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Date : 20170915


Dossier : A-343-16

Référence : 2017 CAF 189

[TRADUCTION FRANÇAISE]

CORAM :

LE JUGE NADON

LA JUGE DAWSON

LA JUGE WOODS

 

 

Dossier : A-343-16

ENTRE :

BROOK MAKARA

appelant

et

PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

(POUR LE SERVICE CORRECTIONNEL DU CANADA)

intimé

Audience tenue à Ottawa (Ontario), le 11 septembre 2017.

Jugement rendu à l’audience à Ottawa (Ontario), le 15 septembre 2017.

MOTIFS DU JUGEMENT :

LA JUGE DAWSON


Date : 20170915


Dossier : A-343-16

Référence : 2017 CAF 189

[TRADUCTION FRANÇAISE]

CORAM :

LE JUGE NADON

LA JUGE DAWSON

LA JUGE WOODS

 

 

Dossier : A-343-16

ENTRE :

BROOK MAKARA

appelant

et

PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

(POUR LE SERVICE CORRECTIONNEL DU CANADA)

intimé

MOTIFS DU JUGEMENT

LA JUGE DAWSON

[1]               L’appelant est détenu dans un pénitencier fédéral. Il interjette appel d’une ordonnance de la Cour fédérale qui a rejeté sa requête en prorogation du délai dans lequel il pouvait déposer une demande de contrôle judiciaire visant une décision qui a confirmé en partie seulement un grief d’un détenu au troisième palier qu’il avait présenté. L’ordonnance qui fait l’objet de l’appel a été rendue le 31 août 2016, dossier de la Cour 16-T-27.

[2]               Les faits qui ont donné lieu au présent appel peuvent être brièvement exposés. Le 22 avril 2015, l’appelant a présenté un grief pour lequel il soutenait qu’une psychologue de l’Établissement de Donnacona avait fait de faux renseignements à son sujet qui le dépeignaient comme une menace imminente pour la collectivité. Selon l’appelant, on s’est servi de ces renseignements pour lui imposer une assignation à résidence à sa libération d’office.

[3]               Le 5 janvier 2016, l’appelant a déposé une demande de contrôle judiciaire par laquelle il soutenait que le Service correctionnel du Canada avait retardé de façon déraisonnable l’instruction de son grief.

[4]               Par la suite, une décision a été rendue le 11 avril 2016 au sujet du grief de l’appelant. Le juge a accueilli le grief en partie et a ordonné que des corrections soient apportées aux renseignements controversés dans chaque document du dossier de gestion de cas de l’appelant.

[5]               Le 15 avril 2016, l’avocate du procureur général a écrit à l’appelant pour l’informer que, du fait qu’une décision avait été rendue au sujet de son grief, une requête en radiation de la demande serait déposée si l’appelant n’abandonnait pas sa demande de contrôle judiciaire. Elle informait l’appelant qu’il avait le droit d’attaquer la décision du 11 avril 2016 par un nouvel avis de demande de contrôle judiciaire.

[6]               Le 1er mai 2016, l’appelant a écrit au greffe de la Cour fédérale pour signaler qu’il avait [Traduction] « la ferme intention de donner suite à une demande dans la présente affaire ». Il a demandé que sa lettre [Traduction] « soit conservée au dossier pour indiquer qu’il avait fait preuve de diligence raisonnable » si son avis de demande [Traduction] « était radié et qu’une demande renouvelée était présentée après l’expiration du délai de 30 jours pour déposer un avis ».

[7]               Le 17 mai 2016, un protonotaire de la Cour fédérale a radié l’avis de demande de l’appelant avec dépens. Par ordonnance en date du 4 juillet 2016, un juge de la Cour fédérale a rejeté l’appel de l’appelant interjeté de l’ordonnance du protonotaire. Le 29 juillet 2016, l’appelant a présenté sa requête pour demander une ordonnance en prorogation du délai dans lequel il pourrait déposer un nouvel avis de demande.

[8]               Il ressort des attendus de l’ordonnance que le juge a conclu que l’appelant était au courant de l’exigence selon laquelle la décision relative au grief devait être attaquée dans un délai de 30 jours suivant sa réception. Le juge a ensuite conclu que l’appelant n’avait pas produit une explication raisonnable pour son retard dans l’instance. La requête en prorogation de délai a été rejetée au motif que l’appelant n’avait pas produit une explication raisonnable de son retard.

[9]               Dans le cadre du présent appel, l’appelant formule les questions ainsi :

[Traduction]

Le juge saisi de la requête a-t-il commis une erreur lorsqu’il a refusé d’accorder la prorogation du délai en omettant de tenir compte du défaut de l’appelant de déposer une demande de contrôle judiciaire dans un délai de 30 jours contre une décision administrative qui a été retardée de façon déraisonnable alors qu’une demande de nature semblable existait déjà, qui constituait une erreur pardonnable de la part d’un demandeur en personne sans expérience devant la Cour fédérale? La Cour peut-elle confirmer le jugement de rejeter les arguments de l’appelant en raison d’une formalité relativement mineure alors que le bien-fondé d’une controverse très grave n’a pas été examiné dans le cadre d’un procès?

[10]           Je commence mon analyse en faisant remarquer que la considération sous-jacente de la requête en prorogation du délai pour introduire une demande de contrôle judiciaire est celle de savoir si l’intérêt de la justice justifie la prorogation. Les facteurs à prendre en considération au moment de décider s’il faut accorder la prorogation du délai comprennent : la question de savoir si le demandeur avait l’intention d’introduire une demande de contrôle judiciaire dans le délai permis pour introduire la demande et s’il a toujours eu l’intention de donner suite à la demande, l’existence d’un préjudice pour la partie adverse, l’explication par le demandeur du retard et la question de savoir s’il y a des moyens non frivoles pour annuler la décision que le demandeur souhaite attaquer dans le cadre du contrôle judiciaire.

[11]           M’éloignant des facteurs qui doivent guider la Cour fédérale, je note que, peu importe la façon dont l’appelant formule le présent appel, devant la Cour fédérale, il n’a pas présenté d’éléments de preuve et n’a pas expressément fait valoir que la cause du retard était son choix de donner suite à sa demande initiale. Par son affidavit à l’appui de la prorogation demandée, l’appelant a plutôt invoqué sa lettre du 1er mai 2016 adressée au greffe qui signalait son intention de donner suite à l’affaire. Nul autre fait n’a été avancé à l’appui de la prorogation demandée. Il ressort de ses observations écrites simplement que sa lettre du 1er mai 2016 indiquait qu’il avait fait preuve de diligence raisonnable et que sa demande était bien fondée.

[12]           Il s’ensuit que la Cour fédérale n’a commis nulle erreur manifeste et dominante lorsqu’elle a conclu que l’appelant avait omis de produire une explication raisonnable du retard au moment où il a introduit une demande de contrôle judiciaire contre le grief d’un détenu au troisième palier.

[13]           Il existe un autre motif de rejet de la prorogation demandée. Le paragraphe 18.1(3) de la Loi sur les Cours fédérales énonce les pouvoirs de la Cour fédérale à l’égard du contrôle judiciaire. La Cour peut :

(a) order a federal board, commission or other tribunal to do any act or thing it has unlawfully failed or refused to do or has unreasonably delayed in doing; or

 

a) ordonner à l’office fédéral en cause d’accomplir tout acte qu’il a illégalement omis ou refusé d’accomplir ou dont il a retardé l’exécution de manière déraisonnable;

 

(b) declare invalid or unlawful, or quash, set aside or set aside and refer back for determination in accordance with such directions as it considers to be appropriate, prohibit or restrain, a decision, order, act or proceeding of a federal board, commission or other tribunal.

b) déclarer nul ou illégal, ou annuler, ou infirmer et renvoyer pour jugement conformément aux instructions qu’elle estime appropriées, ou prohiber ou encore restreindre toute décision, ordonnance, procédure ou tout autre acte de l’office fédéral.

[14]           La mesure demandée par l’appelant par son avis de demande proposée était la suivante :

[Traduction]

1)         Une déclaration portant que le rapport d’« observation » consigné dans le Système de gestion des délinquants du SCC par la psychologue Annie Bujold l’Établissement de Donnacona le 7 janvier 2015, rétroactif au 15 octobre 2014, concernant une intervention dans le dossier du demandeur le 22 août 2014, contenait de faux renseignements;

2)         Une déclaration portant que ledit rapport d’« observation » adressé à tous les membres du personnel du SCC et de la Commission des libérations conditionnelles du Canada a été délibérément falsifié dans l’intention de créer l’impression que le demandeur a planifié selon toute vraisemblance de blesser des membres féminins du personnel;

3)         Une déclaration portant que les recueils mentionnés dans ledit rapport d’« observation » sont en fait des ouvrages médicaux et des pamphlets évangéliques qui ne contiennent pas de matériel qui serait visé par les alinéas 4c), 5c) et 6b) de la Directive du commissaire 764 re Accès au matériel et aux divertissements en direct visant les délinquants fédéraux;

4)         Un montant forfaitaire de l’intimé de 20 000 $ pour indemniser le demandeur en ce qui concerne son temps, ses efforts et les dépenses qui ont découlé de cette épreuve.

[15]           Pendant les débats, l’appelant a reconnu que la Cour fédérale n’était pas en mesure en droit d’accorder l’indemnisation qu’il demandait. Toutefois, il a fait valoir que la Cour a compétence pour prononcer les trois déclarations demandées.

[16]           En toute déférence, je surjette cette thèse. Aux termes du paragraphe 18.1(3),  la Cour fédérale ne peut qu’examiner le caractère raisonnable de la décision d’un grief au troisième palier; la compétence de la Cour ne vise pas le prononcé de déclarations au sujet de la conduite d’un tiers ou de la nature factuelle d’un livre. De toute manière, une déclaration est [Traduction] « un énoncé judiciaire confirmant ou niant un droit légal du demandeur » : Lazar Sarna, The Law of Declaratory Judgments, 4e éd., Toronto, Thomson Reuters, 2016, à la page 1. Comme le juge MacKay l’a conclu à l’occasion de l’affaire Brychka c. Canada (Procureur général), [1998] C.A.F. no 124, 141 F.T.R. 258 au paragraphe 27, la Cour fédérale n’a pas  compétence de rendre des jugements déclaratoires sur de simples questions de fait. Les déclarations demandées se rapportent toutes à des questions de fait.

[17]           Comme la Cour fédérale ne pouvait pas, en droit, accorder la mesure demandée, l’appelant n’a pas démontré que la demande proposée reposait sur un fondement suffisant qui appelait la prorogation du délai. Il s’ensuit que l’intérêt de la justice n’appelle pas cette prorogation.

[18]           Par conséquent, je rejetterais l’appel de l’ordonnance de la Cour fédérale. Cela dit, il est important de confirmer qu’en rejetant l’appel, notre Cour ne formule aucune conclusion quant à la question de savoir si les renseignements attaqués ont été fabriqués ou non, nous ne nous sommes tout simplement pas penchés sur cette question. Nous nous sommes bornés à examiner l’ordonnance discrétionnaire de la Cour fédérale refusant la prorogation.

[19]           À mon avis, il s’agit d’une affaire appropriée pour attribuer les dépens suivant l’issue de la cause. J’attribuerais des dépens de 400 $ à l’intimé, y compris l’ensemble des débours et taxes.

« Eleanor R. Dawson »

j.c.a.

« Je suis d’accord

M. Nadon, j.c.a. »

« Je suis d’accord

J. Woods, j.c.a. »

Traduction certifiée conforme,

François Brunet, réviseur.


COUR D’APPEL FÉDÉRALE

NOMS DES AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


Dossier :

A-343-16

 

 

INTITULÉ :

BROOK MAKARA c.

PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA (POUR LE SERVICE CORRECTIONNEL DU CANADA)

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Ottawa (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 11 septembre 2017

 

MOTIFS DU JUGEMENT :

LA JUGE DAWSON

 

DATE DES MOTIFS :

LE 15 septembre 2017

 

COMPARUTIONS :

BROOK MAKARA

 

Pour l’appelant

 

JOSHUA WILNER

 

Pour l’intimé

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Nathalie G. Drouin

Sous-procureure générale du Canada

Ottawa (Ontario)

 

Pour l’intimé

 

 

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