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Date : 20041007

Dossier : A-39-04

Référence : 2004 CAF 339

CORAM :       LE JUGE RICHARD

LE JUGE LÉTOURNEAU

LE JUGE ROTHSTEIN

ENTRE :

                                        SYMBOL TECHNOLOGIES CANADA ULC

                                                                                                                                            appelante

                                                                                                                                   (défenderesse)

                                                                             et

                                                      BARCODE SYSTEMS INC.

           intimée

                                                                                                                                  (demanderesse)

                              Audience tenue à Winnipeg (Manitoba), le 28 septembre 2004.

                                    Jugement rendu à Ottawa (Ontario), le 7 octobre 2004.

MOTIFS DU JUGEMENT :                                                                            LE JUGE ROTHSTEIN

Y ONT SOUSCRIT :                                                                         LE JUGE EN CHEF RICHARD

                                                                                                                   LE JUGE LÉTOURNEAU


Date : 20041007

Dossier : A-39-04

Référence : 2004 CAF 339

CORAM :       LE JUGE EN CHEF RICHARD

LE JUGE LÉTOURNEAU

LE JUGE ROTHSTEIN

ENTRE :

                                        SYMBOL TECHNOLOGIES CANADA ULC

                                                                                                                                            appelante

                                                                                                                                   (défenderesse)

                                                                             et

                                                      BARCODE SYSTEMS INC.

                                                                                                                                                intimée

                                                                                                                                  (demanderesse)

                                                       MOTIFS DU JUGEMENT

LE JUGE ROTHSTEIN

INTRODUCTION

[1]                Symbol Technologies Canada ULC (Symbol) interjette appel d'une décision du Tribunal de la concurrence accordant à l'intimée Barcode Systems Inc. (Barcode), suivant le paragraphe 103.1(7) de la Loi sur la concurrence, L.R.C. (1985), ch. C-34, la permission de présenter une demande au Tribunal à l'encontre de Symbol. Dans sa demande de permission, Barcode a allégué que Symbol se livrait à une pratique restrictive du commerce susceptible d'examen, à savoir le refus de vendre au sens de l'article 75 de la Loi.


[2]                Dans sa demande présentée au Tribunal, Barcode demandait que soit prononcée, en vertu du paragraphe 75(1) de la Loi sur la concurrence,une ordonnance en joignant à Symbol de l'accepter comme cliente.

[3]                Dans le présent appel, Symbol déclare que le membre du Tribunal qui a fait droit à la demande de permission a commis une erreur de droit en refusant de tenir compte des exigences de la Loi, et que la décision d'accorder l'autorisation devrait être annulée par la Cour.

FAITS

[4]                Les faits sont tirés de l'affidavit de David Sokolow, président de Barcode. Il n'y a pas eu de contre-interrogatoire relativement à cet affidavit. Symbol est la filiale canadienne de Symbol Technologies Inc. (Symbol US). Symbol US est le principal fabricant de lecteurs de codes à barre au monde. Symbol vend et distribue les produits Symbol US au Canada. Vers 1994, Barcode a pris en charge le service de distribution de Symbol dans l'Ouest canadien.

[5]                Vers janvier 2003, Symbol a informé Barcode qu'elle ne pourrait plus acheter les pièces destinées aux produits Symbol. En avril 2003, Symbol a informé Barcode qu'elle n'accepterait pas ses bons de commande. Barcode affirme que depuis le 1er mai 2003, Symbol a refusé de traiter avec elle.


DISPOSITIONS LÉGISLATIVES PERTINENTES

[6]                 Jusqu'en 2002, seul le Commissaire de la concurrence pouvait présenter une demande au Tribunal en ce qui concerne les pratiques restrictives du commerce susceptibles d'examen, définies à la Partie VIII de la Loi sur la concurrence, tels le refus de vendre (article 75) et les ventes liées (article 77). À la suite de modifications à la Loi sur la concurrence, 2002, ch. 16, art. 11.1-11.3, les particuliers se sont vus accorder la possibilité de présenter des demandes au Tribunal à condition d'en obtenir la permission. Le paragraphe 103.1(1) de la Loi sur la concurrence dispose :

103.1 (1) Toute personne peut demander au Tribunal la permission de présenter une demande en vertu des articles 75 ou 77. La demande doit être accompagnée d'une déclaration sous serment faisant état des faits sur lesquels elle se fonde.

103.1 (1) Any person may apply to the Tribunal for leave to make an application under section 75 or 77. The application for leave must be accompanied by an affidavit setting out the facts in support of the person's application under section 75 or 77.

[7]                 Le paragraphe 103.1(7) énonce les éléments que le Tribunal doit prendre en considération pour se prononcer sur une demande de permission. Pour faire droit à la demande, le Tribunal doit avoir des raisons de croire que l'auteur de la demande est directement et sensiblement gêné dans son entreprise par une pratique restrictive du commerce susceptible d'examen et pouvant faire l'objet d'une ordonnance en vertu des articles 75 ou 77 de la Loi sur la concurrence. Le paragraphe 103.1(7) prévoit :


(7) Le Tribunal peut faire droit à une demande de permission de présenter une demande en vertu des articles 75 ou 77 s'il a des raisons de croire que l'auteur de la demande est directement et sensiblement gêné dans son entreprise en raison de l'existence de l'une ou l'autre des pratiques qui pourraient faire l'objet d'une ordonnance en vertu de ces articles.

(7) The Tribunal may grant leave to make an application under section 75 or 77 if it has reason to believe that the applicant is directly and substantially affected in the applicants' business by any practice referred to in one of those sections that could be subject to an order under that section.      

[8]                 La pratique commerciale restrictive d'examen sur laquelle se fonde Barcode est le refus de vendre. Le paragraphe 75(1) est ainsi rédigé :



75. (1) Lorsque, à la demande du commissaire ou d'une personne autorisée en vertu de l'article 103.1, le Tribunal conclut_:

a) qu'une personne est sensiblement gênée dans son entreprise ou ne peut exploiter une entreprise du fait qu'elle est incapable de se procurer un produit de façon suffisante, où que ce soit sur un marché, aux conditions de commerce normales;

b) que la personne mentionnée à l'alinéa a) est incapable de se procurer le produit de façon suffisante en raison de l'insuffisance de la concurrence entre les fournisseurs de ce produit sur ce marché;

c) que la personne mentionnée à l'alinéa a) accepte et est en mesure de respecter les conditions de commerce normales imposées par le ou les fournisseurs de ce produit;

d) que le produit est disponible en quantité amplement suffisante;

e) que le refus de vendre a ou aura vraisemblablement pour effet de nuire à la concurrence dans un marché,

le Tribunal peut ordonner qu'un ou plusieurs fournisseurs de ce produit sur le marché en question acceptent cette personne comme client dans un délai déterminé aux conditions de commerce normales à moins que, au cours de ce délai, dans le cas d'un article, les droits de douane qui lui sont applicables ne soient supprimés, réduits ou remis de façon à mettre cette personne sur un pied d'égalité avec d'autres personnes qui sont capables de se procurer l'article en quantité suffisante au Canada.

75. (1) Where, on application by the Commissioner or a person granted autorisation under section 103.1, the Tribunal finds that

(a) a person is substantially affected in his business or is precluded from carrying on business due to his inability to obtain adequate supplies of a product anywhere in a market on usual trade terms,

(b) the person referred to in paragraph (a) is unable to obtain adequate supplies of the product because of insufficient competition among suppliers of the product in the market,

(c) the person referred to in paragraph (a) is willing and able to meet the usual trade terms of the supplier or suppliers of the product,

(d) the product is in ample supply, and

(e) the refusal to deal is having or is likely to have an adverse effect on competition in a market,

the Tribunal may order that one or more suppliers of the product in the market accept the person as a customer within a specified time on usual trade terms unless, within the specified time, in the case of an article, any customs duties on the article are removed, reduced or remitted and the effect of the removal, reduction or remission is to place the person on an equal footing with other persons who are able to obtain adequate supplies of the article in Canada.

L'ERREUR DE DROIT ALLÉGUÉE

[9]                Symbol soutient que le membre du Tribunal qui a fait droit à la demande a refusé de prendre en considération tous les éléments du refus de vendre susceptible d'examen, énoncés au paragraphe 75(1), et qu'il a donc commis une erreur de droit en ne tenant pas compte des exigences de la Loi. Symbol soutient essentiellement que le membre a refusé de considérer la question de savoir si le refus de vendre reproché à Symbol aurait vraisemblablement pour effet de nuire à la concurrence dans un marché, comme l'exige l'alinéa 75(1)e).

[10]            De fait, dans ses motifs, le membre conclut précisément que, saisi d'une demande de permission, le Tribunal n'a pas à considérer la question de savoir si le refus de vendre devra vraisemblablement pour effet de nuire à la concurrence dans un marché. Aux paragraphes 8 et 10, le membre affirme :

[traduction] 8. Le Tribunal doit avoir motif de croire que Barcode est directement et sensiblement gêné dans son entreprise par le refus de vendre de Symbol. À ce stade, le Tribunal n'a pas l'obligation d'avoir motif de croire que le refus de vendre de Symbol a ou aura vraisemblablement pour effet de nuire à la concurrence dans un marché.


10. À la lecture de la Loi, il appert que l'effet de nuire à la concurrence dans un marché est un élément nécessaire pour que le Tribunal conclue à une violation de l'article 75, et constitue une condition nécessaire au prononcé d'une ordonnance réparatrice selon cet article. Toutefois, l'effet de nuire à la concurrence ne fait pas partie du critère applicable par le Tribunal pour accorder ou non une autorisation.

NORME DE CONTRÔLE

[11]            Le paragraphe 13(1) de la Loi sur le tribunal de la concurrence, L.R.C. (1985), ch. 19 (2e suppl.), art. 13; 2002, ch. 8, art. 130, prévoit que les décisions ou ordonnances du Tribunal, que celles-ci soient définitives, interlocutoires ou provisoires, sont susceptibles d'appel devant la Cour d'appel fédérale tout comme s'il s'agissait de jugements de la Cour fédérale. Le droit d'appel absolu (sauf en cas d'appels sur des questions de fait suivant le paragraphe 13(2)) est une indication que la norme de contrôle applicable est celle de la décision correcte.

[12]            La décision de faire droit ou non à la demande de permission en vertu du paragraphe 103.1(7) relève du pouvoir discrétionnaire du Tribunal. Toutefois, la question en litige en l'espèce est de savoir si, dans l'exercice de son pouvoir discrétionnaire, le Tribunal doit considérer tous les éléments de la pratique commerciale restrictive que constitue le refus de vendre, énoncés au paragraphe 75(1). Il s'agit là d'une question de droit, d'une question classique d'interprétation législative. Il appartient à la Cour de décider si le Tribunal a exercé son pouvoir discrétionnaire à l'intérieur des limites imposées par le législateur. Voir Suresh c. Canada (Ministre de la Citoyennetéet de l'Immigration), [2002] 1 R.C.S. 3, au paragraphe 38.


[13]            Cette question d'interprétation législative ne fait appel à aucune expertise particulière du Tribunal. Les considérations économiques et commerciales ne font pas partie de l'analyse quant à savoir si, s'agissait d'une demande de permission, tous les éléments énumérés au paragraphe 75(1) doivent être examinés. Qu'il ne soit pas nécessaire de faire appel à une expertise pour résoudre la question d'interprétation législative en litige en l'espèce indique que la norme applicable est celle de la décision correcte.

[14]            L'objet fondamental de la Loi sur la concurrence, tel qu'il est défini à l'article 1.1, est « de préserver et de favoriser la concurrence au Canada » , et l'objet de l'article 75 confirme cette intention. Lorsque des considérations économiques et commerciales entrent en jeu, la déférence peut être de mise. Mais tel n'est pas le cas en l'espèce.

[15]            Après avoir soupesé ces considérations pragmatiques et fonctionnelles, je conclus que la norme de contrôle applicable au présent appel est celle de la décision correcte.

ANALYSE

Le critère juridique applicable à une demande suivant le paragraphe 103.1(7)

[16]            Dans la décision National Capital News Canada c. Milli Ken (2002), 23 C.P.R. (4th) 77, la juge Dawson, à titre de membre du Tribunal de la concurrence, a examiné le critère applicable à l'octroi d'une demande de permission en application du paragraphe 103.1(7). Après avoir cité des précédents portant sur l'interprétation de l'expression « motifs raisonnables de croire » , elle a déclaré au paragraphe 14 de ses motifs :


Par conséquent, me fondant sur le sens ordinaire des termes utilisés au paragraphe 103.1(7) de la Loi et sur la jurisprudence à laquelle je me suis reportée, je conclus que la norme appropriée en vertu du paragraphe 103.1(7) consiste à se demander si la demande de permission est appuyée par des éléments de preuve crédibles suffisants pour qu'on puisse croire de bonne foi que le demandeur a pu être directement et sensiblement gêné dans son entreprise à cause d'une pratique susceptible d'examen et que cette pratique pourrait faire l'objet d'une ordonnance.

Je suis du même avis que la juge Dawson, et j'endosse son analyse et sa conclusion quant au critère applicable pour faire droit à la demande de permission en vertu du paragraphe 103.1(7).

[17]            La charge qui incombe à l'auteur de la demande de permission n'est pas très lourde. Il n'a qu'à fournir une preuve crédible suffisante de ce qui est allégué pour faire naître une croyance légitime dans l'esprit du Tribunal. Il s'agit là d'une norme de preuve moins élevée que la norme de la prépondérance de la preuve, laquelle s'appliquera à la décision sur le fond.


[18]            Toutefois, il est important de ne pas confondre la norme de preuve peu élevée applicable à la demande de permission avec le type de preuve devant être présenté au Tribunal et considéré par lui pour trancher cette demande. Pour obtenir une ordonnance suivant le paragraphe 75(1), le refus de vendre n'est pas simplement le refus d'un fournisseur de vendre un produit à un client intéressé. Les éléments de la pratique commerciale susceptible d'examen que constitue le refus de vendre, éléments devant être prouvés pour que le Tribunal puisse rendre une ordonnance, sont ceux qui sont énoncés au paragraphe 75(1). Ces éléments se combinent et doivent tous être considérés par le Tribunal et ce, non seulement lorsqu'il examine l'affaire au fond, mais aussi lorsqu'il se penche sur une demande de permission selon le paragraphe 103.1(7). Cela s'explique du fait que, s'il ne considérait pas tous les éléments de la pratique énoncés au paragraphe 75(1) pour trancher la demande de permission, le Tribunal ne pourrait conclure, comme le prescrit le paragraphe 103.1(7), qu'il existait des motifs de croire qu'une pratique alléguée pourrait faire l'objet d'une ordonnance en vertu du paragraphe 75(1).

[19]            Le Tribunal peut examiner chaque élément brièvement pour respecter la nature expéditive de la procédure de permission prévue à l'article 103.1. Pourvu que chaque élément paraisse être pris en considération, la décision discrétionnaire du Tribunal de faire droit ou non à la demande de permission sera traitée avec déférence par la Cour. Mais le pouvoir discrétionnaire du Tribunal n'est pas absolu. Il doit prendre en considération tous les éléments énoncés au paragraphe 75(1).

[20]            Les termes utilisés au paragraphe 103.1(1) confortent cette interprétation des conditions prescrites au paragraphe 103.1(7). Le paragraphe 103.1(1) exige que la demande de permission soit accompagnée d'une déclaration sous serment faisant état des faits. Cette déclaration sous serment doit donc contenir les faits pertinents par rapport aux éléments de la pratique commerciale susceptible d'examen que constitue le refus de vendre, énoncés au paragraphe 75(1). C'est cette déclaration qu'examinera le Tribunal pour trancher une demande de permission en vertu du paragraphe 103.1(7). Bien que la norme de preuve soit moins élevée au stade de la demande de permission qu'à celui de l'examen au fond, il demeure que les même considérations sont pertinentes et doivent être examinées aux deux stades.


[21]            L'intimée affirme que les termes employés au paragraphe 103.1(7), à savoir « que l'auteur de la demande est directement et sensiblement gêné dans son entreprise » , sont essentiellement les mêmes que ceux utilisés à l'alinéa 75(1)a), alors que ce paragraphe ne comporte pas de termes similaires à ceux employés aux alinéas 75(1)b) à e). Il s'ensuit, dit-il, que le législateur n'entendait pas obliger le Tribunal à prendre en considération chaque élément des alinéas b) à e) au stade de la demande de permission.

[22]            Je ne crois pas que cette affirmation soit juste. Étant donné que le paragraphe 103.1(1) dit que « [t]oute personne peut demander » , il est théoriquement possible pour quelqu'un d'autre qu'une personne directement et sensiblement gêné d'invoquer les dispositions relatives à l'accès privé. Cependant, le législateur voulait clairement limiter les demandes des particuliers aux personnes qui sont elles-mêmes directement et sensiblement gênées dans leur entreprise par la pratique alléguée. Je crois que cela explique pourquoi les mots employés au paragraphe 103.1(7) sont substantiellement les mêmes que ceux choisis par le législateur à l'alinéa 75(1)a). Toutefois, l'emploi de ces termes ne signifie pas que les éléments énoncés aux alinéas 75(1)b) à e) n'ont pas à être considérés au stade de la demande de permission, parce qu'à ce stade, le Tribunal doit se demander si la pratique alléguée pourrait faire l'objet d'une ordonnance en vertu du paragraphe 75(1); et il ne peut tirer pareille conclusion sans considérer tous les éléments du refus de vendre, énoncés à ce même paragraphe.


[23]            L'avocat de Symbol a fait valoir que, selon une interprétation téléologique, il devrait être clair que pour trancher une demande de permission, le Tribunal doit considérer tous les éléments prévus au paragraphe 75(1). J'endosse ce point de vue. L'objet de la Loi sur la concurrence est de préserver et de favoriser la concurrence au Canada, et non d'offrir un recours pour régler un différend entre un fournisseur et un client qui n'a aucune incidence sur la préservation ou l'encouragement de la concurrence. C'est là l'objet manifeste de l'alinéa 75(1)e). La charge à ce stade est légère, mais l'auteur de la demande doit fournir certains éléments de preuve concernant l'effet du refus de vendre sur la concurrence dans un marché, et le Tribunal doit prendre ces éléments en considération.

Application du critère aux faits de l'espèce

[24]            Ayant établi le critère juridique approprié à une demande de permission de présenter une demande d'ordonnance en vertu du paragraphe 75(1), il reste à se demander si cette affaire devrait être renvoyée au Tribunal pour qu'il rende une nouvelle décision, ou si la Cour devrait trancher elle-même le litige. Barcode fait valoir que la une de permission se veut un processus sommaire d'examen préalable. Il n'y a pas de droit au contre-interrogatoire sur la déclaration déposée au soutien de la demande, aucune disposition ne permet à l'intimée de produire une preuve par affidavit et les délais prévus à l'article 103.1 sont courts, toutes choses qui tendent à confirmer le caractère sommaire de cette procédure. Pour ces motifs, j'estime qu'il conviendrait en l'espèce que la Cour tranche l'affaire sans délai.


[25]            Y a-t-il une preuve crédible pour étayer la conclusion voulant qu'il y ait des motifs raisonnables de croire que le refus de Symbol d'approvisionner Barcode pourrait faire l'objet d'une ordonnance en vertu du paragraphe 75(1)? Preuve a été faite que Barcode est sensiblement gênée dans son entreprise en raison de son incapacité à obtenir les produits de Symbol. La preuve de Barcode veut qu'elle ne puisse obtenir ces produits directement de Symbol ou par l'intermédiaire d'un de ses distributeurs. Barcode affirme vouloir se conformer aux conditions commerciales habituelles de Symbol et être en mesure de le faire, et dit que les produits de Symbol sont en quantité amplement suffisante.

[26]            Le seul point véritablement controversé est de savoir s'il y a preuve que le refus de vendre de Symbol aura vraisemblablement pour effet de nuire à la concurrence dans un marché.

[27]            L'alinéa 75(1)e) n'a jamais été interprété sur ce point par le Tribunal ou par la Cour, et une demande de permission n'est pas l'occasion appropriée pour le faire. Conséquemment, s'il y a des faits énoncés dans la déclaration sous serment de Barcode qui pourraient satisfaire aux exigences de l'alinéa 75(1)e), le bénéfice du doute devrait jouer en sa faveur afin de ne pas lui interdire définitivement l'accès au Tribunal.

[28]            La preuve de Barcode veut que, vers 1994, elle se soit chargée de la distribution de Symbol dans l'Ouest canadien, et qu'en 2002 ses profits dépassaient 20 millions de dollars. Symbol US est le plus grand fabricant au monde de lecteurs de codes à barres. Si Symbol continue à refuser de l'approvisionner, Barcode se verra acculée à la faillite, et, de fait, le membre du Tribunal a constaté que, le 19 décembre 2003, Barcode a été mise sous séquestre.


[29]            En me fondant sur la preuve soumise par Barcode, je crois que l'on peut inférer, aux fins de l'autorisation d'appel, qu'il existe des motifs raisonnables de croire que Barcode avait une certaine présence dans le marché de l'Ouest canadien pour fournir et réparer les produits Symbol. Sa situation financière difficile, dont témoigne sa mise sous séquestre, pourrait vraisemblablement gêner sa capacité à se positionner comme un concurrent dynamique dans ce marché, ayant ainsi pour effet de nuire à la concurrence dans ce marché. La preuve n'est peut-être pas très forte, mais j'estime qu'elle est suffisante pour fonder des motifs raisonnables de croire que le refus de vendre allégué de Symbol pourrait faire l'objet d'une ordonnance en vertu du paragraphe 75(1).

CONCLUSION

[30]            Pour ces motifs, je rejetterais l'appel avec dépens.

                                                                           « Marshall Rothstein »                    

                                                                                                     Juge                                

« Je souscris aux présents motifs,

J. Richard, juge en chef »

« Je souscris aux présents motifs,

Gilles Létourneau, juge »

Traduction certifiée conforme

Évelyne Côté, LL.B., D.E.S.S trad.


COUR D'APPEL FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                                                             A-39-04

(APPEL D'UNE DÉCISION DU TRIBUNAL DE LA CONCURRENCE EN DATE DU 15 JANVIER 2004)

INTITULÉ :                                                                            Symbol Technologies Canada ULC c. Barcode Systems Inc.

LIEU DE L'AUDIENCE :                                                      Winnipeg (Manitoba)

DATE DE L'AUDIENCE :                                                    le 28 septembre 2004

MOTIFS DU JUGEMENT :                                                 LE JUGE EN CHEF ROTHSTEIN

Y ONT SOUSCRIT :                                                              LE JUGE EN CHEF RICHARD

LE JUGE LÉTOURNEAU

DATE DES MOTIFS :                                                           le 7 octobre 2004

COMPARUTIONS :

Steven Field

Dave Hill

Winnipeg (Manitoba)

POUR L'APPELANTE/

(DÉFENDERESSE)

Lindy Choy

Winnipeg (Manitoba)

POUR L'INTIMÉE/ (DEMANDERESSE)

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Hill Abra Dewar

Winnipeg (Manitoba)

POUR L'APPELANTE/

(DÉFENDERESSE)

Thompson Dorfman Sweatman

Winnipeg (Manitoba)

POUR L'INTIMÉE/ (DEMANDERESSE)


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