Date : 20000926
Dossier : A-649-98
CORAM LE JUGE LINDEN, J.C.A. |
LE JUGE SEXTON, J.C.A.
LE JUGE EVANS, J.C.A.
ENTRE :
THE CORPORATION OF THE CITY OF WINDSOR
appelante
- et -
LA COMPAGNIE DE CHEMIN DE FER CANADIEN PACIFIQUE
- et -
SHERGAR DEVELOPMENTS INC.
intimées
Audience tenue à Toronto (Ontario), le mardi 26 septembre 2000
Jugement prononcé à l'audience à Toronto (Ontario)
le mardi 26 septembre 2000
MOTIFS DU JUGEMENT DE LA COUR : LE JUGE EVANS, J.C.A. |
Date : 20000926
Dossier : A-649-98
CORAM LE JUGE LINDEN, J.C.A.
LE JUGE SEXTON, J.C.A.
LE JUGE EVANS, J.C.A.
ENTRE :
THE CORPORATION OF THE CITY OF WINDSOR
appelante
- et -
LA COMPAGNIE DE CHEMIN DE FER CANADIEN PACIFIQUE
et
SHERGAR DEVELOPMENTS INC.
intimées
MOTIFS DU JUGEMENT
(Prononcés à l'audience à Toronto (Ontario)
le mardi 26 septembre 2000)
LE JUGE EVANS
[1] La principale question que soulève l'appel est celle de savoir si l'Office des transports du Canada (OTC) continue d'avoir le pouvoir d'obliger une compagnie de chemin de fer à respecter des arrêtés concernant l'entretien de ponts utilisés auparavant en liaison avec une ligne de chemin de fer, après que la compagnie a validement abandonné la ligne de chemin de fer.
[2] L'affaire découle d'un différend qui oppose la Ville de Windsor, l'appelante, à la Compagnie de chemin de fer Canadien Pacifique (CP), une intimée. La Ville soutient qu'il incombe encore au CP, soit de contribuer à l'entretien de deux ponts routiers qui traversent une terre qui appartenait auparavant au CP, soit de remettre les passages à niveau que les ponts ont remplacés. De la fin des années 1880 jusqu'en 1995, les terres du CP ont été utilisées à titre de voie ferrée : la voie reliait le réseau du CP à un service de traversier sur la rivière Détroit. À l'origine, les ponts qu'empruntent les routes de la municipalité ont été érigés en vertu du pouvoir fédéral pour répondre aux besoins du chemin de fer.
[3] En 1994, le service de traversier a été supprimé et le CP a cessé d'utiliser la voie à des fins ferroviaires. Des négociations se sont déroulées entre la Ville et le CP en ce qui a trait à la vente des terres sur lesquelles la voie reposait. En 1995, lorsqu'il s'est avéré que ces négociations ne donnaient aucun résultat, le CP et l'Ontario & Quebec Railway Company ont vendu la terre à un promoteur immobilier privé, Shergar Developments Inc. (Shergar), l'autre intimée dans le présent appel. Au printemps de 1998, la Ville a exproprié des parcelles de terrain au nord des ponts pour faire un parc.
[4] En 1998, la Ville de Windsor a demandé à l'OTC de déclarer que le CP n'avait pas valablement abandonné la ligne de chemin de fer au-dessus de laquelle passaient les ponts, que cette compagnie était tenue de contribuer aux frais d'entretien des ponts et qu'elle devait remettre ces ponts à l'état de passages à niveau, qu'ils avaient remplacés. La Ville a fait valoir que les arrêtés que les divers organismes de réglementation des chemins de fer avaient pris de temps à autre au cours des 80 années précédentes au sujet de l'entretien des ponts restaient valides et exécutoires et qu'il incombait à l'OTC de les faire respecter.
[5] L'OTC a conclu que, le CP ne se servant plus de la voie comme faisant partie d'une ligne principale ou d'un embranchement, il s'agissait d'une « autre voie auxiliaire d'une ligne de chemin de fer » au sens du paragraphe 159(2) de la Loi de 1987 sur les transports nationaux, L.C. 1987, ch. 218. En conséquence, la compagnie n'a pas demandé l'approbation réglementaire avant d'abandonner la ligne. Par conséquent, l'OTC n'avait aucun pouvoir d'envisager l'application des arrêtés antérieurs ou d'exiger que le CP ou les propriétaires actuels du terrain, Shergar, entretiennent les ponts ou remettent les passages à niveau.
[6] Même si l'avocat de la Ville de Windsor n'a pas contesté la décision selon laquelle le CP aurait validement abandonné la ligne, il a fait valoir que l'OTC avait tout de même commis une erreur de droit en négligeant d'exercer les autres pouvoirs que lui confère la loi, plus particulièrement le pouvoir dont l'investit le paragraphe 95(3) de la Loi sur les transports au Canada, L.C. 1996 ch. 10, d'ordonner de remettre la route dans l'état où elle se trouvait avant d'être relevée pour enjamber la ligne de chemin de fer. Toutefois, à notre avis, ces arguments ne peuvent être retenus que si la Ville réussit à établir que l'OTC jouit d'un pouvoir d'origine législative qui l'autorise à délivrer au CP des arrêtés concernant les ponts.
[7] La prétention principale de l'appelante est qu'en l'absence d'un libellé clair des lois ou des arrêtés eux-mêmes, l'OTC ne perd pas sa compétence, et les arrêtés de ces prédécesseurs ne deviennent pas inopérants, simplement parce que le CP a cessé d'exploiter un service de chemin de fer sur la voie. Pour étayer cette proposition, l'avocat invoque la décision Canadian Pacific Ry. v. City of Montreal and Montreal Tramways (1921), 27 C.R.C. 365, une décision de la Commission des chemins de fer, un prédécesseur de l'OTC.
[8] Dans cette affaire, il était question de la responsabilité d'une compagnie de tramway de contribuer à l'entretien d'un viaduc. Toutefois, l'affaire Montreal se distingue de la présente parce que, dans ce cas, il était loin d'être clair que la compagnie de tramway avait abandonné la ligne et que, de toute façon, la ville aurait encore pu exiger de la compagnie qu'elle rétablisse le service. En outre, il semble qu'alors, la question de savoir si, en se fondant sur ces faits, la Commission était ou non constitutionnellement habilitée à exercer son pouvoir de réglementation, n'ait pas été abordée.
[9] L'avocat a également invoqué l'affaire Fitzgibbon v. C.N.R. (1937), 47 C.R.C. 225, dans laquelle la Commission avait ordonné à la compagnie de clôturer ses terres, même après qu'elle a abandonné la ligne de chemin de fer. Toutefois, comme dans la décision Montreal, le fondement constitutionnel du pouvoir de la Commission dans ces circonstances ne semble pas avoir été soulevé, même si la Commission a effectivement fait remarquer qu'après l'abandon, l'emprise doit être traitée comme un bien immeuble qui appartient à la compagnie et qui est assujetti aux lois provinciales et municipales.
[10] Ce dernier point a été établi dans l'affaire Cairns v. C.N.R. (1936), 46 C.R.C. 52, dans laquelle il était question d'un différend portant sur l'obligation d'une compagnie de chemin de fer d'entretenir une clôture sur le chemin de fer. La Commission des chemins de fer, refusant de prononcer un arrêté contre la compagnie de chemin de fer au motif d'absence de compétence, a indiqué (à la p. 54) :
[TRADUCTION] Lorsque l'abandon de l'exploitation a été autorisé et a eu lieu, l'emprise sur laquelle le chemin de fer est exploité cesse d'être utilisée à des fins ferroviaires; la compagnie la détient alors, non comme partie intégrante de son chemin de fer en tant que tel, mais de la même manière qu'un particulier détient un terrain : elle est assujettie aux lois provinciales et municipales en matière d'obligation de clôturer qui sont susceptibles d'être en vigueur dans une circonscription particulière. |
Dans la mesure où les décisions Fitzgibbon et Cairns se contredisent, nous estimons que la dernière est plus conforme au principe constitutionnel.
[11] Constitutionnellement, l'OTC jouit d'un pouvoir sur les ponts dans la mesure où ceux-ci sont intégrés à des chemins de fer s'étendant au-delà des limites de la province telle que décrite à l'alinéa 92(10)a) de la Loi constitutionnelle de 1867. Si un tel chemin de fer n'existe pas, l'OTC n'est pas habilité à prendre des arrêtés ou à donner effet à des arrêtés antérieurs rendus à leur sujet.
[12] Le fait que des arrêtés aient été pris par des organismes de réglementation des chemins de fer fédéraux à l'endroit du CP, une compagnie de transport constituée en personne morale au fédéral, ne confère pas en soi à ceux-ci un pouvoir de réglementation continu sur toutes ses activités commerciales. Il est bien établi qu'une compagnie de chemin de fer n'est pas soumise à un organisme de réglementation fédéral en ce qui a trait aux activités commerciales qui sont suffisamment distinctes de son exploitation d'un chemin de fer interprovincial et qui relèvent autrement de la compétence provinciale : voir l'arrêt Canadian Pacific Railway Company v. Attorney General for British Columbia, [1950] A.C. 122, aux pages 144 et 145.
[13] Comme les avocats des intimées l'ont fait observer, il serait anormal de conclure qu'une structure reste, uniquement parce qu'elle a déjà été employée à des fins ferroviaires et a appartenu à une compagnie qui exploitait un réseau de chemin de fer national, assujettie à la compétence de l'OTC aussi longtemps que le CP existe ou jusqu'à ce que cette compagnie ait remis la Ville dans sa position antérieure en rétablissant les passages à niveau.
[14] Nous sommes d'avis que le différend actuel qui oppose la Ville, d'une part, et le CP et Shergar, d'autre part, relève exclusivement de la compétence provinciale. Par conséquent, c'est à bon droit que l'OTC a refusé d'intervenir dans ce différend. Comme il a exercé sa compétence en décidant que le CP n'avait pas obtenu l'approbation réglementaire avant d'abandonner la ligne, l'OTC n'était pas, de plus, tenu d'accorder les déclarations sollicitées par l'appelante ni habilité à le faire.
[15] Par ces motifs, l'appel est rejeté avec dépens.
« John M. Evans »
Juge
Traduction certifiée conforme
Martine Guay, LL.L.
COUR FÉDÉRALE DU CANADA
Avocats et avocats inscrits au dossier
N º DE DOSSIER : A-649-98 |
INTITULÉ DE LA CAUSE : CORPORATION OF THE CITY OF WINDSOR, |
appelante,
- et -
COMPAGNIE DE CHEMIN DE FER CANADIEN PACIFIQUE |
et
SHERGAR DEVELOPMENTS INC.,
intimées.
DATE DE L'AUDIENCE : LE MARDI 26 SEPTEMBRE 2000 |
LIEU DE L'AUDIENCE : TORONTO (ONTARIO) |
MOTIFS DU JUGEMENT PRONONCÉS À L'AUDIENCE PAR LE JUGE EVANS, à Toronto (Ontario), le mardi 26 septembre 2000
ONT COMPARU : Patrick T. Brode |
pour l'appelante
Paul Guthrie
Allan R. Patton
Ron Ashley
pour les intimées
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER : Patrick T. Brode |
Corporation of the City of Windsor |
Services juridiques
350, City Hall Square West
Boîte postale 1607
Windsor (Ontario)
N9A 6S1
pour l'appelante |
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER Paul Guthrie, Avocat
(suite) : Compagnie de chemin de fer Canadien Pacifique |
Services juridiques, bureau 2000 |
401-9e Avenue South West |
Calgary (Alberta) |
T2P 4Z4 |
pour l'intimée |
Allan R. Patton |
Patton & Associates |
Avocats et procureurs |
1512 - 140, rue Fullarton |
London (Ontario) |
N6A 5P2 |
pour l'intimée |
Ron Ashley, avocat |
Direction des services juridiques |
Office des transports du Canada |
15, rue Eddy, 19e étage |
Hull (Québec) |
K1A 0N9 |
pour l'intimée |
COUR D'APPEL FÉDÉRALE
Date : 20000926
Dossier : A-649-98
ENTRE :
CORPORATION OF THE CITY
OF WINDSOR,
appelante,
- et -
COMPAGNIE DE CHEMIN DE FER CANADIEN PACIFIQUE |
et
SHERGAR DEVELOPMENTS INC.,
intimées.
MOTIFS DU JUGEMENT |
Date : 20000926
Dossier : A-649-98
Toronto (Ontario) le 26 septembre 2000
CORAM LE JUGE LINDEN
LE JUGE SEXTON
LE JUGE EVANS
ENTRE :
CORPORATION OF THE CITY OF WINDSOR,
appelante,
- et -
COMPAGNIE DE CHEMIN DE FER CANADIEN PACIFIQUE,
- et -
SHERGAR DEVELOPMENTS INC.,
intimées.
JUGEMENT
Le présent appel est rejeté avec dépens
« A.M. Linden »
Juge
Traduction certifiée conforme
Martine Guay, LL.L.