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Date : 20001109


Dossier : A-80-99

OTTAWA (ONTARIO), LE 9 NOVEMBRE 2000


CORAM :      LE JUGE LINDEN

         LE JUGE EVANS

         LE JUGE MALONE

ENTRE :


     SA MAJESTÉ LA REINE

     appelante

     - et -


     ROBERT B. FURUKAWA

     intimé


JUGEMENT

     L'appel est rejeté avec dépens.





« A.M. Linden »

J.C.A.

Traduction certifiée conforme



Suzanne M. Gauthier, LL.L., Trad. a.




Date : 20001109


Dossier : A-80-99


CORAM :      LE JUGE LINDEN

         LE JUGE EVANS

         LE JUGE MALONE

ENTRE :


     SA MAJESTÉ LA REINE

     appelante

     - et -


     ROBERT B. FURUKAWA

     intimé






     Audience tenue à Calgary (Alberta), le jeudi 12 octobre 2000

     Jugement rendu à Ottawa (Ontario), le jeudi 9 novembre 2000.




MOTIFS DU JUGEMENT PRONONCÉS PAR :      LE JUGE EVANS

Y ONT SOUSCRIT :      LE JUGE LINDEN

     LE JUGE MALONE





Date : 20001109


Dossier : A-80-99


CORAM :      LE JUGE LINDEN

         LE JUGE EVANS

         LE JUGE MALONE

ENTRE :


     SA MAJESTÉ LA REINE

     appelante

     - et -


     ROBERT B. FURUKAWA

     intimé


     MOTIFS DU JUGEMENT

LE JUGE EVANS

A.      INTRODUCTION

[1]          Il s'agit d'un appel interjeté par la Couronne d'une décision par laquelle la Cour canadienne de l'impôt (99 D.T.C. 474) a accueilli un appel formé par Robert B. Furukawa à l'encontre d'un avis de cotisation pour l'année d'imposition 1992. La Cour a statué que le ministre avait eu tort de refuser une déduction de 7 500 $ dont le contribuable entendait se prévaloir relativement à un placement effectué dans le but de financer les activités d'exploration pétrolière et gazière de Lumberton Mines Limited.

[1]          Le contribuable affirmait avoir acquis des actions de Lumberton qui constituaient des « actions accréditives » au sens de la Loi de l'impôt sur le revenu et avoir, en conséquence, le droit de déduire 7 500 $ dans le calcul de son impôt sur le revenu, ce montant correspondant à la partie des frais d'exploration de la société auxquels celle-ci avait renoncé en sa faveur. Le ministre a refusé la déduction de M. Furukawa au motif que les investisseurs s'étaient vu offrir d'autres avantages, en sus des actions de Lumberton, de sorte que les actions constituaient des « actions exclues » qui n'entraient donc pas dans la définition des « actions accréditives » figurant dans la loi.

[1]          La seule question en litige en l'espèce consiste à déterminer si ces avantages additionnels « ... peuvent raisonnablement être considérés comme ... un remboursement ou une remise par la société ... de tout ou partie de la contrepartie pour l'action émise ... » au sens des sous-alinéas 6202.1(1)b)(iii) et (iv) du Règlement de l'impôt sur le revenu.

[1]          Le juge de la Cour de l'impôt a statué que ces avantages ne pouvaient pas être considérés ainsi. En conséquence, comme les actions n'étaient pas des « actions exclues » , elles constituaient des « actions accréditives » et le contribuable avait droit à la déduction de 7 500 $. Le ministre a porté cette décision en appel devant notre Cour.

B.      LE CONTEXTE FACTUEL

[1]          L'affaire a été plaidée à partir d'un exposé conjoint des faits, dont voici une brève description. Au début de l'année 1991, Lumberton a préparé un « résumé » offrant des « unités » à des investisseurs éventuels dans un placement privé de 3 000 000 $ visant à financer les activités d'exploration pétrolière et gazière que Lumberton devait entreprendre. En mai 1991, M. Furukawa a acheté une participation d'un quart d'unité pour la somme de 7 500 $, avec un groupe comprenant trois autres investisseurs qui a acheté deux unités au total.

[1]          Lumberton a ensuite émis 15 000 de ses actions à M. Furukawa, ce qui correspondait à sa part des 120 000 actions de Lumberton promises aux souscripteurs du placement privé à des fins de financement qui acquéraient deux unités. Les 120 000 actions avaient une valeur attribuée de 60 000 $. Lumberton a dépensé la totalité du produit de la vente des unités en frais d'exploration au Canada (FEC), auxquels elle a renoncé en faveur des détenteurs d'unités; elle a notamment renoncé à des FEC de 7 500 $ en faveur de M. Furukawa, cette somme correspondant au montant qu'il avait investi.

[1]          Dans son « résumé » , Lumberton n'offrait pas seulement aux investisseurs qui acquéraient deux unités de leur émettre 120 000 de ses actions, mais convenait aussi de leur fournir les avantages suivants :

     (i) un terrain à bâtir d'un quart d'acre au Palmer Bar Golf Course, une fois celui-ci aménagé, d'une valeur attribuée de 50 000 $;
     (ii) deux laissez-passer à vie au Palmer Bar Golf Course, une fois celui-ci aménagé, d'une valeur attribuée de 20 000 $;

    

     (iii) une participation de 1,4 p. 100 dans le pipeline Grassy, au nord-est de la Colombie-Britannique, à une valeur escomptée de 15 p. 100, d'une valeur attribuée de 134 400 $.

[1]          Ainsi, pour un investissement de 60 000 $, on promettait à l'acquéreur de deux unités des avantages d'une valeur attribuée de 240 000 $. En sa qualité d'acquéreur d'un huitième de deux unités, M. Furukawa avait droit à une part proportionnelle des avantages totaux, y compris, bien sûr, les actions de Lumberton. Toutefois, les parties ont convenu que la valeur attribuée du terrain à bâtir, des laissez-passer et de la participation dans le pipeline n'était pas exacte.

[1]          Dans une lettre adressée aux souscripteurs d'unités en date du 3 décembre 1992, Lumberton a fourni des renseignements sur la situation existante concernant les différentes composantes des unités. Elle révélait que Provident Ventures Corporation, une société d'aménagement immobilier dans laquelle Lumberton détenait une participation, avait conclu une entente avec Lumberton en vertu de laquelle elle devait fournir suffisamment de laissez-passer pour le terrain de golf pour que Lumberton satisfasse à ses obligations envers les détenteurs d'unités. De plus, les allées du parcours de golf avaient été [Traduction] « grossièrement dégagées » et Provident avait entamé des discussions préliminaires avec d'autres personnes pour obtenir un capital de 2,4 millions de dollars afin d'achever le parcours de golf. Entre temps, aucune exploitation minière n'était effectuée sur les terrains destinés à être utilisés pour le parcours de golf et les terrains à bâtir, que Provident s'était engagée envers Lumberton à fournir pour satisfaire aux obligations de Lumberton envers les détenteurs d'unités.

[1]          En ce qui concerne la participation dans le pipeline Grassy, cette lettre mentionnait que Lumberton avait perçu des recettes qu'elle avait distribuées aux souscripteurs. De plus, elle annonçait que le pipeline Husky était maintenant raccordé au pipeline Grassy et que l'augmentation du débit qui en découlait laissait prévoir la perception de recettes tarifaires importantes pendant une longue période, à condition qu'aucun problème d'eau ne survienne aux puits Husky.

[1]          Une copie de cette lettre a été transmise à la Commission des valeurs mobilières de l'Alberta, qui enquêtait sur Lumberton relativement à des contraventions possibles à la législation régissant les valeurs mobilières. Ces contraventions découlaient notamment d'exposés inexacts dans le « résumé » concernant le placement privé à des fins de financement de 1991. Dans le cadre du règlement ultérieur de ce litige, Lumberton devait offrir aux investisseurs de racheter leurs actions à des conditions énoncées dans la lettre du 3 décembre 1992, selon lesquelles les investisseurs devaient notamment renoncer à leur droit de recevoir les avantages qu'on leur avait offerts lorsqu'ils avaient acheté les unités.

[1]          En raison du règlement conclu entre la Commission des valeurs mobilières de l'Alberta et Lumberton, la société n'a jamais livré la plupart des avantages promis. Ainsi, le Palmer Bar Golf Course n'a jamais été achevé et Provident, la société d'aménagement, s'est réorientée vers la commercialisation d'eau embouteillée. L'intimé a néanmoins reçu 7,81 $ en 1991 au titre de sa part des recettes du pipeline Grassy et une somme de 125 $ au total pour les trois années pendant lesquelles il a conservé ses unités.

[1]          M. Furukawa a rejeté l'offre que Lumberton lui a faite en 1992, mais il en a accepté une autre en 1994, en vertu de laquelle il a reçu des actions de Bearcat Explorations Ltd., la société mère de Lumberton. En échange, il s'est départi de ses actions de Lumberton et il a renoncé, sans frais, à son droit de se voir attribuer une participation dans le pipeline Grassy et de recevoir des laissez-passer pour le golf et un terrain à bâtir.

[1]          M. Furukawa n'était pas tout à fait étranger aux affaires de Lumberton et des sociétés liées à Lumberton. Il était trésorier et administrateur de Lumberton, ainsi que président et administrateur de Provident, dont les actions étaient négociées dans le public. Comme je l'ai déjà mentionné, Provident avait conclu des ententes avec Lumberton dans le but d'aménager le parcours de golf et de fournir les terrains à bâtir. De plus, il était administrateur de Bearcat, qui possédait une participation de 78 p. 100 dans Lumberton.



C.      LA DÉCISION DE LA COUR DE L'IMPÔT

[1]          L'affaire a une longue histoire, qu'il est inutile d'exposer ici. Il est toutefois pertinent de mentionner que la décision dont appel a été rendue en vertu d'une ordonnance par laquelle notre Cour a annulé une décision de feu le juge Sobier de la C.C.I. ([1996] 2 C.T.C. 2641), accueillant l'appel formé par le contribuable à l'encontre de son avis de cotisation pour l'année 1992. La Cour a ordonné la poursuite de l'instruction devant la Cour de l'impôt afin que soit tranchée la question dont la Cour est saisie aujourd'hui, c'est-à-dire, la question de savoir si les actions de Lumberton constituaient des « actions exclues » au sens du paragraphe 6202.1(1) du Règlement.

[1]          Dans la décision dont appel, le juge de la Cour de l'impôt a statué que le « résumé » imposait à Lumberton l'obligation juridique de transférer un bien ou de conférer un avantage à M. Furukawa, bien que cette obligation soit conditionnelle. Par conséquent, les actions de Lumberton satisfaisaient au premier élément de la définition légale des « actions exclues » .

[1]          En ce qui a trait à la question de savoir si les actions satisfaisaient aussi au deuxième volet de la définition, le juge a affirmé que le critère applicable était objectif (décision précitée, page 478, paragraphe 17) :

Il faut se demander si une personne raisonnable évaluant les circonstances estimerait que les éléments accessoires représentaient une remise de la contrepartie versée pour les actions.

[1]          Il a appliqué ce critère, en soulignant que les avantages n'avaient « guère de valeur intrinsèque » . Voici ce qu'il a dit (ibidem) :

.... un examen de ses états financiers indique clairement que la Lumberton n'était pas en mesure de remplir l'obligation à ce moment ni dans un avenir proche ou raisonnable. Donc, une personne raisonnable accorderait probablement peu d'importance aux éléments accessoires dans l'ensemble de l'arrangement. D'un point de vue réaliste, la personne ne s'attendrait guère à bénéficier des clauses attrayantes.

[1]          Par conséquent, il a conclu que les actions n'étaient pas des « actions exclues » et il a accueilli l'appel formé par le contribuable à l'encontre du refus du ministre de permettre la déduction de la part des FEC de Lumberton à laquelle celle-ci avait renoncé en faveur de M. Furukawa.

D.      LE RÉGIME LÉGISLATIF

[1]          Je reproduis ci-dessous la seule disposition législative directement pertinente pour trancher l'appel.

Règlement de l'impôt sur le revenu, CRC 1978, ch. 945, article 6202.1

(1) For the purposes of paragraph 66(15)(d.1) of the Act, a share of a class of the capital stock of a corporation (in this section referred to as the "issuing corporation") is a prescribed share if it was issued after December 31, 1982 and

     ...

(b) any person or partnership has, either absolutely or contingently, an obligation (other than an excluded obligation in relation to the share)

     ...

(iii) to transfer property, or

(iv) otherwise to confer a benefit by any means whatever, including the payment of a dividend,

either immediately or in the future, that may reasonably be considered to be, directly or indirectly, a repayment or return by the corporation or a specified person in relation to the corporation of all or part of the consideration for which the share was issued or for which a partnership interest was issued in a partnership that acquires the share;

(1) Pour l'application de l'alinéa 66(15)d.1) de la Loi, est une action exclue l'action d'une catégorie du capital-actions d'une société -- appelée « _société émettrice_ » au présent article -- qui est émise après le 31 décembre 1982, si_:

     ...

b) une personne ou une société de personnes a l'une des obligations suivantes, conditionnelles ou non, immédiates ou futures (à l'exception d'une obligation exclue relative à l'action), qu'il est raisonnable de considérer comme étant, directement ou indirectement, un remboursement ou une remise par la société ou par une personne apparentée à celle-ci de tout ou partie de la contrepartie pour l'action émise ou la participation dans la société de personnes qui acquiert l'action_:

     ...

(iii) transférer un bien,

(iv) conférer par ailleurs un avantage, de quelque façon que ce soit, y compris le versement d'un dividende;

E.      ANALYSE

     (i) L'omission de tenir compte d'un élément de preuve pertinent

[1]          L'avocat du ministre a soutenu que le juge de la Cour de l'impôt a commis l'erreur de droit suivante : lorsqu'il a conclu quant aux faits qu'il n'était pas « raisonnable de considérer » les avantages comme la remise d'une partie de la contrepartie, il s'est reporté uniquement aux états financiers de Lumberton comme preuve qu'il était improbable que les avantages se concrétisent un jour. L'avocat a fait valoir qu'en agissant ainsi, le juge n'a pas tenu compte d'un élément de preuve important, soit la lettre que Lumberton a adressée aux détenteurs d'unités le 3 décembre 1992. Le contenu de cette lettre aurait très bien pu amener un investisseur raisonnable à croire que les avantages promis ne constituaient pas des « promesses en l'air » , mais qu'il était « raisonnable de [les] considérer » comme la remise d'une partie du placement.

[1]          L'avocat a plaidé que la lettre, bien qu'elle expose la « situation existante » concernant les avantages environ dix-neuf mois après que M. Furukawa a souscrit les unités, était quand même pertinente car elle était révélatrice du sérieux de l'intention que Lumberton avait dès le départ de les fournir et des mesures prises par la société pour s'acquitter de ses engagements contractuels. En d'autres termes, cette lettre fait la lumière non seulement sur les intentions qu'avaient les promoteurs en décembre 1992, lorsqu'elle a été rédigée, mais de celles qu'ils avaient en mai 1991, lorsque le contribuable a acquis sa part d'une unité.

[1]          Selon moi, l'omission du juge de la Cour de l'impôt de parler de cette lettre dans ses motifs n'est pas déterminante, parce que je ne lui accorde pas une grande force probante. Premièrement, bien que cette lettre constitue indéniablement une preuve du sérieux de l'intention de la société de fournir les avantages promis, la question pertinente ne consiste pas à se demander si Lumberton avait effectivement l'intention de livrer ces avantages aux détenteurs d'unités, mais si, de façon réaliste, sa situation financière lui permettait de les livrer.

[1]          Deuxièmement, les progrès décrits dans la lettre concernant l'aménagement du parcours de golf et la fourniture des terrains à bâtir sont vagues et de nature préliminaire. Qui plus est, il n'existe aucune preuve que même ces modestes mesures en vue de livrer éventuellement ces avantages avaient été prises en mai 1991, lorsque M. Furukawa a acquis sa part d'une unité.

[1]          Cela vaut également de la description faite dans la lettre de la « situation existante » concernant la participation dans le pipeline Grassy à laquelle les détenteurs d'unités avaient droit : rien n'indique que le raccordement du pipeline Husky avait été effectué ou était imminent en mai 1991. Le revenu de 7,81 $ versé à M. Furukawa en mars 1992 pour la période commençant en mai 1991 était à tout le moins très modeste. On précisait expressément que la promesse d'augmentation future du tarif dépendait de l'absence de problèmes de production reliés à l'eau aux puits Husky.

     (ii) La conclusion de fait erronée

[1]          Par ailleurs, l'avocat a soutenu que le juge a commis une erreur manifeste et dominante en concluant, à partir de la preuve dont il disposait, qu'il n'était pas « raisonnable de considérer » les avantages promis comme la remise d'une partie de la contrepartie versée pour les actions.

[1]          Selon lui, les avantages promis avaient donc une valeur économique, bien qu'inférieure à la valeur qui leur était attribuée dans le « résumé » de Lumberton. Le droit des détenteurs d'unités à des laissez-passer pour le golf et à une option sur les terrains à bâtir était certes conditionnel, mais des paiements bien réels, bien que peu élevés, leur ont été versés relativement à leur participation dans le pipeline Grassy. De plus, si Lumberton ne livrait pas les avantages prévus dans son contrat, les détenteurs d'unités pouvaient exercer un recours judiciaire en dommages-intérêts.

[1]          Je ne suis pas convaincu que les conclusions de fait du juge comportent une erreur manifeste et dominante. L'incertitude quant à savoir si les avantages liés au parcours de golf et aux terrains à bâtir se concrétiseraient et à quel moment, ainsi que le montant très peu élevé effectivement reçu au titre de la participation dans le pipeline Grassy étayent la conclusion du juge qu'un investisseur raisonnable ne pouvait pas raisonnablement considérer ces avantages additionnels comme la remise d'une partie de la somme de 7 500 $ versée par M. Furukawa pour les actions. Le juge s'est aussi appuyé, comme il y était autorisé, sur la conclusion non contestée suivante du juge Sobier de la C.C.I. (décision précitée, page 2648) :

certains de ces avantages n'avaient guère de valeur intrinsèque au moment où les actions de la Lumberton ont été acquises.

[1]          Par contre, les états financiers sur lesquels le juge s'est aussi appuyé peuvent difficilement être considérés comme une preuve probante de la capacité de Lumberton en mai 1991 de livrer les avantages promis ou, si elle ne les livrait pas, de satisfaire aux demandes des détenteurs d'unités. Les états financiers non vérifiés visent les exercices financiers 1991 et 1992 et ne portent pas de date. Toutefois, rien ne permet de croire que la piètre situation de Lumberton à la fin de 1991, sur le plan des recettes, s'était améliorée de façon marquée au cours des quatre premiers mois de l'année.

[1]          Quoi qu'il en soit, il faut souligner que l'obligation de Lumberton de fournir les laissez-passer pour le golf et les terrains à bâtir était conditionnelle à l'achèvement du parcours de golf. Elle n'a jamais promis que le terrain de golf serait achevé.

[1]          Par conséquent, compte tenu des éléments dont le juge de la Cour de l'impôt disposait relativement à la valeur intrinsèque des avantages promis et à la probabilité qu'ils soient effectivement livrés dans un avenir raisonnable, je ne suis pas convaincu que sa conclusion de fait était entachée d'une erreur manifeste et dominante, selon la norme que les juridictions d'appel appliquent normalement aux conclusions de fait des tribunaux de première instance.

    

     (iii) Les erreurs qui ne portent pas sur les faits

[1]          L'appel a été plaidé en tenant pour acquis que la norme de contrôle applicable était celle de « l'erreur manifeste et dominante » , étant donné que la question en litige était une question de fait. Or, je dois mentionner que, les faits primaires n'étant pas contestés, l'affaire commande l'application d'une norme fixée par la loi ( « qu'il est raisonnable de considérer ... comme la remise d'une partie de la contrepartie pour les actions » ) aux faits établis par le juge. Il s'agit d'une question mixte de fait et de droit : Canada (Directeur des enquêtes et recherches) c. Southam Inc., [1997] 1 R.C.S. 748.

[1]          L'élément juridique du processus décisionnel consiste à avoir une bonne compréhension du régime législatif qui accorde un traitement favorable aux « actions accréditives » afin de guider sur cette compréhension pour tirer des inférences des faits. Par exemple, les facteurs à prendre en compte pour déterminer si des actions en particulier correspondent à la définition des « actions exclues » doivent être établis en fonction de l'objet visé par la disposition : cet exercice met en jeu une question d'interprétation législative et, donc, une question de droit.

[1]          Comme notre Cour n'applique pas une norme de contrôle commandant une grande retenue aux décisions rendues par la Cour de l'impôt sur des questions de droit, il convient d'examiner la décision pour déterminer si elle s'appuie sur une interprétation erronée des dispositions législatives pertinentes.

[1]          Par contre, étant donné la nature du texte législatif en cause en l'espèce, la tâche d'attribuer le poids qui convient à chaque facteur pertinent dans un ensemble de faits précis procède davantage du processus d'enquête sur les faits. Par conséquent, comme il a été convenu que le juge a énoncé correctement le critère légal applicable, et qu'il n'a pas commis d'autre erreur dans l'énoncé du droit, la Cour ne doit pas intervenir à moins de pouvoir déduire du résultat obtenu que le juge a nécessairement tenu compte de facteurs non pertinents, omis des facteurs qu'il aurait dû considérer ou apprécié les facteurs pertinents de façon déraisonnable.

[1]          En ce qui concerne l'interprétation de la disposition pertinente du Règlement, il faut d'abord mentionner que la Loi de l'impôt sur le revenu prévoit des « actions accréditives » dans le but d'encourager l'investissement dans l'exploration gazière et pétrolière, de façon que le Canada devienne autosuffisant quant à ces ressources énergétiques vitales. Les petites entreprises pétrolières n'ont habituellement pas le capital nécessaire pour entreprendre des activités d'exploration et pour bénéficier des déductions autorisées au titre des FEC. Les prêteurs traditionnels, comme les banques, n'acceptent généralement pas de financer les entreprises à risque.

[1]          Par conséquent, pour inciter les petits investisseurs à financer les FEC, le législateur a autorisé les sociétés d'exploration à renoncer à leur déduction au titre des FEC en faveur de leurs actionnaires. Cette mesure a en fait réduit de moitié environ le capital que les investisseurs à revenu élevé risquaient dans ces actions.

[1]          Les sous-alinéas 6202.1(1)b)(iii) et (iv) ont été conçus pour empêcher les investisseurs de se prévaloir de l'avantage fiscal rattaché aux « actions accréditives » lorsqu'une partie de leur placement leur était en fait remis, ce qui empêchait l'entreprise de bénéficier pleinement du capital additionnel à dépenser pour l'exploration gazière et pétrolière. La définition des « actions exclues » visait plus précisément à exclure de la catégorie des « actions accréditives » les placements qui, par leur nature, s'apparentaient davantage à des créances qu'à des fonds propres.

[1]          La preuve en l'espèce a établi que le placement a été utilisé entièrement à des fins d'exploration. L'avocat de la Couronne n'a pas prétendu devant nous, comme devant le tribunal d'instance inférieure, que les fonds nécessaires pour fournir les avantages étaient prélevés sur des fonds de la société que Lumberton aurait autrement pu utiliser à des fins d'exploration gazière et pétrolière.

[1]          Il est aussi vrai que le régime législatif avait pour objet d'attirer du capital de risque vers l'industrie et que, partant, les investisseurs qui ne risquaient pas tout leur capital investi, parce qu'ils obtenaient d'autres avantages en sus de la valeur des actions, ne devaient pas avoir la possibilité de se prévaloir de l'avantage fiscal extraordinaire accordé aux détenteurs d' « actions accréditives » . Les avantages promis par Lumberton peuvent donc être considérés comme mettant une partie du placement de M. Furukawa à l'abri du risque relié à l'exploration gazière et pétrolière et, par conséquent, comme les incluant dans la catégorie des « actions exclues » .

[1]          Selon moi, cette affirmation n'est toutefois pas assez nuancée. La définition des « actions exclues » n'inclut pas tous les avantages offerts aux investisseurs, mais uniquement ceux qu'il est « raisonnable de considérer » comme la remise d'une partie de la contrepartie fournie pour les actions. Comme je l'ai déjà indiqué, cette norme objective n'inclut pas les avantages qui n'ont guère de valeur économique intrinsèque ni ceux qui ne seront vraisemblablement jamais fournis.

[1]          En conséquence, comme les faits constatés par le juge de la Cour de l'impôt étayaient raisonnablement les inférences qu'il en a tirées et comme il a énoncé correctement le droit, rien ne permet de conclure qu'il a commis une erreur de droit. Selon les faits de l'espèce, permettre au contribuable de se prévaloir de la déduction de 7 500 $ qu'il a réclamée ne serait pas incompatible avec l'objectif législatif qui sous-tend les dispositions relatives aux « actions accréditives » . Il est « raisonnable de considérer » les avantages promis non pas comme « la remise d'une partie de la contrepartie » aux investisseurs qui ont acheté des unités, mais comme une astuce de vente ou des clauses attrayantes offertes dans un marché saturé à titre d'outil de commercialisation visant à distinguer l'offre de Lumberton.

[1]          À la fin de l'audition, la Cour a invité les avocats à présenter par écrit leurs prétentions sur la question des dépens. Étant donné que l'affaire ne portait que sur le refus de permettre une déduction de 7 500 $, elle a été inscrite pour instruction selon la procédure informelle de la Cour de l'impôt, à laquelle des règles particulières s'appliquent concernant les dépens. Toutefois, avant le début de l'instruction, l'affaire a été déférée à la compétence générale de la Cour à la demande du ministre, étant donné qu'il existait cinquante autres causes dont le sort pouvait dépendre de l'issue de l'appel de M. Furukawa.

[1]          Après avoir lu les prétentions des avocats, je ne vois pas pourquoi j'exercerais mon pouvoir discrétionnaire autrement qu'en adjugeant les dépens de la façon habituelle : en sa qualité de partie qui a gain de cause, M. Furukawa recevra les dépens raisonnables et convenables qu'il a engagés pour obtenir gain de cause en appel.

[1]          Pour tous ces motifs je suis d'avis de rejeter l'appel avec dépens.


     « John M. Evans »

     J.C.A.

« Je souscris à ces motifs,

     A.M. Linden, J.C.A. »

« Je souscris à ces motifs,

     Brian Malone J.C.A. »

Traduction certifiée conforme



Suzanne M. Gauthier, LL.L., Trad. a.

COUR D'APPEL FÉDÉRALE


AVOCATS ET AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER



DOSSIER :                  A-80-99         
INTITULÉ DE LA CAUSE :     

             SA MAJESTÉ LA REINE c. ROBERT A. FURUKAWA

LIEU DE L'AUDIENCE :          CALGARY (ALBERTA)
DATE DE L'AUDIENCE :          LE 12 OCTOBRE 2000
MOTIFS DU JUGEMENT PRONONCÉS PAR :          LE JUGE EVANS
Y ONT SOUSCRIT :                          LE JUGE LINDEN

                                     LE JUGE MALONE

EN DATE DU :              9 NOVEMBRE 2000


ONT COMPARU :

Me Louis A.T. Williams          POUR L'APPELANTE

Me Rhonda L. Nahorniak

Me Michel Bourque              POUR L'INTIMÉ
Me Bradley G. Nemetz             

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Morris A. Rosenberg              POUR L'APPELANTE

Sous-procureur général du Canada

Ottawa (Ontario)

Bennett Jones                  POUR L'INTIMÉ

Calgary (Alberta)

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