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Date : 20041025

Dossier : A-71-04

Référence : 2004 CAF 359

CORAM :       LE JUGE DÉCARY

LE JUGE LÉTOURNEAU

LE JUGE NADON

ENTRE :

                                          LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL

                                                                                                                                              appelant

                                                                             et

                                                BANQUE TORONTO DOMINION

                                            AYANT UNE PLACE D'AFFAIRES AU

                                                3590, ST-LAURENT, MONTRÉAL

                                                            (QUÉBEC) H2X 2V3

                                                                                                                                                intimée

                                  Audience tenue à Montréal (Québec), le 20 octobre 2004.

                                   Jugement rendu à Ottawa (Ontario), le 25 octobre 2004.

MOTIFS DU JUGEMENT :                                                                                  LE JUGE DÉCARY

Y ONT SOUSCRIT :                                                                                  LE JUGE LÉTOURNEAU

                                                                                                                              LE JUGE NADON


Date : 20041025

Dossier : A-71-04

Référence : 2004 CAF 359

CORAM :       LE JUGE DÉCARY

LE JUGE LÉTOURNEAU

LE JUGE NADON

ENTRE :

                                          LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL

                                                                                                                                              appelant

                                                                             et

                                                BANQUE TORONTO DOMINION

                                            AYANT UNE PLACE D'AFFAIRES AU

                                                3590, ST-LAURENT, MONTRÉAL

                                                            (QUÉBEC) H2X 2V3

                                                                                                                                                intimée

                                                       MOTIFS DU JUGEMENT

LE JUGE DÉCARY

[1]                Il s'agit dans cet appel de déterminer l'ampleur du pouvoir du ministre du Revenu national (le ministre) d'exiger d'un tiers, par demande péremptoire et sans besoin d'autorisation judiciaire, qu'il lui fournisse des renseignements concernant une personne non désignée nommément (art. 231.2 de la Loi de l'impôt sur le revenu).


[2]                Dans le cadre d'une enquête portant sur le débiteur fiscal Jonathan Myette, le ministre avait appris que ce dernier avait reçu un chèque de 10 000$, tiré à son ordre, qu'il avait endossé et déposé dans un compte de la Banque Toronto Dominion (la Banque) portant le no 4152-291062. Le ministre a dès lors fait parvenir à la Banque une demande péremptoire de renseignements. Des trois types de renseignements recherchés par cette demande et qui se sont heurtés à un refus catégorique de la Banque, seul le premier est encore en litige. Il porte sur les renseignements suivants :

a)              le nom du titulaire du compte # 4152-291062, de même que son adresse, son numéro de téléphone, le nom de son représentant et toute autre information permettant de l'identifier et de le contacter.

[3]                Le ministre a demandé à la Cour fédérale, en vertu de l'article 231.7 de la Loi de l'impôt sur le revenu du Canada, d'enjoindre à la Banque de lui fournir lesdits renseignements. Madame le juge Tremblay-Lamer a rejeté la demande du ministre (2004 CF 169). Je souscris pour l'essentiel aux motifs qu'elle a exprimés. Je me contenterai de les compléter pour répondre à des arguments soulevés en appel.

[4]                La disposition pertinente de la Loi de l'impôt sur le revenu est la suivante :



231.2    (1)    Malgré les autres dispositions de la présente loi, le ministre peut, sous réserve du paragraphe (2) et, pour l'application et l'exécution de la présente loi, y compris la perception d'un montant payable par une personne en vertu de la présente loi, par avis signifié à personne ou envoyé par courrier recommandé ou certifié, exiger d'une personne, dans le délai raisonnable que précise l'avis:

a)     qu'elle fournisse tout renseignement ou tout renseignement supplémentaire, y compris une déclaration de revenu ou une déclaration supplémentaire;

b)     qu'elle produise des documents.

(2) Le ministre ne peut exiger de quiconque - appelé « tiers » au présent article - la fourniture de renseignements ou production de documents prévue au paragraphe (1) concernant une ou plusieurs personnes non désignées nommément, sans y être au préalable autorisé par un juge en vertu du paragraphe (3).

(3) Sur requête ex parte du ministre, un juge peut, aux conditions qu'il estime indiquées, autoriser le ministre à exiger d'un tiers la fourniture de renseignements ou production de documents prévue au paragraphe (1) concernant une personne non désignée nommément ou plus d'une personne non désignée nommément - appelée « groupe » au présent article -, s'il est convaincu, sur dénonciation sous serment, de ce qui suit:

a)     cette personne ou ce groupe est identifiable;

b)     la fourniture ou la production est exigée pour vérifier si cette personne ou les personnes de ce groupe ont respecté quelque devoir ou obligation prévu par la présente loi.

231.2    (1) Notwithstanding any other provision of this Act, the Minister may, subject to subsection (2), for any purpose related to the administration or enforcement of this Act, including the collection of any amount payable under this Act by any person, by notice served personally or by registered or certified mail, require that any person provide, within such reasonable time as is stipulated in the notice,

(a) any information or additional information, including a return of income or a supplementary return; or

(b) any document.

(2) The Minister shall not impose on any person (in this section referred to as a "third party") a requirement under subsection 231.2(1) to provide information or any document relating to one or more unnamed persons unless the Minister first obtains the authorization of a judge under subsection 231.2(3).

(3) On ex parte application by the Minister, a judge may, subject to such conditions as the judge considers appropriate, authorize the Minister to impose on a third party a requirement under subsection 231.2(1) relating to an unnamed person or more than one unnamed person (in this section referred to as the "group") where the judge is satisfied by information on oath that

(a) the person or group is ascertainable; and

(b) the requirement is made to verify compliance by the person or persons in the group with any duty or obligation under this Act.


[5]            À sa face même, c'est le paragraphe (2) qui s'applique ici, la Banque étant le « tiers » dont la fourniture de renseignements est exigée et le titulaire du compte étant la personne « non désignée nommément » que ces renseignements concernent. Il semblerait dès lors aller de soi que l'autorisation judiciaire préalable soit requise.

[6]            Que non, nous dit le ministre. Comme il ne connaît pas le titulaire du compte, le ministre ne saurait se dire convaincu, sous serment, que la fourniture de renseignements est exigée pour vérifier si cette personne a respecté quelque devoir ou obligation prévu par la Loi, et il serait dans l'impossibilité, s'il se présentait devant un juge, de satisfaire les exigences de l'alinéa 231.2(3)b). Dès lors, ainsi que je comprends l'argument, que le paragraphe 231.2(2) ne saurait être invoqué par le ministre, il faut recourir au principe général établi au paragraphe 231.2(1) et lui permettre d'agir sans autorisation judiciaire; autrement, nous dit le ministre, son pouvoir de demande péremptoire serait sérieusement compromis.

[7]            Cet argument ne résiste pas à l'analyse. Le paragraphe 231.2(2) a pour but de protéger à la fois le tiers détenteur de l'information et la personne concernée. Le tiers voudra bien s'assurer, avant de remettre au ministre un renseignement (lequel, par surcroît, est ici confidentiel en vertu du paragraphe 244d) de la Loi sur les banques), qu'il a l'obligation légale de le faire. La personne concernée a droit à ce que sa vie privée soit respectée dans la mesure prévue par les lois. Et c'est précisément pour réaliser ce double objectif que le Parlement a circonscrit le pouvoir du ministre et contraint ce dernier à obtenir une autorisation judiciaire préalable, une fois remplies les conditions énumérées aux alinéas 231.2(3) a) et b).


[8]            Le ministre cherche ici à faire cela même que le paragraphe 231.2(2) ne veut pas qu'il fasse. En outre, accéder à son interprétation de l'article 231.2 aurait pour effet de rendre inopérants les paragraphes 231.2(2) et (3) et la protection qu'ils offrent puisque le ministre obtiendrait en vertu du paragraphe 231.2(1), et ce sans consentement judiciaire préalable, les informations concernant des personnes non identifiées dès lors qu'il n'enquête pas ou dirait ne pas enquêter sur ces personnes. Les paragraphes 231.2(2) et (3) existent précisément pour protéger les personnes non identifiées qui ne sont pas sous enquête tout en permettant, avec un contrôle judiciaire, que, dans l'intérêt de la justice, la collecte de renseignements puisse se faire à l'égard de celles qui sont, de fait, sous enquête.

[9]            L'appel devrait être rejeté avec dépens.

                                                                                                                                 « Robert Décary »                            

                                                                                                                                                     j.c.a.

« Je suis d'accord.

     Gilles Létourneau, j.c.a. »

« Je suis d'accord.

     M. Nadon, j.c.a. »


                                                     COUR D'APPEL FÉDÉRALE

                                              AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

                                                                                                                                                           

DOSSIER :                                        A-71-04

INTITULÉ :                                       LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL c.

BANQUE TORONTO DOMINION    AYANT UNE PLACE D'AFFAIRES AU                                                            3590, ST-LAURENT, MONTRÉAL    (QUÉBEC) H2X 2V3

LIEU DE L'AUDIENCE :                                                      Montréal (Québec)

DATE DE L'AUDIENCE :                                                    Le 20 octobre 2004

MOTIFS DU JUGEMENT :                                                Le juge Décary

Y ONT SOUSCRIT :                                                              Le juge Létourneau

Le juge Nadon

DATE DES MOTIFS :                                                           Le 25 octobre 2004

COMPARUTIONS :

Me Maria Bittichesu

Me Marie-Claude Landry

POUR L'APPELANT

Me Frédéric Pérodeau

Me Philippe H. Bélanger

POUR L'INTIMÉE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER:                                                                                          

Morris Rosenberg

Sous-procureur général du Canada

Montréal (Québec)

POUR L'APPELANT

McCarthy Tétrault s.e.n.c.r.l.

Montréal (Québec)

POUR L'INTIMÉE


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