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Date : 20171106


Dossier : A‑128‑16

Référence : 2017 CAF 215

[traduction française]

CORAM :

LE JUGE DE MONTIGNY

LA JUGE GLEASON

LA JUGE WOODS

 

 

ENTRE :

GROUP III INTERNATIONAL LTD., HOLIDAY GROUP INC.

 et WENGER S.A.

appelantes

et

TRAVELWAY GROUP INTERNATIONAL LTD.

intimée

Affaire entendue à Ottawa (Ontario), le 15 mars 2017.

Jugement prononcé à Ottawa (Ontario), le 6 novembre 2017.

MOTIFS DU JUGEMENT :

LA JUGE WOODS

Y ONT SOUSCRIT :

LE JUGE DE MONTIGNY

LA JUGE GLEASON

 


Date : 20171106


Dossier : A‑128‑16

Référence : 2017 CAF 215

CORAM :

LE JUGE DE MONTIGNY

LA JUGE GLEASON

LA JUGE WOODS

 

 

ENTRE :

GROUP III INTERNATIONAL LTD., HOLIDAY GROUP INC.

 et WENGER S.A.

appelantes

et

TRAVELWAY GROUP INTERNATIONAL LTD.

intimée

MOTIFS DE JUGEMENT

LA JUGE WOODS

[1]  Les parties dans le présent appel ont toutes un lien avec des bagages et des sacs vendus au Canada auxquels sont fixées des marques de commerce présentant une croix rappelant le drapeau suisse. Les appelantes ont tenté de faire respecter leurs marques de commerce en présentant une demande à la Cour fédérale pour obtenir une déclaration de contrefaçon et d’autres réparations au titre de la Loi sur les marques de commerce, L.R.C. 1985, ch. T‑13 (la Loi). La juge St‑Louis a rejeté la demande, en grande partie pour le motif que les appelantes n’avaient pas été en mesure d’établir l’existence d’une probabilité de confusion avec les marques de commerce de l’intimée (2016 CF 347). Les appelantes ont interjeté appel de ce jugement (la décision) devant la Cour.

A.  Le contexte factuel

(1)  Les appelantes et les marques Wenger

[2]  Il y a trois appelantes : Wenger S.A., Group III International Ltd. et Holiday Group Inc.

[3]  Wenger S.A. est une société suisse qui est associée aux fameux couteaux de l’armée suisse depuis plus de 100 ans. Au moins depuis les années 1970, Wenger « a adopté un logo formé d’une croix dans un quadrilatère arrondi et entouré d’une bordure incrustée […]. Le [logo] est habituellement formé d’une croix blanche ou métallique sur un fond noir ou rouge » (décision, paragraphe 7).

[4]  Au Canada, Wenger a enregistré trois marques de commerce (les marques Wenger) qui comprennent ce logo pour un emploi en liaison avec des bagages et des sacs. Les marques de commerce sont reproduites ci‑dessous :

Dans les présents motifs, la marque à gauche sera appelée la « marque à la croix Wenger ».

[5]  Group III International Ltd est la principale titulaire de licence mondiale des marques Wenger en relation avec les bagages et les sacs.

[6]  Holiday Group Inc. a été créée en 1952. Elle est établie à Montréal, et elle est la plus grande fournisseuse de bagages et de sacs souples. Elle a une entente exclusive avec Group III International Ltd. afin de distribuer les bagages et sacs de cette dernière au Canada, qui portent les marques Wenger. Les marchandises sont généralement fabriquées en Asie.

[7]  Les appelantes ont commencé à employer les marques Wenger en liaison avec des bagages et des sacs vendus partout au Canada en 2003. La marque SWISSGEAR était souvent employée pour annoncer les marchandises. Les marques ont été enregistrées entre 2007 et 2012.

(2)  L’intimée et les marques Travelway.

[8]  L’intimée, Travelway Group International Inc., est une société canadienne établie à la fin des années 1970 et son siège social est situé au Québec. Elle est mieux connue au Canada comme distributrice de bagages et de produits liés aux voyages. Comme c’est le cas pour les bagages des appelantes, ceux de l’intimée sont fabriqués en Asie.

[9]  En 2008, l’intimée a conclu une entente avec une société suisse non liée afin d’employer sa marque « Swiss Travel Products ». La société suisse détient un dessin‑marque enregistré au Canada qui incorpore la marque en question. Cependant, l’intimée emploie uniquement les mots, et non la conception visée par l’enregistrement.

[10]  Aussi, vers 2008, l’intimée a conçu deux marques de commerce à employer en liaison avec des bagages et des produits connexes (les « marques Travelway ») et a demandé leur enregistrement. Ces marques sont reproduites ci‑dessous :

Dans les présents motifs, ces marques seront désignées comme la « marque à la croix de Travelway » et la « marque triangulaire de Travelway ».

[11]  Ces marques ont été enregistrées en 2009, et l’intimée a commencé à les employer sur ses bagages la même année.

[12]  En plus d’employer ces marques avec une croix semblable au drapeau suisse avec un « S » au milieu, l’intimée a davantage souligné le caractère « suisse » des marchandises en employant sa marque « Swiss Travel Products ». De plus, pendant un certain temps, l’intimée a également fait quelques prétentions précises de liens entre les marchandises et la Suisse, qui étaient fausses.

[13]  En 2012, la marque triangulaire de Travelway a été affichée avec de nombreuses modifications. Chaque modification, de la manière présentée ci‑dessous, augmentait la ressemblance avec la marque à la croix Wenger.

  • La forme de la croix était plus mince et plus longue.

  • La forme triangulaire du fond était moins prononcée.

  • Le fond était affiché en rouge ou en noir. Le ton de rouge était semblable à celui fréquemment employé dans la marque à la croix Wenger.

  • La bordure du triangle a été modifiée pour qu’elle soit moins saillante, que son épaisseur soit uniforme et qu’elle soit métallique.

  • Le « S » était parfois gravé dans le métal d’une manière qui le rendait difficile à voir.

  • Le « S » était omis sur les languettes de fermetures éclair des bagages.

Les deux dernières modifications, appliquées uniquement à la marque triangulaire de Travelway, sont désignées dans les présents motifs comme le « S disparaissant » et le « S manquant ».

[14]  Plus récemment, les logos des bagages de l’intimée ont été davantage modifiés pour incorporer la bordure qui est présentée d’une manière semblable aux bordures employées par les appelantes.

(3)  Un exemple de logos sur des bagages

[15]  L’annexe A présente des photographies en couleurs du S disparaissant et de la marque à la croix Wenger, affichés sur les bagages.

B.  La décision de la Cour fédérale

[16]  Les appelantes ont présenté une demande devant la Cour fédérale conformément à l’article 300 des Règles des Cours fédérales. Plusieurs types de réparations ont été demandés, dont une injonction et des dommages‑intérêts pour contrefaçon de marque de commerce et pour commercialisation trompeuse.

[17]  La question centrale dans le cadre de la demande était de savoir si les marques de l’intimée créaient de la confusion avec celles des appelantes. La Cour fédérale a conclu que « du point de vue du consommateur moyen un peu pressé, les marques de commerce de Travelway comme elles sont employées sur les bagages et les sacs de voyage ne sont pas susceptibles de créer de la confusion chez le consommateur et de l’amener à conclure que ces bagages et ces sacs de voyage sont fabriqués et vendus par la même entité que les bagages et sacs de voyage Wenger » (décision, paragraphe 126).

[18]  Cette conclusion s’appliquait à toutes les marques de l’intimée. Cela comprenait non seulement les marques Travelway, telles qu’elles avaient été enregistrées, mais également les versions connues comme le S manquant et le S disparaissant, que la Cour fédérale a considérées comme des marques distinctes non enregistrées.

[19]  En ce qui concerne les marques Travelway, telles qu’elles ont été enregistrées, la Cour fédérale a conclu que le manque de ressemblance entre ces marques et les marques Wenger était un facteur suffisant en soi pour conclure qu’il n’y avait pas de probabilité de confusion. Selon la Cour, cela disposait de la question, et il n’était pas nécessaire de considérer d’autres facteurs.

[20]  En ce qui concerne les marques qu’elle a considérées comme non enregistrées, le S manquant et le S disparaissant, la Cour fédérale a conclu qu’il y avait une plus grande ressemblance entre ces marques et les marques Wenger. La Cour fédérale a alors étudié d’autres facteurs et a conclu qu’il n’y avait pas non plus de probabilité de confusion avec les marques non enregistrées.

[21]  La Cour fédérale a étudié d’autres enjeux, qui sont mentionnés ci‑dessous, mais la conclusion sur la confusion était un point central de la décision et elle aurait entraîné le rejet de la demande dans son ensemble.

C.  Les questions en litige, la norme de contrôle et la réparation demandée

[22]  Voici les questions soulevées dans le présent appel :

  1. La Cour fédérale a‑t‑elle commis une erreur lorsqu’elle a conclu qu’il n’y avait pas de probabilité de confusion?

  2. La Cour fédérale a‑t‑elle commis une erreur lorsqu’elle a conclu qu’il n’y a pas eu de commercialisation trompeuse?

3.  Si la Cour fédérale a commis une erreur, quelle est la réparation appropriée?

[23]  La norme de contrôle applicable dans le présent appel est celle applicable en appel qui a été établie dans l’arrêt Housen. Les questions de droit doivent être tranchées selon la norme de la décision correcte; les questions de fait ainsi que les questions mixtes de fait et de droit doivent être examinés selon la norme de l’erreur manifeste et dominante : Masterpiece Inc. c. Alavida Lifestyles Inc., 2011 CSC 27, [2011] 2 R.C.S. 387, au paragraphe 102; Housen c. Nikolaisen, 2002 CSC 33, [2002] 2 R.C.S. 235. Une erreur « manifeste » est une erreur qui est évidente et une erreur « dominante » est une erreur qui touche l’issue de l’affaire.

[24]  Il est utile de préciser la réparation recherchée par les appelantes. Dans leur mémoire, les appelantes sollicitent l’annulation de la décision et elles demandent :

  • un jugement déclaratoire portant que l’intimée a contrefait les marques Wenger;

  • une injonction permanente interdisant à l’intimée de contrefaire les marques Wenger et, en particulier, d’employer les marques Travelway, y compris le S manquant et le S disparaissant, en liaison avec toute marchandise comprise dans les enregistrements des marques Wenger;

  • une ordonnance annulant les enregistrements des marques Travelway du registre;

  • une ordonnance exigeant que l’intimée détruise ou remette aux appelantes toutes les marchandises, tous les emballages, toutes les étiquettes ainsi que tout le matériel publicitaire portant les marques Travelway, y compris le S manquant et le S disparaissant, en sa possession ou sous son contrôle;

  • une ordonnance pour le paiement de dommages‑intérêts ou, au choix des appelantes, pour la comptabilisation et la restitution des profits de l’intimée et une ordonnance visant le renvoi pour déterminer le quantum des dommages et/ou des profits;

  • les dépens à l’égard de la demande et de l’appel.

D.  Analyse

(1)  La confusion

[25]  La question de savoir si les marques Travelway créaient de la confusion avec les marques Wenger est centrale dans le présent appel. Il est utile de brièvement établir le critère permettant d’établir s’il y a confusion.

[26]  Selon le paragraphe 6(2) de la Loi, l’emploi d’une marque de commerce crée de la confusion avec une autre lorsque l’emploi des deux marques de commerce dans la même région serait susceptible de faire conclure que les produits ont la même source. Le paragraphe 6(2) prévoit ce qui suit :

6 (2) L’emploi d’une marque de commerce crée de la confusion avec une autre marque de commerce lorsque l’emploi des deux marques de commerce dans la même région serait susceptible de faire conclure que les produits liés à ces marques de commerce sont fabriqués, vendus, donnés à bail ou loués, ou que les services liés à ces marques sont loués ou exécutés, par la même personne, que ces produits ou ces services soient ou non de la même catégorie générale.

6 (2) The use of a trade‑mark causes confusion with another trade‑mark if the use of both trade‑marks in the same area would be likely to lead to the inference that the goods or services associated with those trade‑marks are manufactured, sold, leased, hired or performed by the same person, whether or not the goods or services are of the same general class.

[…]

[27]  Le critère applicable est bien connu et est décrit par la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Masterpiece Inc., au paragraphe 40 :

[40]  Il est utile, en commençant l’analyse relative à la confusion, de se rappeler le critère prévu dans la Loi. Dans Veuve Clicquot Ponsardin c. Boutiques Cliquot Ltée, 2006 CSC 23, [2006] 1 R.C.S. 824, par. 20, le juge Binnie a reformulé la démarche traditionnelle de la façon suivante :

Le critère applicable est celui de la première impression que laisse dans l’esprit du consommateur ordinaire plutôt pressé la vue [de la marque], alors qu’il n’a qu’un vague souvenir des marques de commerce [antérieures] et qu’il ne s’arrête pas pour réfléchir à la question en profondeur, pas plus que pour examiner de près les ressemblances et les différences entre les marques.

[28]  Le paragraphe 6(5) de la Loi prévoit que le tribunal « tient compte de toutes les circonstances de l’espèce », y compris a) le caractère distinctif inhérent et acquis des marques; la période pendant laquelle les marques ont été en usage; c) le genre de produit; d) la nature du commerce; e) le degré de ressemblance.

[29]  L’analyse relative à la confusion doit être faite en comparant les marques une à une (Masterpiece Inc, paragraphes 42 à 48).

[30]  Les appelantes affirment que la Cour fédérale a fait d’importantes erreurs dans son analyse relative à la confusion. J’examinerai d’abord si la cour fédérale a commis une erreur lorsqu’elle a conclu que la marque triangulaire de Travelway ne créait pas de la confusion avec la marque à la croix Wenger.

(2)  La Cour fédérale a‑t‑elle commis une erreur concernant la marque triangulaire de Travelway?

[31]  Comme cela a déjà été mentionné, lorsqu’elle a étudié la question de savoir si la marque triangulaire de Travelway portait à confusion, la Cour fédérale a uniquement analysé le facteur de ressemblance. Les appelantes observent que c’est une erreur susceptible de contrôle, parce que le tribunal est tenu, aux termes du paragraphe 6(5) de la Loi, de tenir compte de toutes les circonstances de l’espèce.

[32]  Les appelantes laissent également entendre que la Cour fédérale a commis une erreur susceptible de contrôle lorsqu’elle a traité le S disparaissant et le S manquant en tant que marques non enregistrées distinctes.

[33]  Je suis d’accord avec les appelantes sur les deux points.

[34]  En ce qui concerne le fait que la Cour fédérale a uniquement tenu compte du facteur de ressemblance, c’est contraire aux exigences prévues au paragraphe 6(5) de la Loi, selon lequel le tribunal doit étudier toutes les circonstances de l’espèce, y compris les facteurs précisément énumérés dans cette disposition.

[35]  Il est possible que la Cour fédérale ait en fait tenu compte d’autres facteurs pertinents qui n’ont pas été mentionnés dans la décision. Elle peut avoir conclu que les marques étaient dissemblables au point que le manque de ressemblance ait éclipsé tous les autres facteurs. Si c’est le cas, il s’agissait d’une erreur manifeste et dominante, selon moi. La marque triangulaire de Travelway et la marque à la croix Wenger portent à l’évidence une ressemblance marquante. D’autres circonstances de l’espèce devaient être soigneusement prises en compte et soupesées dans l’analyse relative à la confusion.

[36]  En ce qui concerne la conclusion de la cour fédérale selon laquelle le S disparaissant et le S manquant étaient des marques de commerce non enregistrées distinctes, mes motifs pour juger qu’il s’agit d’une erreur susceptible de contrôle sont présentés dans la section suivante.

a)  Le S disparaissant et le S manquant sont‑ils des marques de commerce distinctes?

[37]  Le principe juridique applicable à la question de savoir si le S disparaissant et le S manquant sont des marques de commerce distinctes est que la variante fait partie de la marque enregistrée si elle conserve les traits dominants de la marque enregistrée :

  • « Le critère pratique qu’il faut appliquer pour résoudre un cas de cette nature consiste à comparer la marque de commerce enregistrée et la marque de commerce employée et à déterminer si les distinctions existant entre ces deux marques sont à ce point minimes qu’un acheteur non averti conclurait, selon toute probabilité, qu’elles identifient toutes deux, malgré leurs différences, des marchandises ayant la même origine » (Reg. des marques de commerce c. CII Honeywell Bull (1985), 4 C.P.R. (3d) 523 (C.A.F.), à la page 525).

  • La variante ne s’éloigne pas de la marque tel qu’elle a été enregistrée « si les mêmes traits dominants sont préservés et si les différences sont si insignifiantes qu’elles ne trompent pas l’acheteur non averti » (Promafil Canada Ltée c. Munsingwear, Inc. (1992), 44 C.P.R. (3d) 59 (CAF), aux pages 70 et 71).

  • « Les variantes du design enregistré ne doivent pas modifier le caractère distinctif de la marque; elles doivent maintenir ses éléments dominants » (Pizzaiolo Restaurants inc. c. Les Restaurants La Pizzaiolle inc., 2016 CAF 265, au paragraphe 16).

[38]  Devant la Cour fédérale, toutes les parties ont adopté la position selon laquelle le S manquant et le S disparaissant n’étaient pas des marques de commerce distinctes, mais qu’il s’agissait simplement de variantes des marques Travelway qui sont enregistrées. Malgré cela, la Cour fédérale a traité les marques en tant que marques distinctes non enregistrées.

[39]  Il est difficile de voir la manière dont la Cour fédérale en est arrivée à cette conclusion, puisqu’elle n’a pas explicitement indiqué qu’il s’agissait d’un problème et qu’elle n’a fourni aucune analyse. Compte tenu de cela, la Cour n’a pas accès aux motifs sous‑jacents de la Cour fédérale et ne peut faire preuve d’aucune retenue à l’égard de cette conclusion; Crudo Creative Inc. c. Marin, 90 O.R. (3d) 213 (C. div.).

[40]  À mon avis, il n’y a pas de raison de s’écarter de la position convenue des parties devant la Cour fédérale selon laquelle le S manquant et le S disparaissant ne sont que des variantes de la marque triangulaire de Travelway telle qu’elle est enregistrée. Comme il a été mentionné plus haut, l’intimée avait fait une série de modifications à la marque triangulaire de Travelway, certaines plus subtiles que d’autres, et toutes ces modifications ont eu comme résultat que la marque triangulaire ressemblait plus à la marque à la croix Wenger. Toutefois, aucune des modifications, qu’elles soient prises séparément ou ensemble, ne retire les traits dominants de la marque triangulaire de Travelway, soit une croix sur un arrière‑plan ayant une bordure contrastante.

[41]  Il convient de mentionner en particulier le « S » dans le centre de la marque triangulaire de Travelway tel qu’elle est enregistrée. Ce trait est omis dans le S manquant et est considérablement minimisée dans le S disparaissant. À mon avis, ce n’est pas un élément dominant de la marque; il ne fait que renforcer l’idée du « caractère suisse » qui est déjà suggérée par la ressemblance avec le drapeau suisse.

[42]  En toute déférence, la Cour fédérale a fait une erreur susceptible de contrôle lorsqu’elle a traité les marques de commerce au S manquant et au S disparaissant comme des marques de commerce distinctes. Ce sont des variantes permises de la marque triangulaire de Travelway.

[43]  Cette conclusion est pertinente pour le présent appel, parce que, si les variantes causent vraisemblablement de la confusion avec les marques Wenger, alors la marque enregistrée causera également vraisemblablement de la confusion.

[44]  À la lumière de cette conclusion, il n’est pas approprié d’entreprendre une analyse distincte quant à la confusion pour le S manquant et le S disparaissant. L’analyse devrait prendre en compte la marque triangulaire de Travelway, telle qu’elle est enregistrée, de même que ses variantes. Puisque la Cour fédérale n’a pas procédé à cette analyse, pour favoriser l’économie des ressources judiciaires, je le ferai maintenant.

b)  La pondération des circonstances de l’espèce

[45]  Le cadre servant à déterminer si une marque de commerce crée de la confusion avec une autre est prévu à l’article 6 de la Loi. En général, le critère pour déterminer s’il y a confusion consiste à savoir si l’emploi des deux marques dans la même région serait susceptible de faire conclure que les produits ou services en cause sont fabriqués, vendus, donnés à bail ou loués, ou exécutés par la même personne.

[46]  Le paragraphe 6(5) présente les points dont il faut tenir compte pour le déterminer. Toutes les circonstances de l’espèce doivent être prises en compte, dont les suivantes :

a) le caractère distinctif inhérent des marques de commerce ou noms commerciaux, et la mesure dans laquelle ils sont devenus connus;

(a) the inherent distinctiveness of the trade‑marks or trade‑names and the extent to which they have become known;

b) la période pendant laquelle les marques de commerce ou noms commerciaux ont été en usage;

(b) the length of time the trade‑marks or trade‑names have been in use;

c) le genre de produits, services ou entreprises;

(c) the nature of the goods, services or business;

d) la nature du commerce;

(d) the nature of the trade; and

e) le degré de ressemblance entre les marques de commerce ou les noms commerciaux dans la présentation ou le son, ou dans les idées qu’ils suggèrent.

(e) the degree of resemblance between the trade‑marks or trade‑names in appearance or sound or in the ideas suggested by them.

[47]  J’indiquerais d’abord qu’il y a une très forte ressemblance entre la marque triangulaire de Travelway et la marque à la croix Wenger. Cela est clairement démontré par la preuve composée d’exemples matériels de bagages qui affichent la marque à la croix Wenger en métal et la marque triangulaire de Travelway en métal avec la variante du S disparaissant. Il est très difficile de discerner une différence dans ces marques, à moins de les examiner de très près, ce qui n’est pas le critère applicable.

[48]   À mon avis, les similitudes entre la marque triangulaire de Travelway et la marque à la croix Wenger sont si frappantes que d’autres circonstances pertinentes devraient être fortement en faveur de l’intimée pour conclure qu’il n’y a aucune probabilité de confusion. Comme cela est présenté ci‑après, ce n’est pas le cas :

  • Alinéa 6(5)a) – Ni la marque à la croix Wenger, ni la marque triangulaire Travelway ne sont intrinsèquement distinctives, mais la marque à la croix Wenger possède un caractère distinctif important qu’elle a acquis après de nombreuses années de fortes ventes au Canada. Ce facteur favorise les appelantes.

  • Alinéa 6(5)b) – le facteur de la période d’usage favorise les appelantes, parce qu’elles ont commencé à employer la marque en 2003 et que l’intimée a commencé à employer la sienne en 2009.

  • • Alinéa 6(5)c) – Le genre de produits favorise les appelantes, parce que les produits sont essentiellement les mêmes.

  • Alinéa 6(5)d) – la nature du commerce favorise également les appelantes, parce que les circuits commerciaux sont les mêmes.

[49]  Par conséquent, à mon avis, toutes les circonstances de l’espèce énumérées au paragraphe 6(5) sont en faveur d’une conclusion de confusion.

[50]  Dans l’analyse que la Cour fédérale a faite du S disparaissant et du S manquant, dans laquelle tous les facteurs ont été pris en compte, la Cour fédérale a jugé qu’il n’y avait pas de confusion. Pour en arriver à cette conclusion, elle a dû donner un poids important aux facteurs qui, pour elle, étaient en faveur de l’intimée. Certains de ces facteurs sont abordés ci‑dessous.

[51]  La Cour fédérale a considéré comme l’une des circonstances de l’espèce que le S manquant ne se trouvait que sur les petites languettes de fermetures éclair. Elle a conclu qu’il était peu probable qu’un consommateur un peu pressé remarque ce détail en raison de sa taille et du fait que les bagages et les sacs de l’intimée portent toujours d’autres logos (décision, paragraphe 120).

[52]  En toute déférence, cette analyse n’applique pas le principe juridique approprié. La Cour fédérale n’a examiné que la variante du S manquant telle qu’elle est effectivement affichée. Elle aurait dû envisager d’autres emplois possibles de la marque, y compris des tailles plus grandes (Masterpiece Inc., paragraphe 59).

[53]  Quant à la prise en compte par la Cour fédérale du fait que les bagages et les sacs de Travelway affichent toujours d’autres logos, même s’il s’agit d’un facteur pertinent, cela n’aiderait l’intimée que si les autres logos servaient à différencier les marchandises. Je ne suis pas convaincue par la preuve que c’était le cas en l’espèce. Au contraire, les autres logos comprenaient la marque à la croix Travelway et la marque « Swiss Travel Products ». Ces logos augmentent la confusion au lieu de la réduire.

[54]  Deuxièmement, la Cour fédérale a rejeté l’observation des appelantes selon laquelle la marque à la croix Wenger avait acquis un caractère distinctif en étant un identificateur unique de bagages et de sacs émanant de Wenger et perpétuant la tradition du couteau de l’armée suisse. La Cour fait remarquer que d’autres tiers emploient un logo semblable et mentionne que l’un d’entre eux, Victorinox, a également une tradition liée au couteau d’armée suisse. Dans ses observations, l’intimée mentionne également un logo semblable employé par la marque bien connue Strellson.

[55]  Il était loisible à la Cour fédérale de réduire le poids du facteur du caractère distinctif acquis à la lumière de l’existence d’autres marques de commerce ressemblant au drapeau suisse. D’autre part, ce facteur n’érode pas complètement le caractère distinctif de la marque à la croix Wenger acquis au cours d’années de fortes ventes. Je note en particulier que les seules marques de commerce mentionnées dans la preuve qui présentent des caractéristiques semblables à celles de la marque à la croix Wenger sont les marques de Travelway et de Victorinox. En outre, il n’y avait aucune preuve que Victorinox a associé sa marque à des bagages au Canada pendant la période en cause.

[56]  Par conséquent, à mon avis, le facteur du caractère distinctif acquis est manifestement en faveur des appelantes.

[57]  Pour les motifs qui précèdent, j’ai conclu qu’une erreur manifeste et dominante avait été commise par la Cour fédérale dans sa conclusion selon laquelle il n’y avait aucune probabilité de confusion entre la marque triangulaire Travelway et la marque à la croix Wenger. Essentiellement, la Cour fédérale n’a pas accordé suffisamment de poids aux facteurs en faveur des appelantes, comme il a déjà été mentionné, et elle a commis une erreur en accordant un poids important aux facteurs en faveur de l’intimée. La preuve démontre une forte probabilité de confusion entre la marque triangulaire Travelway et la marque à la croix Wenger.

[58]  Je passe maintenant à l’analyse relative à la confusion concernant la marque à la croix Travelway.

(3)  La Cour fédérale a‑t‑elle commis une erreur en ce qui concerne la marque à la croix Travelway?

[59]  L’analyse de la Cour fédérale à l’égard de la marque à la croix Travelway fut la même que pour la marque triangulaire Travelway. Compte tenu du manque de ressemblance, la Cour fédérale a conclu qu’il n’y avait pas de confusion avec les marques Wenger. La marque à la croix Travelway est reproduite au paragraphe 10, ci‑dessus.

[60]  À mon avis, l’omission de la part de la Cour fédérale d’examiner toutes les circonstances de l’espèce constituait également une erreur susceptible de contrôle en ce qui concerne la marque à la croix Travelway. Bien que les similitudes entre les marques ne soient pas aussi grandes qu’elles le sont avec la marque triangulaire Travelway, la ressemblance est certainement assez forte pour exiger que soient pondérées toutes les circonstances de l’espèce.

[61]  À l’exception du critère de ressemblance, l’examen des circonstances de l’espèce relativement à la marque à la croix Travelway est pratiquement le même que pour la marque triangulaire de Travelway. Par exemple, Travelway a commencé à employer les marques presque en même temps, et les marques sont affichées sur les mêmes marchandises. L’étude du caractère distinctif est le même, tout comme la nature du commerce.

[62]  La ressemblance est le seul facteur qui présente une différence déterminante entre les marques Travelway. Un certain nombre de considérations sont pertinentes pour cette analyse.

[63]  D’abord et avant tout, les idées suggérées par la marque à la croix de Travelway et la marque à la croix Wenger sont les mêmes, soit l’idée du « caractère suisse ». Les deux marques incorporent une croix qui rappelle le drapeau suisse, et la marque Travelway souligne cela en ajoutant un « S ». Il s’agit d’un facteur important qui donne une forte ressemblance dans ce cas particulier.

[64]  En outre, il convient de mentionner que la marque à la croix Travelway pourrait être modifiée comme la marque triangulaire de Travelway l’a été. Il ne faudrait pas faire abstraction de telles variantes possibles (Masterpiece Inc, paragraphes 51 à 59). En particulier, le « S » pouvait être retiré, et la croix pouvait être affichée sur un fond et dans une bordure, tant qu’il ne s’agit pas d’éléments distinctifs (Pizzaiolo Restaurants Inc., au paragraphe 26).

[65]  En examinant l’ensemble des circonstances, il y a également, à mon avis, une probabilité de confusion en ce qui concerne la marque à la croix Travelway.

[66]  Je passe maintenant à l’analyse relative à la confusion concernant les deux marques Wenger.

(4)  La Cour fédérale a‑t‑elle commis une erreur en ce qui concerne les autres marques Wenger?

[67]  L’analyse qui précède est centrée sur la marque à la croix Wenger. En ce qui concerne les deux autres marques de commerce Wenger reproduites au paragraphe 10 ci‑dessus, lesquelles consistent en la marque à la croix Wenger accompagnant le lettrage respectif « WENGER » et « SWISS GEAR », l’analyse relative à la confusion est semblable. Un consommateur ordinaire plutôt pressé sera vraisemblablement confus quant à la source des marques Travelway, puisque le consommateur est susceptible de croire que ces marques sont associées à l’image de marque des appelantes, soit WENGER ou SWISS GEAR.

(5)  Conclusion sur la confusion

[68]  En raison d’erreurs manifestes et dominantes commises par la Cour fédérale et à la lumière des conclusions qui précèdent concernant la confusion, je conclurais que chacune des marques Travelway crée de la confusion avec chacune des marques Wenger.

(6)  La Cour fédérale a‑t‑elle commis une erreur lorsqu’elle a conclu qu’il n’y avait pas eu de commercialisation trompeuse?

[69]  Les appelantes soutiennent que l’intimée a commercialisé ses propres biens comme ceux des appelantes, contrairement à l’article 7 de la Loi. La disposition pertinente est l’alinéa 7b), qui se lit ainsi :

7 Nul ne peut :

7 No person shall

[…]

b) appeler l’attention du public sur ses produits, ses services ou son entreprise de manière à causer ou à vraisemblablement causer de la confusion au Canada, lorsqu’il a commencé à y appeler ainsi l’attention, entre ses produits, ses services ou son entreprise et ceux d’un autre;

(b) direct public attention to his goods, services or business in such a way as to cause or be likely to cause confusion in Canada, at the time he commenced so to direct attention to them, between his goods, services or business and the goods, services or business of another;

[…]

[70]  Le concept de commercialisation trompeuse est décrit par la Cour suprême dans l’arrêt Consumers Distributing Co. c. Seiko, [1984] 1 R.C.S. 583, à la page 601.

[…] il faut se rappeler que cette règle est fondée sur le délit civil de tromperie et, bien que depuis le milieu du dix‑neuvième siècle l’intention de tromper ne soit plus nécessaire, il faut à tout le moins que la confusion dans l’esprit du public soit une conséquence probable de la vente ou de la mise en vente par le défendeur d’un produit non fabriqué par le demandeur et que l’on fait passer pour le produit du demandeur ou l’équivalent.

[71]  Les éléments requis de la commercialisation trompeuse ont été correctement énoncés dans la décision de la Cour fédérale : (1) l’existence d’un achalandage associé au caractère distinctif du produit, (2) la fausse déclaration par l’intimée créant une confusion, et (3) les dommages actuels ou possibles pour les appelantes : Kirkbi AG c. Gestions Ritvik Inc., 2005 CSC 65, [2005] 3 R.C.S. 302, aux paragraphes 66 à 68.

[72]  La Cour fédérale s’est prononcée en faveur de l’intimée sur les trois éléments et a rejeté les allégations de commercialisation trompeuse des appelantes.

[73]  La question est de savoir si la Cour fédérale a commis des erreurs susceptibles de contrôle dans ces conclusions. La norme de contrôle énoncée dans l’arrêt Housen s’applique.

a)  L’achalandage a‑t‑il été établi?

[74]  Dans le cadre de la commercialisation trompeuse, l’élément de l’achalandage nécessite que les appelantes établissent qu’il y a un achalandage associé aux marchandises par association avec les marques de commerce Wenger (Ciba‑Geigy Canada Ltd. c. Apotex Inc., [1992] 3 R.C.S. 120, à la page 132).

[75]  La Cour fédérale a rejeté l’observation des appelantes selon laquelle l’achalandage avait été prouvé par leur niveau de vente élevé depuis 2003 et par les redevances importantes payées par Group III et Holiday. La Cour a conclu que l’achalandage avait été atténué par la marque de commerce similaire de Victorinox, et a noté qu’il n’y avait aucune preuve que les marchandises des appelantes avaient été vendues à des prix supérieurs par rapport aux autres marques de bagages (décision, paragraphes 129 et 130).

[76]  Cette conclusion est une conclusion mixte de fait et de droit pour laquelle la norme de contrôle est l’erreur manifeste et dominante.

[77]  À mon avis, la Cour fédérale a commis une telle erreur lorsqu’elle a conclu qu’il y avait un niveau insuffisant d’achalandage. Les marchandises des appelantes se trouvent dans le créneau de marché des bagages et des sacs. Les appelantes ont une entreprise établie avec des ventes importantes et elles promeuvent activement leur marque. Il n’est que logique qu’un achalandage soit associé à leurs marques de commerce.

[78]  Les facteurs pris en compte par la Cour fédérale n’appuient pas la conclusion d’une absence d’achalandage ou d’un achalandage insuffisant. Le fait que Victorinox emploie une marque semblable ne signifie pas qu’il n’y a pas d’achalandage associé aux marques Wenger. En outre, la vente de marchandises à des prix supérieurs par rapport à d’autres marques n’est pas une condition préalable à la conclusion de l’existence d’un achalandage L’achalandage est communément associé aux marques de commerce. On ne peut pas conclure qu’il n’y a pas d’achalandage simplement en fonction d’une comparaison entre les marchandises des appelantes et celles des autres.

[79]  La Cour fédérale a commis une erreur manifeste et dominante en concluant que l’élément de l’achalandage n’avait pas été établi.

b)  Une fausse déclaration a‑t‑elle été démontrée?

[80]  Dans le contexte de la commercialisation trompeuse, la fausse déclaration est considérée comme une conduite susceptible de créer de la confusion dans le public. Comme il a déjà été mentionné, la fausse déclaration n’a pas nécessairement à être délibérée (Kirkbi AG, au paragraphe 68).

[81]  La Cour fédérale a jugé que cet élément n’avait pas été satisfait, parce que la confusion n’avait pas été établie. À la lumière de ma conclusion que la confusion est probable, il convient que la Cour examine si une fausse déclaration a été établie.

[82]  À mon avis, la preuve établit clairement qu’il y a eu fausse déclaration. À partir du moment où les marchandises de l’intimée sont entrées sur le marché en 2009, les marques de Travelway étaient assez semblables aux marques de Wenger. La ressemblance a été accentuée ultérieurement par plusieurs modifications à la marque triangulaire de Travelway. Le résultat est que les similitudes entre la marque triangulaire de Travelway et les marques Wenger sont frappantes, en particulier lorsqu’est affichée la variante S disparaissant. De plus, l’intimée a associé ses marchandises au caractère suisse, comme l’ont fait les appelantes, et certaines de ces prétentions étaient fausses. Le seul lien révélé par la preuve entre l’intimée et la Suisse est une entente avec une société suisse qui autorise l’intimée à employer les mots « SWISS TRAVEL PRODUCTS ». Par conséquent, l’intimée a non seulement employé des marques de commerce très similaires, mais elle fait d’autres prétentions du caractère suisse qui auraient exacerbé la confusion dans l’esprit du public. La fausse représentation a clairement été établie.

c)  Des dommages ou une probabilité de dommage ont‑ils été établis?

[83]  La Cour fédérale n’a pas analysé la question des dommages, le troisième élément de la commercialisation trompeuse, à la lumière de sa conclusion que les deux premiers éléments n’avaient pas été établis. Il est donc approprié de le faire.

[84]  Les appelantes et l’intimée sont des concurrentes directes sur le marché des bagages et des sacs au Canada. Leurs marchandises sont très semblables et sont en grande partie vendues par les mêmes magasins de détail. Dans ces circonstances, il est logique d’inférer une probabilité de perte de ventes et d’affaires en raison la fausse déclaration de l’intimée (Orkin Exterminating Co. Inc. v. Pestco Co., 50 O.R. (2d) 726, 19 D.L.R. (4th) 90 (C.A. Ont.)).

[85]  À mon avis, l’élément des dommages est également établi.

d)  Conclusion sur la commercialisation trompeuse

[86]  À la lumière de ces constatations, je conclurais que les appelantes ont établi l’existence de la commercialisation trompeuse, contrairement aux dispositions de l’alinéa 7b) de la Loi.

(7)  La réparation

[87]  À la lumière des conclusions ci‑dessus, j’accueillerais l’appel, j’annulerais le jugement de la Cour fédérale et j’accorderais la réparation additionnelle dont il est question ci‑dessous.

a)  La déclaration de contrefaçon

[88]  Les appelantes demandent un jugement déclaratoire portant que l’intimée a contrefait les marques Wenger. La disposition applicable est l’alinéa 20(1)a) de la Loi, qui prévoit ce qui suit :

20 (1) Le droit du propriétaire d’une marque de commerce déposée à l’emploi exclusif de cette dernière est réputé être violé par une personne qui est non admise à l’employer selon la présente loi et qui :

20 (1) The right of the owner of a registered trade‑mark to its exclusive use is deemed to be infringed by any person who is not entitled to its use under this Act and who

a) soit vend, distribue ou annonce des produits ou services en liaison avec une marque de commerce ou un nom commercial créant de la confusion;

(a) sells, distributes or advertises any goods or services in association with a confusing trade‑mark or trade‑name;

[…]

[89]  À la lumière de la conclusion ci‑dessus concernant la confusion, j’accorderais le jugement déclaratoire demandé.

b)  L’injonction permanente

[90]  Les appelantes réclament également une injonction permanente interdisant à l’intimée de contrefaire les marques Wenger et, en particulier, d’employer les marques Travelway en liaison avec les marchandises énumérées dans les enregistrements des marques Wenger.

[91]  Je suis d’accord avec les appelantes sur le fait qu’une injonction permanente est appropriée pour empêcher que la contrefaçon ne se reproduise à l’avenir. L’injonction devrait s’appliquer aux marques Travelway employées en liaison avec les marchandises énumérées dans les enregistrements des marques Wenger.

c)  La remise des marchandises

[92]  Les appelantes demandent une ordonnance exigeant que l’intimée [TRADUCTION] « détruise ou remette aux appelantes toutes les marchandises, tous les emballages, toutes les étiquettes ainsi que tout le matériel publicitaire portant les [marques Travelway] en sa possession ou sous son contrôle ».

[93]  Je conviens que ce redressement est approprié et j’accorderais une telle ordonnance à l’égard des marchandises énumérées dans les enregistrements des marques Wenger.

d)  La radiation

[94]  Les appelantes demandent une ordonnance radiant les marques Travelway du registre en vertu du paragraphe 57(1) de la Loi. Cette disposition prévoit ce qui suit :

57 (1) La Cour fédérale a une compétence initiale exclusive, sur demande du registraire ou de toute personne intéressée, pour ordonner qu’une inscription dans le registre soit biffée ou modifiée, parce que, à la date de cette demande, l’inscription figurant au registre n’exprime ou ne définit pas exactement les droits existants de la personne paraissant être le propriétaire inscrit de la marque.

57 (1) The Federal Court has exclusive original jurisdiction, on the application of the Registrar or of any person interested, to order that any entry in the register be struck out or amended on the ground that at the date of the application the entry as it appears on the register does not accurately express or define the existing rights of the person appearing to be the registered owner of the mark.

[…]

[95]  Les appelantes laissent entendre que cette ordonnance est appropriée, parce que [traduction] « les marques de commerce n’étaient pas distinctives au début de la procédure et [l’intimée] n’était pas la personne ayant droit, aux termes du paragraphe 16(3), d’enregistrer les marques de commerce, car, à la date de dépôt, les marques créaient de la confusion avec les [marques Wenger] telles qu’elles étaient employées et révélées au Canada » (mémoire des faits et de la jurisprudence des appelantes, paragraphe 103).

[96]  Je renverrais cette question à la Cour fédérale pour qu’elle rende une décision après avoir entendu d’autres observations. Dans le contexte du présent appel et de ses contraintes de temps, les observations des parties ont été, à juste titre, tronquées sur cette question.

e)  Les dommages

[97]  Les appelantes demandent des dommages‑intérêts. Je renverrais la question des dommages‑intérêts à la Cour fédérale afin qu’elle décide si les dommages‑intérêts sont recouvrables et, dans l’affirmative, quel est le montant des dommages‑intérêts et quelle est la procédure appropriée pour les déterminer.

[98]  La Cour fédérale voudra peut‑être examiner si un renvoi est approprié pour faciliter cette détermination. L’intimée a soutenu qu’un renvoi n’est pas approprié, puisque cette affaire avait été intentée comme une demande plutôt que comme une action. Cela ne devrait pas empêcher qu’il soit procédé par renvoi, et la Cour fédérale devrait déterminer la procédure la plus appropriée.

f)  Les dépens

[99]  J’adjugerais les dépens aux appelantes devant la Cour et l’instance inférieure.

« Judith M. Woods »

j.c.a.

« Je suis d’accord

Yves de Montigny, j.c.a. »

« Je suis d’accord

Mary J.L. Gleason, j.c.a. »


ANNEXE A

MARQUE À LA CROIX WENGER

(Dossier d’appel, volume 2, à la page 338)

MARQUE TRIANGULAIRE TRAVELWAY (S disparaissant)

(Dossier d’appel, volume 2, à la page 468)


COUR D’APPEL FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


dOSSIER :

A‑128‑16

APPEL D’UN JUGEMENT DE LA JUGE ST‑LOUIS DATÉ DU 24 MARS 2016, NUMÉRO T‑1380‑13

INTITULÉ :

GROUP III INTERNATIONAL LTD., HOLIDAY GROUP INC. et WENGER S.A. c. TRAVELWAY GROUP INTERNATIONAL LTD.

 

 

lIEU DE L’AUDIENCE :

Ottawa (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

le 15 mars 2017

 

motifs du jugement :

LA juge WOODS

 

y ONT souscrit :

LE JUGE DE MONTIGNY

LA JUGE GLEASON

 

DATE DU JUGEMENT :

LE 6 NOVEMBRE 2017

 

COMPARUTIONS :

Brendan van Niejenhuis

Andrea Gonsalves

 

POUR LES APPELANTES

 

Bob Sotiriadis

Alexandra Steele

Camille Aubin

 

POUR L’INTIMÉE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Stockwoods LLP

Toronto (Ontario)

Currier+Kao LLP

Toronto (Ontario)

 

pour les appelantes

 

ROBIC LLP

Montréal (Québec)

pour l’INTIMÉE

 

 

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