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Date : 20171124


Dossier : A‑115‑17

Référence : 2017 CAF 233

[TRADUCTION FRANÇAISE]

CORAM :

LA JUGE DAWSON

LE JUGE NEAR

LE JUGE DE MONTIGNY

 

 

ENTRE :

SYNDICAT DES TRAVAILLEURS ET TRAVAILLEUSES DES POSTES

demandeur

et

CORRIE LANG

défenderesse

Audience tenue à Ottawa (Ontario), le 21 novembre 2017.

Jugement rendu à Ottawa (Ontario), le 24 novembre 2017.

MOTIFS DU JUGEMENT DE LA COUR :

LA JUGE DAWSON

Y ONT SOUSCRIT :

LE JUGE NEAR

LE JUGE DE MONTIGNY

 


Date : 20171124


Dossier : A‑115‑17

Référence : 2017 CAF 233

CORAM :

LA JUGE DAWSON

LE JUGE NEAR

LE JUGE DE MONTIGNY

 

 

ENTRE :

SYNDICAT DES TRAVAILLEURS ET TRAVAILLEUSES DES POSTES

demandeur

et

CORRIE LANG

défenderesse

MOTIFS DU JUGEMENT

LA JUGE DAWSON

[1]  Le syndicat demandeur sollicite le contrôle judiciaire de la décision par laquelle le Conseil canadien des relations industrielles a conclu que le syndicat avait contrevenu à son devoir de représentation juste, prévu à l’article 37 du Code canadien du travail, L.R.C., 1985, ch. L‑2 (2017 CCRI 848).

[2]  À titre préliminaire, je commence par confirmer qu’au cours de l’audience, la défenderesse a retiré son observation selon laquelle le syndicat ne pouvait pas demander le contrôle judiciaire parce qu’il n’avait pas demandé ce qui était considéré comme un autre recours adéquat, soit le réexamen. À la lumière de la décision récente de notre Cour dans Rogers Communications Canada Inc. c. Metro Cable TV Maintenance and Services Employees Association, 2017 CAF 127, et de la jurisprudence examinée dans cette affaire, il s’agissait d’une concession très raisonnable de la part de la défenderesse compte tenu des faits de l’espèce.

[3]  S’agissant de la présente demande, le syndicat reconnaît que le Conseil a appliqué la bonne norme à l’examen du devoir de représentation juste, soit celle énoncée par la Cour suprême du Canada dans Guilde de la marine marchande du Canada c. Gagnon et autre, [1984] 1 R.C.S. 509, à la page 527. Toutefois, le syndicat soutient que le Conseil n’a pas appliqué les critères voulus. En effet, il fait valoir que le Conseil s’est plutôt penché sur les actions du syndicat et a imposé une norme pratiquement parfaite, une norme qui, selon le syndicat, s’écartait des faits du grief de la défenderesse.

[4]  Je reconnais que l’explication de la défenderesse quant à son utilisation d’une carte‑cadeau volée pourrait de prime abord être considérée comme invraisemblable. Toutefois, le Conseil a conclu que le syndicat avait manqué à son devoir de représentation juste en raison du processus qu’il a suivi pour parvenir à sa conclusion finale, à savoir que l’explication de la défenderesse était invraisemblable. Le Conseil a étayé sa conclusion de constatations de fait :

  • Le syndicat n’a pas suivi sa procédure habituelle pour décider si un grief devait être soumis à l’arbitrage. Plus particulièrement, il suit habituellement les étapes suivantes : un grief fait l’objet d’une audience à l’échelon local entre le représentant de la section locale et l’employeur au cours de laquelle la section locale obtient les documents de l’employeur; la section locale évalue ensuite le grief, puis fait part du dossier et de son opinion sur le grief au bureau régional; le représentant régional reçoit et examine le dossier et l’opinion, il recueille des renseignements supplémentaires au sujet du grief et il décide s’il convient ou non de recommander le renvoi du grief à l’arbitrage. L’agent régional des griefs ou le bureau national prend la décision définitive de renvoyer ou non le grief à l’arbitrage (motifs du Conseil, par. 98).
  • En l’espèce, aucun élément de preuve ne démontre que le syndicat a procédé à l’audition du grief à l’échelon local; aucun élément de preuve ne démontre que le représentant régional des griefs ou l’agent régional des griefs a reçu les notes ou l’opinion du délégué syndical de la section locale. Les éléments de preuve révélaient plutôt que l’unique rôle qu’a joué la section locale a été d’aider la plaignante à présenter son grief et d’en envoyer une copie à l’employeur (motifs du Conseil, par. 101).
  • L’employeur n’a jamais répondu au grief, ce qui serait inhabituel selon le Conseil (motifs du Conseil, par. 102).
  • Aucun élément de preuve ne permet de savoir si un délégué syndical de la section locale a poursuivi l’enquête après la présentation du grief (motifs du Conseil, par. 102).
  • Aucun élément de preuve ne démontre que l’on ait demandé à la défenderesse de remplir un exposé des faits aux fins du grief. Dans son témoignage, l’agent régional des griefs n’a pas précisé de quelle information il disposait et quelles mesures il a prises pour enquêter avant et après la décision initiale de ne pas renvoyer le grief à l’arbitrage en octobre 2014. À ce moment, le syndicat n’avait pas reçu les rapports de police, et les représentants syndicaux n’avaient pas non plus parlé à un témoin qui, selon la défenderesse, corroborerait son explication selon laquelle on lui avait remis la carte‑cadeau volée (motifs du Conseil, par. 106).
  • Selon les éléments de preuve, le syndicat n’a jamais demandé la divulgation de l’employeur, et aucun élément de preuve ne démontre que le syndicat a communiqué avec l’employeur afin d’obtenir ou de tenter d’obtenir les renseignements que contenait le dossier d’enquête de l’employeur et qui ont servi à justifier le congédiement de la défenderesse (motifs du Conseil, par. 107).
  • Il n’existe aucun élément de preuve que l’agent régional des griefs a communiqué avec l’employeur pour discuter du grief. Plus particulièrement, il n’existe aucun élément de preuve que le syndicat s’est assuré que l’employeur avait bien été informé de l’acquittement de la défenderesse des accusations criminelles déposées contre elle, ni que le syndicat a discuté de l’incidence, le cas échéant, de l’acquittement sur la position de l’employeur au regard du grief. Le Conseil a estimé que c’était important, puisque l’employeur avait indiqué qu’il se fondait sur les accusations criminelles pour justifier la suspension de la défenderesse (motifs du Conseil, par. 111).

[5]  Selon ces constatations, le Conseil a conclu non seulement que le syndicat n’a pas suivi sa procédure habituelle dans le traitement du grief, mais également que, « [p]arce qu’il a sauté ces étapes, le syndicat n’a pu bénéficier d’une divulgation complète de l’employeur, ni de la réponse intégrale de la plaignante à celle‑ci, avant de recommander de ne pas renvoyer le grief à l’arbitrage » (motifs du Conseil, par. 107). Au final, le Conseil a conclu que ce niveau d’enquête et d’efforts pour représenter la plaignante dans ces circonstances était inférieur à la norme acceptable exigée du syndicat et était assimilable à une conduite arbitraire. Par conséquent, le Conseil a conclu que le syndicat avait manqué au devoir de représentation juste auquel il est tenu (motifs du Conseil, par. 136).

[6]  Dans le cas qui nous occupe, le syndicat avance essentiellement comme thèse qu’il connaissait d’entrée de jeu l’ensemble des faits pertinents, y compris l’explication de la défenderesse quant à la façon dont elle en est venue à avoir en sa possession la carte‑cadeau volée. Il fait valoir qu’il n’était donc pas raisonnable de s’attendre à ce qu’il mène une enquête plus approfondie; il ignore d’ailleurs quels renseignements supplémentaires il aurait pu obtenir au moyen d’une nouvelle enquête.

[7]  À mon avis, le Conseil a répondu à cette observation dans ses constatations figurant aux paragraphes 124 et 131 de ses motifs. Il y indique que, même si le syndicat pouvait effectivement évaluer la crédibilité de la défenderesse dans le cadre de son enquête et de son processus décisionnel, il l’a fait sans mener une enquête approfondie portant sur les circonstances. Le syndicat a plutôt évalué, de prime abord, que la plaignante n’était pas crédible et n’a pas enquêté plus en profondeur sur les faits ni effectué un suivi auprès des témoins. Selon le Conseil, il ne suffit pas d’évaluer la crédibilité sans mener une enquête approfondie sur l’ensemble des circonstances afin d’étayer ou de confirmer l’évaluation initiale. Il faut faire preuve de retenue à l’égard de l’expertise du Conseil et de ses constatations de faits.

[8]  Étant donné la grande retenue dont il faut faire preuve à l’égard des constatations de faits du Conseil, malgré les observations valables formulées par Me Raven, je ne suis pas convaincue que la décision du Conseil était déraisonnable.

[9]  Il s’ensuit que je rejetterais la demande de contrôle judiciaire. À mon avis, il s’agit d’un cas où les parties devraient supporter la charge de leurs propres dépens; je n’en adjugerais donc pas.

« Eleanor R. Dawson »

j.c.a.

« Je suis d’accord.

D.G. Near, j.c.a. »

« Je suis d’accord.

Yves de Montigny, j.c.a. »


COUR D’APPEL FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

A‑115‑17

 

 

INTITULÉ :

SYNDICAT DES TRAVAILLEURS ET TRAVAILLEUSES DES POSTES c. CORRIE LANG

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Ottawa (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 21 novembre 2017

 

MOTIFS DU JUGEMENT DE LA COUR :

La juge Dawson

 

Y ONT SOUSCRIT :

LE JUGE NEAR

LE JUGE DE MONTIGNY

 

DATE DES MOTIFS :

Le 24 novembre 2017

 

COMPARUTIONS :

Me Andrew Raven

 

Pour le demandeur

 

Me Brent Craswell

 

Pour la défenderesse

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER:

Raven, Cameron, Ballantyne, & Yazbeck s.r.l.

Avocats

Ottawa (Ontario)

 

Pour le demandeur

 

Kelly Santini s.r.l.

Avocats

Ottawa (Ontario)

 

Pour lA DÉFENDERESSE

 

 

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