Décisions de la Cour d'appel fédérale

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Date : 20160819


Dossier : A-105-16

Référence : 2016 CAF 206

[TRADUCTION FRANÇAISE]

En présence de monsieur le juge Webb

ENTRE :

EDGAR SCHMIDT

appelant

et

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

intimé

Requête jugée sur dossier sans comparution des parties.

Ordonnance rendue à Ottawa (Ontario), le 19 août 2016

MOTIFS DE L’ORDONNANCE :

LE JUGE WEBB

 


Date : 20160819


Dossier : A-105-16

Référence : 2016 CAF 206

En présence de monsieur le juge Webb

ENTRE :

EDGAR SCHMIDT

appelant

et

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

intimé

MOTIFS DE L’ORDONNANCE

LE JUGE WEBB

[1]               M. Schmidt a présenté une requête en vue d’obtenir une ordonnance enjoignant au procureur général du Canada de lui payer ses frais judiciaires, rétroactivement à la date de l’appel. M. Schmidt propose également que la Cour donne une directive visant le dépôt par lui d’un budget pour le litige, auprès du greffe de la Cour dans les sept jours suivant une telle directive, lequel budget serait sujet à modification par le requérant, sur autorisation de la Cour.

[2]               M. Schmidt avait introduit une instance en Cour fédérale par voie d’une déclaration contestant l’interprétation du ministère de la Justice concernant les obligations de ce dernier relatives à l’étude des projets de textes législatifs ou réglementaires. Avant l’audience, M. Schmidt a obtenu une ordonnance de la Cour fédérale selon laquelle le procureur général du Canada lui rembourserait les frais liés à cette audience.

[3]               M. Schmidt a été débouté en Cour fédérale et a interjeté appel de cette décision. Par la présente requête, il demande qu’on lui accorde aussi les frais judiciaires, comme l’avait fait la Cour fédérale. Essentiellement, il fait valoir que puisque la Cour fédérale lui avait accordé une provision pour frais, il devrait également y avoir droit pour l’appel de la décision de la Cour fédérale.

[4]               La Cour suprême du Canada dans l’arrêt R. c. Caron, 2011 CSC 5, [2011] 1 R.C.S. 78, énonce les critères qui régissent l’octroi de provisions pour frais :

39        Formulées par le juge LeBel au par. 40 de l’arrêt Okanagan [Colombie-Britannique (Ministre des Forêts) c. Bande indienne Okanagan, 2003 CSC 71, [2003] 3 R.C.S. 371], les trois conditions régissant l’octroi discrétionnaire de provisions pour frais sont les suivantes :

1.         La partie qui demande une provision pour frais n’a véritablement pas les moyens de payer les frais occasionnés par le litige et ne dispose réalistement d’aucune autre source de financement lui permettant de soumettre les questions en cause au tribunal — bref, elle serait incapable d’agir en justice sans l’ordonnance.

2.         La demande vaut prima facie d’être instruite, c’est-à-dire qu’elle paraît au moins suffisamment valable et, de ce fait, il serait contraire aux intérêts de la justice que le plaideur renonce à agir en justice parce qu’il n’en a pas les moyens financiers.

3.         Les questions soulevées dépassent le cadre des intérêts du plaideur, revêtent une importance pour le public et n’ont pas encore été tranchées.

Même le respect de ces trois conditions ne confère pas le « droit » d’obtenir une provision pour frais. Comme l’ont dit les juges Bastarache et LeBel, au nom de la majorité, dans l’arrêt Little Sisters (no 2) [Little Sisters Book and Art Emporium c. Canada (Commissaire des Douanes et du Revenu), 2007 CSC 2, [2007] 1 R.C.S. 38] :

En analysant ces conditions, le tribunal doit décider, eu égard à toutes les circonstances, si l’affaire est si particulière qu’il serait contraire aux intérêts de la justice de rejeter la demande de provision pour frais, ou s’il devrait envisager d’autres moyens de faciliter l’audition de l’affaire. Le pouvoir discrétionnaire du tribunal lui permet de tenir compte de tous les facteurs pertinents qui émanent des faits. [Non souligné dans l’original (soulignement ajouté par le juge Binnie), paragraphe 37.]

[5]               La condition selon laquelle la partie cherchant à obtenir une provision pour frais « n’a véritablement pas les moyens de payer les frais occasionnés par le litige » est réitérée dans l’arrêt Caron. Il est également évident que chacune de ces trois conditions doit être respectée, puisque la Cour suprême a mentionné qu’il existe trois conditions et que « [m]ême le respect de ces trois conditions ne confère pas le “droit” d’obtenir une provision pour frais ».

[6]               Au paragraphe 41 de l’arrêt Caron, la Cour suprême aborde expressément la question de savoir si M. Caron a les moyens de payer les frais occasionnés par le litige. La Cour fait l’observation suivante  :

41        [. . .] Le juge de la Cour du Banc de la Reine s’est dit « satisfait que M. Caron n’[avait] véritablement pas les moyens de payer les frais occasionnés par ce litige et que toutes autres possibilités de financement [avaient] été étudiées, mais en vain » (par. 31). L’objection du ministère public à cet égard n’a pas été acceptée par les juridictions inférieures, et ces dernières n’ont commis aucune erreur manifeste en concluant comme elles l’ont fait.

[7]               La condition voulant que la partie qui demande une provision pour frais doive démontrer qu’elle « n’a véritablement pas les moyens de payer les frais occasionnés par le litige et ne dispose réalistement d’aucune autre source de financement lui permettant de soumettre les questions en cause au tribunal » en demeure une à laquelle il doit être satisfait.

[8]               M. Schmidt affirme qu’une distinction peut être établie dans son cas parce qu’il ne tire, du litige, aucun avantage personnel. Cependant, rien n’indique dans les arrêts Okanagan ou Caron que cette condition ne s’applique que si la partie tire un avantage du litige. Je suis d’avis que cet élément ne peut fonder une distinction entre son affaire et les autres. Il convient également de mentionner que ces arrêts de la Cour suprême tranchaient des appels d’ordonnances de provision pour frais rendues en première instance. Ils n’abordaient pas la question de savoir si une provision pour frais devrait être accordée pour l’instruction d’un appel. La question de savoir s’il convient d’accorder une provision pour frais à une partie déboutée en première instance, de sorte à faire payer par les contribuables les frais afférents à son appel, ou celle de savoir si l’on devrait tenir compte de conditions supplémentaires pour l’octroi d’une provision pour frais en vue d’un appel seront examinées à une autre occasion. En tout état de cause, les conditions de l’octroi d’une provision pour frais pour l’appel ne devraient pas être moins rigoureuses que celles pour l’octroi d’une telle mesure pour le procès.

[9]               En l’espèce, aucun renseignement financier concernant le revenu ou les biens de M. Schmidt n’ont été fournis. Au moment de l’ordonnance de la Cour fédérale, M. Schmidt avait été suspendu sans salaire de ses fonctions d’avocat au sein du ministère de la Justice (il ne recevait donc pas de revenu d’emploi), alors qu’il est désormais à la retraite. Rien n’indique s’il reçoit maintenant une pension de retraite.

[10]           Dans son affidavit daté du 25 juillet 2016, M. Schmidt mentionne que des personnes lui ont fait don de 3 253 $ à titre de contribution aux débours afférents au présent appel. Par conséquent, il est loin d’être clair que l’appel ne pourrait être entendu si une provision pour frais n’était pas accordée.

[11]           En conséquence, M. Schmidt n’a pas satisfait à la première condition voulant qu’il n’ait pas les moyens de payer les frais occasionnés par l’appel. Comme l’appelant n’a pas démontré que l’appel ne pourrait être entendu sans l’octroi d’une provision pour frais, il n’est pas nécessaire d’examiner les autres conditions, et sa requête est rejetée.

[12]           Il existe une autre question qu’aucune des parties n’a invoquée. L’article 400 des Règles des Cours fédérales, DORS/98-106, prévoit ce qui suit :

400 (1) La Cour a le pouvoir discrétionnaire de déterminer le montant des dépens, de les répartir et de désigner les personnes qui doivent les payer.

400 (1) The Court shall have full discretionary power over the amount and allocation of costs and the determination of by whom they are to be paid.

[13]           La formation qui entend l’appel procède à l’adjudication des dépens, s’il en est, et elle détermine à qui les accorder. Si une provision pour frais à l’égard d’un appel était accordée par voie de requête, cela signifierait que le juge statuant seul sur la requête accorderait les dépens à une partie, et préjugerait de ce fait de l’adjudication des dépens dans l’appel. Aucune des parties n’a abordé la question de savoir si un juge siégeant seul détiendrait ce pouvoir ou s’il serait préférable qu’une telle requête soit entendue par une formation de trois juges qui ne seraient peut-être pas ceux qui entendraient l’appel. Il s’agit d’une autre question qui sera tranchée à l’occasion d’une autre affaire.

[14]           En conséquence, je suis d’avis de rejeter la requête présentée en vue d’obtenir une ordonnance enjoignant au procureur général du Canada de payer les frais de M. Schmidt dans l’appel. Les dépens afférents à la requête suivront l’issue de l’instance.

« Wyman W. Webb »

j.c.a.

Traduction certifiée conforme

Marie-Luc Simoneau, réviseure

 


COUR D’APPEL FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


Dossier :

A-105-16

INTITULÉ DE LA CAUSE :

EDGAR SCHMIDT c. PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

 

REQUÊTE JUGÉE SUR DOSSIER SANS COMPARUTION DES PARTIES

MOTIFS DE L’ORDONNANCE :

LE JUGE WEBB

DATE DES MOTIFS :

Le 19 août 2016

OBSERVATIONS ÉCRITES :

Me David Yazbeck

Me Michael Fisher

Pour l’appelant

Me Alain Préfontaine

Me Elizabeth Kikuchi

Me Sarah Sherhols

Pour l’intimé

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Raven, Cameron, Ballantyne & Yazbeck LLP/s.r.l.

Ottawa (Ontario)

Pour l’appelant

William F. Pentney

Sous-procureur général du Canada

Pour l’intimé

 

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