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Date : 20180112


Dossier : A‑84‑16

Référence : 2018 CAF 11

[TRADUCTION FRANÇAISE]

CORAM :

LA JUGE GAUTHIER

LE JUGE DE MONTIGNY

LA JUGE WOODS

 

ENTRE :

 

 

SUNCOR ÉNERGIE INC.

 

 

appelante

 

 

et

 

 

OFFICE CANADA‑TERRE‑NEUVE‑ET‑LABRADOR DES HYDROCARBURES EXTRACÔTIERS

 

 

intimé

 

 

et

 

 

LE COMMISSAIRE À L'INFORMATION

 

 

intimé

 

Audience tenue à St. John's (Terre‑Neuve‑et‑Labrador), le 27 juin 2017.

Jugement rendu à Ottawa (Ontario), le 12 janvier 2018.

MOTIFS DU JUGEMENT :

LE JUGE DE MONTIGNY

MOTIFS CONCOURANTS :

LA JUGE GAUTHIER

Y A SOUSCRIT :

LA JUGE WOODS

 


Date : 20180112


Dossier : A‑84‑16

Référence : 2018 CAF 11

CORAM :

LA JUGE GAUTHIER

LE JUGE DE MONTIGNY

LA JUGE WOODS

 

 

ENTRE :

 

 

SUNCOR ÉNERGIE INC.

 

 

appelante

 

 

et

 

 

OFFICE CANADA‑TERRE‑NEUVE‑ET‑LABRADOR DES HYDROCARBURES EXTRACÔTIERS

 

 

intimé

 

 

et

 

 

LE COMMISSAIRE À L'INFORMATION

 

 

intimé

 

MOTIFS DU JUGEMENT

LE JUGE DE MONTIGNY

[1] La Cour est saisie de l'appel du jugement rendu par la juge Heneghan de la Cour fédérale (la juge). La juge a rejeté le recours en révision que Suncor Énergie Inc. (Suncor) avait présenté en vertu de l'article 44 de la Loi sur l'accès à l'information, L.R.C. 1985, ch. A‑1 (la Loi sur l’accès), à l'égard de la décision de l'Office Canada‑Terre‑Neuve‑et‑Labrador des hydrocarbures extracôtiers (l'Office) de donner communication de certains documents en ne supprimant que certains passages (Suncor Energy Inc. c. Office Canada‑Terre‑Neuve des hydrocarbures extracôtiers, 2016 CF 168 (les motifs)).

[2] La question en litige est la même que celle dans l'affaire connexe dont le jugement est rendu en même temps que le présent arrêt (Husky Oil Operations Limited c. Office Canada‑Terre‑Neuve‑et‑Labrador des hydrocarbures extracôtiers, 2018 CAF 10 (Husky Oil)). Il s'agit de savoir si le fait que le nom d'employés et leur lien avec leur employeur, un « tiers intéressé », apparaissent sur Internet autorise la divulgation de leurs noms lorsqu'ils se trouvent dans les documents visés par une demande d'accès à l'information présentée au titre de la Loi sur l’accès. La demande d'accès initiale est la même que celle examinée dans Husky Oil.

[3] Pour les motifs prononcés dans Husky Oil, je suis d'avis que les noms des employés de Suncor et leur lien avec leur employeur qui apparaissent dans les documents demandés ne sont pas des « renseignements personnels » au sens de la Loi sur la protection des renseignements personnels, L.R.C. 1985, ch. P‑21, qui renvoie à l'article 19 de la Loi sur l’accès. Je suis également d'avis que, quoi qu'il en soit, l'Office n'a commis aucune erreur en concluant que les documents en cause ne divulguaient rien de plus à propos des employés que ce qui apparaissait déjà sur Internet, et que l'Office pouvait légalement exercer son pouvoir discrétionnaire et donner communication de ces renseignements.

I. Les faits

[4] Les faits ne sont pas contestés et sont semblables à ceux de l'affaire Husky Oil. Suncor est une société canadienne de production d'énergie établie à Calgary, en Alberta. Elle se livre à des activités d'exploration et de production de pétrole dans la zone extracôtière de Terre‑Neuve‑et‑Labrador. L'Office intimé a le mandat, aux termes de la Loi de mise en œuvre de l'Accord atlantique Canada‑Terre‑Neuve‑et‑Labrador, L.C. 1987, ch. 3, de réglementer les activités d'exploration et de production d'hydrocarbures dans la zone extracôtière de Terre‑Neuve‑et‑Labrador, y compris les activités de Suncor. Le commissaire à l'information intimé est un mandataire du Parlement nommé aux termes du paragraphe 54(1) de la Loi sur l’accès et est autorisé, en vertu de l'article 30, à recevoir les plaintes fondées sur la loi et à faire enquête sur celles‑ci. La Cour fédérale a autorisé le commissaire à l'information à comparaître comme partie à l'instance en application de l'alinéa 42(1)c) de la Loi sur l’accès.

[5] En février 2014, l'Office a reçu la demande d'accès suivante :

[TRADUCTION]

1. Veuillez fournir les formulaires de demande envoyés, la correspondance, la réponse de l'Office, les montants des crédits de travail accordés et l'ensemble des autres documents et des pièces jointes connexes pour chaque numéro de programme figurant dans la lettre de l'OCTNLHE datée du 13 mars 2012 (ci‑jointe).

2. Veuillez fournir tous les documents relatifs à la visualisation, à la divulgation, aux emprunts et aux copies faites à partir de ces mêmes numéros de programme (ci‑joints), notamment les conventions de responsabilité, la correspondance, les transmissions, les formulaires de suivi des exemplaires, les courriels et les factures.

Formulaire de demande d'accès à l'information, dossier d'appel (version publique), onglet 4.

[6] Certains des documents demandés se rapportaient à un numéro de programme dont l'exploitation était assurée par la Sun Oil Company, une société liée à Suncor. Aux termes de l'article 27 de la Loi sur l’accès, l'Office a donné à Suncor un avis écrit de la demande d'accès et y a joint les documents visés par celle‑ci. L'Office a invité Suncor à présenter des observations sur les raisons qui justifieraient un refus de communication total ou partiel des documents.

[7] En avril 2014, Suncor a fait connaître à l'Office son point de vue concernant la demande d'accès. Le fait que Suncor ait affirmé que la communication des documents demandés était interdite aux termes du paragraphe 19(1) de la Loi sur l’accès est particulièrement pertinent. Suncor alléguait que certains documents contenaient des renseignements personnels, soit les noms et les liens d'un certain nombre de ses employés qui avaient communiqué avec l'Office en 2009 pour demander des renseignements géophysiques pour le compte de leur employeur. Comme on peut le constater à la lecture de l'article 19 de la Loi sur l’accès, on suppose que la communication de renseignements personnels est interdite, sauf si, notamment, le public a accès aux renseignements. Trois employés de Suncor nommés dans les documents demandés avaient des profils sur le site LinkedIn qui indiquaient au public leur lien avec Suncor. Les noms de ces employés sont les renseignements personnels en cause en l'espèce. En bref, Suncor a plaidé en faveur d'une interprétation large de ce qui constitue des renseignements personnels et a fait valoir que les noms de ses employés étaient des renseignements personnels auxquels le public n'avait pas accès, lorsqu'on tient compte du fait qu'on demandait les noms des employés de Suncor qui avaient communiqué avec l'Office en 2009.

[8] Le 15 mai 2014, l'Office a communiqué sa décision à Suncor. En ce qui a trait à certains des documents demandés, l'Office a décidé que les noms des employés de Suncor seraient communiqués, au motif que le public avait accès à ces renseignements personnels. L'Office a néanmoins supprimé la plupart des coordonnées de ces employés.

II. La décision de la Cour fédérale

[9] À la Cour fédérale, Suncor a soulevé un certain nombre d'observations pour étayer sa position selon laquelle certaines parties des documents demandés devaient être supprimées. Étant donné que la seule question dont nous sommes saisis est l'observation de Suncor selon laquelle certains des renseignements sont de nature personnelle, je ne me pencherai que sur les aspects de la décision qui traitent de cette question précise.

[10] Suncor a prétendu que les noms, les postes et les coordonnées d'un certain nombre de ses employés, actuels et anciens, sont des renseignements personnels aux termes de la Loi sur l’accès et qu'ils ne sont visés par aucune des exceptions à la non‑communication prévues à l'alinéa 19(2)b) de la loi. Suncor a répété que même si les noms et les postes de ses employés sont affichés sur LinkedIn, rien dans leurs profils publics ne portait sur les courriels faisant partie des documents. De plus, Suncor a fait valoir que le fait que les employés avaient des profils LinkedIn ne signifiait pas qu'ils renonçaient à leur droit à la vie privée. En outre, Suncor a soutenu que, compte tenu de ses préoccupations quant à la sécurité personnelle des employés identifiés, préoccupations qui découlent d'un litige mettant Suncor en cause et pouvant être lié à la demande d'accès à l'information, le droit à la vie privée des employés devrait l'emporter sur le droit du public à l'accès en l'espèce.

[11] S'agissant du paragraphe 19(1) de la Loi sur l’accès, qui interdit la communication de documents contenant des renseignements personnels, la juge a établi que la norme de contrôle applicable était celle de la décision correcte (Canada (Commissaire à l'information) c. Canada (Commissaire de la Gendarmerie royale du Canada), 2003 CSC 8, [2003] 1 R.C.S. 66 (Commissaire de la GRC), au para. 19). En ce qui concerne le paragraphe 19(2), la disposition qui porte sur le pouvoir discrétionnaire de donner communication de renseignements personnels dans certaines circonstances, la juge a conclu que la norme de la décision raisonnable s'appliquait (Commissaire à l'information du Canada c. Ministre des Ressources naturelles, 2014 CF 917, au para. 52).

[12] Sur le fond, la juge a souligné que le terme « renseignements personnels » doit jouir d'une interprétation large (Commissaire de la GRC, au paragraphe 23, qui renvoie à Dagg c. Canada (Ministre des Finances), [1997] 2 R.C.S. 403, aux para. 68 et 69). Par conséquent, elle a convenu avec les parties que les noms, les coordonnées et les titres des postes des employés sont des « renseignements personnels » au sens de la Loi sur la protection des renseignements personnels. Elle a ensuite conclu que le fait de ne pas supprimer de certains courriels le nom d'un employé dont le lien avec Suncor n'était pas public était un exercice déraisonnable du pouvoir discrétionnaire de l'Office. Il en était de même des coordonnées de deux autres employés de Suncor. En ce qui concerne les noms des trois employés de Suncor qui avaient des profils LinkedIn, elle a conclu que ces renseignements étaient clairement publics. Par conséquent, elle a décidé qu'il était raisonnable pour l'Office de donner communication de ces renseignements personnels, au motif que le public y avait accès.

III. Les questions en litige

[13] L'appel soulève les questions de savoir : (1) si la Cour fédérale a commis une erreur dans son interprétation du terme « renseignements personnels » au paragraphe 19(1) de la Loi sur l’accès; (2) si l'Office a commis une erreur en exerçant son pouvoir discrétionnaire de donner communication de renseignements personnels au titre de l'alinéa 19(2)b) de la loi.

IV. Analyse

[14] Pour les motifs déjà prononcés dans Husky Oil, je suis d'avis que la norme de contrôle applicable est régie par l'arrêt Blank c. Ministre de la Justice, 2016 CAF 189, [2016] A.C.F. no 694 (QL), de notre Cour. Par conséquent, la norme de contrôle qui s'applique à l'appel d'une décision d'un juge de la Cour fédérale lors d'une révision en vertu de l'article 41 de la Loi sur l’accès est la norme qui s'applique en général lors d'un appel d'une décision en matière de contrôle judiciaire, comme il est établi dans Agraira c. Canada (Sécurité publique et Protection civile), 2013 CSC 36, [2013] 2 R.C.S. 559. Comme dans Husky Oil, il n'est pas contesté que la juge a correctement déterminé les normes de contrôle applicables, à savoir celle de la décision correcte pour décider si les renseignements étaient des « renseignements personnels » au sens du paragraphe 19(1), et celle de la décision raisonnable pour décider si le public avait accès aux renseignements et s'ils pouvaient être communiqués.

[15] En me mettant à la place de la juge, je dois donc décider si elle a eu raison de conclure que les renseignements personnels en cause étaient simplement les noms des employés de Suncor ainsi que leurs liens avec cette dernière, comme l'a conclu l'Office, plutôt que d'aller plus loin pour conclure que les renseignements personnels contenus dans les documents s'étendaient à l'ensemble du contexte dans lequel figuraient les noms. Autrement dit, selon Suncor, lorsqu'elle est correctement interprétée, la portée des renseignements personnels en cause comprend non seulement les noms des employés de Suncor, mais aussi leur lien avec l'Office lorsqu'ils ont obtenu des copies des renseignements géophysiques pour Suncor. Ces renseignements, affirme Suncor, sont des « renseignements [...] concernant un individu identifiable » au sens de la définition du terme « renseignements personnels » à l'article 3 de la Loi sur la protection des renseignements personnels.

[16] Je suis parfaitement conscient que les parties, à la fois devant la juge et devant notre cour, reconnaissent que les noms, les coordonnées et les titres des postes des employés de Suncor en cause sont des renseignements personnels au sens de la Loi sur la protection des renseignements personnels. Cela dit, le fait que les parties s'entendent sur une question de droit ne lie pas les tribunaux. De plus, le commissaire a instamment demandé à la Cour de résoudre ce qu'il croit être une jurisprudence contradictoire au sujet du sens de l'expression « renseignements personnels » et de régler l'apparente contradiction entre les arrêts Canada (Commissaire à l'information) c. Canada (Bureau d'enquête sur les accidents de transport et de la sécurité des transports), 2006 CAF 157, [2007] 1 R.C.F. 203, et Janssen‑Ortho Inc. c. Canada (Ministre de la Santé), 2007 CAF 252.

[17] J'estime non seulement que nous devrions préciser autant que possible une notion aussi cruciale et fondamentale que « renseignements personnels », mais aussi qu'il s'agit logiquement d'une condition préalable à l'analyse du pouvoir discrétionnaire conféré au responsable d'une institution fédérale de donner communication d'un document comportant des renseignements personnels. En fait, le premier argument de Suncor est que la juge a commis une erreur en excluant des « renseignements personnels » les renseignements qui figuraient avec les noms des employés à propos de leur participation à l'obtention des renseignements géophysiques, ainsi qu'en limitant ce concept aux noms des employés et à leurs liens avec leur employeur. Certes, la position de Suncor est que la juge aurait dû interpréter le terme « renseignements personnels » de manière plus large, et non, comme je le propose, de manière plus étroite, afin de tenir compte de l'objet de la Loi sur l’accès et de la Loi sur la protection des renseignements personnels. L'observation de Suncor illustre néanmoins le fait qu'une compréhension appropriée de ce en quoi consistent des « renseignements personnels » dans le cas d'un document est essentielle, et en fait inévitable, avant de se pencher sur l'application du paragraphe 19(2) de la Loi sur l’accès.

[18] Pour les motifs énoncés dans Husky Oil, je conclus que les noms et les postes des employés de Suncor, de même que les renseignements révélant le rôle joué par les employés dans l'obtention, par Suncor, de certains renseignements géophysiques de l'Office, ne répondent pas à la définition du terme « renseignements personnels » de la Loi sur la protection des renseignements personnels et que, par conséquent, ils ne sont pas visés par le paragraphe 19(1) de la Loi sur l’accès.

[19] De toute façon, je conclus également que la juge n'a commis aucune erreur en concluant que l'Office avait exercé raisonnablement son pouvoir discrétionnaire concernant la communication des renseignements en cause, aux termes de l'alinéa 19(2)b). L'Office pouvait décider que le public avait accès aux renseignements qui étaient publiés dans LinkedIn. Il incombait à Suncor de démontrer que les documents en cause communiquaient quelque chose de plus à propos des employés que ce qui avait déjà été rendu public dans Internet. Suncor a vaguement tenté de faire valoir que ses employés pourraient faire l'objet de harcèlement si on communiquait leur implication auprès de l'Office, en raison d'un litige en cours entre elle et d'autres parties non identifiées. Comme l'Office l'a fait remarquer, la preuve présentée par Suncor était insuffisante pour étayer cette allégation, qui, en réalité, n'était que conjecture.

[20] Pour tous les motifs qui précèdent, je rejetterais donc le présent appel ainsi que la demande de Suncor en vue d'obtenir une ordonnance enjoignant à l'Office de supprimer, avant la communication des documents en cause, les noms et les postes des employés. J'adjugerais les dépens à l'Office uniquement.

« Yves de Montigny »

j.c.a.


LA JUGE GAUTHIER (motifs concourants)

[21] J'ai eu l'occasion d'examiner les motifs du juge de Montigny et je souscris à la façon dont il propose de trancher le présent appel. Cependant, comme dans Husky Oil, je ne peux partager l'avis de mon savant collègue selon lequel les noms des employés de Suncor et leur lien avec cet employeur ne satisfont pas à la définition du terme « renseignements personnels » de la Loi sur la protection des renseignements personnels. À mon avis, il n'est pas nécessaire d'étudier cette question en l'espèce, comme il ne l'était pas dans Husky Oil (voir mes motifs concourants). Vu le jugement de la Cour fédérale en l'espèce, il est encore plus important de ne pas le faire.

[22] Comme l'a mentionné mon collègue, la Cour fédérale était d'accord avec les trois parties devant elle pour dire que les noms, les coordonnées et les liens entre les personnes en cause et Suncor étaient des « renseignements personnels » protégés au titre de la Loi sur la protection des renseignements personnels. En fait, la Cour fédérale avait conclu que l'Office n'avait pas constaté certains renseignements personnels qui auraient dû être supprimés aux termes du paragraphe 19(1) (voir les motifs de la Cour fédérale, au para. 80). La Cour fédérale a ordonné qu'une partie de ces renseignements, auxquels le public n'avait pas accès, par exemple le nom d'un employé qui ne disposait d'aucun profil dans Internet, soit supprimée. Cette partie du jugement n'a pas été portée en appel.

[23] Bien que je convienne que le tribunal n'est pas lié juridiquement par le fait que les parties s'entendent sur une question de droit, il ne devrait pas, à mon avis, trancher un appel sur un point qui n'apparaissait pas dans l'avis d'appel ou les mémoires, puisque les parties n'ont pas eu la possibilité de présenter leurs observations à ce sujet.

[24] Cela dit, je suis d'accord avec mon collègue pour dire que Suncor ne s'est pas acquittée de son fardeau d'établir que l'Office a commis une erreur susceptible de contrôle lorsqu'il a décidé de communiquer les documents sans supprimer les noms des trois employés du fait que le public avait accès à leurs noms et à leurs liens avec Suncor. Je souscris à la conclusion qu'il a tirée au paragraphe 19 de ses motifs.

[25] Je conclus que l'appel devrait être rejeté, car Suncor ne s'est pas acquittée de son fardeau d'établir que les « renseignements » que l'Office avait l'intention de communiquer excédaient les renseignements auxquels le public avait déjà accès, en application du paragraphe 19(2) de la Loi sur l’accès.

[26] Comme je l'ai mentionné au paragraphe 62 de mes motifs dans Husky Oil, la seule norme de contrôle applicable à cette conclusion est celle de la décision raisonnable; l'approche établie par la Cour suprême du Canada dans Agraira s'applique.

[27] Je ne retiens pas l'observation de Suncor selon laquelle on pouvait conclure, même sans élément de preuve, que le fait qu'une personne a communiqué avec l'Office pour quelque raison que ce soit, peu importe l'insignifiance de la nature de la communication (par exemple, pour des renseignements à propos des coûts d'impression figurant déjà sur le site Web de l'Office), n'est pas visé par l'alinéa 19(2)b), sauf si le public avait accès à cette communication même. Comme je l'ai mentionné dans Husky Oil, à mon avis, le fait d'interpréter l'alinéa 19(2)b) d'une manière aussi restrictive, et de trancher la question dans un vide absolu, enlèverait tout son sens à l'alinéa 19(2)b).

[28] Comme il a été souligné dans Husky Oil, on ne devrait pas trancher une telle question sans preuve quant à ce à quoi le public avait en fait accès à l'égard des trois employés en cause, d'autant plus que les noms des trois employés apparaissent uniquement comme destinataires d'une copie (c.c.) dans la chaîne de courriels. Par exemple, est‑il question de la divulgation du fait qu'une personne dont on sait qu'elle est commis financier chez Suncor a reçu une copie d'un courriel portant sur le coût de la reproduction de certains documents? À mon avis, pour apprécier si la décision de l'Office appartient aux issues pouvant se justifier, il faut connaître le contexte. Il faut certainement savoir les renseignements qu'avait le public quant aux rôles de ces personnes chez Suncor. Nous ne disposons d'aucun renseignement de la part de ces employés ou à leur sujet. Il n'y a aucune preuve que les renseignements dans ces courriels divulguaient davantage que le fait que ces employés travaillaient chez Suncor; nous ne connaissons pas vraiment l'étendue des profils accessibles dans Internet.

[29] Enfin, je souligne que je suis quelque peu étonnée que rien n'indique qu'on ait demandé l'avis de ces employés. Lorsque l'on tient compte du fait que Suncor avait même demandé à l'Office de supprimer de cette correspondance les noms des employés de l'Office lui‑même, on se demande quel est l'objet réel du débat. De toute façon, il semble que l'alinéa 19(2)a) existe afin d'éviter un débat aussi stérile. Il est très important que les personnes qui utilisent les médias sociaux et qui publient leur profil ainsi que d'autres renseignements personnels sur Internet soient informées des conséquences possibles sur leur droit en matière de vie privée. J'espère qu'on examinera davantage l'application possible de cette disposition à l'avenir lorsqu'il sera question des médias sociaux.

« Johanne Gauthier »

j.c.a.

« Je suis d'accord.

J. Woods, j.c.a. »


COUR D'APPEL FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

A‑84‑16

 

 

INTITULÉ :

SUNCOR ÉNERGIE INC. c. OFFICE CANADA‑TERRE‑NEUVE‑ET‑LABRADOR DES HYDROCARBURES EXTRACÔTIERS ET LE COMMISSAIRE À L'INFORMATION

 

 

LIEU DE L'AUDIENCE :

St. John's (TERRE‑NEUVE‑ET‑Labrador)

 

DATE DE L'AUDIENCE :

LE 27 JUIN 2017

 

MOTIFS DU JUGEMENT :

LE JUGE DE MONTIGNY

 

mOTIFS CONCOurants :

LA JUGE GAUTHIER

 

Y A SOUSCRIT :

LA JUGE WOODS

DATE DES MOTIFS :

LE 12 JANVIER 2018

 

COMPARUTIONS :

Douglas B. Skinner

Alexander Templeton

 

POUR L'APPELANTE

 

Amy M. Crosbie

 

POUR L'INTIMÉ

OFFICE CANADA‑TERRE‑NEUVE‑ET‑LABRADOR DES HYDROCARBURES EXTRACÔTIERS

 

Louisa Garib

Aditya Ramachandran

 

POUR L'INTIMÉ LE COMMISSAIRE À L'INFORMATION

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

McInnis Cooper

Avocats

St. John's (Terre‑Neuve‑et‑Labrador)

 

POUR L'APPELANTE

 

Curtis, Dawe

Avocats

St. John's (Terre‑Neuve‑et‑Labrador)

POUR L'INTIMÉ

OFFICE CANADA‑TERRE‑NEUVE‑ET‑LABRADOR DES HYDROCARBURES EXTRACÔTIERS

 

Commissariat à l'information du Canada

Gatineau (Québec)

 

POUR L'INTIMÉ LE COMMISSAIRE À L'INFORMATION

 

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