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                                                                                                                                 Date : 20040511

                                                                                                                             Dossier : A-654-02

                                                                                                                Référence : 2004 CAF 188

CORAM :       LE JUGE STONE

LE JUGE NADON

LA JUGE SHARLOW

ENTRE :

                                                               JACK D. HOLDER

                                                                                                                                               appelant

                                                                             et

                                                          SA MAJESTÉ LA REINE

                                                                                                                                                  intimée

                                       Audience tenue à Toronto (Ontario), le 11 mai 2004

                             Jugement rendu à l'audience à Toronto (Ontario), le 11 mai 2004

MOTIFS DU JUGEMENT DE LA COUR :                                              LA JUGE SHARLOW


                                                                                                                                 Date : 20040511

                                                                                                                             Dossier : A-654-02

                                                                                                                Référence : 2004 CAF 188

CORAM :       LE JUGE STONE

LE JUGE NADON

LA JUGE SHARLOW

ENTRE :

                                                               JACK D. HOLDER

                                                                                                                                               appelant

                                                                             et

                                                          SA MAJESTÉ LA REINE

                                                                                                                                                  intimée

                                           MOTIFS DU JUGEMENT DE LA COUR

                                (Prononcés à l'audience à Toronto (Ontario), le 11 mai 2004)

LA JUGE SHARLOW

[1]                Il s'agit d'un appel d'un jugement de la Cour de l'impôt dans lequel il a été décidé que l'appelant était assujetti à l'impôt sur un gain en capital réputé de 75 000 $ relativement aux actions de sa société. Les motifs du jugement sont publiés : Holder c. Canada, [2003] 3 C.T.C. 2114, 2002 D.T.C. 1991 (C.C.I.).


[2]                M. Holder a commis l'erreur de produire un formulaire de choix au titre du paragraphe 110.6(19) de la Loi de l'impôt sur le revenu, L.R.C. 1985, ch. 1 (5e suppl.). Cette disposition a été édictée pour que soit accordé un certain allégement fiscal aux particuliers en raison de l'élimination de l'exemption pour gains en capital provenant des dispositions faites après le 22 février 1994. Le paragraphe 110.6(19) permettait à des particuliers de choisir de reconnaître, aux fins d'impôt sur le revenu, certains gains en capital accumulés mais non pas réalisés en date du 22 février 1994. En faisant le choix relatif aux gains en capital, ils pouvaient bénéficier des avantages d'un tel choix et n'être imposés que pour les gains accumulés et réalisés après cette date.

[3]                En général, l'effet du choix dans le cas le plus simple est que le bien choisi est réputé avoir fait l'objet d'une disposition en 1994 pour un montant choisi. Le bien est alors réputé avoir été racheté au montant choisi si bien que le même gain n'est pas imposé à nouveau lorsque le bien fait finalement l'objet d'une disposition. Il existe de nombreuses situations plus compliquées qui nécessitent des rajustements relativement au produit de disposition réputé et au coût réputé. L'une d'elle résulte de la disposition spéciale sur les choix relatifs à un _ immeuble non admissible _, notion qui est définie au paragraphe 110.6(1). Une autre situation compliquée survient lorsque le montant choisi dépasse 11/10 de la juste valeur marchande du bien au 22 février 1994.


[4]                En l'espèce, le choix fait par M. Holder avait trait aux actions d'une société. Malheureusement pour M. Holder, les actions de sa société étaient visées par la définition d'_ immeuble non admissible _, parce que la juste valeur marchande des actions provenait principalement d'un bien immeuble, un petit mail linéaire à London (Ontario) qui n'était pas utilisé dans le cadre d'une entreprise exploitée activement par la société. M. Holder n'aurait donc pas dû faire de choix relativement à ses actions parce qu'elles ne pouvaient faire l'objet d'un tel choix. Cela a été sa première erreur.

[5]                M. Holder a choisi un montant de 50 010 $ pour ses actions. Sur le formulaire de choix, M. Holder a affirmé que la juste valeur marchande des actions était de 50 000 $ et que leur prix de base rajusté était de 10 $. En fait, les actions n'avaient qu'une juste valeur marchande nominale. Il a donc choisi un montant qui était trop élevé. Cela a été sa deuxième erreur.

[6]                Le ministre a conclu, et le juge de la Cour de l'impôt est d'accord avec lui sur ce point, que le choix était valide et qu'on devait lui faire produire son effet juridique même si M. Holder avait commis des erreurs lorsqu'il avait produit son formulaire de choix. Nous souscrivons à cette conclusion. Il est bien établi que si le choix était valide, il ne pouvait être révoqué en application de l'alinéa 110.6(28)a).

[7]                Cependant, en toute déférence, nous devons exprimer notre désaccord avec le juge de la Cour de l'impôt sur l'autre question soulevée dans le présent appel, savoir l'effet du paragraphe 4(4) de la Loi de l'impôt sur le revenu (abrogé et remplacé par le paragraphe 248(28), qui est entré en vigueur le 19 juillet 1995). À l'époque pertinente, le paragraphe 4(4) était rédigé comme suit :


4(4). Sauf intention contraire évidente, les dispositions de la présente partie n'ont pas pour

effet d'exiger l'inclusion ou de permettre la déduction, directement ou indirectement, d'une somme dans le calcul du revenu d'un contribuable pour une année d'imposition ou du revenu ou de la perte du contribuable pour une année d'imposition, provenant d'une source déterminée ou de sources situées dans un endroit déterminé, dans la mesure où cette somme a été incluse ou déduite, directement ou indirectement, dans le calcul de ce revenu ou de cette perte pour l'année ou pour une année d'imposition antérieure, en application d'une autre disposition de la présente partie.

4(4). Unless a contrary intention is evident, no provision of this Part shall be read or construed to require the inclusion or to permit the deduction, either directly or indirectly, in computing a taxpayer's income for a taxation year or the taxpayer's income or loss for a taxation year from a particular source or from sources in a particular place, of any amount to the extent that that amount has been directly or indirectly included or deducted, as the case may be, in computing such income or loss for the year or any preceding taxation year under, in accordance with or because of any other provision of this Part.

[8]                Les erreurs commises par M. Holder lorsqu'il a fait son choix ont déclenché l'application de l'alinéa 110.6(21)b) et du paragraphe 110.6(22) et, partant, celle des alinéas 53(2)u) et v). Chacun des alinéas 53(2)u) et v), interprété littéralement comme l'a fait le ministre, exigeait que le prix de base rajusté des actions de M. Holder en 1994 soit réduit de 50 000 $, pour un total de 100 000 $. Cela a entraîné un prix de base rajusté négatif, ce qui, en application du paragraphe 40(3), a donné lieu à un gain en capital imposable de 75 000 $ pour M. Holder en 1994.

[9]                Chacun des deux rajustements donne lieu, en substance, au même gain en capital que celui que M. Holder croyait être en droit de produire en faisant son choix. Il a été plaidé pour le compte de M. Holder que cette double réduction du prix de base rajusté des actions de M. Holder, conjuguée à l'application du paragraphe 40(3), contrevenait au paragraphe 4(4).


[10]            Le juge de la Cour de l'impôt a conclu que le paragraphe 4(4) ne s'appliquait pas en l'espèce en raison d'une _ intention contraire évidente _. Il a fondé cette conclusion sur le fait que le paragraphe 53(2) traitait différemment les deux rajustements (c'est-à-dire le rajustement au titre de l'alinéa 110.6(21)b) et celui au titre du paragraphe 110.6(22)); il ne s'agissait donc pas à son avis de la « même somme » . Nous ne pouvons tirer la même conclusion.

[11]            Vu les faits de l'espèce, les rajustements au titre de l'alinéa 110.6(21)b) et du paragraphe 110.6(22) sont identiques. Ils sont du même montant et résultent d'un même événement. Sa Majesté soutient que l'un des rajustements vise à l'imposition d'un gain en capital réputé sur un bien qui ne peut faire l'objet d'un choix au titre du paragraphe 110.6(19), et que l'autre rajustement est censé être une pénalité dont le but est de dissuader les contribuables de choisir un montant trop élevé.


[12]            C'est possible, mais le fait que deux dispositions législatives ont des objectifs différents ne peut, en soi, justifier une conclusion selon laquelle une double imposition est envisagée. Les deux dispositions sont d'application générale. La double imposition est possible, mais il ne s'agit pas de la conséquence inévitable de l'effet conjugué des deux dispositions. Il nous semble donc déraisonnable de conclure que le législateur voulait que les deux dispositions s'appliquent à la situation de M. Holder. De toute évidence, il n'y a rien dans le libellé ni dans le contexte des dispositions en cause qui prouve que le législateur envisageait d'écarter la présomption contre la double imposition contenue au paragraphe 4(4).

[13]            Pour ces motifs, le présent appel sera accueilli avec dépens devant notre Cour et devant la Cour de l'impôt. L'affaire sera renvoyée au ministre pour qu'il établisse une nouvelle cotisation en conformité avec les présents motifs.

_ Karen R. Sharlow _

Juge

Traduction certifiée conforme

Julie Boulanger, LL.M.


                                                     COUR D'APPEL FÉDÉRALE

                                              AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                                           A-654-02

INTITULÉ :                                                          JACK D. HOLDER

c.

SA MAJESTÉ LA REINE

LIEU DE L'AUDIENCE :                                    TORONTO (ONTARIO)

DATE DE L'AUDIENCE :                                  LE 11 MAI 2004

MOTIFS DU JUGEMENT DE

LA COUR :                                                          (LES JUGES STONE, NADON ET SHARLOW)

PRONONCÉS À L'AUDIENCE

PAR :                                                                     LA JUGE SHARLOW

COMPARUTIONS :

Douglas D. Langley                                                 POUR L'APPELANT

Shatru Ghan                                                            POUR L'INTIMÉE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Wilson Vukelich                                                      POUR L'APPELANT

Markham (Ontario)

Morris Rosenberg                                                    POUR L'INTIMÉE

Sous-procureur général du Canada


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