Décisions de la Cour d'appel fédérale

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                                                                                                                              Date : 20030326

                                                                                                                            Dossier : A-27-02

                                                                                                            Référence : 2003 CAF 162

CORAM :             LE JUGE STRAYER

LE JUGE LÉTOURNEAU

LE JUGE MALONE

ENTRE :

                                       L'ASSOCIATION PROFESSIONNELLE

DES AGENTS DU SERVICE EXTÉRIEUR

                                                                                                                                 demanderesse

                                                                            et

                                    LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

                                                                                                                                         défendeur

Audience tenue à Ottawa (Ontario), le mercredi 26 février 2003.

Jugement rendu à Ottawa (Ontario), le mercredi 26 mars 2003.

MOTIFS DU JUGEMENT :                                                                         LE JUGE STRAYER

Y ONT SOUSCRIT :                                                                           LE JUGE LÉTOURNEAU

                                                                                                                         LE JUGE MALONE


                                                                                                                              Date : 20030326

                                                                                                                            Dossier : A-27-02

                                                                                                            Référence : 2003 CAF 162

CORAM :             LE JUGE STRAYER

LE JUGE LÉTOURNEAU

LE JUGE MALONE

ENTRE :

                                       L'ASSOCIATION PROFESSIONNELLE

DES AGENTS DU SERVICE EXTÉRIEUR

                                                                                                                                 demanderesse

                                                                            et

                                    LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

                                                                                                                                         défendeur

                                                    MOTIFS DU JUGEMENT

LE JUGE STRAYER

Introduction


[1]                 Il s'agit d'une demande de contrôle judiciaire d'une décision rendue par la Commission des relations de travail dans la fonction publique (la Commission). La décision de la Commission, en date du 21 décembre 2001, se rapportait à une demande fondée sur l'article 34 de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, dans laquelle l'Association professionnelle des agents du Service extérieur (l'APASE) demandait à la Commission de statuer que les candidats qui avaient terminé avec succès le Programme de perfectionnement du Service extérieur (le PPSE) et qui étaient tenus de recevoir une formation linguistique, sont des « fonctionnaires » au sens de cette disposition pendant qu'ils reçoivent leur formation et qu'ils devraient être inclus dans l'unité de négociation représentée par l'APASE.


[2]                 La demande qui a été présentée à la Commission se rapportait aux personnes participant au PPSE qui venaient de l'extérieur de la fonction publique (les candidats ab initio) et à celles qui venaient d'un autre secteur de la fonction publique. La Commission a statué, en ce qui concerne les deux groupes, que ces personnes ne devenaient des agents du Service extérieur dans le cadre du PPSE qu'après avoir terminé leur formation linguistique et après avoir accepté une offre d'emploi. La Commission a également statué, du moins en ce qui concerne les candidats venant de la fonction publique et apparemment en ce qui concerne les deux groupes, que ces candidats ne pouvaient pas être membres de l'unité de négociation représentée par l'APASE tant qu'ils n'avaient pas terminé leur formation linguistique étant donné que « ces personnes n'exercent aucune des fonctions des postes inclus dans l'unité de négociation du service extérieur tant qu'elles n'ont pas terminé et réussi leur formation linguistique. » Dans son mémoire des faits et du droit, l'APASE ne demande pas à la Cour d'ordonner à la Commission de réexaminer la décision qu'elle a rendue au sujet des personnes venant de la fonction publique, mais dans ses plaidoiries, l'avocat a soutenu que sa position, pour ce qui est des candidats ab initio, s'appliquerait aux personnes recrutées à l'interne. Je ne sais pas trop ce que l'on entend par là, mais de toute façon, les candidats à l'interne seraient encore exclus puisque la Commission a conclu qu'ils n'exerçaient aucune des fonctions d'agent du Service extérieur pendant la période de formation linguistique, conclusion que la demanderesse ne conteste pas. Par conséquent, la question qui est ici en cause, comme il en est fait mention dans le mémoire de la demanderesse, se rapporte à la décision de la Commission selon laquelle les candidats ab initio ne sont pas des « fonctionnaires » au sens de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique et qu'ils ne peuvent donc pas être membres de l'unité de négociation représentée par l'APASE.

Les faits


[3]                 Les faits constatés par la Commission ne sont pas réellement contestés sous quelque aspect essentiel : ce sont leurs conséquences juridiques qui le sont. Selon les conclusions tirées par la Commission, le PPSE a été mis en _uvre en 1997 par le ministère des Affaires étrangères et du Commerce international (le MAECI) en tant que programme quinquennal de formation s'adressant aux candidats au Service extérieur. Pour être admis à ce programme, les candidats se présentaient à un examen d'entrée écrit. Au moyen d'une sélection additionnelle, on réduisait de moitié le nombre initial de candidats; des entrevues avaient ensuite lieu. Sur les 4 000 à 6 000 personnes qui se présentaient à l'examen écrit, environ 80 étaient finalement retenues. Les candidats qui n'étaient pas bilingues devaient recevoir une formation linguistique pouvant atteindre 52 semaines. S'ils réussissaient, ils avaient la possibilité de joindre le PPSE.


[4]                 Le point litigieux en ce qui concerne les candidats ab initio est le suivant : le défendeur a toujours pris la position selon laquelle aucun candidat n'était nommé à un poste d'agent du Service extérieur tant qu'il ne terminait pas avec succès sa formation linguistique. C'est à ce moment-là, affirme-t-il, au moment où une offre est faite et acceptée, qu'un candidat devient un « fonctionnaire » au sein de la fonction publique et qu'il peut être inclus dans l'unité de négociation représentée par l'APASE. D'autre part, l'APASE prend la position selon laquelle le candidat qui a commencé sa formation linguistique, pour laquelle il touche 80 p. 100 du traitement d'un poste du groupe PPSE, devient un « fonctionnaire » au sens de l'article 34 de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, de sorte qu'il devrait être inclus dans l'unité de négociation représentée par l'APASE. L'APASE soutient que la détermination par la Commission de la question de savoir si une personne est un « fonctionnaire » au sens de l'article 34 est une question touchant la compétence et que la norme de contrôle de la décision de la Commission devrait être celle de la décision correcte. L'APASE affirme que même si les communications formelles entre l'employeur possible, le MAECI, et les personnes participant au PPSE peuvent donner à entendre que la nomination à un poste de la fonction publique est uniquement effectuée une fois terminée la formation linguistique, la Commission n'a pas tenu compte de la preuve montrant qu'en fait, ces candidats ab initio étaient traités et considérés comme des fonctionnaires pendant qu'ils recevaient leur formation linguistique. À l'appui de sa position, l'APASE a cité un témoin, Sameena Qureshi, qui s'était portée candidate, en se fondant sur son expérience pour indiquer la nature de la relation existant entre le MAECI et les candidats au PPSE qui reçoivent une formation linguistique. Pour la première fois, la demanderesse a également soulevé devant la Cour certains arguments qui n'avaient pas été invoqués devant la Commission au sujet du fait que le MAECI n'était pas autorisé à prendre le genre de dispositions qu'il affirme avoir prises, par lesquelles les candidats pouvaient être traités autrement que comme des fonctionnaires. De son côté, le défendeur se fonde sur les ententes écrites conclues entre le MAECI et les candidats et soutient que tout autre indice montrant que des dispositions différentes ont été prises, comme des affiches fautives et une comptabilité erronée, n'est pas pertinent aux fins de la détermination du statut véritable des candidats. Le défendeur affirme que la détermination par la Commission de la question de savoir qui est un fonctionnaire au sens de l'article 34 est essentiellement une question de fait, et non une question de compétence, et que la norme de contrôle est celle de la décision manifestement déraisonnable.


[5]                 Sans examiner la preuve en détail, la Commission avait à sa disposition certains éléments de preuve clairs d'une entente formelle entre le MAECI et Mme Qureshi (cas que les parties semblent considérer comme typique) selon laquelle cette dernière ne se verrait pas offrir un poste d'agente du Service extérieur dans le cadre du PPSE tant qu'elle n'aurait pas terminé avec succès sa formation linguistique. Le 8 juillet 1998, Mme Qureshi a été informée par le MAECI qu'elle était admise au programme de formation linguistique et qu' [TRADUCTION] « une fois [qu'elle] aur[ait] achevé avec succès [sa] formation, [elle] recevr[ait] une lettre d'offre pour un poste d'agent du service extérieur dans le groupe PPSE » . À la lettre était joint un résumé des conditions pertinentes; Mme Qureshi a signé une copie en vue d'accepter l'entente et l'a retournée avec une lettre de confirmation en date du 24 juillet 1998. Après avoir terminé avec succès sa formation linguistique, elle a reçu du ministère une lettre en date du 16 juin 1999 lui offrant un poste d'agente du Service extérieur, la nomination devant prendre effet le 11 juin 1999. Mme Qureshi a également signé une copie de cette lettre pour confirmer son consentement.


[6]                 Il est vrai que certains éléments de preuve contredisaient la position du défendeur selon laquelle aucun statut de fonctionnaire n'était créé avant la fin de la période de formation linguistique. Ainsi, une annonce de recrutement au sein du Service extérieur publiée par le ministère en 1997 disait ce qui suit : [TRADUCTION] « Une fois embauchés, les candidats doivent obtenir une autorisation de sécurité au niveau très secret. Ils doivent obtenir aussi le niveau requis de bilinguisme dans les deux langues officielles, et ce, dans un délai précis. La formation linguistique sera fournie. » Le 6 avril 1998, dans le cadre de la procédure de sélection, Mme Qureshi a été informée par le MAECI qu'elle figurait sur la liste restreinte et qu'elle devait avoir une autorisation de sécurité et subir un examen médical. Il était déclaré [TRADUCTION] qu' « avant qu'une offre d'emploi puisse être faite, les candidats retenus doivent obtenir une autorisation de sécurité et une attestation médicale » . Il n'était pas fait mention d'une exigence linguistique. En outre, Mme Qureshi a témoigné que, pendant qu'elle recevait sa formation linguistique, des retenues étaient effectuées sur son traitement aux fins de l'impôt sur le revenu, du Régime de pensions du Canada et de l'assurance-emploi, et qu'elle avait été informée qu'elle serait obligée de contribuer au compte de pension de retraite en vertu de la Loi sur la pension de la fonction publique. Mme Qureshi a également reçu une carte d'identité aux fins du Régime de soins dentaires de la fonction publique. Un témoin cité par le défendeur a déclaré devant la Commission qu'il s'agissait dans la plupart des cas d'erreurs administratives et qu'en fait, Mme Qureshi n'avait jamais été obligée de contribuer au compte de pension de retraite. Néanmoins, la demanderesse a soutenu que toutes ces questions touchent la compétence de la Commission et que la Commission a commis une erreur en ne concluant pas que Mme Qureshi et les personnes qui étaient dans la même situation que cette dernière étaient des fonctionnaires pendant la période de formation linguistique. Il est soutenu que la Commission a donc commis une erreur au sujet de sa compétence et que la norme de contrôle est celle de la décision correcte.

Analyse

[7]                 En ce qui concerne la norme de contrôle, la demanderesse affirme que c'est la norme de la décision correcte qui s'applique alors que le défendeur affirme que c'est la norme de la décision manifestement déraisonnable qui s'applique.

[8]                 Je suis plutôt porté à croire que la norme de contrôle qui s'applique en l'espèce est celle de la décision raisonnable même si je ne crois pas que cela importe étant donné qu'à mon avis, la décision de la Commission satisfait à la norme de la décision correcte.


[9]                 Le pouvoir exercé par la Commission est celui qui est conféré à l'article 34 de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, qui est ainsi libellé :


34. À la demande de l'employeur ou de l'organisation syndicale concernée, la Commission se prononce sur l'appartenance ou non d'un fonctionnaire ou d'une classe de fonctionnaires à une unité de négociation qu'elle a préalablement définie, ou sur leur appartenance à une autre unité.

34. Where, at any time following the determination by the Board of a group of employees to constitute a unit appropriate for collective bargaining, any question arises as to whether any employee or class of employees is or is not included therein or is included in any other unit, the Board shall, on application by the employer or any employee organization affected, determine the question.



Dans l'affaire Econosult (Alliance de la Fonction Publique du Canada c. Sa Majesté [1991] 1 R.C.S. 615), la Cour suprême du Canada examinait une décision rendue par la Commission des relations de travail dans la fonction publique en vertu de ce qui était alors l'article 33, maintenant article 34. Dans cette affaire-là, la Commission avait statué que certaines personnes qui avaient été embauchées par Econosult en vertu de contrats privés (prévoyant expressément que ces personnes n'étaient pas embauchées à titre d'employés de Sa Majesté) étaient néanmoins employés dans la fonction publique au sens de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique. Econosult avait passé un contrat avec le gouvernement en vue de fournir des services d'enseignement au pénitencier de Cowansville. La Cour suprême a été saisie de l'affaire; la majorité était d'avis que l'article 33, qui exige que la Commission des relations de travail dans la fonction publique détermine qui est un « employé » aux fins des relations de travail au sein de la fonction publique, était une disposition limitative de compétence. Le législateur ne voulait pas que la Commission puisse traiter, en matière de relations de travail, avec les employés qui n'étaient pas membres de la fonction publique et il n'avait donc pas conféré à la Commission le pouvoir de décider que les personnes qui étaient embauchées en vertu d'un contrat privé pouvaient être visées par la définition de l' « employé » . L'article 2 de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique prévoit que le mot « employé » désigne « une personne employée dans la Fonction publique » (sauf pour certaines exceptions qui ne sont pas ici pertinentes). La Cour suprême considérait donc que la norme de contrôle était celle de la décision correcte et elle a statué que la décision de la Commission était erronée. Elle ne considérait pas que la détermination de la question de savoir si une personne qui travaillait en vertu d'un contrat privé pouvait être membre de la fonction publique relevait de l'expertise générale de la Commission en matière de relations de travail. L'accent était mis sur le fait que les travailleurs en question étaient embauchés en vertu d'un contrat privé. Il a été affirmé que la Commission n'avait aucun pouvoir sur les travailleurs assujettis au Code canadien du travail (et de toute évidence, il en va de même pour les travailleurs relevant des ressorts provinciaux). (Voir pages 630 et 631).


[10]       Je crois qu'il est possible de faire une distinction à l'égard de la présente affaire. En l'espèce, la Commission ne cherchait pas à déterminer si une personne embauchée en vertu d'un contrat privé était de fait « employée dans la Fonction publique » au sens de la définition figurant à l'article 2 de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique. Dans ce cas-ci, la Commission se demandait si une personne qui ne travaillait pas en vertu d'un contrat privé, mais qui étudiait une langue dans le cadre d'un programme gouvernemental et à qui le gouvernement du Canada versait des appointements pour assister aux séances de formation pouvait être considérée comme étant « employée dans la Fonction publique » . La détermination de cette question ne mettait pas en cause des principes de common law applicables en droit contractuel comme dans l'affaire Econosult, mais comportait l'application de lois fédérales pertinentes régissant l'emploi auprès du gouvernement. Si j'utilise l'approche pragmatique et fonctionnelle, il me semble que le législateur voulait créer un tribunal spécialisé s'occupant du cas des personnes qui travaillaient dans le cadre d'un contrat de louage de services conclu avec le gouvernement, lequel était chargé d'appliquer les dispositions techniques uniques en leur genre de la Loi sur l'emploi dans la fonction publique et de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique en vue de déterminer qui devrait être membre des unités de négociation et quelles devraient être ces unités ainsi qu'en vue d'exercer une certaine supervision sur les conventions collectives dans le milieu distinct de la fonction publique. Il me semble que le législateur aurait voulu que la Commission soit clairement autorisée à décider que certaines personnes rémunérées par le gouvernement devraient être considérées comme des fonctionnaires aux fins de la négociation collective alors que d'autres ne devraient pas l'être.

[11]       Je ne suis pas certain qu'il soit très utile de décrire la question comme une question de compétence. Malgré l'arrêt Econosult, l'avis dominant se trouve peut-être maintenant exprimé dans l'arrêt Pushpanathan ([1998] 1 R.C.S. 982, au paragraphe 28) où Monsieur le juge Bastarache, au nom de la majorité, a dit ce qui suit :


Voilà pourquoi il convient toujours, et il est utile, de parler des « questions de compétence » que le tribunal doit trancher correctement pour ne pas outrepasser sa compétence. Mais il faut bien comprendre qu'une question qui « touche la compétence » s'entend simplement d'une disposition à l'égard de laquelle la norme de contrôle appropriée est celle de la décision correcte, en fonction du résultat de l'analyse pragmatique et fonctionnelle. Autrement dit, une « erreur de compétence » est simplement une erreur portant sur une question à l'égard de laquelle, selon le résultat de l'analyse pragmatique et fonctionnelle, le tribunal doit arriver à une interprétation correcte et à l'égard de laquelle il n'y a pas lieu de faire preuve de retenue.

En d'autres termes, si la norme de contrôle est celle de la décision correcte, une question de compétence doit être en jeu. En vertu de l'alinéa 18.1(4)a) de la Loi sur la Cour fédérale, la Cour est tenue de déterminer si le tribunal ici en cause a « agi sans compétence » , mais je suppose que notre Cour, comme la Cour suprême en appel d'une décision rendue par notre Cour, devrait s'abstenir d'assumer cette responsabilité d'origine législative qui lui incombe lorsqu'il s'agit d'infirmer une décision que la Commission a rendue sans avoir la compétence voulue, à moins que nous ne décidions d'abord que la norme de contrôle applicable est celle de la « décision correcte » . Malgré le libellé de la Loi sur la Cour fédérale, nous devons déterminer la norme de contrôle à appliquer plutôt que la question de la compétence en soi. Si j'utilise l'approche pragmatique et fonctionnelle, je conclus que la norme applicable n'est pas celle de la décision correcte parce que, à l'article 33, le législateur voulait que la Commission soit autorisée à déterminer quelles personnes employées par le gouvernement du Canada sont membres de la fonction publique. Contrairement à ce qui se produisait dans l'affaire Econosult, pareilles décisions ne portent pas sur les relations de travail de personnes rémunérées par le secteur privé.


[12]       Il me semble plutôt qu'une question de droit et de fait est en cause, les dispositions législatives pertinentes étant appliquées aux faits de l'affaire. Cela étant, il convient d'appliquer la norme de la « décision raisonnable simpliciter » . (Voir Southam et autres c. Directeur des enquêtes et recherches, [1997] 1 R.C.S. 748, aux paragraphes 44, 45, 54 à 58.)

[13]       Que la norme applicable soit celle de la décision correcte ou celle de la décision raisonnable, je crois qu'en l'espèce, la Commission a rendu une décision appropriée qui ne peut pas faire l'objet d'une intervention judiciaire.

[14]       La Commission devait décider ce qui était nécessaire pour qu'une personne devienne un « fonctionnaire » au sens de l'article 34 de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique. Dans l'arrêt Econosult, à la page 634, Monsieur le juge Sopinka a cité en l'approuvant un passage de la décision de notre Cour qui avait été portée en appel et dans laquelle Monsieur le juge Marceau avait dit ce qui suit :

Il n'y a tout simplement pas de place dans cette construction juridique pour un fonctionnaire (i.e. un employé de la Reine, membre de la fonction publique) sans poste créé par le Conseil du Trésor, et sans nomination faite par la Commission de la fonction publique.


Pour ce motif, la Cour suprême a conclu qu' « il n'y a tout bonnement pas de place pour une espèce de fonctionnaire de fait qui ne serait ni chair ni poisson » (page 633). En l'espèce, la demanderesse soutient que les candidats au PPSE, pendant qu'ils recevaient leur formation linguistique, étaient en quelque sorte des fonctionnaires de fait même s'ils n'avaient pas encore été officiellement nommés. Il est vrai que le MAECI avait recruté ces candidats, qu'il les avait sélectionnés et qu'il les avait envoyés recevoir une formation linguistique. Il n'est pas contesté que la Commission de la fonction publique avait délégué au MAECI le pouvoir de nommer ces candidats à des postes d'agent du Service extérieur. Cependant, il n'existe aucun acte de nomination formel avant que ces candidats terminent leur formation linguistique. L'article 22 de la Loi sur l'emploi dans la fonction publique qui régit l'embauchage dans la fonction publique prévoit ce qui suit :


22. Toute nomination effectuée en vertu de la présente loi prend effet à la date fixée dans l'acte de nomination, le cas échéant, indépendamment de la date de l'acte même.

22. An appointment under this Act takes effect on the date specified in the instrument of appointment, which date may be any date before, on or after the date of the instrument.


Dans le cas de Mme Qureshi (et personne ne conteste que ce soit typiquement le cas pour le groupe en question), ce n'est que lorsque le ministère a envoyé à Mme Qureshi la lettre du 16 juin 1999 qu'une offre de nomination a été faite. Le premier paragraphe commence comme suit :

[TRADUCTION] Au nom du ministère des Affaires étrangères et du Commerce international, j'ai le plaisir de vous offrir une nomination pour une période indéterminée au poste d'agent du Service extérieur, FSTP-01, au sein du Service des délégués commerciaux. Vous commencerez à exercer vos fonctions le 11 juin 1999.

Comme il en déjà été fait mention, cette offre a été formellement signée par Mme Qureshi pour montrer qu'elle acceptait. La demanderesse n'a pu signaler aucun autre « acte de nomination » fixant la date de la nomination comme l'exigeait l'article 22 de la Loi sur l'emploi dans la fonction publique.


[15]       Je suis donc d'avis que la Commission a appliqué les bons principes de droit en concluant que Mme Qureshi est devenue une employée de la fonction publique le 11 juin 1999.

[16]       Compte tenu de la preuve, il était certes loisible à la Commission de considérer que les [TRADUCTION] « erreurs administratives et bureaucratiques » que la demanderesse cite comme preuve indiquant qu'en fait Mme Qureshi et ses collègues étaient des fonctionnaires ne pouvaient pas avoir pour effet de faire de ces candidats des « fonctionnaires » compte tenu des propositions juridiques dont j'ai ci-dessus fait mention et compte tenu des lettres, qui satisfaisaient aux exigences juridiques et qui indiquaient le contraire.

[17]       La demanderesse a soumis de nouveaux arguments et a présenté de nouveaux documents composés de lois, de règlements et d'énoncés de politique pour montrer que le MAECI n'était pas autorisé à organiser les séances de formation linguistique comme il l'a fait. Je doute que, dans le cadre d'un contrôle judiciaire, ces documents doivent être pris en considération s'ils n'ont pas antérieurement été mis à la disposition de la Commission, mais je crois de toute façon qu'ils n'étayent pas la cause de la demanderesse.

[18]       Enfin, le raisonnement de la Commission et la conclusion de fait selon laquelle les candidats n'exerçaient aucune des fonctions des postes inclus dans l'unité de négociation du Service extérieur ne sont pas contestés et je ne vois pas comment, de toute façon, les candidats ab initio auraient pu être placés dans cette unité de négociation avant de terminer leur formation linguistique.


[19]       La demande sera donc rejetée avec dépens.

« B.L. Strayer »

Juge

« Je souscris aux présents motifs

Gilles Létourneau, juge »

« Je souscris aux présents motifs

B. Malone, juge »

Traduction certifiée conforme

Suzanne M. Gauthier, trad.a., LL.L.


COUR D'APPEL FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                                                      A-27-02

INTITULÉ :                                                                     L'ASSOCIATION

PROFESSIONNELLE DES AGENTS

DU SERVICE EXTÉRIEUR

c.

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU

CANADA

LIEU DE L'AUDIENCE :                                             Ottawa (Ontario)

DATE DE L'AUDIENCE :                                           le 26 février 2003

MOTIFS DU JUGEMENT :                                       le juge Strayer

Y ONT SOUSCRIT :                                                     le juge Létourneau

le juge Malone

DATE DES MOTIFS :                                                  le 26 mars 2003

COMPARUTIONS :

M. David Yazbeck                                                            POUR LA DEMANDERESSE

M. Richard Fader                                                              POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Raven, Allen, Cameron et Ballantyne

Ottawa (Ontario)                                                               POUR LA DEMANDERESSE

M. Morris Rosenberg                                                       

Sous-procureur général du Canada                                  POUR LE DÉFENDEUR


                                                                                                                              Date : 20030326

                                                                                                                            Dossier : A-27-02

OTTAWA (ONTARIO), LE MERCREDI 26 MARS 2003

CORAM :             LE JUGE STRAYER

LE JUGE LÉTOURNEAU

LE JUGE MALONE

ENTRE :

                                       L'ASSOCIATION PROFESSIONNELLE

DES AGENTS DU SERVICE EXTÉRIEUR

                                                                                                                                 demanderesse

                                                                            et

                                    LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

                                                                                                                                         défendeur

                                                                 JUGEMENT

La demande est rejetée avec dépens.

« B.L. Strayer »

Juge

Traduction certifiée conforme

Suzanne M. Gauthier, trad.a., LL.L.

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