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Date : 20000717


Dossier : A-425-99

OTTAWA (ONTARIO), LE LUNDI 17 JUILLET 2000

CORAM :      MONSIEUR LE JUGE LINDEN

         MONSIEUR LE JUGE ROTHSTEIN

         MONSIEUR LE JUGE MALONE

ENTRE :

     OFFSHORE LOGISTICS INCORPORATED

     demanderesse

     - et -


HALIFAX LONGSHOREMEN'S ASSOCIATION,

SECTION LOCALE 269 DE

L'ASSOCIATION INTERNATIONALE DES DÉBARDEURS

     défenderesse


     JUGEMENT


     L'appel est rejeté avec dépens.




     « A.M. Linden »

     J.C.A.

Traduction certifiée conforme



Suzanne M. Gauthier, LL.L., Trad. a.



Date : 20000717


Dossier : A-425-99

    

CORAM :      LE JUGE LINDEN

         LE JUGE ROTHSTEIN

         LE JUGE MALONE

ENTRE :

                    

     OFFSHORE LOGISTICS INCORPORATED

     demanderesse

     - et -

     HALIFAX LONGSHOREMEN'S ASSOCIATION,

     SECTION LOCALE 269 DE

     L'ASSOCIATION INTERNATIONALE DES DÉBARDEURS

     défenderesse

                        




AUDITION tenue à Montréal (Québec), le jeudi 22 juin 2000

JUGEMENT rendu à Ottawa (Ontario), le lundi 17 juillet 2000



MOTIFS DU JUGEMENT PRONONCÉS PAR :      LE JUGE ROTHSTEIN

Y ONT SOUSCRIT :      LE JUGE LINDEN

     LE JUGE MALONE



Date : 20000717


Dossier : A-425-99

CORAM :      LE JUGE LINDEN

         LE JUGE ROTHSTEIN

         LE JUGE MALONE

ENTRE :

     OFFSHORE LOGISTICS INCORPORATED

     demanderesse

     - et -

     HALIFAX LONGSHOREMEN'S ASSOCIATION,

     SECTION LOCALE 269 DE

     L'ASSOCIATION INTERNATIONALE DES DÉBARDEURS

     défenderesse


     MOTIFS DU JUGEMENT


LE JUGE ROTHSTEIN


INTRODUCTION

[1]          Il s'agit d'une demande de contrôle judiciaire d'une décision par laquelle le Conseil canadien des relations industrielles a accueilli, le 9 juin 1999, une demande présentée par le syndicat défendeur visant à inclure dans son accréditation par région géographique applicable au port de Halifax, les activités de chargement et de déchargement de navires affrétés par Mobil Oil Canada Properties exercées par la demanderesse au quai de Mobil à Darmouth (Nouvelle-Écosse). L'ordonnance du Conseil a été prononcée en application de l'article 34 du Code canadien du travail, L.R.C. (1985), ch. L-2, une disposition régissant les relations du travail dans l'industrie du débardage. Le paragraphe 34(1) dispose :

34. (1) Where employees are employed in

(a) the long-shoring industry, or

(b) such other industry in such geographic area as may be designated by regulation of the Governor in Council on the recommendation of the Board, the Board may determine that the employees of two or more employers actively engaged in the industry in the geographic area constitute a unit appropriate for collective bargaining and may, subject to this Part, certify a trade union as the bargaining agent for the unit.


34. (1) Le Conseil peut décider que les employés de plusieurs employeurs véritablement actifs dans le secteur en cause, dans la région en question, constituent une unité habile à négocier collectivement et, sous réserve des autres dispositions de la présente partie, accréditer un syndicat à titre d'agent négociateur de l'unité, dans le cas des employés qui travaillent_:

a) dans le secteur du débardage;

b) dans les secteurs d'activité et régions désignés par règlement du gouverneur en conseil sur sa recommandation.

[2]          L'article 34 est unique, du fait qu'il confère au Conseil le pouvoir de réunir, aux fins des négociations collectives, des employeurs indépendants d'une région donnée. Il s'applique habituellement dans le contexte de la méthode d'embauche par un bureau d'embauche, qui permet à tous les employeurs d'obtenir les employés dont ils ont besoin au bureau d'embauche.

LES QUESTIONS EN LITIGE

[3]          La demanderesse Offshore invoque quatre moyens pour contester l'ordonnance du Conseil :

     1.      La conclusion du Conseil portant que les employés de Offshore faisaient du débardage est manifestement déraisonnable.
     2.      La décision du Conseil a été rendue par le président seul, ce qui contrevient au Code canadien du travail.
     3.      La procédure devant le Conseil a été entachée par des manquements aux principes de justice naturelle.

    

     4.      Offshore relève de la compétence provinciale et non fédérale, de sorte que le Conseil a outrepassé sa compétence constitutionnelle en prétendant réglementer ses relations du travail.

LES FAITS

[4]          Offshore fournit des services et du matériel pour gérer et exploiter une base de ravitaillement à Darmouth (Nouvelle-Écosse) aux fins du Sable Offshore Energy Project, en vertu d'une entente de gestion de la base de ravitaillement conclue par Offshore et Mobil. La base de ravitaillement comprend un entrepôt et une cour de tuyaux situés au 30, rue Atlantic, à environ un kilomètre du bord de l'eau et du quai de Mobil à Darmouth.

[5]          Offshore emploie 10 personnes à la base de ravitaillement : 2 coordinateurs, 1 secrétaire, 1 contremaître et 6 manoeuvres rémunérés à l'heure, dont l'un est aussi grutier.

[6]          Les employés de Offshore travaillent à la fois à la cour de tuyaux et au quai de Mobil. Ils consacrent environ 75 % de leur temps à la cour de tuyaux et 25 % au quai. Au quai, leur travail consiste notamment à charger et décharger des navires affrétés par Mobil.

[7]          Mobil affrète les navires de Secunda Marine Services Ltd. Offshore et Secunda appartiennent aux mêmes propriétaires, bien que leur gestion soit séparée.

[8]          Le quai de Mobil est situé dans les limites de l'accréditation par région géographique du syndicat applicable au port de Halifax.

[9]          Le syndicat a demandé au Conseil, en date du 11 juin 1998, de modifier l'ordonnance antérieure par laquelle le Conseil lui avait accordé l'accréditation par région géographique applicable au port de Halifax, afin d'inclure Offshore1. La demande du syndicat se limitait à inclure dans son accréditation le travail effectué par les employés de Offshore au quai de Mobil, à l'exclusion de leur travail à la cour de tuyaux.

[10]          Devant le Conseil, le syndicat a soutenu que le travail au quai comportait le chargement et le déchargement de navires, que ces navires servaient à la navigation et à l'expédition; par conséquent, le travail en cause relevait de la compétence du Conseil et il entrait dans la portée de l'accréditation du syndicat visant le débardage. Offshore a fait valoir que son travail au quai consistait à charger et à décharger des navires liés à la prospection pétrolière et gazière. Dans la mesure où une partie du travail était de la nature du débardage, Offshore prétendait que cela ne devait pas être déterminant, car le travail était en grande partie étranger à la navigation et à l'expédition et relié, plutôt, à la prospection pétrolière et gazière.

LA DÉCISION DU CONSEIL ÉTAIT-ELLE MANIFESTEMENT DÉRAISONNABLE?

[11]          Offshore soutient que la décision du Conseil portant que ses employés faisaient du débardage est manifestement déraisonnable. Elle fait valoir cet argument parce que, si le travail en cause n'est pas considéré comme du débardage, l'article 34 du Code ne s'applique pas.

         La norme de contrôle

[12]          Bien que Offshore plaide que la décision du Conseil est manifestement déraisonnable, elle fait valoir, à titre préliminaire, que la question en litige est une question de compétence assujettie à la norme de contrôle de la décision correcte. L'application de l'article 34 du Code dépend de la question de savoir si le travail en cause constitue du débardage. Offshore affirme que la décision du Conseil selon laquelle ce travail constitue du débardage porte sur une question de compétence et que la norme de contrôle applicable devrait être celle de la décision correcte.

[13]          Il est maintenant bien établi que la norme de contrôle doit être fixée selon une approche pragmatique et fonctionnelle. Le critère à appliquer est celui de savoir si la question soulevée par la disposition en cause appartient à celles que le législateur avait l'intention de confier à la compétence exclusive du Conseil, sous réserve de l'exercice du pouvoir de contrôle judiciaire uniquement selon le critère du caractère manifestement déraisonnable. Voir Pasiechnyk c. Saskatchewan (Workers' Compensation Board), [1997] 2 R.C.S. 890, au paragraphe 18, et Pushpanathan c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1998] 1 R.C.S. 982, aux paragraphes 26 à 28. Les facteurs à prendre en compte dans une approche pragmatique et fonctionnelle sont notamment la présence ou l'absence d'une clause privative, l'expertise du tribunal, l'objet de la loi dans son ensemble et de la disposition en cause, ainsi que la nature du problème, c'est-à-dire s'il s'agit d'une question de fait ou de droit, et la généralité de la disposition examinée. (Voir Pushpanathan, précité, aux paragraphes 29 à 38.)

[14]          Il va maintenant sans dire, en droit, que les tribunaux doivent faire preuve d'une grande retenue envers les décisions du Conseil canadien des relations du travail et l'organisme qui lui a succédé, le Conseil canadien des relations industrielles, dans les affaires qui sont au coeur de leur expertise. (Voir Société Radio-Canada c. Canada (Conseil des relations du travail), [1995] 1 R.C.S. 157, Canada (Procureur général) c. Alliance de la fonction publique du Canada., [1993] 1 R.C.S. 941, aux pages 962 à 963. La Cour suprême a aussi averti les tribunaux d'éviter de qualifier trop rapidement un point de question de compétence, et ainsi de l'assujettir à un examen judiciaire plus étendu, lorsqu'il existe un doute à cet égard. (Voir Syndicat international des débardeurs et magasiniers, Ship ad Dock Foremen, section locale 514 c. Prince Rupert Grain Limited, [1996] 2 R.C.S. 432, aux pages 445 et 446).

[15]          La question qui se pose en l'espèce est celle de savoir si le travail des employés de Offshore au quai de Mobil doit être considéré comme du débardage. L'application de la compétence conférée au Conseil par l'article 34 du Code est tributaire de cette question. Celle-ci peut donc, en un sens, être qualifiée de question de compétence. Par contre, chaque fois qu'un organisme tire une conclusion positive qui emporte l'exercice de sa compétence, sa décision peut être qualifiée de décision portant sur une question de compétence. L'approche fonctionnelle et pragmatique vise notamment, selon moi, à guider les tribunaux lorsqu'ils déterminent si les décisions qui pourraient avoir une connotation ou comporter un aspect touchant la compétence sont néanmoins à l'abri du contrôle judiciaire selon la norme de la décision correcte. Cette approche remplace l'analyse que les cours siégeant en révision effectuaient auparavant en se demandant si la disposition législative en cause était, dans l'abstrait et hors de tout contexte, de nature juridictionnelle.

[16]          Dans le cas du Conseil canadien des relations industrielles, l'article 22 du Code édicte une clause privative de portée étendue. Quant à la question de l'expertise, les tribunaux ont conclu que le Conseil est un tribunal administratif hautement spécialisé et que ses membres sont des experts dans l'application d'un ensemble complet de lois du travail. Dans l'arrêt Syndicat international des débardeurs et magasiniers, Ship ad Dock Foremen, section locale 514 c. Prince Rupert Grain Limited, précité, le juge Cory a écrit, à la page 446 :

C'est tout à fait à bon droit qu'on a souvent reconnu qu'une commission des relations du travail est l'exemple même du tribunal administratif hautement spécialisé. Ses membres sont des experts dans l'application des lois du travail détaillées qui régissent le domaine difficile et souvent explosif des relations du travail. Par leur travail constant dans ce domaine délicat, les commissions des relations du travail acquièrent une expérience, des compétences et une compréhension spéciales nécessaires pour résoudre les problèmes complexes des relations du travail.

Le Conseil s'est déjà prononcé à plusieurs reprises sur la question de savoir si un travail constituait ou non du débardage. (Voir Halifax Offshore Terminal Services Limited (1987), 71 d.i. 157, Halifax Grain Elevators Limited (1989), 76 d.i. 157, Équipements Bellemare Limitée (1995), 197 d.i. 84, M & M Manufacturing Ltd. (1997), 104 d.i. 45.) J'ai la certitude que le Conseil est non seulement expert, mais il a aussi de l'expérience relativement à la question de savoir si un travail constitue du débardage dans une situation donnée.

[17]          Bien que l'interprétation du terme « débardage » soit en cause, la décision du Conseil quant à savoir si un travail constitue du débardage repose en grande partie sur les faits et circonstances propres à chaque cas. Pour trancher cette question en l'espèce, il n'est pas nécessaire qu'il énonce une proposition de droit très générale concernant la signification du terme « débardage » dans l'article 34, cette tâche devant revenir à plus juste titre au tribunaux.

[18]          Je suis donc convaincu que la question de savoir si le travail des employés de Offshore au quai de Mobil constitue ou non du débardage est une question que le législateur avait l'intention de confier au Conseil, même si cette décision a une incidence sur l'application de l'article 34 du Code. Compte tenu de l'existence d'une clause privative et de l'expertise du Conseil, la norme du caractère raisonnable simpliciter ne s'applique pas. La norme de contrôle est celle du caractère manifestement déraisonnable.

         Le débardage : la décision du Conseil

[19]          Le Conseil a rédigé des motifs de 25 pages, dans lesquels il a examiné longuement les circonstances en cause. Il a conclu que le chargement et le déchargement des navires affrétés par Mobil au port de Halifax était effectué par les employés de Offshore. Il a analysé les stipulations contractuelles en vertu desquelles ces services étaient fournis à Mobil.

[20]          La question de savoir si le travail des employés de Offshore au quai de Mobil constituait ou non du débardage revenait en grande partie à se demander si la décision antérieure du Conseil canadien des relations du travail, dans l'affaire Halifax Offshore Terminal Services Limited et autres, précitée, (Halifax Offshore), s'appliquait dans les circonstances. Dans Halifax Offshore, le Conseil a rejeté une demande présentée par le syndicat de Halifax Offshore visant l'inclusion dans son accréditation par région géographique applicable au port de Halifax du travail de vérification des cargaisons.

[21]          Le Conseil a évalué la preuve produite en l'espèce, en partie semblable et en partie dissemblable à celle produite dans l'affaire Halifax Offshore. Pour déterminer si l'article 34 s'appliquait, le Conseil a énoncé la question à trancher comme celle de savoir si le travail devait être qualifié en fonction de son aspect débardage ou de son lien avec le pétrole et le gaz. Le Conseil a souligné que, dans l'affaire Halifax Offshore, le travail était accessoire au chargement et au déchargement, alors qu'en l'espèce, le travail correspondait à la fonction de chargement et de déchargement comme telle. Voici ce qu'il a écrit, au paragraphe 53 :

[53] L'aspect soutien à la prospection pétrolière s'est vu accorder la primauté par le CCRT dans Halifax Offshore. Toutefois, il convient de rappeler que le travail dont il est question en l'espèce est du travail incident de vérification à l'appui du chargement et du déchargement de navires et non la fonction de chargement et de déchargement comme telle. Dans les circonstances, si le chargement et le déchargement de navires font partie intégrante du travail, il est plus difficile de conclure que l'aspect débardage devrait être considéré comme accessoire et incident. De l'avis du Conseil, les ententes intervenues entre des entreprises et les fins du Code canadien du travail doivent également être examinées de près. Il faut se demander sérieusement si, en catégorisant le travail en l'espèce, il faut donner la primauté à son aspect débardage ou à son aspect prospection pétrolière.

[22]          Aux paragraphes 62 et 68, le Conseil a fait une distinction entre la présente affaire et Halifax Offshore, principalement parce que les activités des employés ne sont pas, comme dans Halifax Offshore, liées de façon incidente au débardage, mais qu'il s'agit essentiellement de débardage, et que Offshore constitue davantage une entité individuelle, par rapport à Mobil, que l'employeur visé dans Halifax Offshore et considéré par le Conseil comme faisant partie intégrante de Mobil.

[62] Compte tenu des décisions qui précèdent, il serait utile de se pencher sur la nature fondamentale de la présente affaire. Dans les circonstances actuelles, telles qu'elles sont différenciées de Cargill Grain et de Halifax Offshore, il est tout à fait clair que le travail des employés n'est pas lié de façon incidente au débardage, mais plutôt qu'il s'agit essentiellement de débardage. Les activités de débardage des employés de Offshore ne constituent pas un aspect incident ou occasionnel de leur travail. La preuve produite révèle qu'environ 25 % du travail de ce groupe d'employés est effectué au quai de Mobil et qu'une grande partie représente du travail de débardage ou du travail étroitement lié au débardage. L'aspect débardage survient régulièrement et substantiellement et non de façon incidente et occasionnelle. Le chargement et le déchargement des navires affrétés constituent des activités régulières et continues. Offshore est manifestement un lien essentiel dans un système qui effectue le transport maritime de marchandises de façon régulière.
[68] Dans Halifax Offshore, le Conseil a considéré East Coast comme une partie intégrante de Mobil. En l'espèce, bien qu'il existe des similitudes entre la situation de Offshore et celle de East Coast, un examen approfondi permet de conclure que Offshore semble constituer davantage une entité individuelle que East Coast sur la foi du témoignage du vice-président Jamieson dans Halifax Offshore.

[23]          Au paragraphe 71, le Conseil a conclu que les employés de Offshore en cause travaillaient activement au débardage :

[71] ... Il sera très important de déterminer si les employés en question sont véritablement actifs dans le secteur du débardage. Ils le sont ici. L'intention du législateur était de faire en sorte que l'accréditation accordée dans le secteur du débardage soit plus universelle, et non moins universelle, pour empêcher les perturbations dans les activités portuaires. En l'espèce, les travaux sont largement de la nature du débardage, soit le chargement et le déchargement de navires. Cette activité est séparée de la prospection pétrolière au niveau de son organisation et peut être séparée du point de vue des relations de travail. Elle survient fréquemment et régulièrement. Elle dessert un certain nombre de clients. En toutes circonstances, il convient d'exiger que Offshore soit comprise dans l'accréditation par région géographique applicable au port de Halifax pour refléter la structure actuelle de Offshore et ses activités de débardage.
         Les arguments de Offshore sur le caractère manifestement déraisonnable de la décision du Conseil

[24]          Offshore plaide que l'expédition en cause ne constitue pas de l'expédition commerciale, mais se limite à la fourniture d'un service aux fins des activités de forage extracôtier de Mobil. Elle ajoute que le travail effectué par ses employés se fait dans une proportion de 25 % seulement au quai et de 75 % à la cour de tuyaux. Ces arguments visent à établir une distinction entre Offshore et d'autres employeurs qui fournissent des services dans le secteur de l'expédition commerciale et dont les employés travaillent davantage au chargement et au déchargement. Il ressort toutefois clairement des motifs du Conseil que celui-ci en était conscient et en a tenu compte. Le Conseil estimait que le chargement et le déchargement ne constituaient pas un aspect accessoire ou occasionnel du travail des employés de Offshore. L'expédition commerciale n'a pas non plus été considérée essentielle pour conclure que les employés travaillaient au débardage. On ne peut affirmer que ces conclusions sont irrationnelles.

[25]          Offshore a extrait quelques phrases de la décision du Conseil qui, à son avis, constituent de erreurs dans l'approche adoptée par le conseil. Par exemple, elle conteste l'opinion du conseil selon laquelle « l'intention du législateur était de faire en sorte que l'accréditation accordée dans le secteur du débardage soit plus universelle, et non moins universelle, pour empêcher les perturbations dans les activités portuaires » . En fait, la jurisprudence laisse entendre que l'article 34 doit être utilisé avec « parcimonie » , parce qu'il porte atteinte à la liberté d'association protégée par l'alinéa 2d) de la Charte des droits et libertés. Voir la décision rendue par le Conseil dans Longshoremen's Protective Union Local 1953 v. St. John's Shipping Association (1983), 3 C.L.R.B.R. (N.S.) 314.

[26]          Il n'est pas nécessaire de se demander en l'espèce si l'opinion du tribunal est incompatible ou non avec l'opinion exprimée par le Conseil dans St. John's Shipping. En l'espèce, l'issue de la procédure reposait en grande partie sur les faits. Le Conseil a conclu, après avoir examiné les faits, que les activités de Offshore au port de Halifax constituaient du débardage. Il serait difficile pour la Cour d'affirmer que l'analyse effectuée par le Conseil et sa conclusion en l'espèce étaient manifestement déraisonnables parce qu'une ou deux remarques isolées exprimées dans ses motifs peuvent être discutables.

[27]          Offshore fait valoir que le Conseil était tenu de tenir compte de l'alinéa 2d) de la Charte qui garantit la liberté d'association ou, en l'occurrence, la liberté de ne pas s'associer. Si le syndicat avait gain de cause, Offshore serait tenue de se joindre à d'autres employés qui effectuent du débardage au port de Halifax aux fins des négociations collectives. Toutefois, Offshore ne conteste pas la validité constitutionnelle de l'article 34 du Code. En l'absence d'une telle contestation, la Cour doit tenir l'article 34 pour valide même si, dans certaines situations, il peut avoir pour effet de limiter la liberté de ne pas s'associer.

[28]          Pour tous ces motifs, je ne puis retenir l'argument de Offshore selon lequel la décision du Conseil portant que le chargement et le déchargement effectués par les employés de Offshore constituaient du débardage était manifestement déraisonnable.

LE FAIT QUE LA DÉCISION AIT ÉTÉ PRONONCÉE PAR LE PRÉSIDENT SEUL CONTREVIENT-IL AU CODE?

[29]          J'examinerai maintenant l'argument portant que le Conseil a contrevenu au Code parce que sa décision a été rendue par le président seul. En l'espèce, la formation qui a entendu l'affaire était composée de son président, Paul Lordon, et de Michael Eayrs et Edmud E. Tobin. Après l'audience, mais avant le prononcé de la décision, M. Eayrs est décédé. Par la suite, M. Tobin s'est retiré du dossier. Le président, M. Lordon, a alors poursuivi seul l'examen de l'affaire et rendu lui-même la décision.

[30]          La disposition pertinente est l'article 88 de la Loi modifiant le Code canadien du travail (partie 1), la Loi sur les déclarations des personnes morales et des syndicats, L.C. 1998, ch. 26. Voici ce que prévoit l'article 88 :

88. (1) Subject to subsection (2), any proceeding that the former Board was seized of on the day immediately proceeding the commencement day shall be transferred to and disposed of by the new Board in accordance with the new Act.

88. (1) Sous réserve du paragraphe (2), les affaires dont l'ancien Conseil était saisi la veille de la date de référence se poursuivent devant le nouveau Conseil qui en dispose selon la nouvelle loi.

(2) Any member of the former Board may, at the request of the Chairperson, continue to hear, consider or decide any matter that was before the member before the commencement day and in respect of which there was any proceeding in which they participated as a member.

(2) Un membre de l'ancien Conseil peut, à la demande du président, continuer l'audition de toute affaire qui lui a été soumise avant la date de référence et a déjà fait l'objet d'une procédure à laquelle il a participé en sa qualité de membre.

(3) Where a member of a panel refuses to continue to hear, consider or decide any matter referred to in subsection (1), the chairperson of the panel may continue to hear, consider or decide the matter or the Chairperson may remove that matter from the panel and hear, consider or decide that matter or assign a Vice-Chairperson or a panel of the new Board to do so on any terms and conditions that the Chairperson may specify for the protection and preservation of the rights and interests of the parties.

(3) En cas de refus d'un membre d'une formation de continuer l'audition d'une affaire visée au paragraphe (1), le président de la formation peut la continuer seul ou le président peut en dessaisir la formation et s'en charger lui-même ou la confier à un vice-président ou à une formation du nouveau Conseil selon les modalités et aux conditions qu'il fixe dans l'intérêt des parties.

(4) For the purposes of subsection (2), the members of the former Board shall exercise the powers of the new Board.

(4) Pour l'application du paragraphe (2), les membres de l'ancien Conseil jouissent des pouvoirs du nouveau Conseil.

(5) The Chairperson of the new Board has supervision over and direction of the work of members of the former Board who exercise powers under subsection (4).

(5) Dans l'exercice des pouvoirs mentionnés au paragraphe (4), les membres agissent sous l'autorité du président du nouveau Conseil.

[31]          L'article 2 de la loi modificatrice a remplacé le Conseil canadien des relations du travail par le Conseil canadien des relations industrielles le 1er janvier 1999. En vertu du paragraphe 88(1), les affaires dont l'ancien conseil était saisi se poursuivent devant le nouveau conseil. Le retrait de M. Tobin constituait, pour l'application du paragraphe 88(3), un refus de la part d'un membre d'une formation de continuer l'examen de l'affaire. Ce refus a enclenché l'application du paragraphe 88(3), qui confère au président de la formation, M. Lordon, le pouvoir de continuer l'affaire seul. Contrairement aux prétentions de la demanderesse, le décès de M. Eayrs n'est pas pertinent. Le paragraphe 88(3) s'applique lorsqu'un membre d'une formation refuse de continuer à examiner l'affaire. C'est la situation qui est survenue lorsque M. Tobin a refusé d'examiner et de trancher l'affaire. M. Lordon, en sa qualité de président de la formation, a respecté le paragraphe 88(3) en continuant d'examiner l'affaire et en la tranchant seul.

LES ARGUMENTS CONCERNANT UN MANQUEMENT À LA JUSTICE NATURELLE

[32]          Les arguments du demandeur concernant un manquement à la justice naturelle ne peuvent pas non plus être retenus. Offshore soutient premièrement qu'elle avait droit à un avis de l'intention du Conseil de modifier sa politique et les règles de droit établies dans Halifax Offshore. Son argument s'appuie sur la proposition voulant que le Conseil ait écarté en l'espèce la conclusion qu'il avait énoncé dans Halifax Offshore. Ce n'est pas ce qu'il a fait. Il a plutôt distinguer l'affaire de Halifax Offshore. Le Conseil a analysé en profondeur la preuve et les arguments invoqués par les deux parties sur la question de savoir si l'affaire était ou non identique à Halifax Offshore. Aucun argument à cet égard, concernant un manquement à la justice naturelle, n'est fondé.

[33]          Offshore fait valoir, deuxièmement, que le Conseil a tranché l'affaire en appliquant l'article 34, tel qu'il a été modifié le 1er janvier 1999, alors que l'affaire a été entendue en novembre 1998, à l'époque où la version non modifiée de l'article 34 était en vigueur. Le paragraphe 34(1) a été modifié par l'ajout des mots « véritablement actifs » afin de modifier la nature des employeurs de l'industrie du débardage visés par l'article 34. Toutefois, ce changement n'a pas eu de conséquence en ce qui concerne la justice naturelle.

[34]          Après l'entrée en vigueur de la loi modifiée, le 1er janvier 1999, le Conseil était tenu d'appliquer ce droit substantiel lorsqu'il a rendu sa décision le 9 juin 1999. Il n'était pas investi d'un pouvoir discrétionnaire à cet égard. Le Conseil ne pouvait pas appliquer la version non modifiée de l'article 34. Les observations des parties n'auraient rien pu y changer. Quant à l'interprétation du paragraphe 34(1), modifié, rien n'empêchait Offshore, si elle le jugeait important, de présenter des observations au Conseil après le 1er janvier 1999 concernant l'effet de l'entrée en vigueur de la modification, le cas échéant. Elle a choisi de ne pas en présenter. Elle ne peut maintenant plaider un manquement à la justice naturelle de la part du Conseil.

[35]          Le troisième argument concernant la justice naturelle porte que le Conseil était tenu de fournir à Offshore l'occasion de présenter des observations sur la façon dont le Conseil devait procéder à la suite du décès de M. Eayrs et du retrait de M. Tobin. La règle de common law concernant la justice naturelle semble dire que les parties ont droit à une décision rendue par les personnes qui ont entendue l'affaire. Voir, par exemple, SITBA c. Consolidated Bathurst Packaging Ltd., [1990] 1 R.C.S. 282, aux pages 329 et 330. En l'espèce, le président de la formation a entendu l'affaire et l'a tranchée. Aucune question de common law concernant la justice naturelle n'est donc soulevée en l'espèce.

[36]          Néanmoins, le paragraphe 88(3) du Code renvoie à « l'intérêt des parties » . Ces mots laissent croire que le législateur prévoyait que le Conseil offre aux parties l'occasion de lui expliquer en quoi leur intérêt pourrait être touché.

[37]          Cependant, un examen plus attentif du paragraphe 88(3) révèle que ces mots s'appliquent dans le cas où le président de la formation dessaisit d'une affaire la formation qui l'a entendue, examinée ou tranchée et s'en charge lui-même ou la confie à un vice-président ou à une autre formation. L'intérêt des parties n'est pas en cause lorsque le président de la formation qui a entendu l'affaire en continue seul l'examen après le refus d'un membre de l'entendre, de l'examiner et de la trancher. Le Parlement semble avoir conclu qu'il n'est pas porté atteinte au droit des parties à une audition équitable lorsque le président continue l'examen d'une affaire seul après le refus d'un membre de continuer d'agir. Par contre, lorsqu'une formation est dessaisie d'une affaire, à mi-chemin, et que d'autres personnes prennent la relève pour l'entendre, l'examiner ou la trancher, des questions mettant en cause l'intérêt des parties peuvent surgir. À titre d'exemple, citons le cas évident où des témoins ont témoigné devant la première formation et où il faut se demander s'il convient de les faire témoigner à nouveau devant la deuxième formation ou si celle-ci doit prendre en compte leur premier témoignage et leur contre-interrogatoire. L'intérêt des parties, mentionné par le législateur dans le paragraphe 88(3), entre alors en jeu.

[38]          En l'espèce, une fois enclenchée l'application du paragraphe 88(3) à la suite du refus de M. Tobin de continuer l'examen de l'affaire, le Conseil n'était pas tenu d'aviser les parties que le président la trancherait seul.

LES ARGUMENTS CONSTITUTIONNELS

[39]          Il faut encore examiner les arguments constitutionnels invoqués par Offshore. Il est important de souligner d'emblée que Offshore ne conteste pas la validité constitutionnelle d'une disposition législative et, notamment, de l'article 34 du Code canadien du travail. La question à trancher est plutôt celle de savoir si, dans le contexte du partage des compétences, l'article 34 s'applique aux activités exercées par Offshore au port de Halifax.

         La décision du Conseil

[40]          Devant le Conseil, la question en litige semble s'être résumée à celle de savoir si les activités de chargement et de déchargement exercées au port de Halifax constituent du débardage ou, à l'inverse, si elles doivent être considérées comme un élément accessoire de la gestion d'une base de ravitaillement et de la fourniture de services de gestion et de soutien à l'industrie pétrolière et gazière extracôtière. Dans la procédure devant le Conseil, il était implicite que, si les activités de Offshore constituent du débardage, elles sont régies par la réglementation fédérale et, notamment, par l'article 34. Au paragraphe 42 de ses motifs, le Conseil cite les propos tenus par le juge Taschereau dans Re Eastern Canada Stevedoring Company Limited, ( l'arrêt Eastern), [1955] R.C.S. 529, pour expliquer pourquoi il a été établi que le débardage relevait de la compétence fédérale.

[42] Dans Re Eastern Canada Stevedoring Company Limited, [1955] 3 R.C.S. 529, la Cour suprême du Canada a examiné la validité de la Loi sur les relations industrielles et sur les enquêtes visant les différends au travail du Canada et son application à certains employés de Eastern Canada Stevedoring. La Cour a statué que la loi en question était une loi fédérale valide qu'appuyaient les dispositions du paragraphe 91(10) de l'Acte d'Amérique du Nord britannique, ce qui conférait au Parlement du Canada compétence exclusive sur la navigation et l'expédition. Les propos du juge Taschereau dans cet arrêt sont d'un précieux secours dans le contexte actuel.
En général, j'estime que la Loi sur les relations industrielles et sur les différends au travail peut se justifier par le paragraphe 91(10) de l'Acte de l'Amérique du Nord britannique , qui confère au Parlement du Canada compétence exclusive en matière de navigation et d'expédition. La réglementation du travail de débardage est, je crois, une partie essentielle de la navigation et de l'expédition et est essentiellement liée au transport maritime. Même si , accessoirement, la loi peut toucher les droits provinciaux, elle n'en demeure pas moins valide si elle est, comme je le pense, liée à un sujet qui relève de l'autorité législative fédérale en vertu de l'article 91.
Comme l'a dit Lord Haldane dans The City of Montreal v. Montreal Harbour Comissioners : « Il ne fait aucun doute que la compétence en matière de navigation et d'expédition conférée au parlement fédéral par l'article 91 doit être interprétée largement » , ce à quoi il ajoute : « Le libellé de cette compétence est si général que le Parlement du Canada peut limiter très sérieusement l'exercice des droits de propriété. » (Page 541)

[41]          Le Conseil précise, au paragraphe 43 de ses motifs, que l'arrêt Eastern établit clairement que si le travail de débardage dans les domaines de la navigation et de l'expédition est examiné, une loi fédérale valide de réglementation de ce travail peut être promulguée.

[42]          Néanmoins, le Conseil reconnaît qu'il était possible de considérer le chargement et le déchargement de navires à un port soit sous l'aspect du débardage lié a la navigation et à l'expédition, soit sous l'angle de son rôle de soutien à l'industrie pétrolière et gazière extracôtière. Voici ce qu'il dit au paragraphe 53 :

[53] À ce stade, il convient de souligner que la caractérisation des activités des employés est fonction, dans une certaine mesure, du point de vue sous lequel le travail est envisagé. D'un certain point de vue, le travail peut manifestement être considéré comme du travail de débardage lié à la navigation et à l'expédition, qui tombe par conséquent sous le coup du paragraphe 91(10) de la Loi constitutionnelle de 1867. Il s'agit du point de vue qui a été défendu dans Eastern Canada Stevedoring. Comme le travail s'inscrit moins directement dans la définition traditionnelle de débardage et devient lié à celui-ci de façon plus accessoire, comme ce fut le cas dans Cargill Grain, il peut être envisagé dans son contexte industriel, bien que le travail comporte du débardage dans une certaine mesure. L'aspect soutien à la prospection pétrolière s'est vu accorder la primauté par le CCRT dans Halifax Offshore . Toutefois, il convient de rappeler que le travail dont il est question en l'espèce est du travail incident de vérification à l'appui du chargement et du déchargement de navires et non la fonction de chargement et de déchargement comme telle. Dans les circonstances, si le chargement et le déchargement de navires font partie intégrante du travail, il est plus difficile de conclure que l'aspect débardage devrait être considéré comme accessoire et incident. De l'avis du Conseil, les ententes intervenues entre des entreprises et les fins du Code canadien du travail doivent également être examinées de près. Il faut se demander sérieusement si, en catégorisant le travail en l'espèce, il faut donner la primauté à son aspect débardage ou à son aspect prospection pétrolière.

[43]          Le Conseil s'est ensuite demandé quels éléments il fallait prendre en compte pour décider comment qualifier le travail en cause. Aux paragraphes 55 et 56, il a fait remarquer que l'application de l'article 34 était moins indiquée si le travail exécuté ne correspondait pas parfaitement à la définition du débardage, c'est-à-dire s'il ne s'agissait pas du chargement et du déchargement de navires.

[55] Un examen des arrêts Eastern Stevedoring et Cargill Grain révèle que lorsqu'un équilibre a été établi, l'application de la législation fédérale semble avoir été moins indiquée si le travail exécuté ne tombait pas tout simplement sous le coup de la définition du débardage. Dans Cargill Grain, il a été jugé que les employés en cause effectuaient leur travail une fois terminés le chargement et le déchargement des navires et que les employés ne se livraient que de façon incidente au débardage.
[56] Dans Halifax Offshore, les activités ne correspondent pas tout à fait à la notion de débardage définie comme le chargement et le déchargement de navires. On a également considéré que des travaux de débardage ont été exécutés dans une infime proportion du temps et représentaient une proportion très faible de l'ensemble des activités. Dans Halifax Offshore, le Conseil a jugé que le travail de East Coast était un élément de l'ensemble du travail accompli par Mobil en raison de ces facteurs.

[44]          En concluant que le travail en cause constituait du débardage, le Conseil a tiré les conclusions suivantes :

     1.      Les activités des employés de Offshore au quai de Mobil ne sont pas liées accessoirement au débardage; il s'agit essentiellement de débardage.
     2.      Les activités de débardage ne constituent pas un aspect incident ou occasionnel du travail des employés de Offshore.
     3.      Le débardage survient régulièrement et substantiellement et est effectué de façon continue.
     4.      L'expédition constitue une partie continue et intégrante des activités en question.
     5.      Les employés de Offshore oeuvrent de façon continue dans le domaine de la navigation et de l'expédition au sens de la définition de cette expression énoncée dans Eastern.
     6.      Bien que l'expédition ne constitue pas de l'expédition commerciale générale, les travailleurs ne sont pas des employés de Mobil, mais de Offshore; ils sont rémunérés par Offshore, de qui ils reçoivent leurs directives.
     7.      Les activités de Offshore peuvent être séparées de celles de Mobil et celles qu'elle exerce au quai peuvent être dissociées de son travail de nature logistique, préparatoire et organisationnelle. Le travail au quai vise surtout l'objectif du transport maritime des marchandises expédiées.

[45]          Le Conseil a conclu que les activités de Offshore constituaient, dans une proportion significative, du débardage, c'est-à-dire qu'il s'agissait du chargement et du déchargement de navires. En conséquence, le Conseil a conclu que l'article 34 du Code canadien du travail s'appliquait au travail de chargement et de déchargement effectué au quai de Mobil.

         L'argument fondé sur l'expédition intraprovinciale

[46]          Le premier argument constitutionnel de Offshore n'a pas été plaidé devant le Conseil et a été soulevé pour la première fois devant la Cour. En invoquant cet argument, Offshore fait valoir que le débardage ne relève de la compétence fédérale que dans les cas où l'expédition pertinente est de nature interprovinciale ou internationale. Elle plaide qu'en l'occurrence, les navires chargés et déchargés ne se livrent pas à l'expédition commerciale, mais qu'ils sont affrétés par Mobil et se déplacent exclusivement entre Halifax et les sites de forage extracôtier situés près de l'île de Sable. Offshore affirme que ces activités d'expédition se déroulent entièrement à l'intérieur de la Nouvelle-Écosse, qu'elles relèvent de la compétence législative provinciale et que, par extension, les activités de débardage de Offshore sont assujetties à la compétence législative exclusive de la province et ne sont pas régies par l'article 34 du Code canadien du travail.

[47]          Le paragraphe 91(10) de la Loi constitutionnelle de 867 confère au Parlement fédéral la compétence législative exclusive en matière de navigation et de bâtiments ou navires. Toutefois, en vertu de l'alinéa 92(10)a), une province a le pouvoir exclusif de légiférer en ce qui concerne :

10. Local Works and Undertakings other than such as are of the following Classes: --

a. Lines of Steam or other Ships, Railways, Canals, telegraphs, and other Works and Undertakings connecting the Province with any other or others of the Provinces, or extending beyond the Limits of the Province:

10. Les travaux et entreprises d'une nature locale, autres que ceux énumérés dans les catégories suivantes:

a. Lignes de bateaux à vapeur ou autres bâtiments, chemins de fer, canaux, télégraphes et autres travaux et entreprises reliant la province à une autre ou à d'autres provinces, ou s'étendant au-delà des limites de la province;

[48]          Offshore prétend que l'expédition qui n'est pas de nature interprovinciale ou internationale appartient à la catégorie des travaux et entreprises de nature locale et, partant, que le débardage lié à ce type d'expédition relève aussi de la compétence provinciale.

[49]          Des remarques incidentes formulées dans Eastern appuient la prétention que l'expédition effectuée à l'intérieur des limites d'une province relève de la compétence provinciale :

[Traduction]
... à certains égards, une législature provinciale a compétence sur les passages d'eau ou les navires qui ne relient que certains points situés à l'intérieur de la province, ...(Le juge en chef Kerwin, à la page 535)
On ne peut toutefois l'interpréter comme excluant la compétence provinciale en certaines matières, comme l'expédition intérieure, qui ne sont pas toujours d'intérêt fédéral. (Le juge Taschereau , à la page 542)

Il semble clair que le chargement et le déchargement de navires (qu'on appelle souvent débardage lorsqu'ils ne sont pas effectués par l'équipage) constituent un élément essentiel du transport de marchandises par les eaux. Pour cette raison, j'estime qu'ils relèvent de la compétence législative exclusive du Parlement fédéral en vertu de la disposition 10 de l'article 91 de l'Acte d'Amérique du Nord britannique, intitulé « La navigation et les bâtiments ou navires » , expression qui doit recevoir une interprétation large, comme l'a dit le vicomte Haldane dans l'affaire Montreal Harbour Commissioners 1. Je devrais toutefois ajouter que, exception faite des aspects qui peuvent être reliés à la navigation du navire, les dispositions 10, 13 et 29 de l'article 91 et 10 de l'article 92, combinées, ont pour effet d'exclure de la compétence fédérale l'expédition qui est de nature purement locale, comme c'est le cas des passages d'eau et des navires exploités entièrement à l'intérieur des limites d'une province. (Le juge Abbott, à la page 591) 1 [1926] A.C. 299, à la p. 312.

Dans l'arrêt Agence Maritime Inc. v. Conseil Canadien des Relations Ouvrières, [1969] R.C.S. 851, le juge Fauteux a statué, à la page 728 :

[Traduction] Je vois pas comment le fait de quitter les eaux intérieures pour voyager d'un point à l'autre dans la même province équivaudrait à aller au-delà des limites de la province, au sens du paragraphe 92(10) de l'Acte d'Amérique du Nord britannique et de l'alinéa 53c) de la Lois sur les différends au travail.
Nous devons donc statuer que, selon le dossier tel qu'il est constitué actuellement, les activités maritimes de l'appelante sont de nature intraprovinciale.

     . . .

À mon avis, dans un cas comme celui dont nous sommes saisis et sauf dans la mesure où l'aspect expédition est en cause, les dispositions 91(29) et 92(10)a) et b) ont collectivement pour objectif d'exclure de la compétence du Parlement les entreprises d'expédition maritime qui exercent leurs activités entièrement à l'intérieur des limites d'une seule province.

Cette jurisprudence indique que le débardage lié à l'expédition effectuée entièrement à l'intérieur d'une province n'est pas régi par l'article 34 du Code canadien du travail.

[50]          Comme je l'ai déjà dit, cette question n'a pas été soulevée devant le Conseil. Elle n'a fait l'objet d'aucun avis de question constitutionnelle de la part de Offshore en vertu du paragraphe 57(1) de la Loi sur la Cour fédérale, L.R.C. (1985), ch. F-7. Voici ce paragraphe :

57. (1) Where the constitutional validity, applicability or operability of an Act of Parliament or of the legislature of any province, or of regulations thereunder, is in question before the Court or a federal board, commission or other tribunal, other than a service tribunal within the meaning of the National Defence Act, the Act or regulation shall not be adjudged to be invalid, inapplicable or inoperable unless notice has been served on the Attorney General of Canada and the attorney general of each province in accordance with subsection (2).

57. (1) Les lois fédérales ou provinciales ou leurs textes d'application, dont la validité, l'applicabilité ou l'effet, sur le plan constitutionnel, est en cause devant la Cour ou un office fédéral, sauf s'il s'agit d'un tribunal militaire au sens de la Loi sur la défense nationale, ne peuvent être déclarés invalides, inapplicables ou sans effet, à moins que le procureur général du Canada et ceux des provinces n'aient été avisés conformément au paragraphe (2).

[51]          De plus, le syndicat défendeur affirme que si cette question constitutionnelle avait été soulevée devant le Conseil, le syndicat aurait produit une preuve factuelle qu'il prétend pertinente, afin de démontrer que l'expédition en cause relève de la compétence fédérale. Le syndicat soutient qu'il aurait notamment produit une preuve relative aux obligations réglementaires, aux ententes extracôtières et aux règlements de sécurité pour étayer cette conclusion.

[52]          La question des limites territoriales de la Nouvelle-Écosse dans les eaux contiguës à sont territoire continental est complexe et a des incidences d'une grande portée. Dans l'ouvrage intitulé Constitutional Law of Canada, Loose-leaf Edition (Toronto: Carswell, 1997), le professeur Hogg énonce certaines questions à la page 13-5 :

[Traduction] Une question fondamentale concerne les limites territoriales de la province. De toute évidence, celles-ci sont définies par les frontières de la province2.
En ce qui a trait aux provinces côtières, une question se pose relativement à leur compétence sur les eaux situées au large. Si la définition des frontières d'une province inclut explicitement une partie des eaux au large, cette zone est alors évidemment située dans la province. Si la définition des frontières de la province n'est pas explicite à cet égard, la règle générale veut que le territoire de la province se termine à la laisse de basse mer. Les seules exceptions sont les eaux « intérieures » , comme les havres, les baies, les estuaires et les autres étendues d'eau qui pénètrent dans les terres; ces eaux sont situées dans la province. La mer territoriale et la haute mer (au-delà du plateau continental) ne font pas partie du territoire de la province. Les provinces côtières n'ont donc pas la propriété du fond marin (avec ses minéraux) ni la compétence législative sur la mer territoriale et le plateau continental.

[53]          Voici certaines questions qui se posent en l'espèce :

     1.      Existe-t-il des instruments constitutionnels qui définissent les frontières de la Nouvelle-Écosse dans ses eaux côtières?
     2.      Existe-t-il de la jurisprudence portant sur cette question relativement à la Nouvelle-Écosse?
     3.      Le règle générale portant que la province se termine à la laisse de basse mer s'applique-t-elle?
     4.      Dans l'affirmative, où se trouve la laisse de basse mer par rapport au continent?
     5.      Compte tenu du paragraphe 91(9) de la Loi Constitutionnelle de 1867, qui confère compétence au gouvernement fédéral sur l'île de Sable, celle-ci est-elle située à l'intérieur des frontières territoriales de la Nouvelle-Écosse?
     6.      Dans l'affirmative, où se situe la laisse de basse mer relativement à l'île de Sable?

[54]          Sauf en termes très généraux, il n'existe aucune preuve relativement à l'emplacement exact des sites de forage extracôtier par rapport à une laisse de basse mer quelconque ou aux frontières établies, notamment par des instruments constitutionnels.

[55]          En outre, l'argument de Offshore semble porter que l'expédition qui n'est pas de nature interprovinciale ou internationale appartient à la catégorie des travaux et entreprises de nature locale. Toutefois, le termes de l'alinéa 92(10)a) excluent les « lignes de bateaux à vapeur ou autres bâtiments, ... reliant la province à une autre ou à d'autres provinces, ou s'étendant au-delà des limites de la province » . Bien que l'expédition ne soit pas de nature interprovinciale ou internationale proprement dite, si les sites de forage desservis ne sont pas situés à l'intérieur des limites territoriales de la Nouvelle-Écosse, elle peut s'étendre au-delà des limites de la province. Aucun argument n'a été présenté sur ce point.

[56]          La défenderesse soutient, exemples à l'appui, que dans les cas où une question constitutionnelle n'est pas débattue devant le Conseil, où aucun avis prévu par l'article 57 n'est donné relativement à la procédure devant le Conseil et où des faits évidents de nature constitutionnelle ne sont pas versés au dossier, elle subit un préjudice du fait qu'elle n'est pas au courant de la question constitutionnelle et il serait irrégulier que la Cour, de novo, prétende trancher la question. Dans l'arrêt Eaton c. Conseil scolaire du comté de Brant, [1997] 1 R.C.S. 241, le juge Sopinka a expliqué pourquoi il est essentiel que la Cour suprême puisse compter sur un dossier issu d'un examen approfondi des questions constitutionnelles devant la cour ou le tribunal d'où émane l'appel. Il a dit ce qui suit, à la page 264 :

L'objectif de l'art. 109 [de la Loi sur les tribunaux judiciaires de l'Ontario, qui est essentiellement le même que celui de l'article 57 de la Loi sur la Cour fédérale] est évident. Dans notre démocratie constitutionnelle, ce sont les représentants élus du peuple qui adoptent les lois. Bien que les tribunaux aient reçu le pouvoir de déclarer invalides les lois qui contreviennent à la Charte et qui ne sont pas sauvegardées en vertu de l'article premier, c'est un pouvoir qui ne doit être exercé qu'après que le gouvernement a vraiment eu l'occasion d'en soutenir la validité. Annuler par défaut une disposition législative adoptée par le Parlement ou une législature causerait une injustice grave non seulement aux représentants élus qui l'ont adoptée mais également au peuple. En outre, devant notre Cour, qui a la responsabilité ultime de déterminer si une loi contestée est inconstitutionnelle, il est important que, pour rendre cette décision, nous disposions d'un dossier qui résulte d'un examen en profondeur des questions constitutionnelles soulevées devant les cours ou le tribunal dont les jugements sont portés en appel.

[57]          Bien que ces remarques du juge Sopinka concernent la Charte et la Cour suprême, je pense qu'elles s'appliquent également à la question constitutionnelle du partage des compétences et à la Cour d'appel fédérale. Le but premier du contrôle judiciaire est de contrôler des décisions, et non pas de trancher, par un procès de novo, des questions qui n'ont pas été examinées de façon adéquate sur le plan de la preuve devant le tribunal. Voir Gitxsan Treaty Society c. Hospital Employees' Union, [2000] 1 C.F. 135, au paragraphe 15.

[58]          Offshore affirme que, comme la compétence provinciale est la règle et la compétence fédérale l'exception en matière de relations du travail, c'est au syndicat, qui invoquait la compétence fédérale d'exception, qu'il incombait de prouver les faits constitutionnels nécessaires pour que l'exception entre en jeu et que, à défaut d'une telle preuve, la compétence provinciale exclusive doit être respectée. Il se peut bien que ce soit la partie qui veut faire valoir la compétence fédérale d'exception qui ait le fardeau d'établir qu'elle s'applique. Toutefois, ce fardeau n'entre en jeu que si la partie qui veut soulever une question constitutionnelle la soulève effectivement. Sans trancher la question de savoir si l'article 57 de la Loi sur la Cour fédérale est impératif en pareille situation, soulignons que l'un des effets bénéfiques de l'avis prévu par l'article 57, outre le fait d'aviser les procureurs généraux, est d'aviser les parties opposées qu'une question constitutionnelle donnée est en litige. La formule 69 de la Cour fédérale exige que les faits pertinents à l'origine de la question constitutionnelle soient exposés, ainsi que le fondement juridique de la question constitutionnelle. C'est à Offshore qu'il revenait de soulever l'inapplicabilité de l'article 34 du Code canadien du travail au regard de l'alinéa 92(10)a) de la Loi constitutionnelle de 1867 si elle le désirait. Elle l'a soulevée devant la Cour, mais pas devant le Conseil.

[59]          Par conséquent, cette question n'était pas en litige devant le Conseil. La preuve pertinente n'a pas été produite. Le Conseil ne s'est pas prononcé sur la question et on demande maintenant à la Cour de la trancher de novo et à partir d'un dossier incomplet. J'estime que les remarques suivantes formulées par le juge Dickson, dans Northern Telecom c. Travailleurs en communication, [1980] 1 R.C.S. 115, aux pages 140 et 141, sont pertinentes en l'espèce :

Telecom n'a pas soulevé la question constitutionnelle devant le Conseil; elle n'a pas non plus prétendu que le Conseil manquait de données de base essentielles pour conclure qu'il était compétent. En l'absence de toute contestation sérieuse de sa compétence, le Conseil a rapidement tranché la question et présumé qu'il était compétent. Par son attitude, Telecom a effectivement privé la Cour siégeant en révision de la preuve des faits essentiels pour parvenir à une conclusion valable sur la question constitutionnelle.
Après une analyse poussée des treize volumes de la preuve, un dossier que la Cour n'avait pas lors de l'autorisation d'appel, je conclus que la Cour n'est pas en mesure de trancher nettement la question constitutionnelle. Ce sera donc pour une autre fois et je suis en conséquence d'avis de rejeter le pourvoi pour l'unique motif que d'après le dossier, l'appelante n'a pas réussi à démontrer que le Conseil canadien des relations de travail avait commis une erreur donnant lieu à l'annulation de sa décision.

Il ne conviendrait pas, dans les circonstances, que la Cour tranche la question constitutionnelle touchant le caractère intraprovincial de l'expédition.

         La prospection gazière et pétrolière extracôtière

[60]          Offshore fait ensuite valoir une série d'arguments constitutionnels relativement aux activités de prospection gazière et pétrolière extracôtière de Mobil. Ses arguments s'appuient sur la prémisse voulant que Offshore relève elle-même de la compétence provinciale en matière de relations du travail, à moins qu'elle ne relève de la compétence fédérale en raison de son lien avec l'entreprise gazière et pétrolière extracôtière pour laquelle ses services ont été retenus par Mobil. Offshore affirme d'abord que la prospection gazière et pétrolière relève de la compétence provinciale et que, partant, le lien de Offshore avec cette industrie ne la placerait pas sous la compétence fédérale en matière de relations du travail. Son deuxième argument porte que, même si la prospection gazière et pétrolière relève de la compétence fédérale, les activités de Offshore ne constituent pas une partie essentielle ou intégrante de cette entreprise. Troisièmement, elle plaide qu'il ne convenait pas que le Conseil sépare les activités exercées par Offshore au quai de Mobil, de celles qu'elle exerce à la cour de tuyaux, que l'essentiel des ses activités se déroulent à la cour de tuyaux et qu'aucune preuve n'a été produite devant le Conseil, selon laquelle les activités exercées au quai et à la cour de tuyaux pourraient être séparées. Étant donné que les activités exercées au quai , par Offshore ne peuvent pas être séparées, toutes les activités de Offshore doivent continuer de relever de la compétence provinciale en matière de relations du travail.

[61]          En ce qui concerne le fait que la prospection pétrolière et gazière relèverait de la compétence législative provinciale, et non fédérale, aucun avis prévu par l'article 57 n'a été donné relativement à la procédure devant le Conseil, comme je l'ai déjà mentionné. Offshore avoue que la [Traduction] « compétence résiduelle sur le droit à la prospection et à l'exploitation des ressources naturelles au large des côtes des provinces de Terre-Neuve et de la Colombie-Britannique appartient au Parlement » , mais elle affirme que cette question n'a pas été tranchée relativement aux ressources naturelles qui se trouvent au large des côtes de la Nouvelle-Écosse. Non seulement aucun argument ne semble avoir été plaidé à cet égard devant le Conseil, mais encore pratiquement aucun tel argument n'a été exposé non plus à la Cour. Il s'agit d'une question constitutionnelle importante. Les faits constitutionnels démontrant que la situation de la Nouvelle-Écosse est semblable ou non à celle de Terre-Neuve et de la Colombie-Britannique n'ont pas été exposés à la Cour. Il serait imprudent de la part de la Cour d'essayer de trancher cette question dans un tel vide factuel et juridique, comme dans le cas de l'argument portant sur le caractère intraprovincial de l'expédition.

[62]          Le deuxième argument de Offshore porte que ses activités ne constituent pas une partie essentielle ou intégrante de la prospection gazière et pétrolière extracôtière. Or, l'entente concernant la gestion de la base de ravitaillement signée par Offshore et Mobil stipule que Offshore s'engage à [Traduction] « fournir tous les services et l'équipement requis pour gérer et exploiter une base de ravitaillement située à Darmouth (Nouvelle-Écosse) » , pour le Sable Offshore Energy Project. Il paraît évident que le forage extracôtier ne peut se faire sans qu'un navire transporte des fournitures, du matériel et de l'équipement entre le continent et les sites de forage extracôtier. Offshore prépare et organise les fournitures, le matériel et l'équipement à la cour de tuyaux, et elle les charge sur les navires et les décharge au quai de Mobil Peu importe qu'on considère ou non les activités exercées par Offshore au quai de Mobil comme du débardage lié au transport maritime, les activités de forage extracôtier ne pourraient se poursuivre sans les services fournis par Offshore. Ces services doivent être considérés essentiels à la prospection pétrolière et gazière aux fins de laquelle ils sont fournis.

[63]          L'argument de Offshore concernant la séparation des activités ne peut pas non plus être retenu. Le syndicat a demandé l'accréditation des activités exercées par Offshore au quai, mais non à la cour de tuyaux. Il était implicite dans sa demande qu'il demandait au Conseil de séparer les activités selon qu'elles étaient exercées au quai ou à la cour de tuyaux aux fins des relations du travail.

[64]          Le syndicat a présenté au Conseil une bande vidéo des activités de Offshore au quai de Mobil. Ses témoins ont dit que le travail effectué par Offshore au quai était essentiellement identique au travail de débardage effectué par les membres du syndicat à d'autres endroits, au port de Halifax.

[65]          Compte tenu de la preuve qui lui a été présentée, le Conseil a conclu que le contexte du travail effectué au quai était différent de celui du travail effectué à la cour de tuyaux. Voici ce qu'a dit le Conseil, au paragraphe 67 de ses motifs :

[67] Les activités de Offshore dans leur ensemble peuvent être séparées de celles de Mobil. Le travail au quai est encore plus clairement dissociable. Il ne fait aucun doute que si Offshore devait servir d'autres clients, rien dans l'organisation de l'entreprise ou dans les autres ententes, y compris les ententes contractuelles en vertu desquelles le travail est exécuté, n'interdirait une telle participation de l'extérieur. Offshore est une entreprise distincte. Son travail au quai, qui fait l'objet de la présente demande, est différent au niveau du contenu du travail de la cour de tuyaux. Bien que le travail effectué à la cour de tuyaux puisse être considéré comme de nature logistique, préparatoire et organisationnelle, le travail au quai vise surtout l'objectif du transport maritime des marchandises expédiées.

[66]          Rien dans la plaidoirie présentée à la Cour ne laisse croire que le Conseil a commis une erreur en séparant les activités de Offshore au quai de Mobil de ses activités à la cour de tuyaux aux fins des relations du travail. Offshore fait valoir que cette séparation ne doit être faite que dans les cas où les activités ne sont pas intégrées, au sens fonctionnel ou commercial, et que le Conseil ne disposait d'aucune preuve qui laisserait entendre que les activités au quai et à la cour de tuyaux pourraient être séparées. Toutefois, une preuve établissait la similitude entre le travail effectué au quai par Offshore et d'autre activités de débardage, par contraste avec le travail effectué à la cour de tuyaux. L'entente de gestion de la base de ravitaillement précise le type d'activités exercées au quai, soit le chargement et le déchargement de navires, et à la cour de tuyaux, soit le remplissage et le vidage de conteneurs, des activités d'ingénierie et de construction, ainsi que le traitement et la documentation du matériel, etc.

[67]          Comte tenu de la séparation implicite dans la demande du syndicat, s'il existait des éléments de preuve établissant que les activités de Offshore étaient intégrées, au sens fonctionnel et commercial, de sorte qu'il serait inopportun de les séparer aux fins des relations du travail, j'estime que c'est à Offshore qu'il incombait de s'assurer que cette preuve soit produite devant le Conseil. Après tout, c'est Offshore qui connaît le mieux sa propre entreprise. En l'absence d'une telle preuve, je ne suis pas en mesure d'affirmer que le Conseil a commis une erreur en séparant les activités exercées par Offshore au quai de ses activités à la cour de tuyaux.

DISPOSITIF

[68]          L'appel sera rejeté avec dépens.

     « Marshall Rothstein »

     J.C.A.

Je souscris à ces motifs,

A.M. Linden J.C.A.

Je souscris à ces motifs,

B. Malone J.C.A.

Traduction certifiée conforme



Suzanne M. Gauthier, LL.L., Trad. a.

COUR FÉDÉRALE DU CANADA

SECTION D'APPEL


AVOCATS ET AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


NUMÉRO DU GREFFE :          A-425-99
INTITULÉ DE LA CAUSE :      OFFSHORE LOGISTICS INCORPORATED

                     et

                     HALIFAX LONGSHOREMEN'S ASSOCIATION et autres

LIEU DE L'AUDIENCE :          Montréal (Québec)
DATE DE L'AUDIENCE :          le 22 juin 2000

MOTIFS DU JUGEMENT PRONONCÉS PAR LE JUGE ROTHSTEIN

Y ONT SOUSCRIT :          LE JUGE LINDEN

                     LE JUGE MALONE

EN DATE DU :              17 juillet 2000

ONT COMPARU :

Me Richard Charney              POUR LA DEMANDERESSE
Me Ronald Pink                  POUR LA DÉFENDERESSE
Me Renée Caron                  POUR L'INTERVENANT

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Ogilvy Renault              POUR LA DEMANDERESSE

Toronto (Ontario)

Pink Breen Larkin              POUR LA DÉFENDERESSE

Halifax (Nouvelle-Écosse)

Conseil canadien des relations industrielles      POUR L'INTERVENANT

Ottawa (Ontario)

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1La demande incluait à l'origine d'autres employeurs en plus de Offshore, mais les autres entreprises ont été rayées pendant la procédure devant le Conseil.

2On peut vérifier où se situent les frontières d"une province en consultant les instruments qui ont servi à créer ou à définir la province à l'origine, les conditions de l'union au Canada, le cas échéant, les modifications des frontières effectuées après la Confédération en vertu de l'art. 3 de la Loi constitutionnelle de 1871 et la jurisprudence sur les frontières, p. ex. Re Labrador Boundary [1927] 2 D.L.R. 401 (C.P.); Re Offshore Mineral Rights of B.C. [1967] R.C.S. 792; Renvoi relatif à la propriété du lit du détroit de Géorgie et des régions avoisinantes, [1984] 1 R.C.S. 388.

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