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Date : 20000627


A-39-99

CORAM :      LE JUGE LÉTOURNEAU

         LE JUGE ROBERTSON

         LE JUGE SEXTON


E n t r e :

     APOTEX INC.

     appelante

     (défenderesse)

ET

     MERCK FROSST CANADA INC. et

     MERCK & CO. INC.

     intimées

     (demanderesse)

     - et -

     MINISTRE DE LA SANTÉ NATIONALE ET DU BIEN-ÊTRE SOCIAL

     et KYORIN PHARMACEUTICAL CO., LTD.

     intimées

     (défenderesses)


     Audience tenue à Ottawa (Ontario) le jeudi 8 juin 2000

     Jugement rendu à Ottawa (Ontario) le mardi 27 juin 2000.




MOTIFS DU JUGEMENT :      LE JUGE LÉTOURNEAU

Y ONT SOUSCRIT :      LE JUGE ROBERTSON

     LE JUGE SEXTON



Date : 20000627


A-39-99


CORAM :      LE JUGE LÉTOURNEAU

         LE JUGE ROBERTSON

         LE JUGE SEXTON


E n t r e :

     APOTEX INC.

     appelante

     (défenderesse)

ET

     MERCK FROSST CANADA INC. et

     MERCK & CO. INC.

     intimées

     (demanderesse)

     - et -

     MINISTRE DE LA SANTÉ NATIONALE ET DU BIEN-ÊTRE SOCIAL

     et KYORIN PHARMACEUTICAL CO., LTD.

     intimées

     (défenderesses)

     MOTIFS DU JUGEMENT


LE JUGE LÉTOURNEAU

[1]      La Cour est saisie d'un appel interjeté de la décision par laquelle le juge Campbell a interdit au ministre de la Santé nationale et du Bien-être social (le ministre) de délivrer un avis de conformité à Apotex, l'appelante, en vue de la production d'un antibiotique, la norfloxacine, tant que le brevet canadien no 1 178 961 (le brevet 961) ne sera pas expiré.

[2]      L'appelante invoque plusieurs moyens au soutien de son appel. Après avoir analysé ces moyens et après avoir attentivement examiné la preuve soumise au juge des requêtes, j'ai acquis la conviction, pour les motifs qui suivent, que le juge des requêtes en est arrivé à la bonne conclusion.

[3]      Le brevet 961 a été délivré relativement à un procédé mettant en réaction la pipérazine avec des dérivés de l'acide quinoline-carboxylique et les hydrates et sels d'addition acides en résultant.

[4]      Le paragraphe 41(1) de la Loi sur les brevets, L.R.C. (1985), ch. P-4, dans sa rédaction alors en vigueur, protégeait non seulement les modes ou procédés de fabrication revendiqués mais aussi leurs équivalents chimiques manifestes :

41. (1) In the case of inventions relating to substances prepared or produced by chemical processes and intended for food or medicine, the specification shall not include claims for the substance itself, except when prepared or produced by the methods or processes of manufacture particularly described and claimed or by their obvious chemical equivalents.

41. (1) Lorsqu'il s'agit d'inventions couvrant des substances préparées ou produites par des procédés chimiques et destinées à l'alimentation ou à la médication, le mémoire descriptif ne doit pas comprendre les revendications pour la substance même, excepté lorsque la substance est préparée ou produite par les modes ou procédés de fabrication décrits en détail et revendiqués, ou par leurs équivalents chimiques manifestes.

     (Non souligné dans l'original.)

En ce qui concerne l'utilisation de dérivés de l'acide quinoline-carboxylique, la revendication 11 du brevet 961 reprend la protection que le paragraphe 41(1) confère en matière de contrefaçon faite au moyen d'équivalents chimiques manifestes.

[5]      La doctrine de l'équivalence s'applique aux compositions lorsqu'il y a équivalence entre des ingrédients chimiques1 :

     [TRADUCTION]
     [...] Au début, la doctrine était habituellement appliquée dans les cas où il s'agissait de dispositifs pour lesquels il y avait équivalence dans les éléments mécaniques. Par la suite toutefois, les mêmes principes ont aussi été appliqués aux compositions, lorsqu'il y avait équivalence entre les ingrédients chimiques. Aujourd'hui, la doctrine s'applique aux équivalents mécaniques ou chimiques, dans les compositions ou les dispositifs. Voir les analyses et décisions rassemblées dans 3 Walker on Patents (Deller's ed. 1937) § § 489-492 Ellis: Patent Claims (1949) § § 59-60.
     Il faut déterminer l'équivalence en fonction du contexte du brevet, de l'antériorité et des circonstances particulières de l'affaire. En droit des brevets, l'équivalence n'est pas captive d'une formule ni un absolu à examiner dans l'abstrait. Elle ne nécessite pas une identité complète pour chaque but et à chaque égard. Des choses équivalentes à une même chose peuvent ne pas être égales l'une à l'autre et donc, des choses différentes à maints égards peuvent parfois être des équivalents. Il faut tenir compte du but pour lequel un ingrédient est utilisé dans un brevet, des propriétés qu'il possède lorsqu'il est combiné aux autres ingrédients et du rôle qu'il est appelé à jouer. Un important facteur dont il faut tenir compte est celui de savoir si des personnes versées dans l'art auraient été au courant du fait qu'un ingrédient non contenu dans le brevet était interchangeable avec un autre qui y était prévu.

Fondamentalement, il y a équivalence lorsque l'ingrédient ou le mécanisme de remplacement [TRADUCTION] « remplit pour l'essentiel la même fonction d'une manière substantiellement en vue d'obtenir le même résultat2 » .

[6]      Les témoignages des experts qui ont été entendus au procès ont permis d'établir que l'acide quinoline-carboxylique dont il est question dans le brevet 961 est un groupement accepteur d'électrons qui active la substitution nucléophile qui se produit lorsque le composé de chloroquinoluine réagit au contact de la pipérazine. Le témoignage des experts a également démontré que le brome utilisé par Apotex en position 3 de son procédé est un groupement accepteur d'électrons au même titre que l'acide quinoline-carboxylique et que sa fonction consiste aussi à activer la substitution nucléophile susmentionnée. Le témoignage d'expert du docteur Just appuie la proposition que la substitution du brome qu'effectue l'appelante dans son procédé équivaut à utiliser des équivalents chimiques manifestes des modes ou procédés de fabrication décrits ou revendiqués par l'intimée dans le brevet 961 et que [TRADUCTION] « une personne versée dans l'art aurait été au courant du fait qu'un ingrédient non contenu dans le brevet était interchangeable avec un autre qui y était prévu3 » .

[7]      Je considère injustifié le reproche que l'appelante adresse au juge des requêtes en ce qui concerne les [TRADUCTION] « conclusions extrêmes » qu'il aurait tirées au sujet de l'avis d'expert du docteur McClelland, un des témoins clés de l'appelante. Il ressort de l'examen de la preuve relative au procédé de fabrication de la norfloxacine de l'appelante que le docteur McClelland n'a pas fait preuve d'une franchise absolue lorsqu'il a témoigné au sujet du caractère hybride et de la fonction du groupement carbonyle à la position C4 en tant que groupement activateur dans le noyau quinoléine (voir son contre-interrogatoire, aux pages 690 à 693 et 702 à 706 du dossier d'appel, vol. III). Je ne puis affirmer que la décision du juge des requêtes de préférer le témoignage du docteur Just à celui du docteur McClelland et d'accorder peu de valeur à l'avis de ce dernier constitue une décision arbitraire que le dossier ne justifie pas.

[8]      Pour conclure, je ne voudrais pas que l'on pense que je souscris à la conclusion du juge des requêtes suivant laquelle l'arrêt Nu-pharm Inc. c. Abbott Laboratories et al.4 de notre Cour appuie la proposition qu'un brevet subséquent ne peut être utile pour prouver l'état de la technique en ce qui concerne le brevet à l'examen que lorsque les deux brevets ont été inventés par la même personne. Je ne voudrais pas non plus que l'on croie que j'approuve ou que je désapprouve sa conclusion que le brevet 466 est un brevet de perfectionnement. Il n'est pas nécessaire de trancher cette dernière question, étant donné que la preuve par affidavit justifiait le juge de conclure que le procédé qu'Apotex se proposait d'employer était un équivalent chimique manifeste du brevet 9615.



[9]      Par ces motifs, je rejetterais l'appel et adjugerais les dépens aux intimées Merck Frosst Canada Inc. et Merck & Co., Inc.

     « Gilles Létourneau »

     J.C.A.



« Je suis du même avis.

     Le juge J.P. Robertson. »

« Je suis du même avis.

     Le juge J. Edgar Sexton »




Traduction certifiée conforme



Martine Guay, LL L

    


Date : 20000627

A-39-99

     OTTAWA (ONTARIO), LE MARDI 27 JUIN 2000

CORAM :      LE JUGE LÉTOURNEAU

         LE JUGE ROBERTSON

         LE JUGE SEXTON

E n t r e :

     APOTEX INC.

     appelante

     (défenderesse)

ET

     MERCK FROSST CANADA INC. et

     MERCK & CO. INC.

     intimées

     (demanderesse)

     - et -

     MINISTRE DE LA SANTÉ NATIONALE ET DU BIEN-ÊTRE SOCIAL

     et KYORIN PHARMACEUTICAL CO., LTD.

     intimées

     (défenderesses)

     JUGEMENT


         L'appel est rejeté et les dépens sont adjugés aux intimées Merck Frosst Canada Inc. et Merck & Co., Inc..

     « Gilles Létourneau »

     J.C.A.

Traduction certifiée conforme

Martine Guay, LL. L.

     COUR D'APPEL FÉDÉRALE

     AVOCATS ET PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER


No DU GREFFE :              A-39-99

APPEL D'UN JUGEMENT DE LA SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE DE LA COUR FÉDÉRALE DU CANADA rendu le 18 décembre 1998 dans le dossier

T-1502-96

INTITULÉ DE LA CAUSE :      Apotex Inc. c. Merck Frosst Canada Inc. et autres
LIEU DE L'AUDIENCE :          Ottawa (Ontario)
DATE DE L'AUDIENCE :          Le jeudi 8 juin 2000

MOTIFS DU JUGEMENT :                  le juge Létourneau
Y ONT SOUSCRIT :                      le juge Robertson
                                 le juge Sexton

ONT COMPARU :

Me Harry B. Radomski                      pour l'appelante

Me D.M. Srimger

Me J. Nelson Landry                          pour les intimées Merck Frosst Canada Inc. et Merck & Co. Inc.
Personne n'a comparu                      pour l'intimé, le ministre de la Santé
Personne n'a comparu                      pour l'intimée, Kyorin Pharmaceutical Co. Ltd.

PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER :

Goodman, Phillipps & Vineberg                  pour l'appelante

Toronto (Ontario)

Ogilvy Renault                          pour les intimées Merck Frosst
Montréal (Québec)                          Canada Inc. et Merck & Co. Inc.
Me Morris Rosenberg                          pour l'intimé, le ministre de la Santé

Sous-procureur général du Canada

Ottawa (Ontario)

__________________

1      Graver Tank & Mfg. Co., Inc., et al. v. Linde Air Products Co. (1950), 85 U.S.P.Q. 328 (C.S. É.U.), aux pages 330 et 331, cité dans le jugement Pfizer Canada Inc. c. Apotex Inc., (1998), 78 C.P.R. (3d) 3, à la page 29 (C.F. 1re inst.).

2      Idem, à la page 330.

3      Dans son affidavit (dossier d'appel, vol. II, p. 260, par. 52), le docteur Just, l'expert de Merck, a affirmé qu'il serait évident pour toute personne versée dans la technique en cause de remplacer l'acide carboxylique (un groupement accepteur d'électrons) par le brome (un autre groupement accepteur d'électrons):          À la lumière des connaissances générales concernant les réactions de substitution nuclophiles aromatiques, que Morrison et Boys résument à la page 831 (pièce GJ-9), tout chimiste versé dans la technique à laquelle se rapporte l'invention saurait qu'une bromoquinoléine comme la 6 qui se trouve dans la synthèse d'Apotex (schéma 1) avait d'excellentes chances de réagir en présence de la pipérazine ou d'un dérivé de la pipérazine pour produire un composé comme le 7.

4      Répertorié Abbot Laboratories, Ltd. c. Nu-Pharm Inc., [1998] F.C.J. No. 1393 (C.A.F.).

5      Apotex Inc. c. Merck Frosst Canada Inc. et al., (1999) 86 C.P.R. (3d) 489, à la page 491.

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