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     Date: 20001026

     Dossier : A-866-97


CORAM :      LE JUGE ROTHSTEIN

         LE JUGE MCDONALD

         LE JUGE SHARLOW

ENTRE :

     SIM & McBURNEY,

     appelante,


     - et -




     GESCO INDUSTRIES, INC.

     et

     LE REGISTRAIRE DES MARQUES DE COMMERCE,

     intimés.



     MOTIFS DU JUGEMENT


     Affaire entendue à Toronto (Ontario), le mardi 24 octobre 2000

     Jugement prononcé à Toronto (Ontario)

     le jeudi 26 octobre 2000



MOTIFS DU JUGEMENT DE LA COUR PRONONCÉS PAR MONSIEUR LE JUGE ROTHSTEIN





     Date: 20001026

     Dossier : A-866-97


CORAM :      LE JUGE ROTHSTEIN

         LE JUGE MCDONALD

         LE JUGE SHARLOW

ENTRE :

     SIM & McBURNEY,

     appelante,


     - et -




     GESCO INDUSTRIES, INC.

     et

     LE REGISTRAIRE DES MARQUES DE COMMERCE,

     intimés.



     MOTIFS DU JUGEMENT

     (Prononcés à l'audience à Toronto (Ontario)

     le jeudi 26 octobre 2000)





LE JUGE ROTHSTEIN


[1]      Dans le cadre du présent appel, il s'agit de savoir si la marque de commerce déposée de Gesco Industries, Inc., « STAINSHIELD » , est employée en liaison avec des [TRADUCTION] « services de traitement anti-taches applicables à des tapis et des moquettes » de la manière décrite dans son enregistrement.

[2]      À la suite d'une demande présentée par l'appelante aux termes du paragraphe 45(1) de la Loi sur les marques de commerce, L.R.C. (1985), ch. T-13, modifiée et après avoir reçu des éléments de preuve de Gesco et entendu les arguments, la registraire des marques de commerce a jugé que la marque de commerce « STAINSHIELD » était employée en liaison avec des marchandises et non avec des services, comme le spécifie l'enregistrement. Conformément au paragraphe 45(3) de la Loi sur les marques de commerce, elle a radié cette marque de commerce. Gesco a interjeté appel auprès de la Section de première instance de la Cour fédérale en vertu de l'article 56 de la Loi. Le juge de première instance a conclu qu'aux termes de l'article 45, le rôle du registraire se limite à déterminer si une marque de commerce est employée et que la registraire a excédé sa compétence en décidant que la marque était utilisée en liaison avec des marchandises et non avec des services. Il a décidé que la preuve qui lui était présentée établissait l'emploi requis. Il a accueilli l'appel et ordonné la réinscription au registre de la marque de commerce en cause.

[3]      Les paragraphes 45(1) et (3) disposent :


45. (1) The Registrar may at any time and, at the written request made after three years from the date of the registration of a trade-mark by any person who pays the prescribed fee shall, unless the Registrar sees good reason to the contrary, give notice to the registered owner of the trade-mark requiring the registered owner to furnish within three months an affidavit or a statutory declaration showing, with respect to each of the wares or services specified in the registration, whether the trade-mark was in use in Canada at any time during the three year period immediately preceding the date of the notice and, if not, the date when it was last so in use and the reason for the absence of such use since that date.

. . .

(3) Where, by reason of the evidence furnished to the Registrar or the failure to furnish any evidence, it appears to the Registrar that a trade-mark, either with respect to all of the wares or services specified in the registration or with respect to any of those wares or services, was not used in Canada at any time during the three year period immediately preceding the date of the notice and that the absence of use has not been due to special circumstances that excuse the absence of use, the registration of the trade-mark is liable to be expunged or amended accordingly.

. . .

45. (1) Le registraire peut, et doit sur demande écrite présentée après trois années à compter de la date de l'enregistrement d'une marque de commerce, par une personne qui verse les droits prescrits, à moins qu'il ne voie une raison valable à l'effet contraire, donner au propriétaire inscrit un avis lui enjoignant de fournir, dans les trois mois, un affidavit ou une déclaration solennelle indiquant, à l'égard de chacune des marchandises ou de chacun des services que spécifie l'enregistrement, si la marque de commerce a été employée au Canada à un moment quelconque au cours des trois ans précédant la date de l'avis et, dans la négative, la date où elle a été ainsi employée en dernier lieu et la raison de son défaut d'emploi depuis cette date.

. . .

(3) Lorsqu'il apparaît au registraire, en raison de la preuve qui lui est fournie ou du défaut de fournir une telle preuve, que la marque de commerce, soit à l'égard de la totalité des marchandises ou services spécifiés dans l'enregistrement, soit à l'égard de l'une de ces marchandises ou de l'un de ces services, n'a été employée au Canada à aucun moment au cours des trois ans précédant la date de l'avis et que le défaut d'emploi n'a pas été attribuable à des circonstances spéciales qui le justifient, l'enregistrement de cette marque de commerce est susceptible de radiation ou de modification en conséquence.

. . .

[4]      Nous sommes d'avis que la registraire n'a pas excédé sa compétence en examinant si l'emploi décrit par Gesco se faisait en liaison avec des marchandises ou des services. L'article 45 est certes une procédure sommaire, mais il exige que le registraire détermine si une marque de commerce est utilisée en liaison avec des marchandises ou des services spécifiés dans l'enregistrement. Les mots pertinents du paragraphe 45(3) concernent la question de savoir si la marque de commerce est employée « soit à l'égard de la totalité des marchandises ou services spécifiés dans l'enregistrement, soit à l'égard d'une de ces marchandises ou de l'un de ces services » . Lorsque aucune preuve d'emploi en liaison avec une des marchandises ou un des services spécifiés dans l'enregistrement n'est fournie, l'enregistrement de la marque de commerce est susceptible d'être radié. Lorsqu'il y a une preuve d'emploi à l'égard d'une partie mais non de la totalité des marchandises ou des services spécifiés dans l'enregistrement, l'enregistrement est susceptible d'être modifié par la suppression des marchandises ou des services pour lesquels il n'y a pas de preuve d'emploi. Pour cette raison, nous ne souscrivons pas à la conclusion du juge de première instance selon laquelle la compétence du registraire aux termes du paragraphe 45(3) se limite à établir l'existence d'une preuve d'emploi. La registraire n'a pas excédé sa compétence en décidant s'il y avait emploi de la marque de commerce en liaison avec des services.
[5]      Toutefois, nous sommes d'avis que la registraire a commis une erreur en concluant que la marque de commerce n'était pas employée en liaison avec des services. En général, la décision de savoir si une marque de commerce est employée en liaison avec des marchandises ou des services spécifiés est une question de fait. Toutefois, en l'espèce, les conclusions de la registraire renferment une décision juridique implicite, savoir qu'une marque de commerce employée en liaison avec des services appliqués à un produit avant qu'il soit vendu constitue une utilisation en liaison avec des marchandises et non une utilisation en liaison avec des services. En fait, les motifs de la registraire indiquent que pour qu'une marque de commerce soit considérée comme étant employée en liaison avec des services, les services doivent être fournis directement au public et non à un produit avant d'être vendus au public. En rendant cette décision, nous croyons que la registraire a commis une erreur sur une question fondamentale d'interprétation législative dont l'importance dépasse les faits de l'espèce et à l'égard de laquelle la Cour a le droit d'intervenir.
[6]      L'article 4 de la Loi sur les marques de commerce établit une présomption à l'égard des circonstances dans lesquelles une marque de commerce est employée en liaison avec des marchandises ou des services :

4. (1) A trade-mark is deemed to be used in association with wares if, at the time of the transfer of the property in or possession of the wares, in the normal course of trade, it is marked on the wares themselves or on the packages in which they are distributed or it is in any other manner so associated with the wares that notice of the association is then given to the person to whom the property or possession is transferred.

(2) A trade-mark is deemed to be used in association with services if it is used or displayed in the performance or advertising of those services.

. . .

4. (1) Une marque de commerce est réputée employée en liaison avec des marchandises si, lors du transfert de la propriété ou de la possession de ces marchandises, dans la pratique normale du commerce, elle est apposée sur les marchandises mêmes ou sur les colis dans lesquels ces marchandises sont distribuées, ou si elle est, de toute autre manière, liée aux marchandises à tel point qu'avis de liaison est alors donné à la personne à qui la propriété ou possession est transférée.

(2) Une marque de commerce est réputée employée en liaison avec des services si elle est employée ou montrée dans l'exécution ou l'annonce de ces services.

. . .

[7]      L'appelante fait valoir -- et, apparemment, le registraire est du même avis -- que les services mentionnés au paragraphe 4(2) doivent être des services offerts au public indépendamment des marchandises. Il est dit que si les services entrent dans la production de marchandises, toute marque de commerce liée à ces services est réputée être une marque de commerce employée en liaison avec les marchandises uniquement.
[8]      Nous ne voyons rien à l'article 4 qui limite ainsi les services auxquels une marque de commerce peut être liée. À notre avis, la question de savoir si les services sont appliqués à un produit avant qu'il soit vendu ou s'ils peuvent être obtenus directement au choix du consommateur ne constitue pas un critère d'application du paragraphe 4(2). Ce paragraphe prévoit qu'une marque de commerce est réputée être employée en liaison avec des services si elle est affichée dans la publicité de ces services. C'est précisément ce qui a été prouvé en l'espèce. La déclaration sous serment qu'a faite le 17 décembre 1996 le vice-président du marchandisage de Gesco et qui a été déposée devant la Section de première instance indique que « STAINSHIELD » n'est pas un type ni une marque de tapis, non plus qu'il ne s'agit d'une solution en bouteille ou en aérosol devant être appliquée à des tapis. « STAINSHIELD » est plutôt employé pour annoncer le procédé d'application d'une solution anti-taches de Gesco à certaines de ses gammes de tapis. Rien au paragraphe 4(2) ne limite les services à ceux qui sont offerts indépendamment au public ou qui ne sont pas accessoires ou liés aux marchandises.
[9]      En revanche, aux termes du paragraphe 4(1), pour qu'une marque de commerce soit réputée employée en liaison avec des marchandises, un certain nombre de conditions doivent être remplies: au moment du transfert de la propriété ou de la possession des marchandises, la marque de commerce est-elle employée? Cet emploi se fait-il dans le cours normal des affaires et la marque est-elle apposée sur les marchandises ou les emballages? Le législateur n'a pas imposé ces restrictions ou conditions à la présomption d'emploi d'une marque de commerce en liaison avec des marchandises.
[10]      Dans Kraft Limited c. Registraire des marques de commerce (1984), 1 C.P.R. (3d) 457, le juge Strayer (plus tard juge de la Cour d'appel) a souligné que la jurisprudence nous était de peu de secours pour l'interprétation correcte du mot « services » tel qu'employé dans la Loi sur les marques de commerce, ce qui est encore le cas aujourd'hui. Après avoir examiné la jurisprudence américaine qui lui a été citée, le juge Strayer a adopté une interprétation large du mot « services » . À la page 460, il dit :
J'en viens à peu près à la même conclusion que celle qu'a tirée la Cour des appels des douanes et des brevets dans l'affaire American International Reinsurance Company, Inc. v. Airco, Inc. (1978), 197 U.S.P.Q. 69 à la p. 71, où la Cour a fait remarquer ce qui suit concernant le Lanham Act :
Il apparaît évident qu'on n'a jamais tenté de définir « services » simplement en raison du nombre incalculable des services que l'esprit de l'homme est capable d'inventer. Il faudrait par le fait même que ce terme soit interprété de façon libérale. Vu ce qui précède, chaque cas doit être tranché en regard de ses faits propres, en tenant compte comme il convient des précédents.
Il poursuit à la page 461 :
À mon avis, rien dans cette définition ne suppose que les « services » à l'égard desquels est établie une marque de commerce se limitent à ceux qui ne sont pas « accessoires » à la vente de biens.
Nous souscrivons au raisonnement du juge Strayer.
[11]      Chaque cas doit être tranché en fonction des faits qui lui sont propres. En l'espèce, la marque de commerce « STAINSHIELD » est affichée dans la publicité du traitement de certaines des gammes de tapis et de moquettes de Gesco. Les services peuvent être accessoires aux marchandises, mais cela ne signifie pas que la marque de commerce n'est pas employée en liaison avec les services. D'après les faits de l'espèce et en raison de notre interprétation de la loi susmentionnée, nous concluons que la marque de commerce « STAINSHIELD » est employée en liaison avec les services divulgués dans l'enregistrement de la marque de commerce.
[12]      Le registraire a donc commis une erreur en radiant la marque de commerce « STAINSHIELD » du registre et c'est à juste titre que le juge de première instance en a ordonné la réinscription au registre.
[13]      Le présent appel sera rejeté avec dépens.

     « Marshall Rothstein »
     J.C.A.
Toronto (Ontario)
Le 26 octobre 2000
Traduction certifiée conforme :
Richard Jacques, LL. L.

             COUR FÉDÉRALE DU CANADA

     Avocats et avocats inscrits au dossier

                            

No DE DOSSIER :          A-866-97

    

INTITULÉ DE LA CAUSE :      SIM & McBURNEY,

     appelante,

                     - et -


                 GESCO INDUSTRIES, INC. et

                 LE REGISTRAIRE DES MARQUES DE COMMERCE,

     intimés.


DATE DE L'AUDIENCE :      LE MARDI 24 OCTOBRE 2000

LIEU DE L'AUDIENCE :      TORONTO (ONTARIO)

MOTIFS DU JUGEMENT PRONONCÉS PAR LE JUGE ROTHSTEIN

EN DATE DU :          JEUDI 26 OCTOBRE 2000
ONT COMPARU :          Kenneth D. McKay,

                         pour l'appelante,

                 Marilyn M.M. Field-Marsham,

                         pour l'intimée, Gesco Industries, Inc.

                 Sean Gaudet,

                         pour l'intimé, le Registraire des marques de commerce

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

                 SIM, HUGHES, ASHTON & McKAY

                 330 University Avenue, 6eétage

                 Toronto (Ontario)

                 M5G 1R7,
                         pour l'appelante,

     Page : 2


AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

(suite)                  OSLER, HOSKIN & HARCOURT

                 C.P. 50, First Canadian Place

                 Toronto (Ontario)

                 M5X 1B8,

                         pour l'intimée, Gesco Industries, Inc.


                 Morris Rosenberg,

                 Sous-procureur général du Canada,
                         pour l'intimé, le Registraire des marques de commerce

                         COUR FÉDÉRALE DU CANADA

                         SECTION D'APPEL

Date : 20001026


Dossier : A-866-97

                        

                         ENTRE :


                         SIM & McBURNEY

     Appelante

                        

                         - et -




                         GESCO INDUSTRIES, INC. et

                         LE REGISTRAIRE DES MARQUES DE COMMERCE

     Intimés


                        

                

                             MOTIFS DU JUGEMENT

                        

                        




     Date: 20001026

     Dossier : A-866-97

Toronto (Ontario), le jeudi 26 octobre 2000

CORAM :      LE JUGE ROTHSTEIN

         LE JUGE MCDONALD

         LE JUGE SHARLOW

ENTRE :

     SIM & McBURNEY,

     appelante,


     - et -




     GESCO INDUSTRIES, INC.

     et

     LE REGISTRAIRE DES MARQUES DE COMMERCE,

     intimés.



     JUGEMENT


     Le présent appel est rejeté avec dépens.

                                 « Marshall Rothstein »

    

     J.C.A.

Traduction certifiée conforme :

Richard Jacques, LL. L.

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