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Date : 20171208


Dossier : A-546-15

Référence : 2017 CAF 242

[TRADUCTION FRANÇAISE]

CORAM :

LE JUGE PELLETIER

LE JUGE STRATAS

LE JUGE DE MONTIGNY

 

 

ENTRE :

OLUKAYODE ADEBOGUN

demandeur

et

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

défendeur

Audience tenue à Regina (Saskatchewan), le 30 novembre 2017.

Jugement rendu à Ottawa (Ontario), le 8 décembre 2017.

MOTIFS DU JUGEMENT :

LE JUGE DE MONTIGNY

Y ONT SOUSCRITS :

LE JUGE PELLETIER

LE JUGE STRATAS

 


Date : 20171208


Dossier : A-546-15

Référence : 2017 CAF 242

[TRADUCTION FRANÇAISE]

CORAM :

LE JUGE PELLETIER

LE JUGE STRATAS

LE JUGE DE MONTIGNY

 

 

ENTRE :

OLUKAYODE ADEBOGUN

demandeur

et

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

défendeur

MOTIFS DE JUGEMENT

LE JUGE DE MONTIGNY

[1]  Le 9 avril 2013, l’Agence des services frontaliers du Canada a transmis au demandeur l’avis de violation YQR-13-0001 et lui a imposé une sanction de 800 $, car il aurait importé des produits de viande (sacs de collations au bœuf épicées) au Canada sans remplir les conditions requises pour une telle importation. Le demandeur a, en vertu de l’alinéa 9(2)b) de la Loi sur les sanctions administratives pécuniaires en matière d’agriculture et d’agroalimentaire, L.C. 1995, c. 40, (la Loi), contesté les faits reprochés auprès du ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile (le ministre). Le 14 septembre 2015, le ministre a rendu sa décision et a confirmé l’avis de violation (la décision du ministre), décision qui a été envoyée à l’adresse du demandeur par courrier recommandé le 16 septembre 2015 et a été remise à ce dernier le jour suivant.

[2]  Comme l’indique la lettre l’informant de la décision du ministre, le demandeur pouvait demander une révision de cette décision par la Commission de révision agricole du Canada (la Commission). Conformément à l’alinéa 13a) du Règlement sur les sanctions administratives pécuniaires en matière d’agriculture et d’agroalimentaire, DORS/2000-187 (le Règlement), la personne nommée dans l’avis de violation peut demander à la Commission, par écrit, de l’entendre sur la décision du ministre dans un délai « de quinze jours suivant la date de notification ». Le demandeur a déposé sa demande de révision de la décision du ministre auprès de la Commission par télécopieur le 5 octobre 2015 et l’a envoyée par messagerie le 15 octobre 2015.

[3]  Conformément à l’article 48 des Règles de la Commission de révision (Commission de révision agricole du Canada), DORS/2015-103 (les Règles), la Commission doit d’abord statuer sur l’admissibilité de la demande avant de procéder à l’examen de l’avis de violation ou de la décision du ministre. En l’espèce, la Commission a souscrit à la position du ministre selon laquelle la décision avait été notifiée personnellement au demandeur le 17 septembre 2015. Puisque la demande de révision du demandeur a été envoyée par télécopieur et reçue par la Commission le 5 octobre, la Commission n’a eu aucune difficulté à conclure que M. Adebogun avait dépassé de trois jours le délai de quinze jours qui lui était accordé.

[4]  S’inspirant de la jurisprudence de la Cour, selon laquelle la Commission n’a pas le pouvoir de prolonger les délais fixés par la Loi et le Règlement (voir Clare c. Canada (Procureur général), 2013 CAF 265, au paragraphe 24, 451 N.R. 349 (Clare), le président a conclu que la demande de révision du demandeur n’était pas admissible. Par conséquent, M. Adebogun était réputé avoir commis la violation indiquée dans l’avis de violation et il était tenu de payer immédiatement un montant de 800 $ à titre de sanction (la décision de la Commission).

[5]  Le demandeur sollicite maintenant le contrôle judiciaire de la décision de la Commission, au titre de l’article 28 de la Loi sur les Cours fédérales, L.R.C. 1985, c. F-7. Par conséquent, la Cour n’est pas appelée à se prononcer sur le bien-fondé de la décision du ministre, mais simplement à décider si la Commission a commis une erreur lorsqu’elle a conclu que la demande de révision de la décision du ministre de M. Adebogun était inadmissible. Cette décision est susceptible de révision selon la norme de la décision raisonnable, puisqu’elle se rapporte à l’application du Règlement aux faits en l’espèce. Dans la mesure où elle repose également sur l’interprétation correcte de ce Règlement, la norme de contrôle applicable est également celle de la décision raisonnable, puisqu’elle est intimement liée à la fonction de la Commission et qu’elle relève de son expertise.

[6]  Au titre du paragraphe 8(1) du Règlement, la notification d’un document émanant du ministre à une personne physique qui y est nommée peut se faire a) par remise à la personne ou b) par courrier recommandé, par messagerie, par télécopieur ou autre moyen électronique. En l’espèce, il n’est pas contesté que la notification a été faite par courrier recommandé. En effet, la preuve de notification consiste en une copie d’une fiche de suivi de Postes Canada apparemment signée par le demandeur, fiche qui indique que la décision du ministre a été livrée avec succès le 17 septembre 2015.

[7]  Devant la Cour, le demandeur a fait valoir que la décision du ministre n’aurait pas pu lui être notifiée le 17 septembre 2015, puisqu’il était en route vers le Nigéria à cette date. Il a également soutenu que la signature figurant sur la fiche de suivi ne correspondait pas à sa signature apposée sur d’autres documents. Afin d’appuyer ses observations, le demandeur a déposé un affidavit de deux paragraphes en date du 22 janvier 2016, auquel était joint un exposé des faits accompagné d’une photocopie de son itinéraire de vol et de ses cartes d’embarquement. Le procureur général du Canada (le PGC ou le Canada) s’est opposé au dépôt de cet affidavit, au motif que les documents n’avaient pas été présentés à la Commission et que l’exposé des faits est truffé d’opinions, d’énoncés de droit et d’accusations inappropriées d’actes répréhensibles.

[8]  Je suis d’accord avec le Canada pour affirmer que les nouveaux documents déposés par le demandeur à titre de pièces à son dernier affidavit ne sont pas admissibles. Il est bien établi en droit que le dossier de preuve qui est soumis à la cour siégeant en révision est limité à celui dont disposait le décideur initial, sous réserve de quelques exceptions qui ne s’appliquent pas en l’espèce. Par exemple, les nouveaux documents ne sont pas fournis dans un [traduction] « contexte général » ou pour établir des motifs de révision, comme des motifs liés à l’équité procédurale, qui ne ressortent par ailleurs pas de la lecture du dossier existant. À ce titre, l’affidavit et les documents qui y sont joints doivent être radiés.

[9]  Cela étant dit, la demande de contrôle judiciaire devrait être accueillie et la décision de la Commission annulée. À aucun moment de sa décision la Commission ne s’est penchée sur l’article 9 du Règlement, dont les règles régissant la preuve de notification complètent l’article 8 (qui porte sur les modes de notification). Le paragraphe 9(2) est particulièrement pertinent, puisqu’il prévoit que « [l]e document envoyé par courrier recommandé est notifié le 10 e  jour suivant la date indiquée sur le récépissé du bureau de poste ».

[10]  Au moyen d’une directive aux parties datée du 15 novembre 2017, le juge président de la présente formation a invité les parties à formuler des observations de vive voix au sujet de l’article 9 du Règlement et des commentaires formulés par la Cour aux paragraphes 22 et 23 de l’arrêt Clare, dans lesquels l’article 9 a été brièvement examiné. Le juge, dans sa directive, mentionnait expressément que la Cour souhaitait connaître l’incidence de cette disposition et de cette affaire sur le délai dans lequel le demandeur devait répondre à l’avis de violation.

[11]  À l’audience, l’avocate du PGC a soutenu que le paragraphe 9(2) du Règlement avait pour objet de fournir une date présumée de notification dans les cas où une personne n’est pas disponible, tente sciemment d’éviter la notification ou refuse d’accepter la livraison du courrier recommandé. Peu importe le tort que cette disposition avait pour but de prévenir, son libellé ne comporte aucune ambiguïté et ne laisse pas place à interprétation. Un document envoyé par courrier recommandé est réputé être notifié le 10e jour suivant la date indiquée sur le récépissé, que le destinataire l’ait reçu ou non. La Cour l’a mentionné très clairement au paragraphe 23 de l’arrêt Clare et l’avocate du Canada ne nous a fourni aucun argument convaincant pour écarter de cette règle ou pour effectuer une distinction entre l’arrêt Clare et la présente affaire.

[12]  Selon cette interprétation du paragraphe 9(2) du Règlement, je suis d’avis que la seule conclusion raisonnable que pouvait formuler la Commission était que le demandeur avait présenté sa demande de révision dans le délai prescrit. La décision du ministre a été envoyée par courrier recommandé le 16 septembre 2015 et livrée le 17 septembre 2015; le demandeur ayant déposé sa demande de révision devant la Commission le 5 octobre 2015, il a respecté le délai de 15 jours prévus par l’alinéa 13a) du Règlement.

[13]  Pour les motifs qui précèdent, j’accueillerais la demande de contrôle judiciaire, j’annulerais la décision de la Commission et je lui ordonnerais de trancher la demande de révision sur le fond. J’accorderais le montant de 250 $ au demandeur à titre de dépens.

[14]  Avant l’audience, la Commission a demandé que son nom soit retiré de l’intitulé à titre de défenderesse, en vertu de l’alinéa 303(1)a) des Règles des Cours fédérales, DORS/98-106. Je suis enclin à examiner cette demande sous forme de requête écrite et à l’accueillir. Par conséquent, l’intitulé modifié devrait être utilisé, conformément aux présents motifs.

« Yves de Montigny »

j.c.a.

« Je suis d’accord

J.D. Denis Pelletier, j.c.a. »

« Je suis d’accord

David Stratas, j.c.a. »


COUR D’APPEL FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

A-546-15

 

 

INTITULÉ :

OLUKAYODE ADEBOGUN c. LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Regina (Saskatchewan)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 30 NovembRE 2017

 

MOTIFS DU JUGEMENT :

LE JUGE DE MONTIGNY

 

Y ONT SOUSCRIT :

LE JUGE PELLETIER

LE JUGE STRATAS

 

DATE DES MOTIFS :

LE 8 DÉCEMBRE 2017

 

COMPARUTIONS :

Olukayode Adebogun

 

POUR LE DEMANDEUR

(POUR SON PROPRE COMPTE)

 

Me Cailen Brust

 

POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Nathalie G. Drouin

Sous-procureure générale du Canada

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

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