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Date : 20030707

Dossier : A-371-00

Référence : 2003 CAF 300

CORAM :       LE JUGE ROTHSTEIN

LE JUGE PELLETIER

LE JUGE MALONE

ENTRE :

                                                FREDERICK W. L. BLACK

                                                                                                            appelant (demandeur)

                                                                       et

                             LES CRÉANCIERS AYANT UN INTÉRÊT DANS

L'ACTIF DE LA FAILLITE DE

LA NsC DIESEL POWER INCORPORATED,

représentés par le SYNDIC de faillite

et

LES INSPECTEURS DE L'ACTIF DE LA FAILLITE DE

LA NsC DIESEL POWER INCORPORATED

intimés

et

LE SURINTENDANT DES FAILLITES,

à titre d'intimé en appel sur ordonnance de la Cour

intimé

MOTIFS DU JUGEMENT

LE JUGE PELLETIER


[1]                Il s'agit d'un appel qu'a interjeté Frederick W.L. Black à l'égard d'une ordonnance par laquelle le juge MacKay a rejeté la demande d'ordonnance de mandamus qu'il avait présentée contre le Bureau du surintendant des faillites (le surintendant). L'ordonnance visée par l'appel a été rendue par suite d'une requête que le surintendant a présentée en vue de faire radier la demande de contrôle judiciaire de l'appelant au motif qu'elle était vexatoire, qu'elle constituait un abus de procédure et qu'elle n'avait vraisemblablement aucune chance d'être accueillie.

ÉVOLUTION DES PROCÉDURES

[2]                Le présent litige découle d'une série de transactions complexes concernant le carénage d'un bâtiment de guerre canadien. Par l'entremise de différentes sociétés dont il était l'actionnaire majoritaire, l'appelant devait être le partenaire canadien dans une proposition multipartite visant à fournir à la marine des moteurs diesels, des pièces, des services ainsi qu'un centre d'entretien pour les moteurs. Pour plusieurs raisons, la proposition ne s'est pas déroulée comme prévu et la société de l'appelant a dû faire faillite. Un cabinet de consultants dont l'appelant ou la société de celui-ci a retenu les services ainsi qu'un cabinet de comptables agréés ont joué divers rôles dans le débroussaillage de la transaction. Le membre du cabinet de comptables que l'appelant implique dans la faillite de son entreprise a ensuite été nommé syndic de l'actif de celle-ci. Les différentes procédures que l'appelant a engagées visaient à contraindre le surintendant et le séquestre officiel à superviser l'administration de l'actif et à prendre des mesures pour corriger les irrégularités qu'il lui reprochait.


[3]                Une première demande que la société faillie et l'appelant ont présentée a été rejetée sans objection au motif qu'aucune ordonnance de mandamus ne peut être rendue contre Sa Majesté. Une deuxième procédure que la société faillie a engagée contre le surintendant des faillites et le séquestre officiel a été rejetée au fond par le juge MacKay dans des motifs datés du 20 septembre 1995. Par suite de ce rejet, l'appelant, qui représentait la société faillie dans le litige, a écrit à la Cour pour l'informer qu'il avait obtenu de nouveaux renseignements pertinents quant à la décision du juge MacKay. Il a été avisé par le greffe que, selon une directive qui avait été formulée, il devait respecter les nouvelles Règles de la Cour fédérale (1998), DORS/98-106 (les Règles), et engager une procédure sous le régime de la Règle 300. L'appelant a donc déposé la demande T-610-99, qui a été radiée par l'ordonnance visée par le présent appel. Entre-temps, l'appelant a décidé de se désister de l'appel qui avait été interjeté à l'égard de la décision du juge MacKay datée du 20 septembre 1995, étant donné qu'il poursuivait la présentation de la cause dans la demande T-610-99.


[4]                Dès le dépôt de la demande T-610-99, l'avocat du surintendant des faillites a présenté un avis de requête visant à obtenir des directives ainsi que le rejet de la demande pour six motifs et une ordonnance interdisant à l'appelant de représenter d'autres personnes que lui-même en l'absence d'une ordonnance de la Cour. Après quelques accrochages préliminaires, l'affaire a été entendue devant le juge MacKay à Halifax. La première question soulevée concernait le droit du surintendant de participer à l'instance, étant donné qu'il n'avait pas été désigné à titre d'intimé. Les intimés désignés étaient les créanciers ayant un intérêt dans l'actif de la société faillie et les inspecteurs de l'actif en question. L'appelant a répondu qu'il avait agi ainsi afin de se conformer aux Règles, notamment à l'alinéa 303(1)a) de celles-ci, qui oblige un demandeur à désigner à titre de défendeur toute personne directement touchée par l'ordonnance recherchée, sauf l'office fédéral visé par la demande. Le surintendant a soutenu que son Bureau avait le droit d'intervenir conformément au paragraphe 5(4) de la Loi sur la faillite et l'insolvabilité, L.R.C. (1985), ch. B-3 (la Loi). Plutôt que de procéder en se fondant sur l'allégation du surintendant, qui soutenait avoir le droit d'intervenir en vertu de la Loi, le juge MacKay a souligné qu'il serait disposé à entendre une requête visant à accorder au surintendant le statut d'intervenant. L'avocat de l'intervenant proposé a présenté cette requête verbalement, avec le consentement de l'appelant, et le juge MacKay l'a accueillie. Par la suite, le statut du surintendant des faillites dans l'instance est devenu celui d'intervenant par ordonnance.

LES ARGUMENTS DE L'APPELANT


[5]                L'appelant a soutenu que l'ordonnance du juge des requêtes devrait être annulée, en raison de certaines erreurs de fait. Il a allégué que le juge a commis une erreur lorsqu'il lui a reproché d'avoir tenté de représenter d'autres parties que lui-même en faisant d'elles des demanderesses à l'instance alors qu'il est évident que l'appelant est le seul demandeur. De plus, le juge aurait également commis une erreur en concluant que la présente demande était la quatrième demande visant à obtenir le même redressement, alors qu'il s'agissait en réalité de la première procédure dans laquelle le demandeur sollicitait la réparation précise recherchée. En conséquence, l'appelant a fait valoir que la conclusion du juge des requêtes selon laquelle la procédure qu'il avait engagée était vexatoire et abusive ne pouvait être appuyée.

[6]                L'appelant a ajouté que le surintendant, qui est un simple intervenant, n'avait pas le statut voulu pour demander la radiation de la demande qu'il avait déposée. À ce sujet, il a invoqué le jugement que la Cour d'appel fédérale a rendu dans Syndicat canadien de la fonction publique, Division du transport aérien c. Lignes aériennes Canadien international, [2000] A.C.F. n ° 220, pour soutenir que les droits des intervenants sont très circonscrits et ne comprennent pas celui de déposer des requêtes en radiation.


[7]                Enfin, l'appelant a allégué que, dans l'arrêt David Bull Laboratories (Canada) Inc. c. Pharmacia Inc., [1995] 1 C.F. 588, la Cour d'appel fédérale avait statué qu'aucune requête interlocutoire en radiation ne devrait être présentée dans le cas des demandes. Étant donné que les demandes constituent des procédures sommaires, les requêtes interlocutoires comme les requêtes en radiation doivent être évitées et les arguments concernant le fond ou l'absence de fondement devraient être présentés uniquement à l'audition de la demande elle-même. Bien qu'il existe une exception à la règle dans le cas des demandes qui sont totalement dénuées de fondement, tel n'est pas le cas en ce qui concerne la présente demande. Prévoyant que le surintendant alléguerait que la demande était vouée à l'échec, l'appelant a fait valoir que la doctrine de la préclusion pour question déjà tranchée ne s'appliquait pas, parce que la demande visait uniquement à présenter à la Cour de nouveaux faits dont celle-ci n'avait pas été informée lorsqu'elle a rendu sa décision datée du 20 septembre 1995. Le fait que la procédure a été présentée sous forme de nouvelle demande découlait de la directive formulée par la Cour.

LES ARGUMENTS DU SURINTENDANT


[8]                Le surintendant a admis que le juge des requêtes a commis une erreur lorsqu'il a conclu que l'appelant a tenté de représenter d'autres parties que lui-même. Cependant, il n'en demeurait pas moins que l'appelant cherchait essentiellement à saisir à nouveau la Cour d'une question qui avait déjà été tranchée. La doctrine de la préclusion pour question déjà tranchée s'appliquait de façon à enlever à la présente demande toute chance de succès. La présentation de plusieurs demandes successives au sujet de la même question au nom de différentes entités était une mesure abusive et vexatoire. Le surintendant a continué à soutenir que le fait qu'il était intervenant dans la présente instance ne signifiait pas qu'il ne pouvait présenter de requête visant à faire radier la demande. En ce qui a trait à l'argument selon lequel aucune requête interlocutoire ne devrait être présentée dans le cadre des demandes de contrôle judiciaire, le surintendant estimait que, dans des circonstances où la question en litige avait déjà été tranchée dans d'autres procédures engagées essentiellement entre les mêmes parties, les chances de succès de la demande en question étaient tellement minimes que le juge des requêtes était pleinement justifié d'accueillir la requête en radiation.

ANALYSE

Statut de l'intervenant

[9]                J'examinerai d'abord la question de savoir si le surintendant, en qualité d'intervenant, a le statut voulu pour présenter une requête portant rejet de la demande. L'article 109 des Règles traite de l'octroi du statut d'intervenant :


109. (1) La Cour peut, sur requête, autoriser toute personne à intervenir dans une instance.

109. (1)The Court may, on motion, grant leave to any person to intervene in a proceeding.

(2) L'avis d'une requête présentée pour obtenir l'autorisation d'intervenir :

(2) Notice of a motion under subsection (1) shall


a) précise les nom et adresse de la personne qui désire intervenir et ceux de son avocat, le cas échéant;

(a) set out the full name and address of the proposed intervener and of any solicitor acting for the proposed intervener; andb) explique de quelle manière la personne désire participer à l'instance et en quoi sa participation aidera à la prise d'une décision sur toute question de fait et de droit se rapportant à l'instance.

(b) describe how the proposed intervener wishes to participate in the proceeding and how that participation will assist the determination of a factual or legal issue related to the proceeding.

(3) La Cour assortit l'autorisation d'intervenir de directives concernant :

(3) In granting a motion under subsection (1), the Court shall give directions regarding

a) la signification de documents;

(a) the service of documents; and

b) le rôle de l'intervenant, notamment en ce qui concerne les dépens, les droits d'appel et toute autre question relative à la procédure à suivre.

(b) the role of the intervener, including costs, rights of appeal and any other matters relating to the procedure to be followed by the intervener.


[10]            Le juge des requêtes a eu raison de ne pas appliquer la thèse selon laquelle le surintendant avait automatiquement le droit d'intervenir dans l'instance conformément à l'alinéa 5(4)a) de la Loi, dont les dispositions pertinentes sont reproduites ci-dessous :


« tribunal » Sauf aux alinéas 178(1)a) et a.1) et aux articles 204.1, 204.2 et 204.3 et sous réserve du paragraphe 243(1), la juridiction compétente en matière de faillite ou un de ses juges, y compris un registraire lorsqu'il exerce les pouvoirs du tribunal qui lui sont conférés au titre de la présente loi.

...

"court", except in paragraphs 178(1)(a) and (a.1) and sections 204.1 to 204.3 and subject to subsection 243(1), means the court having jurisdiction in bankruptcy or a judge thereof, and includes a registrar when exercising the powers of the court conferred on a registrar under this Act;

...

5(4) Le surintendant peut :

a) intervenir dans toute affaire ou dans toute procédure devant le tribunal, lorsqu'il le juge à propos, comme s'il y était partie;

...

5(4) The Superintendent may

(a) intervene in any matter or proceeding in court, where the Superintendent considers it expedient to do so, as if the Superintendent were a party thereto;

...


183. (1) Les tribunaux suivants possèdent la compétence en droit et en equity qui doit leur permettre d'exercer la juridiction de première instance, auxiliaire et subordonnée en matière de faillite et en d'autres procédures autorisées par la présente loi durant leurs termes respectifs, tels que ces termes sont maintenant ou peuvent par la suite être tenus, pendant une vacance judiciaire et en chambre :

...

183. (1) The following courts are invested with such jurisdiction at law and in equity as will enable them to exercise original, auxiliary and ancillary jurisdiction in bankruptcy and in other proceedings authorized by this Act during their respective terms, as they are now, or may be hereafter, held, and in vacation and in chambers:

...

c) dans les provinces de la Nouvelle-Écosse et de la Colombie-Britannique, la Cour suprême;

(c) in the Provinces of Nova Scotia and British Columbia, the Supreme Court;


[11]            Bien que la Loi accorde au surintendant le pouvoir d'intervenir comme partie dans toute procédure devant le tribunal, le mot « tribunal » est défini comme la juridiction compétente en matière de faillite dans le territoire géographique. Dans le cas de la Nouvelle-Écosse, où est administré l'actif visé par le présent litige, la juridiction compétente en matière de faillite est, en vertu de l'alinéa 183(1)c) de la Loi, la Cour suprême. Par conséquent, le surintendant des faillites ne peut intervenir automatiquement dans une instance engagée devant la Cour fédérale, mais doit se conformer à l'article 109 des Règles. Le juge des requêtes a eu raison d'obliger le surintendant à présenter une requête visant à obtenir le statut d'intervenant. Il était loisible au juge de permettre que cette requête soit présentée verbalement, notamment dans les circonstances où l'appelant était disposé à consentir. Il appert clairement du procès-verbal du fonctionnaire du greffe que le surintendant a obtenu le statut d'intervenant, même si aucune ordonnance formelle n'a été rendue.


[12]            La prochaine question est de savoir si, en l'absence d'ordonnance lui donnant le droit de le faire, le surintendant pouvait, en qualité de simple intervenant, demander la radiation de la demande de l'appelant. Il importe à cet égard d'examiner les circonstances dans lesquelles l'ordonnance a été rendue. Lorsque le juge des requêtes a accordé le statut d'intervenant au surintendant, il l'a fait sur la foi de la requête dont il était saisi. Étant donné que cette requête visait à faire radier la demande pour plusieurs motifs, il est permis de déduire que le juge avait l'intention d'accorder au surintendant le droit de présenter une requête portant radiation de la demande. S'il en était autrement, le juge des requêtes aurait accordé au surintendant le statut d'intervenant sans lui permettre de présenter la requête même pour laquelle il avait demandé ce statut. Par conséquent, je suis d'avis que le juge des requêtes a accordé au surintendant le statut d'intervenant afin de lui permettre de demander la radiation de la demande de l'appelant. Comme je le mentionne plus loin, le surintendant était en réalité la seule partie qui avait des intérêts opposés à ceux de l'appelant et, de ce fait, la seule partie pouvant être intéressée à présenter cette requête.

Représentation d'autres parties


[13]            La question suivante à examiner réside dans la conclusion du juge des requêtes selon laquelle l'appelant a tenté de représenter d'autres parties que lui-même en les ajoutant comme parties demanderesses à l'instance. Cette allégation n'est pas nouvelle en ce qui concerne l'appelant en l'espèce (voir les paragraphes 4 à 16 de la décision NsC Diesel Power Inc. (dirigeant de) c. Canada (surintendant des faillites), [1995] A.C.F. n ° 1229. Cependant, dans le présent litige, l'appelant est le seul demandeur et, en ce sens, il a raison sur ce point.

[14]            Par contre, les parties qui ont été désignées à titre de défendeurs n'ont pas d'intérêts opposés à ceux de l'appelant. Il y a lieu de se demander si les inspecteurs peuvent être des parties ou s'il n'est pas préférable que chacun d'eux soit désigné à titre d'inspecteur. En tout état de cause, les inspecteurs ont déposé, par l'entremise de l'appelant, un document indiquant qu'ils appuyaient la demande. Ils n'ont pas comparu lors de l'audition de la requête et n'étaient pas représentés par un avocat.


[15]            L'autre partie désignée est : « Les créanciers ayant un intérêt dans l'actif de la faillite de la NsC Diesel Power Incorporated, représentés par le SYNDIC de la faillite » . Cette partie est inconnue aux yeux de la loi. L'article 15 de la Loi énonce que le nom officiel du syndic est « Le syndic de l'actif de [insérer le nom du failli], failli » . D'autre part, les créanciers n'ont aucun statut juridique en tant que groupe, même si chacun d'eux peut être une entité juridique. Aucune disposition de la Loi ou des Règles ne prévoit la signification d'un document aux « créanciers » par la signification au syndic de faillite. L'appelant répond à cet argument en disant que les Règles l'obligent à désigner toutes les personnes qui sont directement touchées par la demande de contrôle judiciaire, ce qui est le cas des créanciers. Toutefois, les inspecteurs représentent les intérêts des créanciers et n'ont aucun intérêt par ailleurs dans le résultat du présent litige. Il n'y a donc aucune raison de désigner à la fois les inspecteurs et les créanciers. La désignation des créanciers à titre de parties était inutile.

[16]            Cependant, il y a une partie qui était directement touchée par la demande, mais qui n'a pas été désignée comme partie, soit le syndic. Cette omission est importante parce que, en désignant comme défendeurs des parties qui appuyaient sa position ou qui n'avaient aucun statut juridique, mais non la partie qui aurait un intérêt à contester sa demande, l'appelant a donné à penser qu'il s'agissait de procédures contradictoires alors qu'en réalité, les intérêts d'une seule partie étaient représentés.

Multiplicité des procédures

[17]            En ce qui a trait à la question de la multiplicité des procédures, le juge des requêtes a relevé les demandes suivantes que l'appelant a engagées, que ce soit à titre personnel ou en qualité de représentant de la société faillie :

- demande T-2700-94, engagée par la société faillie et l'appelant contre Sa Majesté la Reine. Cette demande a été radiée sans objection et sans examen du fond, parce qu'aucune ordonnance de mandamus ne peut être rendue contre Sa Majesté;


- demande T-724-95, qui a été engagée au nom de NsC Diesel Power Inc. (dirigeant de) et dans laquelle le surintendant des faillites et le séquestre officiel ont été désignés défendeurs en qualité de mandataires de Sa Majesté. Cette demande a été radiée au fond et cette décision a été portée en appel, qui a plus tard fait l'objet d'un désistement;

- une troisième demande de mandamus, dont le dépôt a été refusé parce que ladite demande ne respectait pas les Règles;

- la demande visée par le présent appel, soit la demande T-610-99.

[18]            L'appelant soutient que le juge des requêtes a commis une erreur en décrivant la procédure comme la troisième demande de mandamus. Il soutient qu'il s'agissait de la lettre qu'il a écrite à la Cour pour l'informer de nouveaux faits pertinents quant au rejet de la demande T-724-95 et pour demander des directives au sujet de la façon de procéder. La seule réponse qu'il a reçue était une directive l'informant qu'il devrait présenter une demande. Il a alors déposé la demande qui fait l'objet du présent appel, soit la demande T-610-99. L'appelant fait donc valoir qu'une seule décision au fond a été rendue et non trois, comme l'a mentionné le juge des requêtes. Un appel avait également été interjeté, mais l'appelant s'est désisté de son appel afin de poursuivre le traitement du litige dans la demande T-610-99.


[19]            Cependant, la demande T-610-99 constitue, en réalité, une demande de mandamus déposée contre le surintendant des faillites et le séquestre officiel en vue de les contraindre à exercer leurs fonctions conformément à une série de dispositions de la Loi, soit la même réparation que celle qui était recherchée dans la demande T-724-95. L'appelant justifie cette demande en faisant valoir qu'elle est fondée sur des faits dont la Cour n'était pas saisie lorsqu'elle a tranché la demande T-724-95. Il ajoute qu'il n'aurait pu connaître ces faits plus tôt, puisqu'ils n'ont été portés à sa connaissance que dans le cadre des procédures de communications préalables qui se sont déroulées dans une autre instance.

[20]            Pour soutenir qu'il a le droit de présenter une nouvelle demande de mandamus, l'appelant invoque une affirmation erronée qui aurait été faite à la Cour dans les extraits suivants tirés des arguments que l'avocat du surintendant a invoqués devant le juge saisi de la demande T-724-95 :

[traduction]

Les faits du présent litige qui sont révélés dans l'affidavit de M. Black ne démontrent pas un refus d'agir de la part du surintendant des faillites ou du séquestre officiel. Ils démontrent plutôt un processus continu d'enquête, de vérification et de révision de la part du Bureau du surintendant des faillites et de la GRC. La GRC a maintenant terminé une partie de son enquête et confirmé qu'aucune accusation ne sera portée contre Ernst & Young Inc. relativement à l'administration de l'actif de NsC Diesel Power Incorporated. La GRC poursuit son enquête concernant d'autres questions liées aux activités de la société faillie.

[Non souligné dans l'original.]

(Dossier d'appel, p. 101)


[21]            Dans ses motifs de jugement par lesquels il a rejeté la demande T-724-95, le juge MacKay s'exprime comme suit :

[par. 30] Aucune preuve n'a été soumise à la présente Cour qui puisse l'amener à conclure que l'un ou l'autre de ces fonctionnaires avait les motifs de croire requis qui l'auraient conduit ou autorisé à agir en vertu de l'une de ces dispositions.    Il a été établi, par l'affidavit du dirigeant des requérantes, que celui-ci avait déposé des plaintes auprès des intimés au nom des requérantes et d'autres personnes au sujet de l'administration de l'actif de la société faillie. Il a été affirmé que la GRC. avait ouvert une enquête à la demande des intimés, enquête qui est apparemment en cours.    Il a également été fait mention de lettres de M. Black, dont des copies ont été produites, relatives à de nombreuses plaintes concernant l'administration de l'actif, qui ont été adressées à la Section des délits commerciaux de la GRC.

[Non souligné dans l'original.]

(NsC Diesel Power Inc. (dirigeant de), précité)

[22]            L'appelant soutient que la Cour a été dupée par les renseignements que l'avocat a fournis. Il a joint à son affidavit une série de documents qui prouvent ce qui suit :

- la GRC n'a pas mené d'enquête au sujet du cabinet Ernst & Young (dossier d'appel, p. 72);

- la GRC n'a pas mené d'enquête au sujet de l'administration de l'actif de la société faillie (dossier d'appel, p. 91);

- le Bureau du surintendant des faillites a commandé un examen externe des circonstances entourant la faillite de NsC Diesel Power Inc. et a reçu un long rapport faisant état des résultats de cet examen (dossier d'appel, p. 38-68).


[23]            L'enquêteur qui a fait l'examen susmentionné en est venu à un certain nombre de conclusions, dont les suivantes :

[traduction]

(7) Ce dossier doit être renvoyé immédiatement à la GRC en vue d'un examen des questions suivantes :

a) La fraude probable d'environ 10 000 000 $ dont la Banque ABN et l'ACOA ont été victimes par suite de la déclaration trompeuse selon laquelle un montant de 5 000 000 $ a été injecté dans Diesel comme condition préalable à toute avance sur prêt.

b) La fraude fiscale dont le gouvernement du Canada a probablement été victime relativement à des crédits d'impôt à l'investissement totalisant environ 1 100 000 $. Il convient de souligner que l'accord de technologie est décrit dans les actes de procédure comme un document fictif créé à cette fin. De plus, il appert du mémoire de Ron Benn que Krupp n'avait pas la moindre idée de ce qu'était un crédit d'impôt.

c) Le détournement de fonds possible d'environ 1 700 000 $ dont Diesel a été victime. Voir le point (1) qui précède.

d) La fraude de 50 000 $ dont Diesel a été victime par suite d'une facture gonflée préparée par Ron Benn suivant les directives de Richard Black. Le montant de 50 000 $ a été versé au profit de M. Black et au détriment de Diesel.

(Dossier d'appel, p. 67)

[24]            L'appelant a présenté à la Cour la lettre que le surintendant des faillites a fait parvenir à la GRC afin de lui demander d'examiner le rapport d'enquête qui y était joint et de le rencontrer pour discuter plus à fond de la question (dossier d'appel, p. 69).


[25]            Je ne vois aucune contradiction entre les arguments que l'avocat du surintendant a formulés devant le juge MacKay, les conclusions que celui-ci a exprimées dans la demande T-724-95 et les documents que l'appelant a fournis dans la demande T-610-99. L'avocat du surintendant n'a pas dit au juge MacKay que la GRC menait une enquête concernant l'administration de l'actif. Il a déclaré qu'un examen a été entrepris et c'est bien ce qui s'est produit. Le juge MacKay n'a pas mentionné qu'il croyait que l'administration de l'actif faisait l'objet d'une enquête; il a simplement souligné que la question avait été renvoyée à la GRC et qu'une enquête quelconque était en cours. Les conclusions de l'enquêteur qui sont mentionnées ci-dessus justifient amplement la tenue d'une enquête, indépendamment de toute question liée à l'administration de l'actif.

[26]            Le fondement de la demande de réparation formulée dans le dossier T-724-95 était le suivant :

[par. 31] Un certain nombre d'[traduction] « affidavits de vérités » dont M. Black est l'auteur ont été déposés dans les présentes procédures et d'autres sont mentionnés dans des documents versés au dossier. L'affidavit déposé le 10 avril 1995 à l'appui de l'avis de requête introductive d'instance initial est le document auquel je me référerai comme étant la preuve, les faits, en fonction desquels la réparation demandée par les requérantes sera examinée. C'est le seul affidavit qui porte sur la réparation sollicitée par la requête introductive d'instance. On y fait mention de nombre de cas ou de préoccupations qui se rapportent aux omissions alléguées de remplir des devoirs à caractère public imposés aux intimés par la Loi. Ainsi, mention est faite des préoccupations de M. Black au sujet de la légitimité de la pétition en faillite, de la révocation du mandat des avocats qui occupent à l'égard de l'actif, de plaintes déposées par le déclarant au sujet de la manière dont l'actif est administré par le syndic, de préoccupations des inspecteurs nommés en vertu de la Loi relativement à l'administration de l'actif, du retrait d'un syndic personnel chargé de l'administration de l'actif, d'une ou plusieurs enquêtes sur l'administration de l'actif ayant fait l'objet de rapports et des rapports en découlant faits au surintendant intimé, d'affidavits déposés dans des procédures devant la Cour suprême de la Nouvelle-Écosse en matière de faillite, sur lesquels les requérantes se proposent de s'appuyer dans les présentes procédures.

(NsC Diesel Power Inc., précité)


[27]            Il y a ici une autre allusion à « une ou plusieurs enquêtes sur l'administration de l'actif ayant fait l'objet de rapports et [à] des rapports en découlant faits au surintendant intimé » , mais elle est tirée de l'affidavit déposé par l'appelant. Si le juge MacKay a été dupé, il se peut que ce soit par l'appelant lui-même car, pour ce qui est des faits qui sont mentionnés dans son affidavit, de l'avis du juge des requêtes, « il n'est guère possible d'affirmer que le témoin est en mesure de les prouver par la connaissance qu'il en a, encore que ses déclarations puissent être fondées sur ce qu'il croit » .

[28]            Les raisons pour lesquelles la demande T-724-95 a été radiée sont énoncées au paragraphe 40 des motifs du jugement du juge MacKay :

[par. 40] La Cour estime qu'en s'en tenant à cela, elle ne servirait les intérêts ni des parties, ni de la Cour. Vu les circonstances de l'espèce, comme la Cour l'a fait remarquer, l'avis de requête introductive d'instance modifié et l'affidavit déposé à l'appui ne fournissent pas de motifs justifiant l'examen de la réparation sollicitée. De plus, la Cour est d'avis que la preuve versée au dossier montre amplement que des procédures intentées au nom des requérantes ne sauraient être qualifiées autrement que de vexatoires, quoiqu'elles aient été engagées avec de bonnes intentions. Vu les circonstances, la Cour est disposée à radier, de sa propre initiative, l'avis de requête introductive d'instance modifié, déposé en l'espèce par les requérantes et comme, essentiellement, il remplace l'avis de requête introductive d'instance initial, celui-ci serait radié implicitement lui aussi.


[29]            Dans la demande T-610-99, l'appelant cherchait à convaincre la Cour que le rejet de la demande T-724-95 a été obtenu par suite d'une fausse déclaration, c'est-à-dire par suite d'une fraude à l'endroit de la Cour. Il a tenté de démontrer la fausse déclaration au moyen de documents qu'il a obtenus dans d'autres instances, puis de porter ces documents à l'attention de la Cour à titre de nouveaux éléments de preuve qui justifieraient un réexamen de la décision rendue dans le dossier T-724-95. Le fait que l'initiative de l'appelant a pris la forme d'une nouvelle demande de contrôle judiciaire ne modifie nullement la nature de l'objectif sous-jacent.

[30]            Les documents que l'appelant a présentés ne prouvent pas que les représentants du surintendant ont fait de fausses déclarations. Par conséquent, il n'y a aucun nouvel élément de preuve et, de ce fait, aucune raison justifiant un réexamen des questions en litige qui ont été analysées dans le dossier T-724-95. La demande est donc vouée à l'échec. Par conséquent, malgré l'avertissement donné dans l'arrêt David Bull Laboratories, précité, au sujet des requêtes interlocutoires présentées dans les demandes, il convenait en l'espèce de rendre une ordonnance rejetant une demande de contrôle judiciaire dans des procédures interlocutoires.

CONCLUSION

[31]            Par conséquent, le présent appel doit être rejeté pour les motifs exposés ci-dessus, malgré l'erreur que le juge des requêtes a commise en ce qui concerne la présumée représentation d'autres parties par l'appelant. L'appel sera rejeté avec dépens en faveur de l'intimé.

                                                                                                                     « Denis Pelletier »             

                                                                                                                                         Juge                       


« Je souscris aux motifs exprimés par le juge Pelletier.

Marshall Rothstein, juge »

« Je souscris aux motifs exprimés par le juge Pelletier.

B. Malone, juge »

Traduction certifiée conforme

Martine Guay, LL.L


                                           COUR FÉDÉRALE DU CANADA

SECTION D'APPEL

                                        AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                        A-371-00

INTITULÉ :                                        Frederick W. L. Black c. Les créanciers ayant un intérêt dans l'actif de la faillite de la NsC Diesel Power Incorporated, représentés par le syndic de la faillite

LIEU DE L'AUDIENCE :                  Halifax (Nouvelle-Écosse)

DATE DE L'AUDIENCE :                Le 20 mars 2003

MOTIFS DU JUGEMENT PAR :    Le juge Pelletier

Y ONT SOUSCRIT :                         Le juge Rothstein et

le juge Malone

DATE DES MOTIFS :                      Le 7 juillet 2003

COMPARUTIONS :

Frederick W. L. Black                          POUR LUI-MÊME

Bruce Clarke                                                    POUR LES INTIMÉS

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Frederick W. L. Black                          POUR LUI-MÊME

Burchell Green Hayman Parish

Halifax (Nouvelle-Écose)                                   POUR LES INTIMÉS



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