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     Date: 20000629

     Dossier: A-466-98

EDMONTON (ALBERTA), LE JEUDI 29 JUIN 2000

CORAM :      LE JUGE ROBERTSON

         LE JUGE McDONALD

         LE JUGE SEXTON


ENTRE :


LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

     demandeur


et


VICTOR E. HAWRYLUK

     défendeur


Audience tenue à Edmonton (Alberta), le mercredi 28 juin 2000


Jugement rendu à l'audience à Edmonton (Alberta), le mercredi 28 juin 2000


MOTIFS DU JUGEMENT DE LA COUR :      LE JUGE SEXTON




     Date: 20000629

     Dossier: A-466-98

CORAM :      LE JUGE ROBERTSON

         LE JUGE McDONALD

         LE JUGE SEXTON


ENTRE :


LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

     demandeur


et


VICTOR E. HAWRYLUK

     défendeur


MOTIFS DU JUGEMENT

LE JUGE SEXTON :

Introduction

[1]      Dans ces demandes de contrôle judiciaire, il s'agit de savoir si un conseil arbitral et, corrélativement, un juge-arbitre ont compétence pour déterminer le nombre d'heures d'emploi assurable qu'un prestataire a accumulées ou si pareille compétence relève exclusivement du ministère du Revenu national en raison de l'alinéa 90(1)d) et de l'article 122 de la Loi sur l'assurance-emploi1.

[2]      La question de la compétence découle d'un litige survenu entre les parties au sujet de l'interprétation qu'il convient de donner à l'article 94.1 du Règlement sur l'assurance-emploi, qui est une disposition transitoire ayant pris effet au mois de janvier 1997.

[3]      En vertu de la Loi sur l'assurance-chômage, l'admissibilité aux prestations d'assurance-chômage était déterminée en fonction du nombre de semaines travaillées. En vertu de la « nouvelle » législation, la Loi sur l'assurance-emploi, c'est le nombre réel d'heures travaillées par un prestataire qui est pertinent. En ce qui concerne les personnes dont les périodes de référence chevauchent tant l'ancienne législation que la nouvelle, le procureur général soutient que le Règlement actuel prévoit que pour chaque semaine d'emploi assurable admissible travaillée avant le mois de janvier 1997, le prestataire est réputé avoir travaillé 35 heures. Selon cette formule, il manquait à tous les défendeurs le nombre nécessaire d'heures pour qu'ils soient admissibles aux prestations en vertu de la nouvelle législation. D'autre part, les défendeurs ont réussi à établir qu'ils avaient en fait effectué plus de 35 heures de travail au cours des semaines en cause. Il est reconnu que si le nombre réel d'heures hebdomadaires est utilisé aux fins de l'appréciation des demandes, tous les défendeurs sont admissibles aux prestations. Toutefois, il y a un problème : en effet, l'article 94.1 du Règlement prévoit qu'une semaine d'emploi assurable « est considérée comme ayant 35 heures d'emploi assurable » ( « shall be considered to represent 35 hours of insurable employment » ). Par conséquent, la question de droit qui se pose est de savoir si le mot « shall » figurant dans la version anglaise doit être interprété comme étant de nature « obligatoire » plutôt que comme étant simplement de nature « indicative » .

[4]      Dans les six affaires dont nous sommes ici saisis, la Commission a conclu que les défendeurs n'avaient pas effectué un nombre suffisant d'heures d'emploi assurable. Toutefois, ces conclusions ont été infirmées par le conseil arbitral. En appel, le juge-arbitre a statué qu'il n'avait pas la compétence nécessaire; il a renvoyé les affaires à la Commission pour qu'elle demande au ministre du Revenu national de rendre une décision au sujet des demandes.

Les dispositions législatives applicables :

     Loi sur l'assurance-emploi :
     90. (1) La Commission, de même que tout employé, employeur ou personne prétendant être l'un ou l'autre, peut demander à un fonctionnaire du ministère du Revenu national autorisé par le ministre de rendre une décision sur les questions suivantes : [...]
         d) la détermination du nombre d'heures exercées dans le cadre d'un emploi assurable; [...]
     Loi sur l'assurance-emploi
     122. Si, au cours de l'examen d'une demande de prestations, une question prévue à l'article 90 se pose, cette question est décidée par le fonctionnaire autorisé du ministère du Revenu national comme le prévoit cet article.
     Règlement sur l'assurance-emploi :
     94.1 Lorsque, pour l'application de la Loi, le prestataire présente, à l'égard d'une période de prestations établie le 5 janvier 1997 ou après cette date, la preuve d'une semaine d'emploi assurable antérieure au 1er janvier 1997, cette semaine d'emploi assurable est considérée comme ayant 35 heures d'emploi assurable.
     Loi sur l'assurance-chômage :
     61.(3) Dans le cas d'une demande de prestations faite en vertu de la présente loi, la Commission peut demander au ministre de déterminer les points suivants : [...]
         c) la durée d'un emploi assurable; [...]
     L'employé en cause, ou l'employeur -- effectif ou présenté comme tel -- de celui-ci, peut aussi, dans les quatre-vingt-dix jours suivant la date où la décision de la Commission lui a été notifiée, présenter les mêmes demandes au ministre.
     89. Si, lors de l'examen d'une demande de prestations, une question spécifiée à l'article 61 se pose, cette question est réglée par le ministre du Revenu national comme le prévoit la partie III.

Analyse

[5]      Dans l'arrêt Canada (P.G.) c. Vautour2, cette cour a statué que le paragraphe 61(3) de la Loi sur l'assurance-chômage était destiné à empêcher un conseil arbitral ou un juge-arbitre de déterminer la durée de l'emploi assurable d'un prestataire. La Cour a statué ce qui suit :

     Nous ajouterions que, de toute façon, ni le conseil arbitral ni le juge-arbitre n'a le pouvoir de trancher la question de savoir si le prestataire occupait un emploi assurable et, dans l'affirmative, de déterminer la durée de cet emploi (voir le paragraphe 61(3) de la Loi).

[6]      Cette cour est arrivée à une conclusion similaire dans l'arrêt Canada (P.G.) c. Kaur3.
[7]      Récemment, dans l'arrêt Valentine c. Canada (P.G.)4, en date du 9 mai 2000, cette cour (juge Létourneau) a confirmé les arrêts Vautour et Kaur. Le juge Létourneau a statué ce qui suit, aux paragraphes 2 et 3 :
     Le paragraphe 61(3) de la Loi sur l'assurance-chômage [...], autorise la Commission de l'emploi et de l'immigration du Canada [...] à demander au ministre du Revenu national [...] de déterminer le fait qu'il y a ou qu'il y a eu exercice d'un emploi assurable. Pareil droit est également conféré à l'employeur et à l'employé qui, dans les 90 jours suivant la date où la décision de la Commission leur a été notifiée, peuvent présenter une demande au ministre. [...]
     Les appels de la décision du ministre, y compris d'une façon nécessairement implicite le droit de la Commission de demander pareille décision et la question de savoir si la Commission exerce son droit d'une façon régulière, sont entendus par la Cour canadienne de l'impôt conformément à l'article 70 de la Loi. Par conséquent, nous n'étions pas saisis de la décision que le ministre a rendue au sujet de l'assurabilité de l'emploi du demandeur et il ne s'agissait pas d'une question à l'égard de laquelle le juge-arbitre et le conseil arbitral avaient ou auraient eu compétence : Canada (P.G.) c. Kaur, 1657 N.R. 98 (C.A.F.); Canada (P.G.) c. Vautour, [1996] A.C.F. no 1717 (C.A.F.).
     Je me rends bien compte des problèmes que le texte de la Loi pose à un plaideur qui agit pour son propre compte : il existe une voie de recours pour les questions d'assurabilité, c'est-à-dire Revenu Canada et la Cour canadienne de l'impôt et une autre pour la question du droit aux prestations, qui relève de la Commission, du conseil arbitral et du juge-arbitre. Je sympathise avec le demandeur et avec les difficultés auxquelles celui-ci a fait face, mais je suis néanmoins lié par la loi. Le pouvoir que possède la Commission de solliciter une décision sur l'assurabilité et la décision sur l'assurabilité elle-même sont des questions qui auraient dû être portées en appel devant la Cour de l'impôt, mais qui ne l'ont pas été.
     [Je souligne.]

[8]      À notre avis, l'alinéa 90(1)d) et l'article 122 de la Loi sur l'assurance-emploi sont libellés d'une façon encore plus claire que le paragraphe 61(3) et l'article 89 de la Loi sur l'assurance-chômage. Compte tenu de la jurisprudence mentionnée dans les arrêts Valentine, Vautour et Kaur ainsi que de l'article 122 de la Loi sur l'assurance-emploi, qui prévoit expressément que « si, au cours de l'examen d'une demande de prestations, une question prévue à l'article 90 se pose, cette question est décidée par le fonctionnaire autorisé du ministère du Revenu national comme le prévoit cet article » (je souligne), nous ne croyons pas que le conseil arbitral et, corrélativement, le juge-arbitre aient la compétence voulue pour déterminer si le nombre d'heures d'emploi assurable des défendeurs était suffisant pour qu'ils soient admissibles aux prestations d'assurance-emploi. Nous souscrivons entièrement à la décision du juge-arbitre.

[9]      Dans le récent arrêt Procureur général du Canada c. Hoek, cette cour a examiné la question de l'interprétation qu'il convient de donner à l'article 94.1 du Règlement d'application de la Loi sur l'assurance-emploi. La Cour a conclu que le juge-arbitre avait commis une erreur en omettant d'appliquer le facteur de conversion « clairement obligatoire » de 35 heures prescrit à l'article 94.1, le juge-arbitre ayant préféré convertir les semaines d'emploi assurable qui avaient été travaillées avant le 1er janvier 1997 au nombre réel d'heures qu'un employé avait travaillées. La Cour a accueilli la demande de contrôle judiciaire, elle a annulé la décision du juge-arbitre et elle a renvoyé l'affaire au juge-arbitre en chef ou à une personne désignée par celui-ci pour réexamen en se fondant sur le fait que l'appel interjeté par le prestataire devait être rejeté.

[10]      Toutefois, il semble que dans l'affaire Hoek, la Cour n'ait pas été saisie de la question relative à la compétence du juge-arbitre.

[11]      Nous rejetons donc ces demandes, les dépens étant adjugés au défendeur dans le dossier A-466-98 seulement. Le montant des dépens est fixé à 100 $.

[12]      Une copie de ces motifs sera déposée dans chacun des dossiers A-467-98, A-468-98, A-469-98, A-470-98, A-471-98, ceux-ci étant réputés avoir été prononcés par la Cour dans chaque dossier.


                             « J. Edgar Sexton »

                                     J.C.A.

Traduction certifiée conforme


Martine Brunet, LL.B.




COUR D'APPEL FÉDÉRALE


AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


No DU DOSSIER :      A-466-98

    

INTITULÉ DE LA CAUSE :      LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

     et

     VICTOR E. HAWRYLUK

LIEU DE L'AUDIENCE :      Edmonton (Alberta)

DATE DE L'AUDIENCE :      le 28 juin 2000

MOTIFS DU JUGEMENT du juge Sexton en date du 29 juin 2000


ONT COMPARU :

Louis A. T. Williams          POUR LE DEMANDEUR

Victor E. Hawryluk          POUR SON PROPRE COMPTE


AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Morris Rosenberg

Sous-procureur général du Canada

Ministère de la Justice

Edmonton (Alberta)          POUR LE DEMANDEUR

Victor E. Hawryluk          POUR SON PROPRE COMPTE

__________________

1 L.C. 1996, ch. 23.

2 [1996] A.C.F. no 1717 (C.A.).

3 (1994), 167 N.R. 98 (C.A.F.).

4 [2000] A.C.F. no 619 (C.A.).

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