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Date : 20170529


Dossiers : A-78-17 (dossier principal); A-217-16; A-218-16;

A-223-16; A-224-16; A-225-16; A-232-16;

A-68-17; A-73-17; A-74-17; A-75-17;

A-76-17; A-77-17; A-84-17; A-86-17

Référence : 2017 CAF 116

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Présent : le juge Stratas

ENTRE :

TSLEIL-WAUTUTH NATION, VILLE DE VANCOUVER, VILLE DE BURNABY, NATION SQUAMISH (également appelée BANDE INDIENNE SQUAMISH), XÀLEK/SEKYÚ SIÝ AM, CHEF IAN CAMPBELL pour son propre compte et au nom de tous les membres de la Nation Squamish, BANDE INDIENNE COLDWATER, CHEF LEE SPAHAN à titre de chef de la bande Coldwater et au nom de tous les membres de la bande Coldwater, BANDE INDIENNE MUSQUEAM, AITCHELITZ, SKOWKALE, SHXWHÁ:Y VILLAGE, SOOWAHLIE, PREMIÈRE NATION SQUIALA, TZEACHTEN, YAKWEAKWIOOSE, SKWAH, KWAW‑KWAW-APILT, CHEF DAVID JIMMIE pour son propre compte et au nom de tous les membres de la tribu TS’ELXWÉYEQW, BANDE UPPER NICOLA, CHEF RON IGNACE et CHEF FRED SEYMOUR pour leur propre compte et au nom de tous les autres membres de STK’EMLUPSEMC TE SECWEPEMC de la NATION SECWEPEMC, RAINCOAST CONSERVATION FOUNDATION et LIVING OCEANS SOCIETY

demandeurs

et

PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA, OFFICE NATIONAL DE L’ÉNERGIE

et TRANS MOUNTAIN PIPELINE ULC

défendeurs

et

PROCUREUR GÉNÉRAL DE L’ALBERTA

intervenant

Requête jugée sur dossier sans comparution des parties

Ordonnance rendue à Ottawa (Ontario), le 29 mai 2017.

MOTIFS DE L’ORDONNANCE :

LE JUGE STRATAS

 


Date : 20170529


Dossiers : A-78-17 (dossier principal); A-217-16; A-218-16;

A-223-16; A-224-16; A-225-16; A-232-16;

A-68-17; A-73-17; A-74-17; A-75-17;

A-76-17; A-77-17; A-84-17; A-86-17

Référence : 2017 CAF 116

Présent : le juge Stratas

ENTRE :

TSLEIL-WAUTUTH NATION, VILLE DE VANCOUVER, VILLE DE BURNABY, NATION SQUAMISH (également appelée BANDE INDIENNE SQUAMISH), XÀLEK/SEKYÚ SIÝ AM, CHEF IAN CAMPBELL pour son propre compte et au nom de tous les membres de la Nation Squamish, BANDE INDIENNE COLDWATER, CHEF LEE SPAHAN à titre de chef de la bande de coldwater et au nom de tous les membres de la bande COLDWATER, BANDE INDIENNE MUSQUEAM, AITCHELITZ, SKOWKALE, SHXWHÁ:Y VILLAGE, SOOWAHLIE, PREMIÈRE NATION SQUIALA, TZEACHTEN, YAKWEAKWIOOSE, SKWAH, KWAW‑KWAW-APILT, CHEF DAVID JIMMIE pour son propre compte et au nom de tous les membres de la tribu TS’ELXWÉYEQW, BANDE UPPER NICOLA, CHEF RON IGNACE et CHEF FRED SEYMOUR pour leur propre compte et au nom de tous les autres membres de STK’EMLUPSEMC TE SECWEPEMC de la NATION SECWEPEMC, RAINCOAST CONSERVATION FOUNDATION et LIVING OCEANS SOCIETY

demandeurs

et

PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA, OFFICE NATIONAL DE L’ÉNERGIE

et TRANS MOUNTAIN PIPELINE ULC

défendeurs

et

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DE L’ALBERTA

intervenant

MOTIFS DE L’ORDONNANCE

LE JUGE STRATAS

[1]               Les présentes instances sont régies par une ordonnance procédurale détaillée datée du 9 mars 2017. En vertu de celle-ci, les parties peuvent présenter des objections à tout affidavit ou partie d’affidavit pour inadmissibilité, et, après réception des observations, notre Cour peut statuer sur les objections.

[2]               Des objections ont été soulevées. La Cour, par la présente, se prononce sur celles-ci.

A.                 Contexte

[3]               La Cour est saisie de quinze demandes de contrôle judiciaire. Les demandeurs y sollicitent l’annulation de certaines décisions administratives approuvant le projet d’agrandissement du réseau de Trans Mountain. Les décisions sont, d’une part, le rapport daté du 19 mai 2016 publié par l’Office national de l’énergie, qui affirme avoir agi en vertu de l’article 52 de la Loi sur l’Office national de l’énergie, L.R.C. 1985, ch. N-7, et, d’autre part, le décret C.P. 2016-1069 pris par le gouverneur en conseil le 29 novembre 2016 et publié dans un supplément à la Partie I de la Gazette du Canada, vol. 150, no 50, le 10 décembre 2016. Un complément de renseignements concernant les instances se trouve dans les motifs de la Cour concernant deux requêtes en intervention dans l’arrêt Tsleil-Waututh Nation c. Canada (Procureur général), 2017 FCA 102.

B.                 Ordonnance procédurale détaillée

[4]               En plus d’être nombreuses, les demandes de contrôle judiciaire, prises ensemble, sont vastes et complexes. Afin de permettre le traitement ordonné, équitable et rapide des demandes, la Cour a rendu une ordonnance procédurale détaillée le 9 mars 2017. L’ordonnance réunit les demandes et rationalise la procédure habituelle prévue aux Règles des Cours fédérales, DORS/98-106, tout en assurant l’équité.

[5]               Conformément aux Règles, une partie peut soulever une objection pour inadmissibilité à la preuve présentée dans une demande de contrôle judiciaire en présentant une requête en vertu de l’article 369. Selon l’expérience de la Cour, une demande de contrôle judiciaire de cette envergure — a fortiori quinze demandes de contrôle judiciaire — peut s’enliser si le processus n’est pas réglementé. Pour éviter que cela ne se produise, l’ordonnance procédurale fixe un délai précis pour que les parties déposent leurs objections concernant l’admissibilité et qu’elles communiquent leurs observations au moyen d’une lettre informelle.

[6]               La procédure précise de règlement des questions relatives à l’admissibilité est énoncée au paragraphe 8(5) de l’ordonnance procédurale :

[traduction]

Objection à un affidavit. Une objection à un affidavit ou à toute partie de celui‑ci doit être soulevée dans les sept jours de la signification de l’affidavit et :

a)         une objection doit être soulevée par signification d’une lettre qui énonce la nature précise de l’objection et présente des observations à ce sujet;

b)        toute partie peut répondre à une objection en signifiant une lettre de réponse dans les sept jours suivant la réception de l’objection;

c)         la partie soulevant l’objection peut répliquer en signifiant une lettre de réplique dans les quatre jours de la réception de la lettre de réponse;

d)        dès la réception de la réplique, la partie ayant signifié l’affidavit faisant l’objet d’une objection dépose l’affidavit et toutes les lettres reçues conformément aux points a), b) et c) en livrant celles-ci par service de messagerie de nuit au greffe de la Cour d’appel fédérale à Ottawa avec une lettre d’accompagnement énumérant les documents étant livrés à la Cour et une preuve de signification de la lettre d’accompagnement à toutes les parties;

e)         un affidavit non visé par une objection est ajouté au dossier électronique;

f)          un affidavit visé par une objection n’est versé au dossier électronique que si la Cour rejette l’objection ou qu’elle en ordonne autrement.

[7]               L’ordonnance procédurale prévoyait également des indications juridiques initiales sur l’admissibilité à l’intention des parties :

[traduction]

En ce qui a trait à la nature du dossier de la preuve :

a)         la règle générale veut que la seule preuve admissible dans la demande de contrôle judiciaire de décisions administratives soit le dossier présenté au décideur administratif (voir Association des universités et collèges du Canada c. Canadian Copyright Licensing Agency (Access Copyright), 2012 CAF 22, Bernard c. Canada (Agence du revenu), 2015 CAF 263; Delios c. Canada (Procureur général), 2015 CAF 117, par. 41 et 42);

b)         la règle générale interdit de soulever de nouvelles questions dans la demande de contrôle d’une décision administrative (voir Alberta (Information and Privacy Commissioner) c. Alberta Teachers’ Association, 2011 CSC 61, [2011] 3 R.C.S. 654, par. 22 à 29), y compris une question constitutionnelle (Okwuobi c. Commission scolaire Lester-B.-Pearson; Casimir c. Québec (Procureur général); Zorrilla c. Québec (Procureur général), 2005 CSC 16, [2005] 1 R.C.S. 257);

c)         cependant, une exception aux points a) et b) s’applique lorsque le décideur administratif n’était pas habilité à connaître de l’intégralité de la preuve sur la question en litige ou à trancher toutes les questions; pour ce motif, il a été permis de soulever des questions concernant l’obligation de consulter les peuples autochtones devant la présente Cour, et le dépôt de la preuve sur ces questions avait été autorisé dans l’affaire Nation Gitxaala c. Canada, 2016 CAF 187;

d)         par conséquent, il faut prévoir au calendrier le dépôt d’éléments de preuve par les parties dans les cas prévus (conformément aux principes juridiques énoncés aux points a), b) et c) et à tout autre principe juridique porté à l’attention de la Cour par les parties) ainsi que le contre-interrogatoire à l’égard de ces éléments de preuve;

e)         en outre, il faut prévoir au calendrier la réception des objections interlocutoires quant à l’admissibilité et, s’il est opportun de les trancher par décision interlocutoire, leur règlement (voir, p. ex., l’arrêt Collins c. Canada, 2014 CAF 240, par. 6 et 7, et la jurisprudence qui y est citée).

[8]               Les parties ont eu l’occasion à deux reprises de présenter des observations concernant ces directives, lorsque le projet d’ordonnance leur a été distribué et de nouveau au moment de présenter leurs observations concernant l’admissibilité. De façon générale, les parties étaient d’accord.

C.                 Affidavits et objections

[9]               Les demandeurs ont signifié aux défendeurs quatorze affidavits au total. Les défendeurs n’ont soulevé aucune objection à l’égard des affidavits.

[10]           Les défendeurs ont signifié trois affidavits. Plusieurs des demandeurs ont soulevé diverses objections à ces affidavits.

[11]           Plus précisément, deux affidavits signifiés par la défenderesse, Trans Mountain Pipeline ULC, font l’objet d’une objection. Dans les présents motifs, j’y renvoie par les appellations affidavit Love no 1 et affidavit Love no 2, ou ensemble, les affidavits Love.

[12]           Un affidavit signifié par le défendeur, le procureur général du Canada, fait l’objet d’une objection. Dans les présents motifs, j’emploie l’appellation affidavit Gardiner pour y renvoyer.

[13]           Les parties énumérées ci-après dans un ordre aléatoire ont chacune soulevé une objection à l’affidavit Love no 1 :

               La Raincoast Conservation Foundation et la Living Oceans Society;

                    La Ville de Vancouver;

                    La Tsleil-Waututh Nation;

                    Aitchelitz, Skowkale, Shxwhá:y Village, Soowahlie, Première Nation Squiala, Tzeachten, Yakweakwioose, Skwah, Kwaw-Kwaw-Apilt (ci-après le collectif « Stó:lō »);

                    La Bande Upper Nicola;

                    La Nation Squamish et la Bande indienne Coldwater;

                    La Bande indienne Musqueam;

                    Les Stk’emlupsemc te Secwepemc de la Nation Secwepemc.

[14]           Les parties énumérées ci-après dans un ordre aléatoire ont chacune soulevé des objections distinctes à l’affidavit Love no 2 :

                    La Tsleil-Waututh Nation;

                    Le collectif Stó:lō;

                    La Bande Upper Nicola;

                    La Nation Squamish et la Bande indienne Coldwater;

                    La Bande indienne Musqueam;

                    Les Stk’emlupsemc te Secwepemc de la Nation Secwepemc.

[15]           Les parties énumérées ci-après dans un ordre aléatoire ont chacune soulevé des objections distinctes à l’affidavit Gardiner :

                    La Tsleil-Waututh Nation;

                    Le collectif Stó:lō;

                    La Bande Upper Nicola;

                    La Nation Squamish et la Bande indienne Coldwater;

                    La Bande indienne Musqueam;

                    Les Stk’emlupsemc te Secwepemc de la Nation Secwepemc.

[16]           Dans ces trois cas, les parties ayant soulevé une objection approuvent généralement l’ensemble ou une partie des objections soulevées par les autres parties.

[17]           La Cour a reçu les trois affidavits visés par une objection. Elle a également reçu toutes les observations des parties concernant les objections. Elle a pris connaissance des affidavits, des objections et des observations.

[18]           Les objections peuvent être regroupées en plusieurs catégories. J’examine dans les présents motifs les objections par catégorie.

D.                Analyse des objections

a)      Diverses objections ne portant pas sur l’admissibilité

[19]           La plupart des objections peuvent être rejetées au motif qu’elles ne concernent pas l’admissibilité d’éléments de preuve.

[20]           Des demandeurs font valoir que certaines déclarations figurant dans les affidavits sont inexactes, non étayées par les éléments de preuve ou présentent des renseignements qui ne sont pas tous pertinents. Plusieurs demandeurs prétendent que les descriptions figurant dans les affidavits sur l’instance devant le décideur administratif et les thèses des diverses parties comportent des inexactitudes. Certains se plaignent que les descriptions sont intéressées et omettent des renseignements pertinents. Par exemple, Musqueam s’oppose au paragraphe 77 de l’affidavit Love no 1 au motif qu’il résume de façon inexacte et incomplète la preuve relative à la tradition orale déposée par Musqueam devant le décideur administratif. Vancouver s’oppose aux observations formulées par M. Love concernant l’instance devant l’Office, elle dit que l’Office a fait fi de documents qu’elle avait présentés.

[21]           Aucune de ces objections n’intéresse l’admissibilité. Elles concernent plutôt le poids que la formation qui entendra les demandes réunies devrait accorder à la preuve. Si M. Love se trompe à propos de l’instance devant l’Office ou la preuve dont disposait ce dernier, son témoignage sera rejeté par la formation qui entendra les demandes réunies. Comme je l’explique à l’égard des déclarations générales de M. Love sur l’instance devant l’Office, le dossier même dont disposait l’Office fera foi du déroulement de l’instance, et non les déclarations de M. Love.

[22]           La valeur probante, ou importance, des documents doit également être laissée à l’appréciation de la formation qui entendra les demandes réunies. Par exemple, Upper Nicola a soulevé la pertinence des pages 10375 à 10498 de la pièce W de l’affidavit Gardiner au motif que la consultation avait eu lieu auprès d’autres Premières Nations, et non auprès d’Upper Nicola. Il me semble que cette question concerne davantage la valeur probante, ou importance, du document et qu’elle ressortit à la formation qui entendra les demandes réunies.

[23]           Les demandeurs peuvent, à leur discrétion, aborder au contre-interrogatoire ce qu’ils qualifient d’inexactitudes, d’omissions, de questions d’importance ou de manipulation. Toutefois, je ne pense pas qu’il y a lieu de le faire. Plusieurs de ces reproches concernent les déclarations présentant des renseignements généraux et des résumés du déroulement de l’instance devant le décideur administratif. Comme je l’explique ci-après, les renseignements généraux et les résumés sont admissibles, mais seulement à des fins restreintes : pour éclairer à titre préliminaire la formation concernant l’instance devant le décideur administratif.

[24]           Dans tout contrôle judiciaire d’une décision administrative où, comme en l’espèce, le décideur administratif disposait d’un dossier complet, la Cour peut au besoin consulter ce dossier, notamment la transcription des audiences et les documents déposés. En l’espèce, si un volet de l’instance devant le décideur administratif — par exemple la thèse qu’une partie a avancée devant l’Office national de l’énergie — a une incidence sur une question qui doit être tranchée par la Cour, la Cour ne fondera pas sa décision sur les dires des témoins ou leur jugement. Elle se tournera vers le dossier. Par conséquent, les déclarations présentant des renseignements généraux ou des résumés visées par les objections n’auront aucunement d’incidence sur la décision de la Cour.

b)      Objections au ouï-dire

[25]           Les demandeurs ont affirmé que certains passages dans les affidavits Love constituaient du ouï-dire. Par exemple, les demandeurs relèvent des déclarations que M. Love a faites dans son affidavit et font valoir qu’il n’a pas de connaissance personnelle et directe de la question.

[26]           Or, la Cour ne sait tout simplement pas si M. Love a une connaissance personnelle et directe de ces questions ou s’il peut témoigner, en raison de son poste, sans que sa déposition constitue du ouï-dire (voir l’analyse dans l’arrêt Pfizer Canada Inc. c. Teva Canada Limited, 2016 CAF 161, [2016] A.C.F. no 579 (QL), par. 78 à 103, 105 à 108 et 115). Il s’agit également de questions à réserver pour le contre-interrogatoire. Si le contre-interrogatoire révèle que certaines déclarations importantes de M. Love constituent du ouï-dire, les demandeurs peuvent le soulever à l’audience devant la formation qui entendra les demandes réunies.

[27]           Au paragraphe précédent, la Cour mentionne des « déclarations importantes ». La Cour fait remarquer que, tout bien considéré, certaines déclarations figurant aux affidavits faisant l’objet d’une objection sont assez insignifiantes. Plusieurs étaient des renseignements généraux et des résumés qui sont admissibles seulement afin d’éclairer la Cour. J’aborde ce sujet ci-après.

c)      Renseignements généraux et résumés figurant dans les affidavits

[28]           Toutes les parties acceptent que les affidavits déposés dans le cadre d’une demande de contrôle judiciaire puissent fournir des renseignements généraux et des résumés concernant le déroulement de l’instance devant le décideur administratif et sur le dossier volumineux. Ceux-ci sont admissibles dans un seul et unique but : aider la cour siégeant en révision et l’éclairer.

[29]           Les demandeurs ne s’opposent pas à ce que les affidavits déposés par les défendeurs contiennent des renseignements généraux et des résumés. Après tout, au vu du matériel devant moi, il me semble que c’est également le cas de la plupart des affidavits déposés par les demandeurs.

[30]           Or, les demandeurs soulèvent une objection relative à la proportion de renseignements généraux et de résumés dans les affidavits des défendeurs, à la nature argumentative de certaines déclarations et à la présence de ouï-dire et d’opinions. Par exemple, l’avocat de Squamish et de Coldwater, demanderesses en l’espèce, conteste les paragraphes 22, 36, 49, 71, 80, 118, 119, 120, 125, 136, 140, 158, 166, 183, 184, 189, 190, 203 et 210 à 235 de l’affidavit Love no 1. Aussi, la Raincoast Conservation Foundation et la Living Oceans Society contestent précisément les paragraphes 95, 115 à 117, 156, 185 à 198 de l’affidavit Love no 1. D’autres paragraphes des affidavits sont visés par des objections semblables soulevées par d’autres demandeurs.

[31]           Les principes applicables à la communication de renseignements généraux ou de résumés susceptibles d’aider la Cour dans un affidavit présenté dans le cadre d’une demande de contrôle judiciaire sont énoncés dans des arrêts comme Association des universités et collèges du Canada c. Canadian Copyright Licensing Agency (Access Copyright), 2012 CAF 22, [2012] A.C.F. no 93 (QL), Delios c. Canada (Procureur général), 2015 CAF 117, [2015] A.C.F. no 549 (QL) et Bernard c. Canada (Agence du revenu), 2015 CAF 263, [2015] A.C.F. no 1396 (QL).

[32]           Selon cette jurisprudence, normalement, le dossier devant le décideur administrateur est la seule preuve admissible devant la cour siégeant en révision. Par contre, lorsque le décideur administratif a élaboré un dossier et que la preuve y est complexe, volumineuse ou les deux, l’affidavit présentant des résumés ou des déclarations sur des renseignements généraux est admissible devant la cour à seule fin de l’éclairer ou en guise d’introduction.

[33]           Lorsque le décideur administratif a rassemblé un dossier de preuve, comme en l’espèce, les déclarations présentant des renseignements généraux et des résumés ne servent pas à compléter le dossier ou à le remplacer ni à discuter le fond de la question jugée par le décideur administratif. Elles ne sont admissibles qu’à une seule fin : expliquer le dossier et l’instance devant le décideur administratif dans le but d’éclairer la cour siégeant en révision. C’est ce qui ressort du passage suivant tiré de l’arrêt Association des universités (au paragraphe 20) :

Parfois, notre Cour admettra en preuve un affidavit qui contient des informations générales qui sont susceptibles d’aider la Cour à comprendre les questions qui se rapportent au contrôle judiciaire (voir, par ex. Succession de Corinne Kelley c. Canada, 2011 CF 1335, aux paragraphes 26 et 27; Armstrong c. Canada (Procureur général), 2005 CF 1013, aux paragraphes 39 et 40; Chopra c. Canada (Conseil du Trésor) (1999), 168 F.T.R. 273, au paragraphe 9). On doit s’assurer que l’affidavit ne va pas plus loin en fournissant des éléments de preuve se rapportant au fond de la question déjà tranchée par le tribunal administratif, au risque de s’immiscer dans le rôle que joue le tribunal administratif en tant que juge des faits et juge du fond.

[34]           Dans l’arrêt Delios, la Cour a précisé sa pensée (au paragraphe 45), ajoutant que les déclarations présentant des renseignements généraux et des résumés devraient éviter l’argumentation :

L’exception des « renseignements généraux » vise les observations pures et simples propres à diriger la réflexion du juge réformateur afin qu’il puisse comprendre l’historique et la nature de l’affaire dont le décideur administratif était saisi. Dans les procédures de contrôle judiciaire visant les décisions administratives complexes se rapportant à des procédures et des faits compliqués, étayées par des centaines ou des milliers de documents, le juge réformateur trouve utile de recevoir un affidavit qui passe brièvement en revue, d’une manière neutre et non controversée, les procédures qui se sont déroulées devant le décideur administratif, et les catégories de preuves que les parties ont présentées à l’administrateur. Dans la mesure où l’affidavit ne s’engage pas dans une interprétation tendancieuse ou une prise de position – rôle de l’exposé des faits et du droit –, il est recevable à titre d’exception à la règle générale.

[35]           Dans l’arrêt Delios (au par. 46), la Cour a également réitéré la mise en garde faite dans l’arrêt Association des universités voulant qu’en fournissant des renseignements généraux, l’affidavit ne doive pas aller plus loin et qu’il ne « va pas plus loin en fournissant des éléments de preuve se rapportant au fond de la question déjà tranchée par le tribunal administratif, au risque de s’immiscer dans le rôle que joue le tribunal administratif en tant que juge des faits et juge du fond ».

[36]           La référence dans l’arrêt Delios aux « observations pures et simples » est un clin d’œil aux nombreuses affaires dont notre Cour est saisie et au paragraphe 81(1) des Règles selon lequel les affidavits « se limitent aux faits » et sont dépourvus d’argumentation.

[37]           Des demandeurs ont cité l’arrêt Canada (Procureur général) c. Quadrini, 2010 CAF 47, et sa mise en garde au paragraphe 18 selon laquelle les faits devraient être présentés « sans commentaires ni explications ». Cette phrase ne devrait pas être citée hors contexte. L’arrêt Quadrini met en garde contre l’argumentation controversée qui dépasse les limites de ce qui est permis. Parfois, un bon résumé du déroulement de l’instance devant le tribunal administratif peut contenir certaines explications et se révéler néanmoins admissible. Mais un affidavit ne saurait constituer un mémoire des faits et du droit.

[38]           Dans l’arrêt Bernard, la Cour souligne le principe qui sous-tend l’admissibilité d’un affidavit contenant des renseignements généraux souscrit dans le cadre d’une demande de contrôle judiciaire : il « facilite à la Cour la tâche consistant à contrôler une décision administrative (soit la tâche de voir à la primauté du droit) en relevant, récapitulant et mettant en évidence les éléments de preuve les plus utiles dans cette tâche » sans offrir de nouvelle preuve portant sur le fond de la question dont était saisi le décideur administratif (par. 23). Ainsi, ce principe « respecte les rôles propres au décideur administratif et à la cour de révision, les rôles du juge du fond et du juge de révision et, de ce fait, la séparation des pouvoirs » (par. 23). Je le répète, les renseignements généraux ne servent qu’à éclairer la cour siégeant en révision, ils ne peuvent fournir de preuve sur le déroulement de l’instance devant le décideur administratif : c’est le dossier dont disposait le décideur qui en fait foi.

[39]           Comme le laissent entendre plusieurs arrêts mentionnés plus haut, il est très utile pour la cour saisie du contrôle judiciaire de disposer d’affidavits présentant des renseignements généraux et des résumés lorsque l’affaire est complexe. Dans l’affaire Nation Gitxaala c. Canada, 2016 CAF 187, qui portait sur le contrôle judiciaire de décisions relatives au projet Northern Gateway — les renseignements généraux figurant aux affidavits se sont révélés extrêmement utiles pour la cour siégeant en révision. Elle n’était pas tenue de démêler des centaines de milliers de documents déposés devant elle sans le bénéfice d’un fil d’Ariane. Je ne serais pas surpris d’apprendre que les documents déposés dans les présentes instances réunies sont aussi nombreux, sinon plus.

[40]           Je conclus que les déclarations présentant des renseignements généraux et des résumés à l’égard desquels les demandeurs soulèvent des objections sont admissibles à seule fin d’éclairer la Cour, à titre de cour de révision. Elles ne peuvent faire foi du déroulement véritable de l’instance devant le décideur administratif. Cette preuve se trouve exclusivement dans le dossier qui sera déposé à la Cour.

[41]           J’ai réfléchi soigneusement à la question de savoir si, parmi les affidavits, des déclarations présentant des renseignements généraux et des résumés sont trop argumentatives ou contiennent des déclarations d’opinions.

[42]           À certains égards, des déclarations présentant des renseignements généraux et des résumés figurant aux affidavits pourraient avoir été exprimées en termes plus cliniques et auraient dû l’être.

[43]           Or, la plupart des points que les demandeurs estiment argumentatifs ne le sont pas du tout. Par exemple, selon certains demandeurs, la première phrase du paragraphe 30 de l’affidavit Gardiner est trop argumentative. Cette phrase est ainsi libellée : [traduction] « Afin de veiller à ce que les peuples autochtones soient valablement consultés et obtiennent, s’il y a lieu, les accommodements nécessaires et conformément aux Principes provisoires, le BGGP a effectué des consultations pangouvernementales directes auprès des groupes autochtones pendant la phase III. » Je n’estime pas que cette phrase soit argumentative. Ce n’est rien de plus qu’une tentative d’expliquer le but des consultations menées à la phase III.

[44]           J’ai l’impression que ce que les demandeurs reprochent vraiment aux déclarations qu’ils décrivent comme étant argumentatives, ou comme étant des déclarations d’opinion, c’est d’être fausses ou incomplètes. Il s’agit d’une question qui doit être traitée au contre-interrogatoire et à l’audience. Je réitère que la preuve portant sur le fond du litige dont était saisi le décideur administratif se trouve au dossier dont disposait ce dernier, et non dans les dires, les opinions ou les évaluations des témoins formulant des déclarations générales concernant ce dossier.

[45]           En outre, je suis certain que la formation qui entendra les demandes réunies ne sera pas induite en erreur ou influencée par les déclarations argumentatives ou d’opinion. Les déclarations argumentatives figurant aux affidavits Love sont du genre de ceux figurant dans certains affidavits présentés à la Cour dans l’affaire Northern Gateway (Nation Gitxaala (2016) précité). La Cour y signale la présence dans les affidavits d’arguments douteux, mais les juge admissibles tout de même, assurant les parties qu’elle n’en tiendrait pas compte (par 90 et 91). La même assurance peut être donnée en l’espèce. La formation pourra également bénéficier des présents motifs et des mises en garde qu’ils contiennent.

[46]           Afin d’offrir une autre garantie, j’ordonne que les objections soulevées par les demandeurs aux trois affidavits des défendeurs soient versées au dossier électronique. La formation pourra les lire et se gardera de concevoir ces déclarations et ces résumés comme étant autre chose que des déclarations générales, exprimées du point de vue des défendeurs, pour éclairer la cour de révision, sans plus.

[47]           D’une manière générale, je considère que les renseignements généraux et les résumés offerts par les déposants des défendeurs répondent à l’objectif d’éclairer la formation sur le déroulement de l’instance devant le tribunal administratif, du moins du point de vue des défendeurs, sans la prédisposer en leur faveur. Par conséquent, je refuse de radier des affidavits des défendeurs quelques renseignements généraux et résumés que ce soit.

d)                  Preuve concernant les consultations et le dialogue de Trans Mountain avec les demandeurs autochtones et preuve concernant l’obligation de consulter autre que celle présentée au gouverneur en conseil

[48]           Les affidavits Love présentent des éléments de preuve concernant le dialogue de Trans Mountain avec les demandeurs autochtones. Selon cette dernière, ils sont pertinents lorsqu’il s’agit de décider si l’obligation de consulter les demandeurs autochtones a été respectée. Elle ajoute qu’elle a informé la Couronne du dialogue qu’elle avait engagé avec les demandeurs autochtones et que la Couronne en a explicitement tenu compte.

[49]           Les demandeurs répliquent que le dialogue engagé par Trans Mountain avec eux n’est pas pertinent; l’obligation de consultation incombe en droit à la Couronne et ne peut être déléguée.

[50]           À la lumière des observations, je ne suis pas d’avis que la question soit si évidente que je doive la trancher de façon interlocutoire. Dans une certaine mesure, son issue dépendra de l’appréciation des faits, et les faits à cet égard semblent contestés. Ainsi, la question devrait être laissée au jugement de la formation qui sera appelée à trancher la présente affaire au vu d’une plaidoirie complète. Voir généralement les arrêts Collins c. Canada, 2014 CAF 240, aux paragraphes 6 et 7; Nation Gitxaala c. Canada, 2015 CAF 27, aux paragraphes 7 et 12; Bernard, précité, aux paragraphes 9 à 12; McConnell c. Commission canadienne des droits de la personne, 2004 CF 817, conf. par 2005 CAF 389; Canadian Tire Corp. Ltd. c. P.S. Partsource Inc., 2001 CAF 8, [2001] A.C.F. no 181 (QL).

[51]           Squamish, Coldwater, le collectif Stó:lō et Stk’emlupsemc te Secwepemc soulèvent des objections à des éléments de preuve déposés au sujet d’activités entreprises en conformité avec l’obligation de consultation après la prise du décret. Ils prétendent que seule la preuve présentée au gouverneur en conseil peut servir à trancher la question de l’obligation de consultation.

[52]           Toutefois, l’obligation de consultation incombe à la Couronne généralement, et non au gouverneur en conseil en particulier. Ce fait peut avoir des conséquences sur ce qui est pertinent et admissible pour prouver le respect de l’obligation de consultation (Nation Gitxaala c. Canada, 2015 CAF 27). La preuve de la tenue d’activités après la décision du gouverneur en conseil peut également permettre de savoir si certaines mesures de consultation auraient pu être prises et ne l’avaient pas été avant la décision du gouverneur en conseil. Les activités postérieures peuvent également se révéler pertinentes pour savoir s’il y a lieu d’annuler la décision du gouverneur en conseil et d’ordonner une nouvelle décision (Maple Lodge Farms Ltd. c. Agence canadienne d’inspection des aliments, 2017 CAF 45, aux paragraphes 49 à 52; Robbins c. Canada (Procureur général), 2017 CAF 24 et la jurisprudence qui y est citée). Rien ne sert d’annuler la décision du gouverneur en conseil si les manquements à l’obligation de consultation qui existaient au moment de la décision du gouverneur en conseil ont été corrigés. Je laisse le soin d’une part aux parties de répondre à ces points de droit dans leurs observations à la formation et d’autre part à cette dernière de les examiner.

e)                  Preuve d’activités de consultation directes par la Couronne : pièces « R » à « X » de l’affidavit Gardiner

[53]           Des demandeurs autochtones contestent certains éléments de preuve au motif qu’ils sont inadmissibles. Ces éléments figurent aux pièces « R » à « X » de l’affidavit Gardiner.

[54]           Le procureur général du Canada reconnaît que les portions suivantes de ces pièces ne sont pas pertinentes puisqu’elles ne portent pas sur les consultations de la Couronne avec le demandeur autochtone dont les dossiers de consultation directe font partie par ailleurs de la pièce pertinente : pages 1095 à 1184 et 1187 à 1200 de la pièce « R »; pages 4779 à 4848, 4851 à 4884, 4944 à 4949 et 5222 à 5226 de la pièce « S »; pages 6104 à 6111 et 6114 à 6209 de la pièce « T »; pages 7526 à 7555 et 7558 à 7631 de la pièce « U »; pages 8958 à 8959, 8962 à 8975, 8978 à 9011, 9014 à 9017, 9022 à 9025, 9028 à 9029, 9036 à 9049, 9052 à 9055, 9058 à 9059, 9062 à 9063, 9097 à 9099 et 9413 à 9424 de la pièce « V »; pages 10391 à 10392, 10394 à 10493 et 10496 à 10499 de la pièce « W »; pages 11550 à 11607, 11610 à 11631 et 11634 à 11655 de la pièce « X ».

[55]           L’ordonnance de la Cour réglera cette question en excluant ces pages du dossier électronique qui sera placé devant la Cour.

[56]           Des objections fondées sur la pertinence sont soulevées à l’égard des portions suivantes : pièce « R » (pages 1648 à 1662, 1675, 1678 à 1679, 1683 à 1698 et 1705 à 1718), pièce « S » (pages 4885 à 4887), pièce « T » (pages 6213 à 6216, 6218 à 6219 et 6221 et 6222), pièce « V » (pages 9106 à 9108 et 9406 à 9412), pièce « W » (pages 10375 à 10390 et 10393). Pour les motifs énoncés par le procureur général dans sa lettre en réponse aux objections soulevées à l’encontre de l’affidavit Gardiner, j’estime que ces éléments de preuve sont recevables et démontrent de manière pertinente les consultations entre le Canada et les demandeurs autochtones. Rien n’empêche les demandeurs de les aborder au contre-interrogatoire. Si d’autres documents sont susceptibles de se révéler importants, les demandeurs peuvent contre-interroger les déposants à leur sujet.

[57]           Les demandeurs affirment également que l’ébauche de rapport sommaire d’évaluation du Bureau des évaluations environnementales de la Colombie-Britannique reproduit dans les pièces « R » à « X » de l’affidavit Gardiner n’est pas recevable, car il n’est pas pertinent. Je ne suis pas de cet avis.

[58]           L’ébauche du rapport du Bureau des évaluations environnementales a été annexée à la correspondance de la Couronne adressée à chacun des demandeurs autochtones dans le cadre de la phase III des consultations concertées du Canada et de la Colombie-Britannique avec les demandeurs autochtones. Il figure également au rapport concerté sur la consultation et l’accommodement Canada-Colombie-Britannique pour le Projet d’agrandissement du réseau de Trans Mountain (pièce « Y » de l’affidavit Gardiner, page 13283) et dans la note explicative dont est assortie le décret C.P. 2016-1069 (pièce « AA » de l’affidavit Gardiner, page 14901). Par conséquent, il est pertinent.  

[59]           Je n’émets aucune observation sur l’importance ou la valeur probante de ces éléments ou de tout autre figurant aux pièces « R » à « X » de l’affidavit Gardiner. Ce rôle incombe à la formation qui entendra les demandes réunies.

f)       Correspondance après la date du décret

[60]           Certaines pièces de correspondance adressées par le Canada aux demandeurs autochtones après la date du décret ont fait l’objet d’objections (pièces « CC » à « II » de l’affidavit Gardiner).

[61]           De l’avis de certains demandeurs autochtones, ces documents ne sont pas admissibles. Les demandeurs invoquent la règle générale, que je mentionne plus haut, voulant que seuls les documents et les renseignements faisant partie du dossier dont disposait le décideur administratif soient admissibles devant la cour siégeant en révision. Ainsi, ils font valoir que seuls les documents qui existaient avant le décret sont admissibles.

[62]           Soit, la règle générale veut que seuls les documents et les renseignements faisant partie du dossier dont disposait le décideur administratif soient admissibles devant la cour siégeant en révision. Toutefois, il ne s’ensuit pas que seuls ceux qui existaient avant la décision sont admissibles.

[63]           Les documents et les renseignements intéressant les consultations de la Couronne postérieurs à la décision faisant l’objet du contrôle peuvent être pertinents (voir p. ex. l’analyse aux paragraphes 51 et 52). Ces éléments sont également susceptibles de faire la lumière sur la procédure suivie et sur la teneur des éléments pris en considération par le décideur jusqu’au moment de la décision administrative (Nation Gitxaala (2016) précité, par. 66 et 318). Par exemple, les lettres visées par des objections indiquent à plusieurs reprises que les ministres fédéraux avaient tous obtenu un exemplaire complet du rapport concerté sur la consultation et l’accommodement concernant le projet. Ainsi, ces lettres font la lumière sur la procédure suivie et les éléments pris en compte par le décideur jusqu’au moment de la décision administrative et sont recevables à ce titre. De plus, les lettres concernant les réunions qui ont eu lieu avant la décision du gouverneur en conseil sont pertinentes pour établir la portée des consultations du Canada avec les demandeurs autochtones. En outre, comme je l’explique plus haut, certains documents présentent des renseignements généraux susceptibles d’aider la cour siégeant en révision à comprendre la teneur et la portée du dossier complexe et volumineux ayant mené à la décision administrative (Delios, p. 45). À mon avis, les pièces « CC » à « II » de l’affidavit Gardiner sont toutes recevables pour ces motifs.

[64]           La prudence est de mise lorsqu’il s’agit d’examiner des documents postérieurs à une décision administrative. Un document qui recense de façon authentique et exacte les faits menant à une décision est une chose, mais monter un dossier après coup afin de justifier la décision administrative en est une autre. La question devra être abordée au contre-interrogatoire, puis examinée soigneusement par la Cour.

g)                  Dossiers relatifs à la négociation d’un protocole régissant le dialogue avec la Tsleil Waututh Nation

[65]           La Tsleil-Waututh Nation soulève une objection à l’égard de certains éléments inclus dans la pièce « R » de l’affidavit Gardiner relativement à la négociation d’un protocole régissant le dialogue entre elle et le Canada. Le protocole a été signé. La Tsleil-Waututh Nation prétend que toutes les négociations menant à la signature du protocole étaient « officieuses » et ne pouvaient à ce titre faire partie du dossier. Elle ajoute que M. Gardiner a [traduction] « joint certaines (mais pas toutes) ébauches officieuses et confidentielles du protocole et la correspondance connexe portant la mention “sous toutes réserves” ».

[66]           À la lumière des observations, je ne suis pas d’avis que la question soit si évidente que je doive la trancher de façon interlocutoire. Le contre-interrogatoire permettra de clarifier les faits de l’affaire et, si nécessaire, de suppléer le dossier de la preuve. La question de l’admissibilité devrait être laissée au jugement de la formation appelée à se prononcer sur la présente affaire sur la foi d’un dossier complet. Voir de façon générale Collins, précité, aux paragraphes 6 et 7; Bernard, précité, aux paragraphes 9 à 12; Gitxaala (2015), précité, aux paragraphes 7 et 12.

h)       Manquement à une entente de confidentialité

[67]           Upper Nicola affirme que les paragraphes 17(vii) et 66 à 68 de l’affidavit Love no 2 devraient être radiés puisqu’ils contreviennent à l’entente de confidentialité intervenue entre elle et Trans Mountain.

[68]           Après avoir pris connaissance des observations et à la lumière des principes établis dans l’arrêt Collins, précité, aux paragraphes 6 et 7, l’arrêt Bernard, précité, aux paragraphes 9 à 12, et dans les arrêts connexes, j’estime que cette question doit également être laissée à l’appréciation de la formation qui entendra les demandes réunies. Le contre-interrogatoire permettra de clarifier les faits entourant cette question. La Cour invite également les parties à trouver des arrêts pouvant aider la Cour à se prononcer en matière d’admissibilité.

E.                 Contre-preuve

[69]           Des demandeurs ont soulevé la possibilité d’avoir à demander l’autorisation de produire des affidavits en réponse à la décision de la Cour rendue sur les objections se rapportant à la preuve. Ayant examiné les affidavits avec soin, j’estime a priori que seul le point abordé aux paragraphes 51 et 52 plus haut nécessiterait éventuellement une contre-preuve. Il me semble qu’il ne serait pas nécessaire de déposer une contre-preuve à l’encontre des déclarations présentant des renseignements généraux et des résumés qui figurent dans les affidavits en raison du rôle informatif très restreint joué par elles et du fait qu’elles figurent dans plusieurs affidavits des demandeurs.

[70]           Mon ordonnance demandera des observations de la part des parties sur la nécessité ou non de produire une contre-preuve. En l’occurrence, les demandeurs doivent décider si le contre-interrogatoire des déposants des défendeurs se révélera suffisant; pour que le dépôt d’une contre-preuve soit permis, cette dernière doit véritablement être déposée en réplique et être absolument nécessaire. Compte tenu du fait que l’instruction des demandes réunies sera accélérée en vertu d’une ordonnance, la Cour doit établir des délais très serrés à l’égard de ces observations.

F.                  Post-scriptum

[71]           Rien dans les présents motifs ne constitue d’observation sur la valeur probante ou l’importance de quelque élément de preuve. Ces questions ressortissent à la formation qui entendra les demandes réunies.

[72]           Si les parties n’arrivent pas à régler les questions d’admissibilité pendantes et désirent toujours contester certains éléments de preuve sur ce fondement, leur mémoire des faits et du droit doit faire état de leurs observations à cet égard.

G.                Dispositif

[73]           Une ordonnance sera rendue conformément aux présents motifs.

« David Stratas »

j.c.a.

Traduction certifiée conforme

Marie-Luc Simoneau, jurilinguiste


COUR D’APPEL FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIERS :

A-78-17 (dossier principal); A‑217-16; A­218-16; A-223-16; A‑224-16; A­225-16; A-232-16; A‑68-17; A­73-17; A-74-17; A‑75‑17; A­76­17; A-77-17; A‑84‑17;A­86­17

INTITULÉ :

TSLEIL-WAUTUTH NATION ET AL. c. LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA ET AL.

 

REQUÊTE JUGÉE SUR DOSSIER SANS COMPARUTION DES PARTIES

MOTIFS DE L’ORDONNANCE :

LE JUGE STRATAS

 

DATE DES MOTIFS :

LE 29 MAI 2017

OBSERVATIONS ÉCRITES :

Me Scott A. Smith

POUR LA DEMANDERESSE, TSLEIL‑WAUTUTH NATION

Me K. Michael Stephens

POUR LA DEMANDERESSE, ville de VANCOUVER

Me F Matthew Kirchner

POUR LES DEMANDEURS, NATION DES SQUAMISH (aussi appelée BANDE INDIENNE SQUAMISH), XÀLEK/SEKYÚ SIÝ AM, CHEF IAN CAMPBELL pour son propre compte et au nom de tous les membres de la Nation Squamish, BANDE INDIENNE COLDWATER ET CHEF LEE SPAHAN à titre de chef DE la bande Coldwater ET au nom de tous les membres de la bande Coldwater

Me Crystal Reeves

Me Brenda Gaertner

Me Cheryl Sharvit

POUR LES DEMANDERESSES, BANDE INDIENNE MUSQUEAM ET BANDE UPPER NICOLA

Me Jana McLean

POUR LES DEMANDEURS, AITCHELITZ, SKOWKALE, SHXWHÁ:Y VILLAGE, SOOWAHLIE, PREMIÈRE NATION SQUIALA, TZEACHTEN, YAKWEAKWIOOSE, SKWAH, KWAW-KWAW-APILT et CHEF DAVID JIMMIE pour son propre compte et au nom de tous les membres de la TRIBU TS’ELXWÉYEQW

Me Sarah D. Hansen

Me Ilana Teicher

POUR LE DEMANDEUR, CHEF FRED SEYMOUR POUR SON PROPRE COMPTE ET AU NOM DE TOUS LES MEMBRES DE STK’EMLUPSEMC TE SECWEPEMC DE LA NATION SECWEPEMC

Me Dyna Tuytel

 

Pour les demandeRESSES, raincoast conservation foundation ET living oceans society

Me Jan Brongers

POUR LE DÉFENDEUR, LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

Me Maureen Killoran, c.r.

POUR LA DÉFENDERESSE, TRANS MOUNTAIN PIPELINE ULC

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Gowling WLG (Canada) S.E.N.C.R.L., s.r.l.

Vancouver (Colombie-Britannique)

 

POUR LA DEMANDERESSE, TSLEIL‑WAUTUTH NATION

Hunter Litigation Chambers

Vancouver (Colombie-Britannique)

POUR LA DEMANDERESSE, ville de VANCOUVER

Ratcliff & Company LLP

Vancouver Nord (Colombie-Britannique)

 

POUR LES DEMANDEURS, VILLE DE BURNABY, NATION SQUAMISH (Également appelée BANDE INDIENNE SQUAMISH), XÀLEK/SEKYÚ SIÝ AM, CHEF IAN CAMPBELL pour son propre compte et au nom de tous les membres de la Nation Squamish, BANDE INDIENNE COLDWATER ET CHEF LEE SPAHAN À titre de chef de la bande Coldwater ET au nom de tous les membres de la bande Coldwater

Mandell Pinder LLP

Vancouver (Colombie-Britannique)

POUR LES DEMANDERESSES, BANDE INDIENNE MUSQUEAM ET BANDE UPPER NICOLA

Miller Titerle + Company LLP

Vancouver (Colombie-Britannique)

POUR LES DEMANDEURS, AITCHELITZ, SKOWKALE, SHXWHÁ:Y VILLAGE, SOOWAHLIE, PREMIÈRE NATION SQUIALA, TZEACHTEN, YAKWEAKWIOOSE, SKWAH, KWAW-KWAW-APILT et CHEF DAVID JIMMIE pour son propre compte et au nom de tous les membres de la TRIBU TS’ELXWÉYEQW

Ecojustice

Calgary (Alberta)

 

Pour les demandeRESSES, raincoast conservation foundation ET

 living oceans society

 

Miller Thomson LLP

Vancouver (Colombie-Britannique)

POUR LE DEMANDEUR, CHEF FRED SEYMOUR POUR SON PROPRE COMPTE ET AU NOM DE TOUS LES MEMBRES DE STK’EMLUPSEMC TE SECWEPEMC DE LA NATION SECWEPEMC

William F. Pentney

Sous-procureur général du Canada

POUR LE DÉFENDEUR, LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

Services juridiques de l’Office national de l’énergie

Calgary (Alberta)

POUR LA DÉFENDERESSE, OFFICE NATIONAL DE L’ÉNERGIE

Osler, Hoskin & Harcourt LLP

Calgary (Alberta)

POUR LA DÉFENDERESSE, TRANS MOUNTAIN PIPELINE ULC

Ministre de la Justice et Solliciteur général de l’Alberta

Edmonton (Alberta)

POUR L’INTERVENANT

 

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