Décisions de la Cour d'appel fédérale

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Date : 20050207

Dossier : A-8-04

Référence : 2005 CAF 51

CORAM :       LE JUGE ROTHSTEIN

LE JUGE NOËL

LE JUGE MALONE

ENTRE :

                                                               JAMES A. SWEET

                                                                                                                                               appelant

                                                                             et

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA,

LE SERVICE CORRECTIONNEL DU CANADA,

LE COMMISSAIRE DU SERVICE CORRECTIONNEL DU CANADA,

LUCIE McCLUNG, FRED TOBIN, JAN LOOMAN,

MAURICE GIROUX, BELINDA ROSCOE et MIKE KER

                                                                                                                                                  intimés

                                    Audience tenue à Toronto (Ontario), le 19 janvier 2005

                                      Jugement rendu à Ottawa (Ontario), le 7 février 2005

MOTIFS DU JUGEMENT :                                                                                 LE JUGE MALONE

Y ONT SOUSCRIT :                                                                                      LE JUGE ROTHSTEIN

                                                                                                                                  LE JUGE NOËL


Date : 20050207

Dossier : A-8-04

Référence : 2005 CAF 51

CORAM :       LE JUGE ROTHSTEIN

LE JUGE NOËL

LE JUGE MALONE

ENTRE :

                                                               JAMES A. SWEET

                                                                                                                                               appelant

                                                                             et

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA,

LE SERVICE CORRECTIONNEL DU CANADA,

LE COMMISSAIRE DU SERVICE CORRECTIONNEL DU CANADA,

LUCIE McCLUNG, FRED TOBIN, JAN LOOMAN,

MAURICE GIROUX, BELINDA ROSCOE et MIKE KER

                                                                                                                                                  intimés

                                                       MOTIFS DU JUGEMENT

LE JUGE MALONE

I. INTRODUCTION

[1]                Le présent appel concerne le droit d'un prisonnier d'être entendu avant d'être renvoyé d'un programme de traitement.


II. LES FAITS

[2]                M. Sweet est détenu au pénitencier de Warkworth parce qu'il a été condamné en tant que délinquant sexuel récidiviste. Le pénitencier de Warkworth est son « établissement d'origine » . Pour accélérer sa libération, il s'est inscrit de son plein gré au programme de traitement des délinquants sexuels (le programme du CRT) d'une durée de 30 semaines. Pour suivre ce programme, il devait être déplacé au Centre régional de traitement (le CRT) situé à Kingston, en Ontario, un hôpital psychiatrique accrédité géré en vertu de la Loi sur la santé mentale de l'Ontario.

[3]                Avant de s'inscrire au programme du CRT, l'appelant a signé un [traduction] « contrat de traitement » décrivant la composition du groupe ainsi que les traitements qu'il allait recevoir. Il y reconnaissait notamment qu'un comportement menaçant envers les autres détenus pouvait entraîner son renvoi du programme du CRT.

[4]                Ce contrat satisfaisait aux exigences établies par le Service correctionnel du Canada (le SCC) au paragraphe 7 des Instructions permanentes (IP) 700-15 :



7. Avant qu'un délinquant ne soit transféré à un centre de santé ou centre psychiatrique régional pour y participer à un programme, y subir une évaluation ou y recevoir des soins de santé, il doit être clairement informé qu'une fois le programme, l'évaluation ou le traitement terminé, il sera renvoyé à son établissement d'origine. De plus, lorsque le transfèrement vise à permettre au délinquant de participer à un programme particulier, il faut l'informer que son manque de participation active à ce programme pourrait entraîner son renvoi du programme et son retour à son établissement d'origine. Dans certains cas, il peut être nécessaire d'héberger le délinquant temporairement dans un autre établissement avant de le renvoyer à son établissement d'origine. Chaque fois qu'un délinquant est déplacé d'un établissement à l'autre, il faut émettre un mandat de transfèrement.

7. Prior to a transfer to a regional health/psychiatric centre to participate in a program or an assessment or to receive health care services, the offender shall be clearly informed that upon completion of the program or assessment or the provision of the required health services, he or she will be returned to his or her parent institution. Furthermore, the offender shall be advised that failure to fully participate in programming, in cases where that is the purpose of the transfer, may result in a discharge from the program and return to his or her parent institution. In some cases, it may be necessary to temporarily house an offender in another institution for a short period of time before returning him or her to the parent institution. Every movement between institutions requires a transfer warrant.

[5]                Cinq jours après son arrivée, un autre détenu s'est plaint de la violence verbale et physique de M. Sweet à son endroit. Le directeur du programme a immédiatement fait enquête et une rencontre a eu lieu avec l'appelant, au cours de laquelle ce dernier a donné sa version des faits et a été informé que l'on envisageait de recommander son retour au pénitencier de Warkworth. Le directeur du programme a conclu que M. Sweet avait effectivement utilisé un langage menaçant et avait, de ce fait, manqué aux attentes en matière de comportement décrites dans son contrat de traitement.

[6]                Le 22 novembre 2000, le sous-directeur par intérim a décidé de renvoyer M. Sweet du programme du CRT. Ce dernier a été informé de la décision et des motifs de son renvoi le lendemain. Un mandat de transfèrement de retour a été exécuté et M. Sweet a été renvoyé au pénitencier de Warkworth le même jour.


[7]                M. Sweet n'a pas eu la possibilité de réagir à la décision concernant son renvoi du programme du CRT avant de retourner au pénitencier de Warkworth et il soutient qu'il a été faussement accusé. Il n'a pas été nécessaire d'employer la force pour qu'il quitte les locaux du CRT. Il a accepté de partir, mais il a déclaré qu'il communiquerait avec son avocat. À son retour à son établissement d'origine, il a déposé un grief dans lequel il prétendait que, comme son transfèrement du CRT au pénitencier de Warkworth n'avait pas été sollicité, il aurait dû avoir la possibilité de présenter des observations avant d'être transféré, conformément, selon lui, à l'article 12 du Règlement sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition, DORS/92-620 (le Règlement).

[8]                Au dernier palier du mécanisme de griefs, un délégué du commissaire du SCC (le commissaire) a décidé que le transfèrement de M. Sweet n'avait pas été sollicité et que ce dernier n'avait pas eu la possibilité de répondre à la notification du transfèrement proposé. Il a toutefois établi que la décision de retourner M. Sweet au pénitencier de Warkworth était justifiée parce que ce dernier n'avait pas respecté les attentes en matière de comportement pendant qu'il était au CRT.

III. LA DÉCISION FAISANT L'OBJET DE L'APPEL


[9]                M. Sweet a présenté une demande de contrôle judiciaire à la Cour fédérale concernant la décision rendue au dernier palier du mécanisme de griefs. Il demandait à la Cour d'annuler son transfèrement non sollicité et d'ordonner son retour au CRT. Dans des motifs détaillés datés du 10 décembre 2003 (Sweet c. Canada (Procureur général) et al. (2003), 244 F.T.R. 285), une juge de la Cour fédérale (la juge des demandes) a conclu que la décision rendue par le commissaire au dernier palier du mécanisme de griefs était viciée. Elle a considéré que le renvoi de l'appelant du CRT et son retour au pénitencier de Warkworth ne constituaient pas un transfèrement non sollicité. Après avoir effectué une interprétation de la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition, L.C. 1992, ch. 20 (la Loi), fondée sur l'objet visé et le contexte, elle a statué que les transfèrements ne s'appliquent qu'aux situations où on s'attend à ce qu'un détenu soit logé en permanence dans un nouvel établissement d'origine jusqu'à ce qu'il soit libéré ou transféré encore une fois.

[10]            En conséquence, la juge des demandes a conclu qu'il n'y avait pas eu transfèrement, mais plutôt permission de sortir avec escorte de l'établissement d'origine. Les alinéas 9a) et f) du Règlement permettent les sorties avec escorte d'un établissement pour des raisons médicales ou pour du perfectionnement personnel lié à la réadaptation. Ces alinéas se lisent comme suit :

9. Pour l'application de l'alinéa 17(1)b) de la Loi, le directeur du pénitencier peut autoriser le détenu à sortir sous surveillance :

9. For the purposes of paragraph 17(1)(b) of the Act, the institutional head may authorize an escorted temporary absence of an inmate

a) pour des raisons médicales, afin de lui permettre de subir un examen ou un traitement médical qui ne peut raisonnablement être effectué au pénitencier; [...]

(a) for medical reasons to allow the inmate to undergo medical examination or treatment that cannot reasonably be provided in the penitentiary; ...

f) pour du perfectionnement personnel lié à sa réadaptation, afin de lui permettre de participer à des activités liées à un traitement particulier dans le but de réduire le risque de récidive ou afin de lui permettre de participer à des activités de réadaptation, y compris les cérémonies culturelles ou spirituelles propres aux autochtones, dans le but de favoriser sa réinsertion sociale à titre de citoyen respectueux des lois;

(f) for personal development for rehabilitative purposes to allow the inmate to participate in specific treatment activities with the goal of reducing the risk of the inmate re-offending, and to allow the inmate to participate in activities of a rehabilitative nature, including cultural and spiritual ceremonies unique to Aboriginal peoples, with the goal of assisting the reintegration of the inmate into the community as a law-abiding citizen;


[11]            En conséquence, la juge des demandes a statué que le renvoi de l'appelant du programme du CRT n'était pas un transfèrement non sollicité, et elle a renvoyé l'affaire au commissaire pour qu'il rende une nouvelle décision au dernier palier du mécanisme de griefs.

IV. ANALYSE

La norme de contrôle

[12]            Lorsqu'elle contrôle des décisions judiciaires, la Cour applique les règles régissant les appels qui ont été formulées dans Housen c. Nikolaisen, [2002] 2 R.C.S. 235. La norme de la décision correcte s'applique aux questions de droit, tandis que la norme de l'erreur manifeste et dominante s'applique aux questions de fait. Quant aux questions mixtes de droit et de fait, c'est généralement la norme de l'erreur manifeste et dominante qui s'applique, sauf si une pure question de droit peut être dégagée, auquel cas c'est la norme de la décision correcte qui s'applique puisqu'une erreur de droit a été commise.

[13]            La Cour est également tenue de décider si le juge des demandes a choisi et appliqué la norme de contrôle appropriée et, si ce n'est pas le cas, d'examiner la décision de l'organisme administratif à la lumière de la norme appropriée (voir Dr Q c. College of Physicians and Surgeons of British Columbia, [2003] 1 R.C.S. 226, au paragraphe 43).


[14]            Pour déterminer la norme de contrôle qui s'applique aux décisions relatives aux griefs des prisonniers, la juge des demandes a adopté l'analyse décrite par le juge Lemieux dans Tehrankari c. Service correctionnel du Canada (2000), 188 F.T.R. 206 (1re inst.), au paragraphe 44. Après avoir effectué une analyse pragmatique et fonctionnelle, le juge Lemieux a conclu dans cette affaire que c'est la norme de la décision correcte qui s'applique si la question porte sur la bonne interprétation de la loi et celle de la décision raisonnable simpliciter si la question porte sur l'application des principes juridiques appropriés aux faits. La norme de la décision manifestement déraisonnable s'applique quant à elle aux pures questions de fait.

[15]            La juge des demandes a déterminé que les questions en l'espèce exigeaient une bonne interprétation de la Loi et du Règlement avant que cette interprétation puisse être appliquée aux faits. C'est donc la norme de la décision correcte qui s'applique, et je souscris à cette évaluation.

[16]            La juge des demandes n'a pas examiné explicitement la question de savoir si l'appelant avait eu droit à la justice naturelle et à l'équité procédurale en ce qui concerne la décision de le renvoyer du programme du CRT. Les questions relatives à l'équité procédurale sont des questions de droit auxquelles s'applique la norme de la décision correcte (voir S.C.F.P. c. Ontario (Ministre du Travail), [2003] 1 R.C.S. 539, au paragraphe 100).


L'analyse en fonction de l'objet visé et du contexte

[17]            L'appelant soutient d'abord que la juge des demandes a commis une erreur lorsqu'elle a procédé à une interprétation de la Loi et du Règlement fondée sur l'objet visé et le contexte. Je ne suis pas de cet avis. En fait, la méthode moderne d'interprétation des lois est celle proposée par E. A. Driedger : [traduction] « il faut lire les termes d'une loi dans leur contexte global en suivant le sens ordinaire et grammatical qui s'harmonise avec l'esprit de la loi, l'objet de la loi et l'intention du législateur » (Construction of Statutes (2e éd. 1983), à la page 87). La Cour suprême du Canada a fait sienne cette méthode dans de nombreux arrêts, la considérant comme celle qui devrait être utilisée (voir, par exemple, Alberta Union of Provincial Employees c. Lethbridge Community College, [2004] 1 R.C.S. 727, au paragraphe 25). L'interprétation de la Loi et du Règlement effectuée par la juge des demandes était conforme à cette jurisprudence de la Cour suprême du Canada.

L'application de l'article 29 de la Loi

[18]            Le principal argument de M. Sweet consiste à dire que son déplacement au CRT ne peut être interprété autrement que comme un transfèrement. Selon lui, ce déplacement avait toutes les caractéristiques d'un transfèrement, entre autres : un mandat de transfèrement était requis, tous ses effets personnels ont été enlevés de sa cellule au pénitencier de Warkworth, celle-ci a été attribuée à un autre détenu et il a eu une [traduction] « nouvelle adresse » à son arrivée au CRT. M. Sweet prétend donc que son retour au pénitencier de Warkworth était également un transfèrement, mais non sollicité celui-là.


[19]            Comme je l'ai mentionné précédemment, la juge des demandes a conclu que le renvoi de l'appelant du CRT et son retour au pénitencier de Warkworth ne constituaient pas un transfèrement non sollicité, mais plutôt une permission de sortir avec escorte de l'établissement d'origine. En toute déférence, je ne peux être d'accord avec elle. À mon avis, le déplacement initial de M. Sweet du pénitencier de Warkworth au CRT était un « transfèrement » au sens de l'article 29 de la Loi.

[20]            L'article 29 de la Loi confère au commissaire le pouvoir de « transférer » une personne d'un pénitencier à un autre pénitencier, à un établissement correctionnel provincial ou à un hôpital :

29. Le commissaire peut autoriser le transfèrement d'une personne condamnée ou transférée au pénitencier, soit à un autre pénitencier, conformément aux règlements pris en vertu de l'alinéa 96d), mais sous réserve de l'article 28, soit à un établissement correctionnel provincial ou un hôpital dans le cadre d'un accord conclu au titre du paragraphe 16(1), conformément aux règlements applicables.

29. The Commissioner may authorize the transfer of a person who is sentenced, transferred or committed to a penitentiary to

(a) another penitentiary in accordance with the regulations made under paragraph 96(d), subject to section 28; or

(b) a provincial correctional facility or hospital in accordance with an agreement entered into under paragraph 16(1)(a) and any applicable regulations.


[21]            L'article 12 du Règlement prévoit quant à lui les exigences procédurales préalables au transfèrement d'un détenu en vertu de l'article 29 de la Loi. Ces protections procédurales s'appliquent aux transfèrements qui ne sont pas effectués à la demande du détenu (transfèrements non sollicités). L'article 12 se lit comme suit :

12. Sauf dans le cas du transfèrement demandé par le détenu, le directeur du pénitencier ou l'agent désigné par lui doit, avant le transfèrement du détenu en application de l'article 29 de la Loi :

12. Before the transfer of an inmate pursuant to section 29 of the Act, other than a transfer at the request of the inmate, an institutional head or a staff member designated by the institutional head shall

a) l'aviser par écrit du transfèrement projeté, des motifs de cette mesure et de la destination;

(a) give the inmate written notice of the proposed transfer, including the reasons for the proposed transfer and the proposed destination;

b) après lui avoir donné la possibilité de préparer ses observations à ce sujet, le rencontrer pour lui expliquer les motifs du transfèrement projeté et lui donner la possibilité de présenter ses observations à ce sujet, en personne ou par écrit, au choix du détenu;

(b) after giving the inmate a reasonable opportunity to prepare representations with respect to the proposed transfer, meet with the inmate to explain the reasons for the proposed transfer and give the inmate an opportunity to make representations with respect to the proposed transfer in person or, if the inmate prefers, in writing;

c) transmettre les observations du détenu au commissaire ou à l'agent désigné selon l'alinéa 5(1)b);

(c) forward the inmate's representations to the Commissioner or to a staff member designated in accordance with paragraph 5(1)(b); and

d) l'aviser par écrit de la décision définitive prise au sujet du transfèrement et des motifs de celle-ci :

(d) give the inmate written notice of the final decision respecting the transfer, and the reasons for the decision,

(i) au moins deux jours avant le transfèrement, sauf s'il consent à un délai plus bref lorsque la décision définitive est de le transférer,

(i) at least two days before the transfer if the final decision is to transfer the inmate, unless the inmate consents to a shorter period; and

(ii) dans les cinq jours ouvrables suivant la décision, lorsque la décision définitive est de ne pas le transférer.

(ii) within five working days after the decision if the final decision is not to transfer the inmate.


[22]            En l'espèce, M. Sweet s'étant inscrit au programme du CRT de son plein gré, les protections procédurales établies à l'article 12 du Règlement ne s'appliquaient pas à son transfèrement du pénitencier de Warkworth au CRT. De plus, le contrat de traitement de M. Sweet prévoyait un programme de 30 semaines, après quoi il serait retourné à son établissement d'origine. Sa permission de sortir du pénitencier de Warkworth devait donc prendre fin au moment de son renvoi du programme du CRT, que ce soit à la fin du programme ou à cause d'un manquement au contrat.

[23]            Les alinéa 9a) et f) du Règlement (voir, ci-dessus, le paragraphe 10), sur lesquels s'est appuyée la juge des demandes, prévoient que le directeur d'un pénitencier peut autoriser un détenu à sortir avec escorte pour les raisons indiquées à l'alinéa 17(1)b) de la Loi. Tout le paragraphe 17(1), qui se lit comme suit, est pertinent en l'espèce :



17. (1) Sous réserve de l'article 746.1 du Code criminel, du paragraphe 140.3(2) de la Loi sur la défense nationale et du paragraphe 15(2) de la Loi sur les crimes contre l'humanité et les crimes de guerre, le directeur du pénitencier peut autoriser un délinquant à sortir si celui-ci est escorté d'une personne - agent ou autre - habilitée à cet effet par lui lorsque, à son avis :

a) une récidive du délinquant pendant la sortie ne présentera pas un risque inacceptable pour la société;

b) il l'estime souhaitable pour des raisons médicales, administratives, de compassion ou en vue d'un service à la collectivité, ou du perfectionnement personnel lié à la réadaptation du délinquant, ou pour lui permettre d'établir ou d'entretenir des rapports familiaux notamment en ce qui touche ses responsabilités parentales;

c) la conduite du détenu pendant la détention ne justifie pas un refus;

d) un projet structuré de sortie a été établi.

La permission est accordée soit pour une période maximale de cinq jours ou, avec l'autorisation du commissaire, de quinze jours, soit pour une période indéterminée s'il s'agit de raisons médicales.

[Non souligné dans l'original.]

17. (1) Where, in the opinion of the institutional head,

(a) an inmate will not, by reoffending, present an undue risk to society during an absence authorized under this section,

                                        

(b) it is desirable for the inmate to be absent from penitentiary, escorted by a staff member or other person authorized by the institutional head, for medical, administrative, community service, family contact, personal development for rehabilitative purposes, or compassionate reasons, including parental responsibilities,

(c) the inmate's behaviour while under sentence does not preclude authorizing the absence, and

(d) a structured plan for the absence has been prepared,

the absence may, subject to section 746.1 of the Criminal Code, subsection 140.3(2) of the National Defence Act and subsection 15(2) of the Crimes Against Humanity and War Crimes Act, be authorized by the institutional head

(e) for an unlimited period for medical reasons, or

(f) for reasons other than medical,

(i) for a period not exceeding five days, or

(ii) with the Commissioner's approval, for a period exceeding five days but not exceeding fifteen days.

[Emphasis Added.]

[24]            Il est évident que le paragraphe 17(1) de la Loi et l'article 9 du Règlement font une distinction entre les permissions de sortir pour des raisons médicales et les permissions de sortir pour du perfectionnement personnel lié à la réadaptation. En l'espèce, M. Sweet n'a pas été déplacé du pénitencier de Warkworth au CRT pour des raisons médicales, mais pour du perfectionnement personnel lié à sa réadaptation. Ainsi qu'il est indiqué à la fin du paragraphe 17(1) de la Loi, une telle permission ne peut excéder 15 jours. Par conséquent, on ne peut pas dire que le fait de déplacer M. Sweet au CRT afin qu'il y suive un programme de 30 semaines constitue une permission de sortir avec escorte de son établissement d'origine suivant cette disposition.


[25]            Selon mon analyse, le déplacement de M. Sweet du pénitencier de Warkworth au CRT constitue un « transfèrement » au sens de l'article 29 de la Loi, même si celui-ci n'était que temporaire. Je ne vois rien dans la Loi ou dans le Règlement qui indique qu'un « transfèrement » visé à l'article 29 doit être permanent, et bien que la majorité des « transfèrements » puissent être permanents, la disposition n'exclut pas la possibilité d'un « transfèrement » temporaire.

[26]            On ne peut pas dire par contre que la décision de renvoyer M. Sweet du programme du CRT constitue une décision de le « transférer » de nouveau à l'établissement d'origine. En fait, une fois que le renvoi a été décidé, la nature temporaire de son « transfèrement » initial sollicité exigeait un retour rapide à son établissement d'origine. Ce retour possible avait été prévu lors de son « transfèrement » initial sollicité et est survenu automatiquement lorsqu'il a été renvoyé du programme du CRT pour ne pas avoir respecté le contrat de traitement.

[27]            De plus, le libellé du paragraphe 7 des IP 700-15 confirme cette analyse. Cette disposition parle du « transfèrement » à un centre de santé ou à un centre psychiatrique régional et du « retour » à l'établissement d'origine (voir, ci-dessus, le paragraphe 4). L'obligation d'obtenir un mandat de transfèrement pour tous les déplacements, y compris pour le retour à l'établissement d'origine, est une simple formalité administrative et ne signifie pas qu'il y ait un « transfèrement » au sens de l'article 29 dans tous les cas.


[28]            Une analyse de la Loi et du Règlement en fonction de l'objet visé et du contexte étaie également cette conclusion. Lorsqu'un transfèrement temporaire est envisagé, qualifier de « transfèrement » au sens de l'article 29 le retour du détenu à son établissement d'origine créerait de graves problèmes administratifs et de logistique qui nuiraient au bon fonctionnement d'établissements de traitement comme le CRT. Dans un tel cas, un détenu qui a terminé un programme de traitement avec succès pourrait refuser de retourner volontairement à son établissement d'origine et les exigences procédurales prévues à l'article 12 du Règlement s'appliqueraient. Afin d'assurer la sécurité et l'efficacité des établissements de traitement, les détenus qui sont renvoyés d'un programme de traitement doivent être renvoyés de l'établissement de traitement et retournés rapidement à leur établissement d'origine. Par conséquent, l'article 12 du Règlement ne peut s'appliquer lorsqu'un détenu est retourné à son établissement d'origine après avoir été renvoyé d'un programme du CRT.

La décision de renvoyer M. Sweet et l'obligation d'équité procédurale

[29]            Cela ne veut pas dire que M. Sweet n'aura pas droit à l'équité procédurale en ce qui concerne la décision de le renvoyer du programme du CRT. Ce qu'il faut se demander ici, c'est si l'appelant a eu la possibilité de répondre aux allégations faites contre lui avant que la décision de le renvoyer du programme du CRT soit prise. Cette question n'a pas été examinée par la juge des demandes.


[30]            Je pense que deux solutions s'offrent à la Cour au regard de la question de l'équité procédurale : elle peut soit renvoyer l'affaire à la juge des demandes pour que celle-ci statue sur cette question, soit exercer le pouvoir discrétionnaire que la juge des demandes aurait pu exercer et décider si M. Sweet a eu droit à un degré d'équité procédurale approprié. Comme l'affaire est en instance depuis novembre 2000 et que la Cour est aussi bien placée que la juge des demandes pour effectuer cette analyse, j'ai décidé de trancher la question définitivement.

[31]            Tout organisme public qui rend des décisions administratives touchant les droits, les privilèges ou les biens d'une personne a l'obligation de se conformer aux règles de la justice naturelle et de suivre les règles de l'équité procédurale (voir Cardinal c. Directeur de l'établissement Kent, [1985] 2 R.C.S. 643, à la page 653). La juge L'Heureux-Dubé a cependant indiqué, dans Knight c. Indian Head School Division No. 19, [1990] 1 R.C.S. 653, à la page 682, que « la notion d'équité procédurale est éminemment variable et son contenu est tributaire du contexte particulier de chaque cas » .

[32]            Le contenu de l'obligation d'équité qui incombe à un organisme public comme le SCC a été décrit par la juge L'Heureux-Dubé dans Baker c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1999] 2 R.C.S. 817, et a été récemment résumé par la juge en chef McLachlin dans Congrégation des témoins de Jéhovah de St-Jérôme-Lafontaine c. Lafontaine (Village), [2004] 2 R.C.S. 650, au paragraphe 5. Ainsi, le contenu de l'obligation d'équité varie en fonction de cinq facteurs : 1) la nature de la décision recherchée et le processus suivi par l'organisme public pour y parvenir; 2) la nature du régime législatif et les dispositions législatives précises en vertu desquelles agit l'organisme public; 3) l'importance de la décision pour les personnes visées; 4) les attentes légitimes de la partie qui conteste la décision; 5) la nature du respect dû à l'organisme.


[33]            En l'espèce, une évaluation de ces facteurs semble indiquer que le degré d'équité procédurale auquel l'appelant a droit est relativement bas.

[34]            En premier lieu, la nature de la décision recherchée et le processus suivi par l'organisme public pour y parvenir sont des aspects fondamentaux du présent appel. L'équité procédurale n'exige pas, à l'intérieur d'un établissement carcéral, le même degré de participation dans le cas d'une décision administrative que dans celui d'une décision relative à la discipline (Gallant c. Canada (Sous-commissaire, Service correctionnel Canada), [1989] 3 C.F. 329, à la page 342 (C.A.)). Dans Gallant, le juge Marceau a écrit que, « pour apprécier les conséquences pratiques du principe audi alteram partem il ne faut pas traiter de la même façon toutes les décisions administratives portant sur les détenus en milieu carcéral » .


[35]            La décision de renvoyer M. Sweet du programme du CRT était fondée sur le non-respect des conditions relatives à la conduite énoncées dans les IP 700-15 et incluses dans le contrat de traitement. Les règles et ces conditions figurent dans le contrat de traitement afin d'assurer la sécurité et l'efficacité des programmes de traitement et le maintien de l'ordre à l'intérieur de l'établissement de traitement. La décision relative au renvoi ressemble donc davantage à une décision administrative concernant le transfèrement d'une personne qu'à une décision officielle en matière de discipline. Dans le cadre du processus suivi pour prendre cette décision, il y a eu une enquête du directeur du programme, une rencontre avec le détenu et une décision finale du sous-directeur par intérim.

[36]            Deuxièmement, le régime législatif prévoit qu'un détenu peut porter une décision administrative en appel au moyen d'un mécanisme de griefs. Ce mécanisme offre au détenu une autre occasion de présenter une plainte écrite dans laquelle il peut soulever des questions pertinentes au regard de la décision et présenter des observations additionnelles.

[37]            Troisièmement, la décision a relativement peu d'importance pour la personne visée. Même s'il doit terminer le programme du CRT dans le cadre de son plan correctionnel, M. Sweet peut toujours présenter une nouvelle demande de traitement au CRT.

[38]            Quatrièmement, rien n'indique que des promesses ou des pratiques habituelles n'ont pas été respectées dans le cadre du processus décisionnel. Les attentes de M. Sweet en matière de procédure ne pouvaient être fondées que sur le contrat de traitement qu'il a signé et sur le mécanisme de griefs établi dans le Règlement, lesquels ont été appliqués et ont été suivis en l'espèce.


[39]            Finalement, la loi ne prévoit pas de processus décisionnel officiel pour ce type de décisions administratives courantes. Comme le directeur du pénitencier a l'expertise nécessaire pour traiter des questions relatives au comportement de ce genre, une certaine retenue devrait être démontrée à l'égard des processus décisionnels qui ont été créés.

[40]            Pendant l'enquête sur l'incident allégué, M. Sweet a été informé qu'une recommandation visant son retour au pénitencier de Warkworth était envisagée et il a eu la possibilité de réagir à celle-ci. À mon avis, le fait que l'appelant a eu la possibilité de répondre aux allégations faites contre lui avant que la décision soit prise et aussi de présenter des observations additionnelles au moyen du mécanisme de griefs est suffisant pour que ce dernier ait bénéficié du degré d'équité procédurale requis.

V. Conclusion

[41]            L'appelant demande que l'avocat des intimés soit condamné aux dépens. Cette demande n'a cependant aucun fondement.


[42]            Je rejetterais l'appel avec dépens.

                                                                                                                                      _ B. Malone _                   

                                                                                                                                                     Juge                          

« Je souscris aux présents motifs

Marshall Rothstein, juge »

« Je souscris aux présents motifs

Marc Noël, juge »

Traduction certifiée conforme

David Aubry, LL.B.


                                                     COUR D'APPEL FÉDÉRALE

                                              AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                                             A-8-04

INTITULÉ :                                                            JAMES A. SWEET

c.

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA ET AL.

LIEU DE L'AUDIENCE :                                      TORONTO (ONTARIO)

DATE DE L'AUDIENCE :                                    LE MERCREDI 19 JANVIER 2005

MOTIFS DU JUGEMENT :                                 LE JUGE MALONE

Y ONT SOUSCRIT :                                      LE JUGE ROTHSTEIN

LE JUGE NOËL

DATE DES MOTIFS :                                           LE 7 FÉVRIER 2005

COMPARUTIONS :

James A. Sweet                                                         POUR SON PROPRE COMPTE

Derek Edwards                                                         POUR LES INTIMÉS

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

James A. Sweet                                                         POUR SON PROPRE COMPTE

Warkworth Institution

15847 County Road 29

Percy Boom Side Road

Warkworth, ON    K0K 3K0

John Sims                                                                  POUR LES INTIMÉS

Sous-procureur général du Canada


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