Décisions de la Cour d'appel fédérale

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                                                                                                                                 Date : 20040521

                                                                                                                             Dossier : A-695-02

                                                                                                                Référence : 2004 CAF 192

CORAM :       LA JUGE DESJARDINS

LE JUGE DÉCARY

LE JUGE PELLETIER

ENTRE :

                                                          SYDNEY H. PFEIFFER

                                                                             et

                                                    PFEIFFER & PFEIFFER INC.

                                                                                                                                            appelants

ET :

                                            LE SURINTENDANT DES FAILLITES

                                                            (MARC MAYRAND)

                                                                             et

                                   LE SURINTENDANT-ADJOINT DES FAILLITES

                                                         (ALAIN LAFONTAINE)

                                                                                                                                                intimés

                                        Audience tenue à Québec (Québec), le 3 mai 2004

                                       Jugement rendu à Ottawa (Ontario), le 21 mai 2004

MOTIFS DU JUGEMENT :                                                                          LA JUGE DESJARDINS

Y ONT SOUSCRIT :                                                                                            LE JUGE DÉCARY

                                                                                                                         LE JUGE PELLETIER


Date : 20040521

Dossier : A-695-02

Référence : 2004 CAF 192

CORAM :       LA JUGE DESJARDINS

LE JUGE DÉCARY

LE JUGE PELLETIER

ENTRE :

                                                          SYDNEY H. PFEIFFER

et

PFEIFFER & PFEIFFER INC.

                                                                                                                                            appelants

ET :

                                            LE SURINTENDANT DES FAILLITES

(MARC MAYRAND)

et

LE SURINTENDANT-ADJOINT DES FAILLITES

(ALAIN LAFONTAINE)

intimés

MOTIFS DU JUGEMENT

LA JUGE DESJARDINS


[1]                Il s'agit d'un appel interjeté contre la décision d'un juge des requêtes de la Cour fédérale ([2000] A.C.F. n ° 1670) par laquelle la demande de contrôle judiciaire présentée par les appelants a été rejetée. Le juge des requêtes a fondé sa décision sur le fait que les appelants avaient enfreint deux dispositions des Règles de la Cour fédérale, 1998, (les Règles), à savoir qu'ils n'avaient pas déposé leur affidavit en temps opportun, allant à l'encontre de l'article 306, et que leur demande portait sur deux ordonnances distinctes, contrevenant ainsi à l'article 302.

1.         L'instance devant le juge des requêtes

[2]                Le 9 avril 2002, Robert Massé, agent principal d'évaluation au Bureau du surintendant des faillites, a fait parvenir aux appelants une lettre confirmant qu'il avait reçu le mandat d'effectuer une vérification de leur pratique à titre de syndics professionnels. La vérification a commencé le 1er mai 2002 et a été interrompue le 19 juin 2002 après que M. Massé eut signalé à ses supérieurs un manque de coopération de la part des appelants.

[3]                Le 4 juillet 2002, on a informé les appelants que le surintendant-adjoint avait décidé de mener une enquête visant à établir si une sanction devait être recommandée au surintendant relativement aux licences dont ils étaient titulaires en vertu de la Loi sur la faillite et l'insolvabilité (L.R. 1985, ch. B-3) (la Loi).


[4]                Le 5 juillet 2002, le surintendant-adjoint des faillites a pris des mesures conservatoires en application de l'article 14.03 de la Loi. Lesdites mesures ont été communiquées à la Banque Royale du Canada, à National Financial Inc., à Marcel Therrien et au séquestre officiel nommé en vertu de la Loi, leur ordonnant, entre autres choses, de ne pas acquitter les lettres de change, les chèques, les traites bancaires et les certificats de change négociés avant la communication des mesures conservatoires sans la signature de certains cosignataires désignés.

[5]                Le 10 juillet 2002, les appelants ont déposé une demande de contrôle judiciaire visant les décisions prises par les intimés de mener une enquête sur eux et de prendre des mesures conservatoires à leur égard.

[6]                La demande indiquait que les documents suivants seraient déposés :

a)          l'affidavit de Sidney H. Pfeiffer et les pièces jointes,

b)          l'affidavit de Pauline Viau et les pièces jointes,

c)          l'affidavit de Diane Cloutier et les pièces jointes.

[7]                Dans leur demande de contrôle judiciaire, les appelants ont demandé que les intimés leur fassent parvenir ce qui suit :

(i)          toutes les déclarations des tiers recueillies par les intimés au sujet de l'administration d'actifs par les appelants, y compris toute plainte s'y rapportant;

(ii)        le dossier disciplinaire complet monté par les intimés relativement aux appelants d'avril 1992 à aujourd'hui, y compris l'ensemble des notes de service, analyses, observations, avis et recommandations ainsi que tout élément de preuve recueilli par les intimés depuis septembre 1999.


[8]                Le 21 août 2002, les appelants ont présenté une requête demandant une directive en application du paragraphe 318(3) des Règles, une ordonnance en vertu du paragraphe 318(4) de même qu'une ordonnance en vue de proroger ou d'abréger le délai imparti aux appelants pour déposer et signifier leurs éléments de preuve en vertu des articles 8 et 306. Les appelants ont allégué que les documents qu'ils demandaient dans leur avis de demande ne leur ont pas été fournis à l'intérieur du délai de 20 jours prescrit par le paragraphe 318(1). Ils ont avisé la Cour que les intimés avaient refusé de fournir les documents demandés au motif que de tels documents avaient été déposés devant la Cour fédérale aux fins d'obtention d'une ordonnance ex parte, qui a été accordée par le juge Blanchard le 5 juillet 2002 dans la décision Alain Lafontaine c. Pfeiffer & Pfeiffer Inc. et al., dossier no. T-1031-02. Puisqu'ils avaient déjà envoyé ces documents aux appelants le 9 juillet 2002, les intimés estimaient qu'ils avaient respecté les prescriptions de l'article 317 et se sont opposés, sur le fondement du paragraphe 318(2), à toute autre transmission de documents.

[9]                Les appelants ont prétendu, dans leur requête fondée sur les paragraphes 318(3) et (4) des Règles, que la documentation fournie au juge Blanchard le 5 juillet 2002 était incomplète, car celle-ci n'indiquait pas que les intimés avaient renvoyé le dossier des appelants à la GRC et qu'au moment où il fut décidé de mener une enquête, les intimés étaient en possession de documents qui n'avaient pas été transmis.


[10]            Les appelants ont soutenu que les renseignements demandés étaient requis pour la préparation de la preuve à l'appui de leur demande. Ils ont déclaré que la présentation de leur preuve a été retardée à cause du refus des intimés de fournir le dossier demandé et qu'ils allaient peut-être devoir modifier leur avis de demande en raison de la divulgation d'une enquête antérieure de la GRC. Les appelants n'ont cependant fourni aucun motif pour expliquer comment, pourquoi et dans quelle mesure la présumée enquête non divulguée de la GRC avait quelque incidence sur leur capacité de fournir des éléments preuve à l'appui de leur demande. En outre, les appelants n'ont indiqué aucun fait susceptible d'expliquer l'incidence d'autres documents sur la préparation des affidavits requis.

[11]            Le 2 octobre 2003, les intimés ont déposé une requête pour radiation sur le fondement des alinéas 221a)b) et e) des Règles. Ils ont soutenu que les appelants avaient enfreint les articles 306 et 302 de celles-ci.

2.         Les dispositions pertinentes des Règles

[12]            Les dispositions pertinentes des Règles visées par la présente décision sont les suivantes :


PARTIE 3

RÈGLES APPLICABLES À TOUTES LES INSTANCES

Inobservation des règles

Requête en contestation d'irrégularités

58. (1) Une partie peut, par requête, contester toute mesure prise par une autre partie en invoquant l'inobservation d'une disposition des présentes règles.

PART 3

RULES APPLICABLE TO ALL PROCEEDINGS

Failure to Comply with Rules

Motion to attack irregularity

58. (1) A party may by motion challenge any step taken by another party for non-compliance with these Rules.

Exception

(2) La partie doit présenter sa requête aux termes du paragraphe (1) le plus tôt possible après avoir pris connaissance de l'irrégularité.

When motion to be brought

(2) A motion under subsection (1) shall be brought as soon as practicable after the moving party obtains knowledge of the irregularity.

PARTIE 4

ACTIONS

CHAMP D'APPLICATION

169. Application - La présente partie s'applique aux instances , autres que les demandes et les appels, [...]

PART 4

ACTIONS

APPLICATION OF THIS PART

169. Application - This Part applies to all proceedings that are not application or appeals [...]

[...]

[...]

RADIATION D'ACTES DE PROCÉDURE

Requête en radiation

221. (1) À tout moment, la Cour peut, sur requête, ordonner la radiation de tout ou partie d'un acte de procédure, avec ou sans autorisation de le modifier, au motif, selon le cas :

a) qu'il ne révèle aucune cause d'action ou de défense valable;

b) qu'il n'est pas pertinent ou qu'il est redondant;

STRIKING OUT PLEADINGS

Motion to strike

221. (1) On motion, the Court may, at any time, order that a pleading, or anything contained therein, be struck out, with or without leave to amend, on the ground that it

(a) discloses no reasonable cause of action or defence, as the case may be,

(b) is immaterial or redundant,

                      [...]

                      [...]

e) qu'il diverge d'un acte de procédure antérieur;

(e) constitutes a departure from a previous pleading,

                      [...]

                      [...]

                PARTIE 5

              DEMANDES

Limites

302. Sauf ordonnance contraire de la Cour, la demande de contrôle judiciaire ne peut porter que sur une seule ordonnance pour laquelle une réparation est demandée.

                  PART 5

           APPLICATIONS

Limited to single order

302. Unless the Court orders otherwise, an application for judicial review shall be limited to a single order in respect of which relief is sought.

Affidavits du demandeur

306. Dans les 30 jours suivant la délivrance de l'avis de demande, le demandeur dépose et signifie les affidavits et les pièces documentaires qu'il entend utiliser à l'appui de la demande.

Applicant's affidavits

306. Within 30 days after issuance of a notice of application, an applicant shall serve and file its supporting affidavits and documentary exhibits.

OBTENTION DE DOCUMENTS EN LA POSSESSION D'UN OFFICE FÉDÉRAL

Avis à l'office fédéral

317. (1) Une partie peut demander que des documents ou éléments matériels pertinents à la demande qui sont en la possession de l'office fédéral dont l'ordonnance fait l'objet de la demande lui soient transmis en signifiant à l'office fédéral et en déposant une demande de transmission de documents qui indique de façon précise les documents ou éléments matériels demandés.

MATERIAL IN THE POSSESSION OF A TRIBUNAL

Material from tribunal

317. (1) A party may request material relevant to an application that is in the possession of a tribunal whose order is the subject of the application and not in the possession of the party by serving on the tribunal and filing a written request, identifying the material requested.

Documents à transmettre

318. (1) Dans les 20 jours suivant la signification de la demande de transmission visée à la règle 317, l'office fédéral transmet :

Material to be transmitted

318. (1) Within 20 days after service of a request under rule 317, the tribunal shall transmit

a) au greffe et à la partie qui en a fait la demande une copie certifiée conforme des documents en cause;

(a) a certified copy of the requested material to the Registry and to the party making the request; or

b) au greffe les documents qui ne se prêtent pas à la reproduction et les éléments matériels en cause.

(b) where the material cannot be reproduced, the original material to the Registry.

Opposition de l'office fédéral

(2) Si l'office fédéral ou une partie s'opposent à la demande de transmission, ils informent par écrit toutes les parties et l'administrateur des motifs de leur opposition.

Objection by tribunal

(2) Where a tribunal or party objects to a request under rule 317, the tribunal or the party shall inform all parties and the Administrator, in writing, of the reasons for the objection.

Directives de la Cour

(3) La Cour peut donner aux parties et à l'office fédéral des directives sur la façon de procéder pour présenter des observations au sujet d'une opposition à la demande de transmission.

Directions as to procedure

(3) The Court may give directions to the parties and to a tribunal as to the procedure for making submissions with respect to an objection under subsection (2).

Ordonnance

(4) La Cour peut, après avoir entendu les observations sur l'opposition, ordonner qu'une copie certifiée conforme ou l'original des documents ou que les éléments matériels soient transmis, en totalité ou en partie, au greffe.

Order

(4) The Court may, after hearing submissions with respect to an objection under subsection (2), order that a certified copy, or the original, of all or part of the material requested be forwarded to the Registry.

3.         La décision du juge des requêtes

[13]            À l'audience devant le juge des requêtes, les appelants ont demandé que leur requête fondée sur l'article 318 soit ajournée sine die en raison de l'appel en instance d'une objection formulée par les intimés au cours du contre-interrogatoire du surintendant-adjoint des faillites, M. Lafontaine. Les appelants étaient d'avis que l'appel devait être tranché avant qu'une décision sur le sort de la requête soit rendue. Comme demandé, le juge a ajourné sine die la requête présentée en vertu de l'article 318.


[14]            Le juge des requêtes a cependant indiqué que les appelants avaient soumis un argument convaincant à l'égard de deux documents qui ne leur avaient pas été fournis et que le surintendant-adjoint des faillites, M. Lafontaine, avait en sa possession lorsqu'il a pris sa décision. Au cours de l'ajournement, les intimés ont transmis aux appelants les deux documents en question. Le premier, daté du 26 juin 2002 et comptant six pages, expose brièvement les raisons pour lesquelles l'enquête a été interrompue et pourquoi celle-ci devait reprendre. Le second, daté du 27 juin 2002, passe en revue les documents antérieurs et recommande, en guise de conclusion, la tenue d'une enquête sur la conduite des appelants.

[15]            Les appelants ont fait valoir devant le juge des requêtes que, puisque leur requête présentée en vertu de l'article 318 était en instance, ils étaient automatiquement libérés de l'obligation, prévue à l'article 306, de déposer les affidavits et les pièces documentaires à l'appui de leur demande. Le juge a rejeté cet argument. Il a statué que les appelants devaient se conformer à l'article 306 et qu'ils n'avaient fourni aucune raison susceptible de justifier le délai.

[16]            Le juge des requêtes a examiné le second argument des intimés, selon lequel la demande de contrôle judiciaire des appelants allait à l'encontre de l'article 302. Il a conclu que la décision des intimés d'enquêter sur la pratique professionnelle des appelants était distincte de celle visant la prise de mesures conservatoires. La demande de contrôle judiciaire des appelants contrevenait donc à l'article 302 puisque la demande portait sur deux décisions.

[17]            Le juge des requêtes n'a pris aucune décision particulière à l'égard de la requête des appelants fondée sur l'article 306. Dans son jugement formel, il a accueilli la requête en radiation des intimés. Ce faisant, il a implicitement rejeté la requête en prorogation de délai des appelants, présentée en vertu de l'article 306.


4.         Analyse

[18]            En ce qui concerne la requête en prorogation de délai présentée par les appelants en vertu de l'article 306, ceux-ci soutiennent que, bien qu'il n'y ait aucune jurisprudence qui porte directement sur le sujet, avec l'exception possible de la décision Gabriel Azouz c. Procureur général du Canada, 99 DTC 5402 (C.F. 1re inst.), la logique qui sous-tend les articles 306, 317 et 318 veut, puisque l'office fédéral dispose de 20 jours suivant la signification de l'avis de demande pour transmettre les documents pertinents, que de telles transmissions aient lieu avant l'échéance de 30 jours prévue par l'article 306. Les appelants allèguent qu'en vertu de cette interprétation, ils ont 10 jours pour déposer leur affidavit en pleine connaissance des faits dont était saisi l'office fédéral lorsque celui-ci a pris sa décision. Si l'office refuse de leur transmettre les documents, les appelants sont en outre justifiés de ne pas déposer leurs affidavits avant la réception des documents en cause (cette interprétation est appuyée par le juge Reed dans la décision Abaev c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1999] A.C.F. n ° 322).

[19]            Les intimés ont cité les décisions suivantes, qui présentent un point de vue opposé : Marwin c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration) (C.A.F.), [1989] A.C.F. n ° 116 ; McAleer c. Canada (Commission canadienne des droits de la personne) (1997), 221 N.R. 78 (C.A.F.); Saran c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1995] A.C.F. n ° 384 (C.F. 1re inst.). Aucune de ces affaires, cependant, n'a une proche parenté avec le cas présent.


[20]            Selon moi, l'obligation qui incombe aux appelants en application de l'article 306 existe indépendamment de celle imposée aux intimés en vertu de l'article 318. L'obligation visée par l'article 306 n'est pas conditionnelle au respect de celle énoncée à l'article 318. Dans certains cas cependant, un demandeur peut juger nécessaire d'obtenir certains documents d'un office fédéral avant le dépôt d'affidavits. Dans de tels cas, la requête en prorogation de délai doit indiquer en détail pourquoi le respect préalable de l'obligation imposée par l'article 318 est nécessaire, ce qui n'a pas été fait en l'espèce. La requête déposée par les appelants n'énonce aucun motif susceptible d'indiquer à la Cour le lien entre les documents demandés et les éléments de preuve requis à l'appui de l'avis de demande et d'ainsi justifier une prorogation du délai pour le dépôt des affidavits prescrits. En l'absence de motifs valables, le juge des requêtes était donc justifié de rejeter la prétention des appelants.

[21]            Cependant, étant donné qu'à l'audience sur la requête, les appelants se sont vu remettre deux documents qui n'avaient pas été signifiés en temps opportun, le juge des requêtes, par souci d'équité envers les appelants, aurait dû proroger le délai de dépôt des affidavits pour permettre à ceux-ci d'examiner ces documents.

[22]            Pour ce qui est de l'inobservation présumée de l'article 302, selon les appelants le bien-fondé des mesures conservatoires prises le 5 juillet 2002 dépend de la validité de la décision du 4 juillet 2002 de procéder à enquête. Autrement dit, si l'enquête est invalide, les mesures conservatoires le sont également. Selon les appelants, puisque la seconde décision n'a pas de dynamique propre, celle-ci n'est pas distincte de la première et n'en constitue que l'accessoire. C'est donc une seule décision qui est contestée.


[23]            Les appelants font valoir l'alinéa 5(3)e) de la Loi, qui autorise le surintendant des faillites à exercer les pouvoirs suivants :

e) effectue ou fait effectuer les investigations ou les enquêtes, au sujet des actifs [...]

[...]

[Non souligné dans l'original.]

(e) make or cause to be made such inspection or investigation of estates [...]

[...]

[Emphasis added.]

[24]            On peut également lire, au paragraphe 14.03(1) et à l'alinéa 4.03(2)b) :

Mesures conservatoires

14.03 (1) Pour assurer la sauvegarde d'un actif dans les circonstances visées au paragraphe (2), le surintendant peut :

Conservatory measures

14.03 (1) The Superintendent may, for the protection of an estate in the circumstances referred to in subsection (2),

a) donner instruction à quiconque de s'occuper des biens de l'actif visé dans les instructions conformément aux modalités qui y sont indiquées, notamment d'en continuer l'administration;

(a) direct a person to deal with property of the estate described in the direction in such manner as may be indicated in the direction, including the continuation of the administration of the estate;

b) donner instruction à quiconque de prendre les mesures qu'il estime nécessaires à la sauvegarde des livres, registres, données sur support électronique ou autre, et documents de l'actif;

(b) direct any person to take such steps as the Superintendent considers necessary to preserve the books, records, data, including data in electronic form, and documents of the estate;

c) donner instruction à une banque ou autre dépositaire de ne faire aucun paiement sur les fonds détenus au crédit de cet actif, si ce n'est conformément à l'instruction;

(c) direct a bank or other depository not to pay out funds held to the credit of the estate except in accordance with the direction; and

d) donner instruction au séquestre officiel de ne plus nommer le syndic en cause pour administrer de nouveaux actifs tant qu'une décision n'est pas rendue au titre des paragraphes 13.2(5) ou 14.01(1).

(d) direct the official receiver not to appoint the trustee in respect of any new estates until a decision is made under subsection 13.2(5) or 14.01(1).

14.03(2) Circonstances

(2) Le surintendant peut exercer les pouvoirs visés au paragraphe (1) dans les circonstances suivantes :

14.03(2) Circumstances

(2) The circumstances in which the Superintendent is authorized to exercise the powers set out in subsection (1) are where           

                      [...]

                      [...]

b) la tenue par lui de l'enquête prévue à l'alinéa 5(3)e);

                      [...]

[Non souligné dans l'original.]

(b) the Superintendent makes or causes to be made any investigation pursuant to paragraph 5(3)(e);

                      [...]

[Emphasis added.]

[25]            Les appelants soutiennent que l'alinéa 5(3)e) établit une distinction entre une vérification et une enquête et que l'alinéa 14.03(2)b) indique clairement que des mesures conservatoires ne peuvent être prises que dans le cadre d'une enquête. Les mesures conservatoires, prétendent-ils, font donc partie du processus d'enquête et doivent être considérées comme faisant partie de la décision d'enquêter.


[26]            La réalité, cependant, c'est que des mesures conservatoires ne sont pas nécessairement prises au cours de chaque enquête. De telles mesures visent à « assurer la sauvegarde d'un actif » , ce qui présuppose que des biens sont en péril. Notre Cour, dans la décision Tremblay c. Canada (Surintendant des faillites) (2001), 277 N.R. 376 (C.A.F.) a statué, à la page 9, « [qu'une] personne qui recourt ou désire recourir à des mesures conservatoires doit avoir des motifs raisonnables de croire que les actifs sont menacés et qu'il est nécessaire d'assurer leur sauvegarde » . Les mesures conservatoires répondent à des critères différents de ceux sur lesquels repose l'enquête elle-même. Dans certains cas, il est concevable que des mesures conservatoires soient annulées lors même que l'enquête est jugée valide. Pour ces motifs, la décision de prendre des mesures conservatoires est distincte de celle d'enquêter.

[27]            Aux termes de l'article 302, une demande de contrôle judiciaire ne peut porter que sur une seule ordonnance pour laquelle une réparation est demandée. Les appelants auraient donc dû déposer deux demandes.

[28]            La mesure de redressement appropriée en cas d'inobservation de l'article 302 ne consiste pas, cependant, à accorder une requête en annulation. Le juge des requêtes aurait dû octroyer aux appelants une prorogation de délai pour déposer, avec effet rétroactif, deux demandes de contrôle judiciaire en remplacement de celle déposée plus tôt.

[29]            Il convient en dernier lieu de faire certaines remarques au sujet de l'utilisation de l'article 221 des Règles par les intimés.


[30]            L'article 221 figure à la partie 4 des Règles. Selon l'article 169, cette partie « s'applique aux instances, autres que les demandes et les appels [...] » . Eu égard aux circonstances de l'espèce, les appelants n'auraient donc pas dû avoir recours à l'article 221. Il est vrai que, dans des circonstances exceptionnelles, la Cour a compétence, soit de façon inhérente, soit par analogie avec d'autres dispositions des Règles en vertu de l'article 4, pour rejeter sommairement un avis de requête qui est manifestement irrégulier au point de n'avoir aucune chance d'être accueilli (David Bull Laboratories (Canada) Inc. c. Pharamacia Inc. , [1995] 1 C.F. 588, 58 C.P.R. (3d) 209 (sub. nom.) et Pharmacia Inc. c. Canada (Ministre de la Santé Nationale et du Bien-être social) 176 N.R. 48 (C.A.)). Tel n'est cependant pas le cas en l'espèce, seules des questions de procédure ayant été soulevées.

[31]            Une requête présentée en vertu de l'article 58 aurait été davantage appropriée étant donné que les articles 56 à 60 se trouvent à la partie 3, intitulée « RÈGLES APPLICABLES À TOUTES LES INSTANCES » , et qu'ils figurent sous le sous-titre « Inobservation des règles » .

[32]            L'article 59 confère à la Cour le pouvoir de prendre diverses mesures, y compris celle prévue à l'alinéa c) :

c) annuler l'instance en tout ou en partie.

(c) set aside the proceeding in whole or in part.

[33]            Une instance ne doit être annulée en totalité que dans des circonstances exceptionnelles, au regard de l'article 56, qui s'énonce comme suit :

56. L'inobservation d'une disposition des présentes règles n'entache pas de nullité l'instance, une mesure prise dans l'instance ou l'ordonnance en cause. Elle constitue une irrégularité régie par les règles 58 à 60.

[Non souligné dans l'original.]

56. Non-compliance with any of these Rules does not render a proceeding, a step in a proceeding or an order void, but instead constitutes an irregularity, which may be addressed under rules 58 to 60.

[Emphasis added.]

5.         Conclusion

[34]            J'accueillerais l'appel avec dépens en l'instance et devant le tribunal inférieur et j'annulerais la décision du juge des requêtes. Je rendrais en outre l'ordonnance suivante :


·            Les appelants devraient être autorisés à déposer avec effet rétroactif, en remplacement de leur avis de demande de contrôle judiciaire daté du 10 juillet 2002, deux avis de demande de contrôle judiciaire distincts dans les 15 jours suivant le présent jugement, le premier visant la décision des intimés datée du 4 juillet 2004 (la décision d'enquêter), et l'autre les mesures conservatoires prises le 5 juillet 2004 par les intimés. Les frais de dépôt d'un seul avis devraient être exigés.

·            Les appelants devraient déposer les affidavits et les pièces documentaires à l'appui de chacune des demandes dans les 30 jours suivant le présent jugement.

                                                                                                                               « Alice Desjardins »                

                                                                                                                                                       Juge                             

« Je souscris aux présents motifs

Robert Décary, juge »

« Je souscris aux présents motifs

J.D. Denis Pelletier, juge »

Traduction certifiée conforme

Suzanne M. Gauthier, trad. a., LL.L.


                                                     COUR D'APPEL FÉDÉRALE

                                               AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                                       A-695-02

INTITULÉ :                                                     SYDNEY H. PFEIFFER et                 PFEIFFER & PFEIFFER INC. c.                                                                          LE SURINTENDANT DES FAILLITES                    (MARC MAYRAND) et                                                 LE SURINTENDANT-ADJOINT DES

FAILLITES (ALAIN LAFONTAINE)

LIEU DE L'AUDIENCE :                               QUÉBEC (QUÉBEC)

DATE DE L'AUDIENCE :                             LE 3 MAI 2004

MOTIFS DU JUGEMENT :                           LA JUGE DESJARDINS

Y ONT SOUSCRIT :                                       LE JUGE DÉCARY

LE JUGE PELLETIER

DATE DES MOTIFS :                                    LE 21 MAI 2004

COMPARUTIONS :

Aaron Rodgers

POUR LES APPELANTS

Robert Monette

Vincent Veilleux

POUR LES INTIMÉS

POUR LES INTIMÉS

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Spiegel Sohmer

Montréal (Québec)

POUR LES APPELANTS

Deblois & Associés

Québec (Québec)

POUR LES INTIMÉS

Le sous-procureur général du Canada

Ottawa (Ontario)

POUR LES INTIMÉS


                                                                                                                                  Date : 20040521

                                                                                                                              Dossier : A-695-02

                                                                                                                Référence : 2004 CAF 192

CORAM :       LA JUGE DESJARDINS

LE JUGE DÉCARY

LE JUGE PELLETIER

ENTRE :

                                                           SYDNEY H. PFEIFFER

                                                                             et

                                                     PFEIFFER & PFEIFFER INC.

                                                                                                                                             appelants

ET :

                                             LE SURINTENDANT DES FAILLITES

                                                            (MARC MAYRAND)

                                                                             et

                                    LE SURINTENDANT-ADJOINT DES FAILLITES

                                                          (ALAIN LAFONTAINE)

                                                                                                                                                 intimés

JUGEMENT

L'appel est accueilli avec dépens en l'instance et devant le tribunal inférieur, la décision du juge des requêtes est annulée et l'ordonnance suivante est rendue :


·            Les appelants sont autorisés à déposer avec effet rétroactif, en remplacement de leur avis de demande de contrôle judiciaire daté du 10 juillet 2002, deux avis de demande de contrôle judiciaire distincts dans les 15 jours suivant le présent jugement, le premier visant la décision des intimés datée du 4 juillet 2004 (la décision d'enquêter), et l'autre les mesures conservatoires prises le 5 juillet 2004 par les intimés. Les frais de dépôt d'un seul avis sont exigés.

·            Les appelants doivent déposer les affidavits et les pièces documentaires à l'appui de chacune des demandes dans les 30 jours suivant le présent jugement.

                                                                                                                              « Alice Desjardins »                

                                                                                                                                                     Juge                             

Traduction certifiée conforme

Suzanne M. Gauthier, trad. a., LL.L.


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