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Date : 20161128


Dossier : A-449-15

Référence : 2016 CAF 302

[TRADUCTION FRANÇAISE]

CORAM :

LA JUGE TRUDEL

LE JUGE BOIVIN

LE JUGE RENNIE

 

 

ENTRE :

DOMAINES PINNACLE INC.

appelante

et

CONSTELLATION BRANDS INC., CONSTELLATION BRANDS QUÉBEC INC., CONSTELLATION BRANDS CANADA INC., SUMAC RIDGE ESTATE 

WINERY LTD. ET FRANCISCAN VINEYARDS INC.

intimées

Audience tenue à Montréal (Québec), le 28 novembre 2016.

Jugement rendu oralement à l'audience à Montréal (Québec), le 28 novembre 2016.

MOTIFS DU JUGEMENT DE LA COUR :

LA JUGE TRUDEL

 


Date : 20161128


Dossier : A-449-15

Référence : 2016 CAF 302

[TRADUCTION FRANÇAISE]

CORAM :

LA JUGE TRUDEL

LE JUGE BOIVIN

LE JUGE RENNIE

 

 

ENTRE :

DOMAINES PINNACLE INC.

appelante

et

CONSTELLATION BRANDS INC., CONSTELLATION BRANDS QUÉBEC INC., CONSTELLATION BRANDS CANADA INC., SUMAC RIDGE ESTATE 

WINERY LTD. ET FRANCISCAN VINEYARDS INC.

intimées

MOTIFS DU JUGEMENT DE LA COUR

(Prononcés oralement à l'audience à Montréal (Québec), le 28 novembre 2016.)

LA JUGE TRUDEL

[1]  L'appelante interjette appel d'une décision rendue par la Cour fédérale le 16 septembre 2015 (2015 CF 1083), par laquelle la juge Gagné a accueilli l'appel des intimées à l'encontre d'une décision rendue par la Commission des oppositions des marques de commerce le 16 septembre 2013 (2013 COMC 153). La Cour fédérale a annulé la décision de la Commission rejetant la déclaration d'opposition des intimées en application de l'article 38 de la Loi sur les marques de commerce, L.R.C. (1985), ch. T‑13 (la Loi), au motif que la Commission avait appliqué de façon erronée la décision rendue par la Cour suprême dans l'arrêt Masterpiece Inc. c. Alavida Lifestyles Inc., 2011 CSC 27, [2011] 2 R.C.S. 387 (Masterpiece), ce qui rendait sa décision déraisonnable.

[2]  Le présent appel sera accueilli pour les motifs qui suivent.

[3]  L'appelante, Domaines Pinnacle Inc., est un producteur québécois de boissons alcoolisées et non alcoolisées ainsi que de produits alimentaires à base de pommes (affidavit de M. Charles Crawford, dossier d'appel, vol. 3, onglet 6E, p. 1185, au paragraphe 4). Les intimées sont toutes des filiales de Constellation Brands Inc., un producteur et distributeur de vins établi aux États‑Unis (affidavit de Ronald C. Fondiller, dossier d'appel, vol. 1, onglet 5C, p. 93, au paragraphe 11).

[4]  Le 3 juin 2004, l'appelante a déposé sa demande d'enregistrement no 1219008 auprès du Registraire des marques de commerce afin d'enregistrer le mot et le dessin‑marque en litige, en lien avec la vente de boissons alcoolisées et non alcoolisées ainsi que d'autres produits à base de pommes :

[5]  Le 5 août 2008, les intimées ont produit une déclaration d'opposition à la demande d'enregistrement de l'appelante en application de l'article 38 de la Loi, au motif que la marque de l'appelante crée de la confusion avec leur propre marque de commerce, « Pinnacles », enregistrée par Franciscan Vineyards Inc. en 2002, en lien avec la vente de vins (de raisins) (affidavit de Ronald C. Fondiller, dossier d'appel, vol. 1, onglet 5C, p. 93, au paragraphe 10).

[6]  La Commission des oppositions des marques de commerce a finalement conclu qu'il était peu probable qu'une telle confusion survienne, après avoir pris en considération le libellé du paragraphe 6(2) de la Loi, les facteurs énumérés au paragraphe 6(5) et la jurisprudence pertinente, y compris l'arrêt Masterpiece (aux paragraphes 30 à 33). La Commission a estimé que le caractère distinctif des deux marques de commerce était relativement faible (au paragraphe 34), même si elle a conclu que la marque de commerce de l'appelante avait un caractère distinctif plus important que celui de la marque des intimées (au paragraphe 69). En outre, même s'il y a « une certaine ressemblance entre les marques des parties », la Commission a conclu que les éléments visuels des deux marques étaient suffisamment différents, et que les deux marques évoquent des idées différentes.

[7]  Lors du contrôle judiciaire de la décision de la Commission, la Cour fédérale a conclu que la Commission avait commis une erreur en ne tenant pas compte des usages potentiels qu'auraient pu faire les intimées de leur marque enregistrée, comme le prescrivent l'arrêt Masterpiece et la décision de la Cour fédérale Les Restaurants La Pizzaiolle Inc. c. Pizzaiolo Restaurants Inc., 2015 CF 240, conf. depuis par Pizzaiolo Restaurants Inc. c. Les Restaurants La Pizzaiolle Inc., 2016 CAF 265 (Pizzaiolo) (aux paragraphes 41 à 43).

[8]  Lors d'un appel d'une décision de la Cour fédérale en contrôle judiciaire, notre Cour doit se demander si la Cour fédérale a choisi la norme de contrôle appropriée et si elle l'a appliquée correctement. En fait, notre Cour effectue un examen de novo de la décision administrative (arrêt Agraira c. Canada (Sécurité publique et Protection civile), 2013 CSC 36, [2013] 2 R.C.S. 559, aux paragraphes 45 à 47). Les deux parties conviennent que les décisions de la Commission sont susceptibles de révision selon la norme de la décision raisonnable (Mattel Inc. c. 3894207 Canada Inc., 2006 CSC 22 au paragraphe 40, [2006] 1 R.C.S. 772; Pizzaiolo).

[9]  En conséquence, le présent appel devrait être accueilli, à moins que les intimées n'arrivent à nous convaincre que la décision de la Commission était déraisonnable. Selon nous, la décision de la Commission appartient à l'éventail des issues raisonnables qui lui étaient ouvertes, à la lumière des faits et du droit. Nous sommes d'avis que la Cour fédérale a en fait examiné l'interprétation et l'application de l'arrêt Masterpiece faites par la Commission selon la norme de la décision correcte, ce qu'elle n'était pas autorisée à faire. En fait, elle a effectué un examen de novo, même si elle avait rejeté les nouveaux éléments de preuve présentés par les intimées.

[10]  La Cour fédérale a formulé des reproches à l'égard de la Commission pour ne pas avoir explicitement tenu compte des usages possibles qu'auraient pu faire les intimées de leur marque, usages qui pourraient permettre à leur marque d'évoquer davantage « le froid et l'hiver », soit les caractéristiques de la marque de l'appelante selon la Commission (au paragraphe 43 de la décision de la Cour fédérale). Toutefois, la Commission a bien cité l'arrêt Masterpiece de la Cour suprême au début de son analyse du critère de la confusion en application du paragraphe 6(5) (au paragraphe 33 de la décision de la Commission). La Commission n'avait pas à faire plus, tant que son application de cet arrêt aux faits qui lui ont été présentés n'était pas déraisonnable. Selon nous, la Commission a appliqué l'arrêt Masterpiece de façon raisonnable. La Commission n'avait pas à prendre en considération tous les usages possibles et non indiqués de la marque des intimées, qui ont été qualifiés de faibles par la Commission.

[11]  Nous sommes d'accord avec l'appelante, Domaines Pinnacle Inc., pour dire que la portée entière des droits conférés aux intimées par l'enregistrement de leur marque ne les autoriserait pas à utiliser les éléments graphiques distinctifs, soit le dessin d'une pomme et d'un flocon de neige, qualifiés par la Commission comme étant essentiels au caractère distinctif de la marque de l'appelante (mémoire des faits et du droit de l'appelante, aux paragraphes 79 à 81 et 87). Dans le même ordre d'idées, nous gardons à l'esprit le paragraphe 75 de la décision de la Commission, dans lequel une distinction est établie entre les boissons à base de pommes et celles à base de raisins. Les éléments du dessin, une fois encore la pomme et le flocon de neige, sont également protégés par le droit d'auteur. À notre avis, même si les intimées choisissaient dans l'avenir d'utiliser la même police de caractères que l'appelante, la conclusion de la Commission relativement à la possibilité de confusion demeurerait une issue raisonnable, parce que la combinaison du mot et du dessin dans la marque de l'appelante est suffisamment distinctive. Ainsi, l'affaire qui nous occupe se distingue de la récente décision de notre Cour dans l’arrêt Pizzaiolo.

[12]  Notre conclusion tient également compte de la conclusion de la Commission, mentionnée ci‑dessus, selon laquelle aucune des deux marques n'affiche un caractère distinctif très élevé quant aux mots utilisés; l'élément le plus important des deux marques, le mot « Pinnacle », est courant. Le dessin et le contexte doivent jouer un plus grand rôle pour distinguer la marque des intimées des nombreuses autres marques enregistrées au Canada comportant le mot « Pinnacle » (pièce SN‑3, dossier d'appel, vol. 3, onglet 6F, à la page 1278).

[13]  En conséquence, nous accueillons l'appel, nous annulons la décision de la Cour fédérale dont la référence est 2015 CF 1083 et, rendant la décision que la Cour fédérale aurait dû rendre, nous rejetons l'appel à l'encontre de la décision du Registraire des marques de commerce dont la référence est 2013 COMC 153, avec dépens à notre Cour et à la Cour fédérale.

« Johanne Trudel »

j.c.a.


COUR D'APPEL FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


Dossier :

A-449-15

INTITULÉ :

DOMAINES PINNACLE INC. c. CONSTELLATION BRANDS INC., CONSTELLATION BRANDS QUÉBEC INC., CONSTELLATION BRANDS CANADA INC., SUMAC RIDGE ESTATE WINERY LTD. ET FRANCISCAN VINEYARDS INC.

 

 

LIEU DE L'AUDIENCE :

MONTRÉAL (QUÉBEC)

 

DATE DE L'AUDIENCE :

Le 28 novembre 2016

 

MOTIFS DU JUGEMENT DE LA COUR :

LA JUGE TRUDEL

LE JUGE BOIVIN

LE JUGE RENNIE

 

PRONONCÉS À L'AUDIENCE PAR :

LA JUGE TRUDEL

COMPARUTIONS :

Magali Fournier

 

Pour l'appelante

 

Mortimer Freiheit

Bruno Barrette

Yann Canneva

Clara Chow

 

Pour les intimées

CONSTELLATION BRANDS INC., CONSTELLATION BRANDS QUÉBEC INC., CONSTELLATION BRANDS CANADA INC., SUMAC RIDGE ESTATE WINERY LTD. ET FRANCISCAN VINEYARDS INC.

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

BROUILLETTE & ASSOCIÉS, S.E.N.C.R.L.

Montréal (Québec)

 

Pour l'appelante

 

BARRETTE LEGAL INC.

Montréal (Québec)

 

Pour les intimées

CONSTELLATION BRANDS INC., CONSTELLATION BRANDS QUÉBEC INC., CONSTELLATION BRANDS CANADA INC., SUMAC RIDGE ESTATE WINERY LTD. ET FRANCISCAN VINEYARDS INC.

 

FREIHEIT LEGAL INC.

Montréal (Québec)

 

Pour les intimées

CONSTELLATION BRANDS INC., CONSTELLATION BRANDS QUÉBEC INC., CONSTELLATION BRANDS CANADA INC., SUMAC RIDGE ESTATE WINERY LTD. ET FRANCISCAN VINEYARDS INC.

 

 

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