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Date : 20161129


Dossiers : A-346-15

A-347-15

A-348-15

Référence : 2016 CAF 305

[TRADUCTION FRANÇAISE]

CORAM :

LE JUGE PELLETIER

LE JUGE SCOTT

LE JUGE DE MONTIGNY

 

ENTRE :

SAMEER MAPARA

appelant

et

CANADA (PROCUREUR GÉNÉRAL)

intimé

Audience tenue à Vancouver (Colombie-Britannique), le 28 novembre 2016.

Jugement rendu à Vancouver (Colombie-Britannique), le 29 novembre 2016.

MOTIFS DU JUGEMENT :

LE JUGE DE MONTIGNY

Y ONT SOUSCRIT :

LE JUGE PELLETIER

LE JUGE SCOTT

 


Date : 20161129


Dossiers : A-346-15

A-347-15

A-348-15

Référence : 2016 CAF 305

[TRADUCTION FRANÇAISE]

CORAM :

LE JUGE PELLETIER

LE JUGE SCOTT

LE JUGE DE MONTIGNY

 

ENTRE :

SAMEER MAPARA

appelant

et

CANADA (PROCUREUR GÉNÉRAL)

intimé

MOTIFS DU JUGEMENT

LE JUGE DE MONTIGNY

[1]  M. Mapara, qui comparaît en personne, interjette appel de trois ordonnances du 8 mai 2015 par lesquelles le juge des requêtes a accueilli les requêtes de l’intimé en vue d’obtenir un cautionnement pour les dépens dans les dossiers de la Cour fédérale nos T-1879-14, T-1925-14 et T-2248-14. Après avoir soigneusement examiné le dossier de même que les observations écrites et orales des parties, je suis d’avis que les présents appels devraient être rejetés.

[2]  M. Mapara purge une peine d’emprisonnement à perpétuité pour meurtre au premier degré; il est incarcéré depuis 2001 et ne sera pas admissible à une libération conditionnelle avant 2027.

[3]  Depuis 2010, M. Mapara a introduit 17 actions, demandes ou appels contre le Canada à la Cour fédérale, à la Cour suprême de la Colombie-Britannique, à la Cour d’appel de la Colombie‑Britannique et à la Cour suprême du Canada. Les trois appels dont est aujourd’hui saisie la Cour découlent d’une action en dommages-intérêts intentée contre Sa Majesté la Reine (T-1879-14) et de deux demandes de contrôle judiciaire de décisions rendues au troisième palier de la procédure de règlement des griefs par le Commissaire du Service correctionnel (T-1925-14 et T-2248-14).

[4]  En réponse à chacune des requêtes de l’intimé en vue d’obtenir un cautionnement pour les dépens, M. Mapara a concédé qu’il devait en effet de l’argent au Canada pour des dépens impayés. Il semble que le montant total de ces dépens impayés s’élève à 20 899,49 $, auquel il faut ajouter un montant de 11 734,50 $ pour les dépens et débours déjà versés ou prévus dans les trois dossiers qui font l’objet du présent appel, selon l’affidavit déposé par l’intimé.

[5]  À la lumière de ce qui précède, et en vertu de l’alinéa 416(1)f) des Règles des Cours fédérales, DORS/98-106, l’intimé a droit, à première vue, à un cautionnement pour les dépens, et le juge des requêtes a conclu en ce sens.

[6]  Toutefois, l’article 417 des Règles des Cours fédérales prévoit que l'indigence ne doit pas être un obstacle à un litige. Comme la Cour l’a affirmé dans l’arrêt Sauve c. Canada, 2012 CAF 287, au paragraphe 7 (Sauve), « [...] lorsqu’il apparaît que l’ordonnance de cautionnement pour les dépens aurait pour effet d’empêcher un demandeur indigent de défendre une cause par ailleurs bien fondée, la demande de cautionnement pour les dépens du défendeur doit normalement être rejetée, par souci d’équité ».

[7]  Aux termes de l’article 417 des Règles, avant d’exercer son pouvoir discrétionnaire et de refuser d’ordonner un cautionnement pour les dépens, la Cour doit être convaincue (1) de l’indigence du demandeur et (2) du bien-fondé de la cause. Ces deux exigences s’additionnent. L’article 417 des Règles est libellé ainsi :

Motifs de refus de cautionnement

417 La Cour peut refuser d’ordonner la fourniture d’un cautionnement pour les dépens dans les situations visées aux alinéas 416(1)a) à g) si le demandeur fait la preuve de son indigence et si elle est convaincue du bien-fondé de la cause.

Grounds for refusing security

417 The Court may refuse to order that security for costs be given under any of paragraphs 416(1)(a) to (g) if a plaintiff demonstrates impecuniosity and the Court is of the opinion that the case has merit.

[8]  Il est également bien établi que le fardeau de démontrer son indigence est exigeant et qu’il doit être satisfait à ce fardeau par [TRADUCTION] « une preuve détaillée » : voir Morton c. Canada (Attorney General) (2005), 75 R.J.O. (3e) 63, [2005] O.J. no 948 (QL), au paragraphe 32; Heli Tech Services (Canada) Ltd. c. Compagnie Weyerhaeuser Limitée, 2006 CF 1169, [2006] A.C.F. no 1494 (QL), au paragraphe 8; Chaudhry c. Canada (Procureur général), 2009 CAF 237, au paragraphe 10. Des éléments de preuve concrets doivent donc être présentés à l’appui d’une allégation d’indigence; de simples affirmations sont insuffisantes (voir Sauve, aux paragraphes 9 et 10).

[9]  Le juge des requêtes a conclu que la preuve de l’appelant ne satisfaisait pas à ce critère. Sa conclusion est fondée entièrement sur le fait que M. Mapara a été en mesure de payer les frais judiciaires pour intenter ses nombreuses poursuites contre l’intimé et les débours dans ces affaires. En conséquence, il a conclu que l’indigence de M. Mapara n’avait pas été établie et a jugé qu’il n’était pas nécessaire de commenter le bien-fondé des instances sous‑jacentes.

[10]  Pour que ses appels soient accueillis, M. Mapara doit convaincre la Cour que le juge des requêtes a commis une erreur de droit ou une erreur manifeste et dominante dans son appréciation des faits : Decor Grates Incorporated c. Imperial Manufacturing Group Inc., [2016] 1 R.C.F. 246, 2015 CAF 100; Corporation de soins de la santé Hospira c. Kennedy Institute of Rheumatology, [2017] 1 R.C.F. 331, 2016 CAF 215.

[11]  L’essentiel des observations de M. Mapara à la Cour tient au fait que le juge des requêtes a omis de tenir compte de l’imposante quantité d’éléments de preuve produits à l’appui de son allégation d’indigence. En fait, M. Mapara a bien déposé des états financiers, des déclarations de revenus et des imprimés de ses comptes au Service correctionnel. Il ne fait aucun doute dans mon esprit, vu ces éléments de preuve, que les moyens financiers de M. Mapara sont limités.

[12]  Le juge des requêtes a néanmoins conclu que M. Mapara n’avait pas établi son indigence, puisqu’il avait été en mesure de payer les frais judiciaires et les débours nécessaires pour intenter plusieurs instances. En toute déférence, cette conclusion est discutable pour deux raisons. D’abord, le fait que M. Mapara a été en mesure de payer les droits de dépôt et les débours relatifs aux poursuites judiciaires antérieures n’indique pas qu’il a les moyens de s’acquitter de frais beaucoup plus élevés dans les présentes instances. Ensuite, le juge des requêtes ne pouvait en arriver à la conclusion que M. Mapara n’est pas indigent en s’appuyant sur un seul facteur; une telle conclusion doit reposer sur l’évaluation de la situation financière globale du demandeur.

[13]  Cela dit, M. Mapara devait également établir qu’il ne pouvait emprunter d’argent aux membres de sa famille, d’autant plus que certains d’entre eux l’avaient aidé financièrement par le passé. À cet effet, M. Mapara a déposé des affidavits de son père et de son frère dans lesquels ils affirment ne pas être en position de l’aider financièrement, bien qu’ils l’aient fait par le passé. Je suis d’accord avec l’intimé que ces affidavits contiennent peu de détails qui auraient pu expliquer le changement dans leur situation économique. Il ne faut pas croire par là que les membres de la famille ont l’obligation d’aider le demandeur. Toutefois, en l’espèce, les membres de la famille de l’appelant n’ont pas expliqué pourquoi ils n’étaient plus en mesure de l’aider.

[14]  Quant à l’épouse de M. Mapara, qui l’a également aidé auparavant, M. Mapara a affirmé dans son affidavit qu’elle était malade et incapable de travailler. Pourtant, il n’a pas produit de preuve directe venant de son épouse ou des médecins de celle-ci à cet égard. Qui plus est, les dossiers médicaux sur lesquels il se fonde pour prouver l’état de santé de son épouse n’étaient pas à jour, et il n’a fourni aucun renseignement concernant ses ressources financières ou son actif. Dans ces circonstances, on ne peut affirmer que M. Mapara s’est acquitté du fardeau d’établir l’impossibilité d’emprunter de l’argent à un tiers par [TRADUCTION] « une preuve détaillée ».

[15]  J’irais jusqu’à ajouter, par souci de prudence, qu’aucune des instances sous‑jacentes des présents appels n’est fondée. Essentiellement pour les raisons invoquées par l’avocate de l’intimé dans son mémoire, l’appelant ne satisfait pas au deuxième volet de l’article 417 des Règles, et c’est là une deuxième raison justifiant le rejet de l’appel.

[16]  Compte tenu de ce qui précède, je suis donc d’avis que la décision du juge des requêtes doit être confirmée, bien que ce soit pour des motifs différents. Une lecture attentive du dossier dans son ensemble appuie la conclusion générale selon laquelle M. Mapara n’est pas indigent pour l’application de l’article 417 des Règles.

[17]  En conséquence, je rejetterais les appels, avec dépens.

« Yves de Montigny »

j.c.a.

« Je suis d’accord.

J.D. Denis Pelletier, j.c.a. »

« Je suis d’accord.

A.F. Scott, j.c.a. »


COUR D’APPEL FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DossierS :

A-346-15

A-347-15

A-348-15

INTITULÉ :

SAMEER MAPARA c. CANADA (PROCUREUR GÉNÉRAL)

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

VANCOUVER (COLOMBIE‑BRITANNIQUE)

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 28 NOVEMBRE 2016

MOTIFS DU JUGEMENT :

LE JUGE DE MONTIGNY

Y ONT SOUSCRIT :

LE JUGE PELLETIER

LE JUGE SCOTT

DATE DES MOTIFS :

LE 29 NOVEMBRE 2016

COMPARUTIONS :

Sameer Mapara

L'APPELANT

POUR SON PROPRE COMPTE

Liliane Bantourakis

Sam F. Arden

POUR L’INTIMÉ

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Pour son propre compte

L'APPELANT

 

William F. Pentney

Sous-procureur général du Canada

Pour l’intimé

 

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