Décisions de la Cour d'appel fédérale

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Date : 20050128

Dossier : A-114-04

Référence : 2005 CAF 41

CORAM :       LE JUGE EN CHEF RICHARD

LE JUGE ROTHSTEIN

LE JUGE MALONE

ENTRE :

                                                               ALISON DAVIES

                                                                                                                                            appelante

                                                                             et

      LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA, YVETTE MULDER, DENISE PARKS,

                                          ANNA GALLANT ET LOUISE BERKETA

                                                                                                                                                intimés

                                    Audience tenue à Ottawa (Ontario), le 12 janvier 2005.

                                    Jugement rendu à Ottawa (Ontario), le 28 janvier 2005.

MOTIFS DU JUGEMENT :                                                               LE JUGE EN CHEF RICHARD

Y ONT SOUSCRIT :                                                                                      LE JUGE ROTHSTEIN

                                                                                                                            LE JUGE MALONE


Date : 20050128

Dossier : A-114-04

Référence : 2005 CAF 41

CORAM :       LE JUGE EN CHEF RICHARD

LE JUGE ROTHSTEIN

LE JUGE MALONE

ENTRE :

                                                               ALISON DAVIES

                                                                                                                                            appelante

                                                                             et

      LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA, YVETTE MULDER, DENISE PARKS,

                                          ANNA GALLANT ET LOUISE BERKETA

                                                                                                                                                intimés

                                                       MOTIFS DU JUGEMENT

LE JUGE EN CHEF RICHARD

[1]                Il s'agit d'un appel interjeté contre une ordonnance du juge von Finckenstein, de la Cour fédérale (le « juge des requêtes » ), portant la date du 27 janvier 2004 (2004 CF 125), qui rejetait la demande de contrôle judiciaire déposée par l'appelante à l'encontre d'une décision du comité d'appel de la Commission de la fonction publique (le « comité d'appel » ) en date du 6 mai 2002.


[2]         En appel de la décision du jury de sélection, le comité d'appel avait conclu que la manière dont le jury de sélection avait évalué les candidats respectait le principe du mérite et qu'il existait un lien raisonnable entre les conditions de candidature établies par l'employeur et la méthode de contrôle employée par le jury de sélection. Le comité d'appel avait fait droit à l'appel, estimant que le jury de sélection avait commis une erreur dans sa manière d'évaluer la candidate qui s'était classée au troisième rang, mais cette conclusion n'est d'aucune aide réelle pour l'appelante.

[3]         Le juge des requêtes a rejeté la demande de contrôle judiciaire, et l'appelante en appelle maintenant à la Cour.

Points litigieux et norme de contrôle

[4]         Les points soulevés dans le présent appel sont les suivants : 1) le juge des requêtes a-t-il commis une erreur en confirmant la décision du comité d'appel par laquelle le comité s'était déclaré incompétent à propos des seuils des connaissances? et 2) le juge des requêtes a-t-il commis une erreur en disant que le comité d'appel avait disposé adéquatement de tous les faits allégués par l'appelante?

[5]         La Cour doit aussi se demander si le juge des requêtes a appliqué la bonne norme de contrôle.


[6]         Le juge des requêtes est tenu d'adopter l'approche pragmatique et fonctionnelle pour déterminer la norme de contrôle qu'il convient d'appliquer à la décision du comité d'appel. La Cour a relevé que l'arrêt rendu par la Cour suprême du Canada dans l'affaire Dr. Q. c. College of Physicians and Surgeons of British Columbia, [2003] 1 R.C.S. 226, 2003 CSC 19, renforçait la primauté de l'approche pragmatique et fonctionnelle dans l'examen des décisions administratives et imposait une méthode fondée sur l'examen de plusieurs facteurs lorsqu'il s'agit de déterminer la norme de contrôle à appliquer dans l'examen de la décision d'un organisme administratif : Wyeth-Ayerst Canada Inc. c. Canada (Procureur général), 2003 CAF 257, [2003] A.C.F. n ° 916, aux paragraphes 8 et 9 (C.A.) (QL).

[7]         La Cour suprême du Canada y expliquait aussi la norme de contrôle qu'un tribunal doit appliquer à la décision d'une juridiction de contrôle statuant au deuxième niveau d'appel : arrêt Dr. Q, précité, aux paragraphes 43 et 44. Puisque la Cour est saisie d'un appel interjeté à l'encontre du jugement d'un tribunal inférieur, et non du contrôle judiciaire d'une décision d'un organisme administratif, les principes exposés dans l'arrêt Housen c. Nikolaisen, [2002] 2 R.C.S. 235, 2002 CSC 33, sont applicables. Les questions de droit doivent être réformées selon la norme de la décision correcte, tandis que les questions de fait et les questions mixtes de droit et de fait ne le seront que s'il y a eu erreur manifeste et dominante.


[8]         Puisque la question de la norme de contrôle devant être appliquée est une question de droit, la Cour doit donc se demander si le juge des requêtes a choisi et appliqué la norme pertinente de contrôle, en se référant pour cela à la norme de la décision correcte. Si le juge des requêtes a commis une erreur dans le choix et l'application de la norme de contrôle, alors la Cour doit corriger l'erreur, lui substituer la norme pertinente de contrôle et évaluer ou renvoyer sur ce fondement la décision de l'organisme administratif : arrêt Wyeth-Ayerst Canada Inc., précité, au paragraphe 10.

[9]         Au lieu d'effectuer sa propre analyse pragmatique et fonctionnelle, le juge des requêtes s'est fondé uniquement sur des précédents pour décider de la norme de contrôle à appliquer. Aucun des deux précédents invoqués par le juge des requêtes pour déterminer la norme de contrôle de la décision du comité d'appel n'applique l'approche pragmatique et fonctionnelle. Par conséquent, il revient à la Cour d'appliquer l'approche pragmatique et fonctionnelle pour déterminer la norme requise de contrôle et, au besoin, pour évaluer sur ce fondement la décision du comité d'appel.

[10]       Dans l'arrêt Pushpanathan c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1998] 1 R.C.S. 982, au paragraphe 26, la Cour suprême expliquait que « la détermination de la norme de contrôle que la cour de justice doit appliquer est centrée sur l'intention du législateur qui a créé le tribunal dont la décision est en cause » .


[11]       Par conséquent, cette analyse débutera par un examen de l'intention du législateur exprimée dans la Loi sur l'emploi dans la fonction publique, L.R.C. 1985, ch. P-33 (la « LEFP » ). La Cour suprême écrivait, au paragraphe 36 de l'arrêt Pushpanathan, que, lorsqu'un texte législatif est fortement axé sur l'application de mesures, les cours de justice doivent se montrer plus circonspectes :

lorsque les objectifs de la loi et du décideur sont définis non pas principalement comme consistant à établir les droits des parties, ou ce qui leur revient de droit, mais bien à réaliser un équilibre délicat entre divers intérêts, alors l'opportunité d'une supervision judiciaire diminue...

[12]       L'examen de l'objet de la LEFP, et de son paragraphe 21(1) en particulier, révèle que l'objet premier de ce texte législatif est de préserver l'intérêt public en veillant à ce que les nominations au sein de la fonction publique soient fondées sur le principe du mérite et soient exemptes de discrimination et de parti pris.

[13]       La Cour a jugé que l'objet du droit d'appel institué par l'article 21 de la LEFP n'est pas de protéger les droits de l'appelant, mais plutôt d'empêcher une nomination contraire au principe du mérite : Charest c. Procureur général du Canada, [1973] C.F. 1217 (C.A.F.), à la page 1221. Ce facteur donne à penser que la décision du comité d'appel commande la circonspection.

[14]       Pour connaître l'intention du législateur, il faut également prendre en compte la présence ou l'absence d'une clause privative. Les décisions d'un comité d'appel constitué en vertu du paragraphe 21(1) de la Loi sur l'emploi dans la fonction publique, L.R.C. 1985, ch. P-33, ne sont pas protégées par une clause privative. Il n'existe pas non plus un droit d'appel de telles décisions, encore qu'une demande de contrôle judiciaire de la décision d'un comité d'appel puisse être déposée en vertu de l'article 18.1 de la Loi sur les Cours fédérales.


[15]       L'absence d'une clause privative, jumelée à l'article 21.1 de la Loi, qui confère expressément à la Cour fédérale ou à la Cour d'appel fédérale le pouvoir de réformer les décisions du comité d'appel, signale une norme de contrôle qui sera moins circonspecte.

21.1 Malgré la Loi sur les Cours fédérales, une demande de réparation présentée, en vertu des articles 18 ou 18.1 de cette loi, à la Cour fédérale contre une décision du comité visé aux paragraphes 21(1) ou (1.1) est renvoyée à la Cour d'appel fédérale soit sur consentement des parties, soit, à la demande de l'une d'elles, sur ordonnance de celle-ci rendue au motif que le délai d'audition devant la Cour fédérale et la Cour d'appel fédérale éventuel serait préjudiciable à la bonne administration du secteur de la fonction publique relevant de la compétence de l'administrateur général en cause.

21.1 Despite the Federal Courts Act, an application to the Federal Court for relief under section 18 or 18.1 of that Act against a decision of a board established under subsection 21(1) or (1.1) shall be transferred to the Federal Court of Appeal if the parties to the application so agree or if the Federal Court of Appeal, on application by any of those parties, so orders on the basis that the sound administration of that part of the Public Service over which the deputy head concerned has jurisdiction would be unduly prejudiced by delay if the matter were heard and determined by the Federal Court and subject to an appeal to the Federal Court of Appeal.

[16]       Le facteur suivant à prendre en compte concerne la spécialisation ou l'expertise relative du juge des requêtes par rapport à celle du comité d'appel. Dans l'arrêt Pushpanathan, au paragraphe 33, la Cour suprême exposait trois facteurs à prendre en compte dans l'évaluation de l'expertise relative :

La cour doit qualifier l'expertise du tribunal en question; elle doit examiner sa propre expertise par rapport à celle du tribunal; et elle doit identifier la nature de la question précise dont était saisi le tribunal administratif par rapport à cette expertise.

Deux points précis sont soumis à la Cour, dont chacun a sa propre nature. L'un concerne le processus de sélection, et il s'agit donc d'une question mixte de droit et de fait. L'autre concerne la compétence, et il s'agit donc d'une question de droit.


[17]       L'expertise relative du comité d'appel en ce qui a trait au processus de sélection doit être comparée à celle du juge des requêtes. Un comité d'appel se compose d'un unique préposé aux recours, qui est au service de la Direction générale des recours de la Commission de la fonction publique. L'une des fonctions les plus importantes de la Direction générale des recours consiste à instruire les appels interjetés en application du paragraphe 21(1) de la LEFP. Le nombre d'appels ainsi instruits par des comités d'appel est important.

[18]       Nombre des préposés aux recours sont des avocats, en particulier ceux qui s'occupent des appels interjetés en vertu du paragraphe 21(1). Presque tous les préposés aux recours ont été nommés à leurs postes depuis d'autres parties de la fonction publique, et nombre d'entre eux ont travaillé dans plusieurs ministères fédéraux avant d'être nommés à la Commission.

[19]       Par conséquent, les préposés aux recours qui agissent à titre de comités d'appel auront en principe une expérience appréciable de l'évaluation des méthodes de contrôle employées par les jurys de sélection et ils seront donc plus au fait de ce qui constitue une méthode raisonnable de contrôle que ne le serait un juge des requêtes. Sur ce point, le comité d'appel a donc une expertise plus étendue que celle du juge des requêtes.


[20]       Avant l'arrêt Pushpanathan, les questions de compétence étaient généralement revues selon la norme de la décision correcte, étant donné que la juridiction de contrôle était aussi spécialisée, sinon plus, au chapitre des questions de droit, que le tribunal administratif visé par le contrôle. Cependant, dans l'arrêt Pushpanathan, la Cour suprême écrivait, au paragraphe 28, « qu'une question qui "touche la compétence" s'entend simplement d'une disposition à l'égard de laquelle la norme de contrôle appropriée est celle de la décision correcte, en fonction du résultat de l'analyse pragmatique et fonctionnelle » . Il ne suffit donc plus de dire qu'une question de compétence doit être revue selon la norme de la décision correcte, sans que soit effectuée une analyse plus poussée.

[21]       Certains préposés aux recours ont une formation juridique, mais ce n'est pas le cas de tous. Par ailleurs, leurs états de service dans divers ministères fédéraux, avant qu'ils ne soient nommés préposés aux recours, ne les ont pas nécessairement rendus aptes à rendre des décisions sur la compétence d'un comité d'appel constitué en vertu de la LEFP. Un préposé aux recours agissant comme comité d'appel ne saurait donc être considéré comme un décideur particulièrement spécialisé en ce qui a trait aux questions de droit relevant de la LEFP.

[22]       En revanche, on peut présumer qu'un juge des requêtes justifie d'une spécialisation très poussée dans les questions de compétence. Par conséquent, en l'absence d'une solide clause privative qui aurait pu militer en faveur d'une retenue judiciaire accrue, la décision du comité d'appel relative à sa compétence aurait dû être examinée par le juge des requêtes selon une norme plus rigoureuse.


[23]       Après analyse pragmatique et fonctionnelle, la norme de contrôle devant s'appliquer à la décision du comité d'appel sur les questions relatives au processus de sélection est la norme de la décision raisonnable, tandis que, pour les questions touchant sa compétence, c'est la norme de la décision correcte. Ce sont là les normes invoquées par le juge des requêtes, et il a eu raison de les invoquer.

[24]       S'agissant du rôle de la Cour, et eu égard aux principes exposés dans l'arrêt Housen, précité, le point de savoir si le juge des requêtes a commis une erreur lorsqu'il a dit que le comité d'appel avait tenu compte de tous les faits allégués par l'appelante est une question mixte de droit et de fait, à propos de laquelle la Cour ne peut intervenir que si le juge des requêtes a commis une erreur manifeste et dominante.

[25]       L'examen qu'a effectué le juge des requêtes au chapitre de la compétence du comité d'appel est une question de droit et c'est donc selon la norme de la décision correcte que la Cour peut revoir la décision du juge en la matière.

Compétence du comité d'appel

[26]       Les deux parties s'accordent pour dire que le comité d'appel n'a pas compétence pour revoir les conditions de candidature établies par le ministère. Cependant, l'emploi, par l'appelante, de l'expression « seuil des connaissances » pour désigner une méthode d'évaluation a entraîné une certaine confusion dans la décision du comité d'appel et dans celle du juge des requêtes.


[27]       Un examen des décisions en cause montre que, pour le comité d'appel et pour le juge des requêtes, l'expression « seuil des connaissances » employée par l'appelante équivalait à l'expression « conditions de candidature » . Par conséquent, le comité d'appel et le juge des requêtes sont tous deux arrivés à la conclusion que, eu égard à une jurisprudence constante, le comité d'appel n'avait pas le pouvoir d'examiner les conditions de candidature établies par le ministère.

[28]       Selon l'appelante, le juge des requêtes n'a pas fait la distinction entre le pouvoir du ministère d'établir les conditions de candidature à un poste donné et le pouvoir d'un comité d'appel de dire si le processus de sélection adopté dans un cas donné était conforme au principe du mérite en offrant une base d'évaluation des candidats par rapport à telles conditions de candidature.

[29]       Cet argument n'a aucun fondement. Lorsqu'il a confirmé la décision du comité d'appel, le juge des requêtes comprenait parfaitement la distinction entre l'examen des méthodes employées pour évaluer les conditions de candidature et l'examen des conditions de candidature elles-mêmes. Il a confirmé la décision du comité d'appel selon laquelle le comité n'avait pas le pouvoir de mettre en doute les conditions de candidature établies par le ministère. Par ailleurs, en confirmant les conclusions auxquelles était arrivé le comité d'appel après avoir examiné les méthodes de contrôle employées par le jury de sélection, le juge des requêtes admettait implicitement le pouvoir du comité d'appel de mener un tel examen.


[30]       Par conséquent, même s'il y a entente sur le fait qu'un comité d'appel n'est pas habilité à revoir les conditions de candidature établies par un ministère, je crois que, vu la confusion qui résulte de l'expression « seuil des connaissances » employée par l'appelante, il convient de préciser l'étendue de la compétence d'un comité d'appel constitué en vertu de la LEFP.

[31]       Dans l'arrêt Mercer c. Canada (Procureur général), 2004 CAF 301, [2004] A.C.F. n ° 1537 (QL), la Cour a reconnu que deux principes fondamentaux régissent l'embauche dans la fonction publique. Le premier principe est celui selon lequel les nominations doivent reposer sur le mérite tel qu'il est établi par la Commission de la fonction publique.

[32]       Selon le deuxième principe fondamental, l'employeur est le meilleur juge de ce dont il a besoin, et c'est donc à lui seul, en application de l'article 12.1 de la LEFP, qu'il revient de définir un poste et d'établir les qualités requises pour ce poste.

[33]       Ainsi que le faisait observer le juge en chef Jackett dans l'arrêt Bauer c. Canada (Comité d'appel de la Commission de la fonction publique), [1973] C.F. 626 (C.A.), chacun des ministères du gouvernement canadien existe par l'effet d'une loi constitutive. La loi constitutive définit les fonctions qui seront exercées par le ministère et place à sa tête un ministre de la Couronne. C'est au ministre qu'il revient de gérer et de diriger le ministère. En l'absence d'une limite prévue par un texte législatif, le ministre a le pouvoir de fixer le nombre et les genres d'employés qui travailleront dans le ministère, ainsi que le pouvoir de choisir les employés en question.


[34]       La LEFP constitue la limite qui est imposée au pouvoir du ministre. Elle prévoit le mécanisme qui sert à pourvoir les postes au sein de la fonction publique, et elle offre diverses voies de recours aux candidats non reçus.

[35]       De par l'article 10 de la LEFP, la Commission est habilitée à choisir et à nommer le candidat qui est le plus qualifié pour occuper le poste, en application du principe du mérite : Canada c. Ricketts, 52 N.R. 381 (C.A.F.), [1983] A.C.F. n ° 944 (C.A.) (QL) :

10. (1) Les nominations internes ou externes à des postes de la fonction publique se font sur la base d'une sélection fondée sur le mérite, selon ce que détermine la Commission, et à la demande de l'administrateur général intéressé, soit par concours, soit par tout autre mode de sélection du personnel fondé sur le mérite des candidats que la Commission estime le mieux adapté aux intérêts de la fonction publique.

10. (1) Appointments to or from within the Public Service shall be based on selection according to merit, as determined by the Commission, and shall be made by the Commission, at the request of the deputy head concerned, by competition or by such other process of personnel selection designed to establish the merit of candidates as the Commission considers is in the best interests of the Public Service.

[36]       Le « mérite » n'est pas défini dans la LEFP. Par conséquent, c'est aux tribunaux qu'il est revenu d'en préciser le sens. La Cour a jugé que, dans ce contexte, le « mérite » signifie que c'est le meilleur candidat possible qui sera nommé au poste, compte tenu de la nature du service à exécuter : Nanda c. Commission de la fonction publique, [1972] C.F. 277, au paragraphe 34 (C.A.).

[37]       L'article 12 habilite la Commission à fixer les normes de sélection d'après lesquelles les candidats seront évalués au regard des conditions de candidature établies par le ministère pour un poste donné :


12. (1) Pour déterminer, conformément à l'article 10, les principes de la sélection au mérite, la Commission peut fixer des normes de sélection et d'évaluation touchant à l'instruction, aux connaissances, à l'expérience, à la langue, au lieu de résidence ou à tout autre titre ou qualité nécessaire ou souhaitable à son avis du fait de la nature des fonctions à exécuter et des besoins, actuels et futurs, de la fonction publique.

12. (1) For the purpose of determining the basis for selection according to merit under section 10, the Commission may establish standards for selection and assessment as to education, knowledge, experience, language, residence or any other matters that, in the opinion of the Commission, are necessary or desirable having regard to the nature of the duties to be performed and the present and future needs of the Public Service.

[38]       Conformément au paragraphe 12(1), la Commission peut établir des normes adéquates de sélection d'après lesquelles seront évalués les candidats au regard des conditions de candidature fixées par le ministère. Comme je l'ai dit plus haut, un ministère a le pouvoir exclusif de définir un poste et d'établir les qualités requises des candidats. Ce n'est qu'en vertu de l'article 12.1 de la LEFP que la Commission peut revoir les qualités requises elles-mêmes :

12.1 La Commission peut réviser les qualifications établies par un administrateur général pour les nominations à tel poste ou telle catégorie de postes afin de faire en sorte que ces qualifications satisfassent au principe de la sélection au mérite.

12.1 The Commission may review any qualifications established by a deputy head for appointment to any position or class of positions to ensure that the qualifications afford a basis for selection according to merit.

[39]       Le paragraphe 21(1) offre une voie de recours aux candidats non reçus, pour les processus de sélection conduits par concours interne :

21. (1) Dans le cas d'une nomination, effective ou imminente, consécutive à un concours interne, tout candidat non reçu peut, dans le délai fixé par règlement de la Commission, en appeler de la nomination devant un comité chargé par elle de faire une enquête, au cours de laquelle l'appelant et l'administrateur général en cause, ou leurs représentants, ont l'occasion de se faire entendre.

21. (1) Where a person is appointed or is about to be appointed under this Act and the selection of the person for appointment was made by closed competition, every unsuccessful candidate may, within the period provided for by the regulations of the Commission, appeal against the appointment to a board established by the Commission to conduct an inquiry at which the person appealing and the deputy head concerned, or their representatives, shall be given an opportunity to be heard.


[40]       Un comité d'appel constitué par la Commission en vertu du paragraphe 21(1) n'a pas le pouvoir de réviser, selon l'article 12.1, les conditions de candidature établies par le ministère pour vérifier si elles satisfont au principe de la sélection au mérite. L'examen de conditions de candidature selon l'article 12.1 de la LEFP relève d'un préposé aux recours, non d'un comité d'appel, et il doit avoir lieu avant la clôture du concours.

[41]       S'agissant de la compétence d'un comité d'appel selon le paragraphe 21(1) de la LEFP, le juge Décary, de la Cour d'appel fédérale, s'était exprimé ainsi dans l'arrêt Canada (Procureur général) c. Viola, [1991] 1 C.F. 373, au paragraphe 10 :

le rôle du comité d'appel commence là où se termine celui du ministère et ce qui se passe ou aurait pu se passer ou aurait dû se passer au moment où le ministère établit les qualités requises, y inclus les qualités linguistiques, n'est pas du ressort du comité d'appel. C'est la sélection du candidat par la Commission, une fois les qualités requises définies par le ministère, qui seule peut intéresser le comité d'appel.

[42]       La Cour d'appel fédérale a toujours affirmé le principe selon lequel le rôle d'un comité d'appel est étroitement circonscrit. Un comité d'appel « ne peut pas se prononcer sur les qualités que le ministère employeur juge nécessaires ou souhaitables » . Le pouvoir d'établir les qualités requises est « une fonction de gestion relevant du pouvoir du ministre de gérer son propre ministère en vertu de sa loi constitutive » . Canada (Procureur général) c. Perera (2000), 189 D.L.R. (4th) 519, [2000] A.C.F. n ° 829 (C.A.) (QL), autorisation de pourvoi devant la C.S.C. refusée, [2000] C.S.C.R. n ° 434.


[43]       En dépit du caractère déroutant de l'expression « seuil des connaissances » employée par l'appelante, le comité d'appel a jugé avec raison que sa compétence ne s'étendait pas à l'examen des conditions de candidature établies par le ministère. Le juge des requêtes a également eu raison de dire que le comité d'appel avait validement défini sa compétence.

[44]       L'examen détaillé, par le comité d'appel, des méthodes d'évaluation appliquées par le jury de sélection, et des raisons données par le ministère à l'appui de telles méthodes, montre que, selon le comité d'appel, sa compétence englobait bel et bien l'examen du processus de sélection.

Le comité d'appel n'a pas pris en compte tous les faits allégués par l'appelante

[45]       Les faits allégués par l'appelante portaient sur le processus employé par le jury de sélection pour évaluer les candidats. L'appelante affirme que le comité d'appel avait ignoré à tort plusieurs des faits allégués par elle qui concernaient la pertinence des questions employées comme instruments d'évaluation par le jury de sélection, et elle dit qu'il s'agit là d'une erreur sujette à révision.

[46]       Le comité d'appel avait résumé les faits allégués par l'appelante et touchant les méthodes d'évaluation, les réponses du ministère et les répliques de l'appelante aux réponses du ministère. Le comité d'appel avait ensuite motivé en détail sa décision sur sept des onze questions.


[47]       Les quatre questions qui, selon l'appelante, ont été ignorées par le comité d'appel étaient en fait traitées dans un unique paragraphe. Le comité d'appel écrivait qu'il avait examiné les explications données par le ministère concernant la manière dont les questions avaient été employées pour évaluer les conditions de candidature fixées par le ministère. Le comité d'appel est alors arrivé à la conclusion que les explications étaient raisonnables et que les questions étaient des instruments qui convenaient pour l'évaluation des qualités requises.

[48]       Par conséquent, je ne vois nul bien-fondé dans l'affirmation de l'appelante selon laquelle le comité d'appel a ignoré les faits allégués par elle. Le comité d'appel s'est bien penché sur tous les faits qu'elle avait allégués. Le juge des requêtes n'a pas commis d'erreur manifeste ou dominante lorsqu'il a dit que l'appelante n'avait pas établi que le comité d'appel avait commis une erreur sujette à révision.

Dispositif

[49]       Je ne puis discerner aucune erreur manifeste ou dominante dans la conclusion du juge des requêtes selon laquelle le comité d'appel a bien tenu compte de tous les faits allégués par l'appelante. De plus, le juge des requêtes n'a commis aucune erreur de droit lorsqu'il a défini la compétence du comité d'appel.

[50]       Puisque la décision du juge des requêtes ne révèle aucune erreur de fait qui soit manifeste et dominante, ni aucune erreur de droit, la Cour s'abstiendra de la modifier. L'appel sera donc rejeté, avec dépens.


                                                                                                                                       « J. Richard »                

                                                                                                                                          Juge en chef                

« Je souscris aux présents motifs

Marshall Rothstein, juge »

« Je souscris aux présents motifs

B. Malone, juge »

Traduction certifiée conforme

Jacques Deschênes, LL.B.


                                                     COUR D'APPEL FÉDÉRALE

                                              AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

Appel interjeté contre une ordonnance de la Cour fédérale en date du 27 janvier 2004,

n ° du greffe T-900-02

DOSSIER :                                            A-114-04

INTITULÉ :                                           Alison Davies c. Le Procureur général du Canada et autres

LIEU DE L'AUDIENCE :                     OTTAWA (ONTARIO)

DATE DE L'AUDIENCE :                   LE 12 JANVIER 2005

MOTIFS DU JUGEMENT :                LE JUGE EN CHEF RICHARD

Y ONT SOUSCRIT :                             LE JUGE ROTHSTEIN

LE JUGE MALONE

DATE DES MOTIFS :                          LE 28 JANVIER 2005

COMPARUTIONS :

David Yazbeck                                                                          POUR L'APPELANTE

Alex Gay                                                                                   POUR L'INTIMÉ, LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Raven, Allen, Cameron, Ballantyne                                            POUR L'APPELANTE

& Yazbeck LLP/s.r.l.

John Sims                                                                                  POUR L'INTIMÉ, LE PROCUREUR

Sous-procureur général du Canada                                            GÉNÉRAL DU CANADA

Ottawa (Ontario)


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