Décisions de la Cour d'appel fédérale

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Date : 20170602


Dossier : 17-A-15

Référence : 2017 CAF 117

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Présent : le juge Stratas

ENTRE :

NADER PHILIPOS

appelant

et

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

intimé

Requête jugée sur dossier sans comparution des parties.

Ordonnance rendue à Ottawa (Ontario), le 2 juin 2017.

MOTIFS DE L’ORDONNANCE :

LE JUGE STRATAS

 


Date : 20170602


Dossier : 17-A-15

Référence : 2017 CAF 117

ENTRE :

NADER PHILIPOS

appelant

et

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

intimé

MOTIFS DE L’ORDONNANCE

LE JUGE STRATAS

[1]  En 2015, le ministre des Transports a annulé l’habilitation de sécurité de M. Philipos parce que ce dernier avait exporté des fusils au Soudan, en contravention à la Loi sur les licences d’exportation et d’importation, L.R.C. (1985), ch. E-19 et au Règlement d’application des résolutions des Nations Unies sur le Soudan, DORS/2004-197.

[2]  À la suite de cette annulation, M. Philipos a déposé une demande de contrôle judiciaire à la Cour fédérale visant à obtenir l’annulation de cette décision. La Cour fédérale a rejeté sa demande. Elle a conclu que la décision du ministre d’annuler l’habilitation de sécurité était raisonnable puisqu’elle découlait d’une contravention à la loi.

[3]  M. Philipos a interjeté appel de la décision de la Cour fédérale devant notre Cour, mais a ensuite déposé un avis de désistement. Par conséquent, son dossier d’appel a été fermé.

[4]  Quelque temps plus tard, M. Philipos a déposé une requête devant notre Cour visant à faire revivre son appel. La Cour a rejeté cette requête (Philipos c. Canada [Procureur général], 2016 CAF 79).

[5]  M. Philipos demande une fois de plus de faire revivre l’appel dont il s’est désisté, cette fois par le truchement d’une requête en prorogation du délai pour interjeter appel du jugement de la Cour fédérale.

[6]  M. Philipos a présenté un affidavit assermenté au soutien de sa requête. Il y mentionne un nouvel élément de preuve : les fusils qu’il a exportés ont été rapatriés.

[7]  Cette nouvelle preuve ne permet pas à M. Philipos de faire revivre l’appel dont il s’est désisté. Dans l’arrêt Philipos, après avoir examiné en détail la jurisprudence d’autres ressorts et la nature du désistement, la Cour a déterminé les éléments permettant de faire revivre une instance dont le demandeur s’est désisté (par. 20 à 23) :

[20]  Seul un événement d’une importance fondamentale qui touche à l’essence de la décision de mettre fin à la procédure peut justifier qu’une procédure ayant fait l’objet d’un désistement revive et qu’elle suive son cours, notamment l’obtention d’un désistement par la fraude ou en raison de l’incapacité mentale de la partie concernée au moment du désistement, ou la répudiation d’un règlement amiable qui nécessitait qu’une procédure fasse l’objet d’un désistement.

[21]  Même lorsqu’un événement grave de cette nature s’est produit, la Cour doit être d’avis que la partie qui s’est désistée et qui cherche à faire revivre la procédure a des chances raisonnables d’avoir gain de cause. Faire revivre une procédure ayant fait l’objet d’un désistement lorsque celle-ci est vouée à l’échec n’aurait pas de sens et ce serait un gaspillage des ressources judiciaires. Notre Cour a refusé à deux occasions de permettre que des procédures ayant fait l’objet d’un désistement soient rouvertes parce qu’on ne pouvait raisonnablement s’attendre à ce qu’elles soient accueillies : Teodorescu c. Canada, [1993] A.C.F. no 1124, 47 A.C.W.S. (3d) 389, au par. 14 (C.A.); Ahmed c. Canada (Minister of Employment and Immigration), 1990 CarswellNat 1242, 19 A.C.W.S. (3d) 910, au par. 2 (C.A.F.). Cette exigence s’apparente à l’insistance de la Cour pour que la partie qui demande une prorogation du délai pour former un appel établisse qu’elle a des chances raisonnables d’avoir gain de cause : Canada (P.G.) c. Hennelly, 1999 CanLII 8190, 244 N.R. 399, 167 F.T.R. 158 (C.A.F.).

[22]  De plus, nous devons tenir compte du préjudice que pourrait causer la réouverture d’une affaire ayant fait l’objet d’un désistement. Ainsi, une partie pourrait avoir pris d’importantes mesures à la suite d’un désistement, par exemple, exécuter des obligations découlant d’un jugement de première instance après désistement de l’appel interjeté à l’encontre de ce jugement : Warford v. Zyweck, 2002 BCCA 221, 1 B.C.L.R. (4th) 41, au par. 7. Une partie pourrait aussi subir un préjudice en raison de la destruction de certains dossiers, du fait d’avoir cessé de recueillir des éléments de preuve ou en raison de la disparition de certains témoins : Williams v. Personal Insurance Co. of Canada, 2004 NSSC 73, 222 N.S.R. (2d) 270, aux par. 15-20. Dans le cas de demandes de contrôle judiciaire et d’appels en découlant, l’intérêt public exige qu’on assure la célérité de la poursuite et du jugement : Canada (Procureur général) c. Larkman, 2012 CAF 204, 433 N.R. 184, aux par. 86-89; Loi sur les Cours fédérales, précitée, art. 18.4. Les catégories de préjudice ne sont pas limitatives : d’autres types de préjudice peuvent conduire la Cour à exercer son pouvoir discrétionnaire de refuser de faire renaître une procédure ayant fait l’objet d’un désistement.

[23]  Je n’exclus pas la possibilité que d’autres considérations puissent empêcher de faire renaître une procédure ayant fait l’objet d’un désistement. Les cours fédérales ont plein pouvoir de gérer leurs pratiques et leurs procédures, de surveiller le déroulement des procédures et de prévenir les abus de procédure. Elles peuvent exercer ce pouvoir judiciairement chaque fois que les circonstances s’y prêtent.

[8]  La nouvelle preuve ne révèle pas l’existence d’un « événement d’une importance fondamentale qui touche à l’essence de la décision de mettre fin à la procédure » (Philipos, par. 20).

[9]  Même compte tenu de cette nouvelle preuve, M. Philipos n’a aucune chance raisonnable d’avoir gain de cause. La décision du ministre, qui a été jugée raisonnable par la Cour fédérale, était fondée sur le fait que M. Philipos avait exporté des fusils du Canada en contravention à la loi. Ces fusils ont été rapatriés. Cette situation ne change rien au fait que les fusils avaient bel et bien été exportés en contravention à la loi. L’appel de M. Philipos demeure voué à l’échec.

[10]  Par conséquent, je suis d’avis de rejeter la requête. Le procureur général se montre équitable en ne sollicitant pas les dépens dans la requête; par conséquent, je n’adjuge aucuns dépens. Rien dans ces motifs n’empêche M. Philipos de tenter d’obtenir une nouvelle habilitation de sécurité du ministre, si la chose est possible.

« David Stratas »

j.c.a.

 


COUR D’APPEL FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

17-A-15

 

INTITULÉ :

NADER PHILIPOS C. LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

 

REQUÊTE JUGÉE SUR DOSSIER SANS COMPARUTION DES PARTIES

MOTIFS DE L’ORDONNANCE :

LE JUGE STRATAS

 

DATE DES MOTIFS :

Le 1er juin 2017

 

OBSERVATIONS ÉCRITES :

Nader Philipos

 

PLAIDANT POUR LUI-MÊME

 

James Elford

Pour l’intimé

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

William F. Pentney

Sous-procureur général du Canada

 

Pour l’intimé

 

 

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