INTIMÉE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Koffman Kalef                                                   POUR L'APPELANTE

Vancouver (C.-B.)

Morris Rosenberg                                              POUR L'INTIMÉE

Sous-procureur général du Canada

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