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Date : 20170615


Dossier : A-299-16

Référence : 2017 CAF 127

[TRADUCTION FRANÇAISE]

CORAM :

LA JUGE DAWSON

LE JUGE DE MONTIGNY

LA JUGE WOODS

 

ENTRE :

ROGERS COMMUNICATIONS CANADA INC.

partie demanderesse

et

METRO CABLE T.V. MAINTENANCE AND SERVICE EMPLOYEES’ ASSOCIATION et GRAND RIVER TECHNICAL EMPLOYEES ASSOCIATION

parties défenderesses

Audience tenue à Toronto (Ontario), le 1er juin 2017.

Jugement rendu à Ottawa (Ontario), le 15 juin 2017.

MOTIFS DU JUGEMENT :

LE JUGE DE MONTIGNY

Y ONT SOUSCRIT :

LA JUGE DAWSON

LA JUGE WOODS

 


Date : 20170615


Dossier : A-299-16

Référence : 2017 CAF 127

CORAM :

LA JUGE DAWSON

LE JUGE DE MONTIGNY

LA JUGE WOODS

 

ENTRE :

ROGERS COMMUNICATIONS CANADA INC.

partie demanderesse

et

METRO CABLE T.V. MAINTENANCE AND SERVICE EMPLOYEES’ ASSOCIATION et GRAND RIVER TECHNICAL EMPLOYEES ASSOCIATION

parties défenderesses

MOTIFS DU JUGEMENT

LE JUGE DE MONTIGNY

[1]  Rogers Communications Canada Inc. (Rogers) sollicite le contrôle judiciaire d’une décision par laquelle le Conseil canadien des relations industrielles (le CCRI ou le Conseil), publiée sous la référence 2016 CCRI LD 3677, a accueilli la demande de réexamen d’une unité de négociation présentée par la partie défenderesse, Metro Cable T.V. Maintenance and Service Employees Association (le syndicat), au titre de l’article 18 du Code canadien du travail, L.R.C. 1985, ch. L‑2 (le Code).

[2]  La présente demande de contrôle judiciaire soulève la question de savoir si le pouvoir de réexamen conféré au CCRI par l’article 18 a changé par suite des modifications apportées à la section III – Acquisition et extinction des droits de négociation du Code, et plus précisément de la nouvelle exigence concernant la tenue d’un scrutin de représentation secret dans le cas des demandes d’accréditation. Si tel est le cas, Rogers soutient que le CCRI a rendu une décision déraisonnable en ne tenant pas compte de ces modifications dans l’exercice de ses fonctions discrétionnaires de réexamen.

[3]  Nul ne conteste les faits qui sous-tendent la présente demande. Rogers exploite des systèmes de câblodistribution dans diverses provinces, offrant à ses clients un service de télévision par câble et un accès Internet haute vitesse. Elle a à son service des employés syndiqués et non syndiqués. En 1973, le syndicat a été accrédité comme agent négociateur des employés techniques du prédécesseur de Rogers, Metro Cable T.V. Limited, à ses installations d’Etobicoke. Au fil des ans, les diverses demandes présentées au titre des articles 18 et 18.1 du Code ont transformé l’unité de négociation représentée par le syndicat, qui compte désormais des employés se trouvant dans les régions du Grand Toronto et de Mississauga. Plus précisément, depuis 2001, le syndicat a présenté 14 demandes – dont 13 ont été accueillies – afin d’élargir la base des membres de l’unité de négociation en proportion de la croissance de Rogers et d’assurer la représentation des nouveaux employés. Notre Cour est saisie en l’espèce du contrôle judiciaire de la quatorzième demande.

[4]  Vers le 1er mai 2013, Rogers a fait l’acquisition de Mountain Cablevision Limited (Mountain) auprès de Shaw Cable Hamilton, les employés de Mountain devenant de ce fait des employés de Rogers. Installée sur la rue Hester à Hamilton, en Ontario, Mountain employait plus de 100 personnes. Le syndicat a demandé l’ajout de 20 personnes ayant des profils de classification technique semblables à ceux figurant dans la description de l’unité de négociation (les employés de la rue Hester).

[5]  Le 14 août 2015, le syndicat a présenté, au titre de l’article 18 du Code, une demande de réexamen de l’unité de négociation existante de façon à y ajouter les employés de la rue Hester. Rogers a soulevé devant le Conseil bon nombre d’arguments. Est pertinent en l’espèce l’argument de Rogers selon lequel la demande de réexamen de l’unité de négociation contournait les exigences d’accréditation prévues à la section III du Code, et plus précisément l’exigence liée au scrutin secret.

[6]  Le 5 août 2016, le CCRI a accueilli la demande du syndicat fondée sur l’article 18. Dans ses motifs, il a affirmé d’entrée de jeu que l’article 18 du Code lui conférait le pouvoir de réexaminer l’unité de négociation existante et d’y ajouter de nouveaux employés ou des employés précédemment exclus. Appliquant la décision du Conseil dans Ridley Terminals Inc., 2002 CCRI 185 [Ridley Terminals], il a fait valoir que, même si la demande s’apparentait à certains égards à une demande d’accréditation, le syndicat devait démontrer qu’il avait l’appui d’une double majorité relativement aux questions faisant l’objet du réexamen, c’est-à-dire l’appui de la majorité au sein du groupe d’employés à ajouter à l’unité et l’appui de la majorité du groupe global. Le Conseil a ajouté qu’au titre de l’article 18, le syndicat doit démontrer que l’unité qui en résulterait serait au moins aussi habile à négocier que l’unité de négociation existante et que l’ajout des postes favoriserait l’atteinte des objectifs en matière de relations de travail.

[7]  Le CCRI s’est appuyé sur plusieurs facteurs reconnus par la jurisprudence pour conclure que l’unité de négociation proposée par le syndicat était viable et tout aussi habile à négocier collectivement que l’unité accréditée précédemment. Rogers ne conteste ni cette conclusion ni la décision voulant que l’ajout des employés de la rue Hester favorise l’atteinte des objectifs en matière de relations de travail.

[8]  Le CCRI a par ailleurs conclu que, puisque la demande visait à modifier la nature et la portée originale de l’unité de négociation, le syndicat devait démontrer qu’il avait l’appui d’une double majorité. À la lumière des faits présentés au Conseil, il a été conclu que le syndicat avait l’appui de la majorité des employés proposés en fonction des demandes d’adhésion et des droits versés au syndicat. S’agissant de l’appui de la majorité des employés membres de l’unité élargie dans son ensemble, le Conseil a conclu qu’étant donné que le pourcentage d’employés ajoutés à l’unité originale était faible, il ne fallait aucune preuve de consentement des membres de l’unité de négociation existante. Ainsi, en établissant qu’il représentait bel et bien 540 employés à titre d’agent négociateur actuel, le syndicat a convaincu le Conseil qu’il avait l’appui de la majorité du groupe global.

[9]  En appel, Rogers soulève deux arguments. Premièrement, elle soutient que le Conseil a appliqué à tort une interprétation de l’article 18 du Code qui n’avait plus cours du fait de la modification relative au scrutin secret adoptée dans le cadre de la Loi sur le droit de vote des employés, L.C. 2014, ch. 40, sans fournir la moindre explication quant à la façon dont il est parvenu à sa conclusion. Deuxièmement, et à titre subsidiaire, Rogers soutient que le Conseil a agi de façon déraisonnable en concluant que le syndicat jouissait de l’appui de la majorité au sein de l’unité élargie dans son ensemble, malgré l’absence de preuves. Même s’il n’est certes pas nécessaire de fournir des preuves du consentement à l’expansion du groupe lorsque le nombre de nouveaux membres est petit comparativement au groupe existant, il doit tout de même, selon Rogers, y avoir des preuves de l’appui des employés à l’endroit de l’agent négociateur (à titre d’indicateur de l’appui à l’expansion du groupe). S’appuyant sur Air Transat A.T. Inc., 2002 CCRI 178, au paragraphe 20, Rogers ajoute que cet élément de preuve peut provenir du dépôt par le syndicat des cartes d’adhésion, d’un vote ordonné par le Conseil ou d’une clause d’allégeance syndicale dans la convention collective en vigueur. Par ailleurs, le syndicat a invoqué des décisions comme Ridley Terminals (par. 24) et Monnaie royale canadienne, 2003 CCRI 229 (par. 37), pour affirmer que, dans certaines circonstances, l’appui de la majorité peut être présumé.

[10]  Compte tenu de ma conclusion voulant que l’affaire doive être renvoyée devant le Conseil du fait du premier argument soulevé par Rogers, je suis d’avis qu’il est préférable de laisser au Conseil le soin de démêler ces courants jurisprudentiels divergents.

[11]  Avant d’aborder la principale observation de Rogers, une mise en contexte s’impose. Le processus d’accréditation régissant l’obtention ou la perte des droits de négociation est prévu à la section III du Code. Lorsqu’une demande concernant de tels droits est présentée dans le délai prescrit (par. 24(2) du Code), le CCRI doit d’abord déterminer l’unité d’employés la plus habile à négocier collectivement (art. 27 et al. 28(2)b) du Code). Ensuite, le Conseil doit vérifier si le syndicat demandeur est admissible à un scrutin de représentation; le syndicat demandeur doit avoir démontré que 40 % des employés de l’unité proposée désiraient être représentés par le syndicat (al. 28(2)c)). Dès que le CCRI a conclu que ces conditions sont réunies, il ordonne la tenue d’un scrutin de représentation secret. L’accréditation du syndicat demandeur en tant qu’agent négociateur ne peut se faire que si le vote révèle l’appui d’une majorité des membres de l’unité de négociation proposée.

[12]  Le scrutin de représentation secret est une exigence récente de l’accréditation des unités de négociation. En 2014, le gouvernement a déposé une loi portant modification de la Loi sur le droit de vote des employés, qui est entrée en vigueur le 16 juin 2015 (les modifications de 2014). Avant l’adoption de ces modifications, il n’était pas nécessaire de satisfaire à des exigences très strictes en matière de preuve d’appui de la majorité au sein de l’unité de négociation proposée. Les scrutins de représentation étaient obligatoires uniquement dans certaines circonstances; sinon, ils étaient tenus à la discrétion du Conseil. Même lorsqu’un vote était exigé, rien n’obligeait à ce qu’il soit secret. En effet, avant les modifications de 2014, le Conseil avait pour politique de ne tenir des scrutins de représentation que dans des cas exceptionnels; par conséquent, l’adhésion au syndicat servait donc généralement de preuve d’appui des employés.

[13]  Par ailleurs, aux termes de l’article 18 du Code, le Conseil peut « réexaminer, annuler ou modifier » ses ordonnances. Le CCRI a reconnu que deux types de demandes peuvent être présentées au titre de l’article 18 : une demande pour les ordonnances visant à confirmer que certains employés additionnels relèvent de la portée voulue de l’unité de négociation (c’est-à-dire les « demandes d’interprétation »), et l’autre qui vise à modifier la définition de l’unité de négociation existante afin d’ajouter de nouveaux employés au groupe (voir par exemple TELUS Communications Inc., 2004 CCRI 278, aux paragraphes 306 à 308, confirmé par Télé-Mobile Co. c. Syndicat des travailleurs en télécommunications, 2004 CAF 438). La présente affaire relève manifestement du deuxième type de demandes. Étant donné que le Conseil a assimilé ces types de demandes à des accréditations, il ressort de sa jurisprudence que le syndicat doit démontrer qu’il a une « double majorité », c’est-à-dire l’appui de la majorité au sein du groupe qui s’ajoute à l’unité et l’appui de la majorité au sein du groupe élargi (TELUS Corporation, 2000 CCRI 94, par. 31 et 32).

[14]  Rogers soutient que le Conseil a commis une erreur en concluant sans analyse que le caractère représentatif du syndicat en tant qu’agent négociateur existant pouvait quand même servir à démontrer l’appui global de la majorité si la demande est présentée au titre de l’article 18, plutôt que de l’article 24. Autrement dit, Rogers soutient que les modifications de 2014 ont eu pour effet de retirer expressément au Conseil son pouvoir discrétionnaire d’évaluer l’appui des employés comme bon lui semble pour les besoins de l’accréditation initiale et qu’elles doivent être interprétées comme ayant pour effet de lui retirer également cette souplesse au titre de l’article 18 lorsque le Conseil est saisi de demandes de réexamen en vue de l’ajout de nouveaux employés à l’unité de négociation existante. Le paragraphe suivant tiré des observations formulées par écrit par Rogers fait bien ressortir l’essentiel de son argument :

[traduction

[…] les décisions antérieures du Conseil et de la Cour d’appel confirment deux propositions fondamentales : (1) une demande présentée au titre de l’article 18 ne peut pas servir à contourner les exigences en matière d’accréditation prévues à la section III; et (2) depuis juin 2015, ces exigences en matière d’accréditation comprennent un scrutin secret dont les résultats démontrent l’appui de la majorité des employés à l’agent négociateur demandeur. La combinaison de ces deux propositions mène inexorablement à la conclusion selon laquelle le Code ne permet plus au Conseil d’accueillir des demandes d’expansion d’unités de négociation en fonction d’autres éléments de preuve d’appui des employés (notamment les cartes d’adhésion au syndicat).

(Mémoire des faits et du droit de Rogers, par. 60).

[15]  Par conséquent, Rogers soutient que la décision du Conseil n’est pas raisonnable, à la fois parce que son interprétation de l’article 18 ne tient pas compte de l’incidence des modifications de 2014 et parce qu’il a omis de fournir une explication de la façon dont il est parvenu à sa conclusion.

[16]  Il ne suffit pas pour le syndicat de soutenir, comme il l’a fait, que Rogers aurait pu demander le réexamen de la décision du Conseil et qu’elle n’a donc pas épuisé tous les recours administratifs disponibles avant de demander le contrôle judiciaire. Conformément à l’article 18 du Code, le Conseil a sans doute le pouvoir de réexaminer ses décisions dans certaines circonstances, notamment lorsqu’une présumée erreur de droit ou de politique jette un doute sérieux sur l’interprétation du Code donnée par le Conseil. Cela dit, le Conseil a lui-même affirmé à plusieurs reprises que ses décisions sont définitives et qu’il ne réexaminera ses décisions antérieures que dans des circonstances exceptionnelles et pour des motifs limités (voir, par exemple, Société Radio-Canada, 2015 CCRI 763; Administration portuaire de Québec, 2016 CCRI 832; Louvris (Re), 2017 CIRB 845).

[17]  En outre, il est bien établi que, pour vérifier si un processus établi par la loi représente un autre recours approprié, il importe, entre autres facteurs, de prendre en compte la manière dont le pouvoir prévu par la loi est susceptible d’être exercé compte tenu du poids de la décision initiale. Notre Cour (sous la plume de la juge Sharlow) s’est exprimée en ces termes au paragraphe 30 de l’arrêt Buenaventura Jr. c. Syndicat des travailleurs(euses) en télécommunications, 2012 CAF 69 :

[…] un droit d’appel établi par la loi pourrait constituer un recours solide si l’appel doit être entendu par un organisme distinct du décideur initial dont le mandat est d’examiner l’affaire de novo. Dans un tel cas, on pourrait affirmer que le poids de la décision initiale est faible. Par ailleurs, un décideur expérimenté à qui a été conféré le pouvoir de réexaminer ses propres décisions sera souvent enclin à exercer ce pouvoir de façon relativement modérée, de sorte que le poids de la décision initiale sera probablement important. À mon avis, cela tendrait à réfuter l’argument voulant que le pouvoir de réexamen représente un autre recours approprié.

[18]  À ce titre, la Cour a conclu que le pouvoir de réexamen du Conseil faisait manifestement partie de la dernière catégorie. La Cour suprême est parvenue à une conclusion semblable dans Ellis-Don Ltd. c. Ontario (Commission des relations de travail), 2001 CSC 4, aux paragraphes 57 et 94, [2001] 1 R.C.S. 221, et a conclu qu’un nouvel examen n’équivalait pas à un appel interne pour les besoins de l’argument fondé sur « l’épuisement des recours administratifs ». Par conséquent, je suis d’accord avec les avocats de Rogers quand ils affirment que le fait de ne pas demander un réexamen ne peut pas faire obstacle à une demande de contrôle judiciaire et peut seulement, tout au plus, être un facteur à prendre en considération dans la décision de prendre ou non une mesure de réparation relevant du droit administratif.

[19]  Qui plus est, l’avocat du syndicat a demandé à la Cour de ne pas tenir compte de l’argument de Rogers parce que celui-ci n’avait pas été soulevé devant le Conseil. Selon le syndicat, dans sa plaidoirie devant le Conseil, Rogers n’a pas cherché, s’agissant des employés de la rue Hester, à faire tenir un scrutin secret comme première étape en vue de satisfaire à l’exigence de la double majorité prévue à l’article 18; au lieu, Rogers a essayé de convaincre le Conseil que le syndicat devrait être tenu d’utiliser la procédure d’accréditation prévue au paragraphe 24(1) plutôt que d’essayer de contourner l’exigence du scrutin secret obligatoire par le recours à l’article 18 du Code.

[20]  Lors de l’audience devant notre Cour, l’avocat de Rogers a reconnu qu’il s’était concentrait sur la procédure prévue à l’article 24 devant le Conseil et qu’il n’avait pas expressément demandé au Conseil de déterminer quelle incidence, s’il en est, les modifications de 2014 avaient eue sur ses pouvoirs de réexamen prévus à l’article 18. L’avocat soutient néanmoins que le Conseil ne pouvait pas faire fi de cette question et appliquer l’article 18 comme si la Loi sur le droit de vote des employés — et l’exigence de tenir un scrutin secret — n’avait jamais été adoptée. Il en est ainsi tout particulièrement parce que Rogers prétendait essentiellement, sur le fondement de l’arrêt Téléglobe Canada c. Syndicat canadien des télécommunications transmarines, [1980] A.C.F no 903 (QL), au paragraphe 4 (C.A.), que le Conseil ne pouvait appliquer l’article 18 pour contourner la nouvelle procédure d’accréditation.

[21]  J’ai examiné attentivement la réponse de Rogers à la demande présentée par le syndicat, et je conviens que les exigences des articles 18 et 24 s’appliquaient devant le Conseil et qu’il incombait à ce dernier de traiter des observations à cet égard dans ses motifs. Il est évident que Rogers s’est opposée à la demande présentée par le syndicat au motif que les employés de la rue Hester avaient été privés du droit à la tenue d’un scrutin de représentation secret, que la demande ait été présentée au titre de l’article 18 ou de l’article 24 du Code. C’est ce que l’on peut déduire du paragraphe 46 de la réponse de Rogers à la demande, qui est ainsi rédigée :

[traduction]

L’objectif de l’article 18 est de clarifier et à l’occasion d’élargir la portée d’un certificat existant à des fins de relations de travail légitimes et de favoriser le bon fonctionnement de la structure de l’unité de négociation. Il ne doit pas être utilisé par un syndicat, en l’occurrence l’Association, pour agrandir l’unité de négociation de façon à y ajouter des employés qui travaillent dans des régions géographiques différentes sans présenter une demande d’accréditation ou tenir un scrutin de représentation. [Non souligné dans l’original.]

Dossier de la demande, vol. II, onglet 2G, p. 148.

[22]  Certes, le Conseil a pris acte de la prétention de Rogers dans son résumé des positions des parties, mais n’a pas motivé dans son analyse son défaut de trancher la question. Le Conseil a traité en long et en large des motifs pour lesquels il pensait que l’unité qui résulterait de la demande serait au moins aussi habile que l’unité de négociation existante, justifiant par conséquent sa décision de rejeter la prétention de Rogers selon laquelle le syndicat était tenu d’appliquer la procédure d’accréditation prévue à l’article 24 du Code, mais n’a jamais expliqué pourquoi l’exigence relative au scrutin secret introduite à la section III du Code ne devrait pas s’appliquer eu égard à l’article 18.

[23]  Par suite de la décision Newfoundland and Labrador Nurses’ Union c. Terre-Neuve-et-Labrador (Conseil du Trésor), 2011 CSC 62, [2011] 3 R.C.S. 708, l’inadéquation des motifs d’un décideur administratif ne saurait constituer un motif indépendant de recours, mais devrait être examinée à la lumière des critères « de la justification de la décision, de la transparence et de l’intelligibilité » énoncés dans Dunsmuir c. Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9, au paragraphe 47, [2008] 1 R.C.S 190. Bien que les tribunaux soient invités à tenir compte du dossier pour pallier les manques, la décision qui ne dit rien sur une question en litige fondamentale ne sera guère raisonnable. En l’espèce, il est impossible d’établir si le Conseil a examiné l’argument de Rogers et, le cas échéant, pour quel motif il est parvenu à sa conclusion (implicite) selon laquelle les exigences relatives à un scrutin secret, adoptées par le législateur en 2014, dans le contexte d’un processus d’accréditation ne doivent pas être importées dans une demande présentée au titre de l’article 18. Suivant l’analogie évoquée par mon collègue le juge Rennie (tel était alors son titre) au paragraphe 11 de Komolafe c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2013 CF 431, [2013] A.C.F. no 449 (QL), il ne s’agit pas d’une cause dans laquelle la cour de révision peut relier les points sur la page; il n’y a même pas de points sur la page. La décision est d’autant plus inexcusable que la question en litige soulevée par Rogers n’avait apparemment pas encore été tranchée par le Conseil dans une autre instance.

[24]  Par conséquent, je suis d’avis que la présente demande de contrôle judiciaire devrait être accueillie, avec dépens. Étant donné qu’il serait mal avisé pour notre Cour de trancher la question en litige laissée sans réponse par le Conseil sans le bénéfice de ses motifs, j’annulerais la décision de ce dernier et je lui renverrais la demande du syndicat pour qu’il rende une nouvelle décision qui concorde avec les présents motifs. Par conséquent, le Conseil doit décider dans quelle mesure, s’il en est, les modifications apportées à la section III du Code ont une incidence sur la présente demande et si le syndicat a démontré que l’expansion proposée avait l’appui d’une double majorité.

« Yves de Montigny »

j.c.a.

« Je suis d’accord.

Eleanor R. Dawson, j.c.a. »

« Je suis d’accord.

Judith M. Woods, j.c.a. »

 


COUR D’APPEL FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

A-299-16

 

INTITULÉ :

ROGERS COMMUNICATIONS CANADA INC. c. METRO CABLE T.V. MAINTENANCE AND SERVICE EMPLOYEES’ ASSOCIATION et GRAND RIVER TECHNICAL EMPLOYEES ASSOCIATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Toronto (Ontario)

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 1er juin 2017

MOTIFS DU JUGEMENT :

LE JUGE DE MONTIGNY

Y ONT SOUSCRIT :

LA JUGE DAWSON

LA JUGE WOODS

DATE DES MOTIFS :

Le 15 juin 2017

COMPARUTIONS :

Me Brian Smeenk

Me Tala Khoury

Pour la demanderesse

Me Christopher McClelland

Pour la défenderesse

Metro Cable T.V. Maintenance and Service Employees’ Association

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Fasken Martineau DuMoulin S.E.N.C.R.L., s.r.l.

Avocats

Toronto (Ontario)

Pour la demanderesse

Blaney McMurtry S.E.N.C.R.L.

Avocats

Toronto (Ontario)

Pour la défenderesse

Metro Cable T.V. Maintenance and Service Employees’ Association

 

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