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Date : 20161129


Dossiers : A-491-15

A-492-15

Référence : 2016 CAF 304

[TRADUCTION FRANÇAISE]

CORAM :

LE JUGE EN CHEF NOËL

LA JUGE TRUDEL

LE JUGE BOIVIN

 

 

ENTRE :

BAREJO HOLDINGS ULC

appelante

et

SA MAJESTÉ LA REINE

intimée

Audience tenue à Montréal (Québec), le 29 novembre 2016.

Jugement rendu oralement à l’audience à Montréal (Québec), le 29 novembre 2016.

MOTIFS DU JUGEMENT DE LA COUR :

LE JUGE EN CHEF NOËL

 


Date : 20161129


Dossiers : A-491-15

A-492-15

Référence : 2016 CAF 304

[TRADUCTION FRANÇAISE]

CORAM :

LE JUGE EN CHEF NOËL

LA JUGE TRUDEL

LE JUGE BOIVIN

 

 

ENTRE :

BAREJO HOLDINGS ULC

appelante

et

SA MAJESTÉ LA REINE

intimée

MOTIFS DU JUGEMENT DE LA COUR

(Prononcés à l’audience à Montréal (Québec), le 29 novembre 2016.)

LE JUGE EN CHEF NOËL

[1]  La Cour est saisie d’appels réunis de Barejo Holdings ULC (l’appelante) visant deux ordonnances de la Cour canadienne de l’impôt (2015 CCI 274) que le juge Boyle (le juge de la Cour de l’impôt) a rendues après avoir été appelé, sur requête présentée en application de la Règle 58 des Règles de la Cour canadienne de l’impôt (procédure générale), DORS/90-688a, à trancher avant l’audience la question de fait et de droit suivante :

Les deux [billets] détenus par [St. Lawrence Trading], entité non résidente, constituent‑ils une créance aux fins de la Loi de l’impôt sur le revenu [L.R.C. (1985), ch. 1 (5e suppl.) (la Loi)]?

[2]  Le juge de la Cour de l’impôt a répondu par l’affirmative à la question présentée en vertu de l’article 58 des Règles.

[3]  Quatre semaines avant l’audience de l’appel, notre Cour a donné la directive suivante :

Directive

[traduction]

Nous demandons aux parties de nous faire part de leurs observations écrites sur les raisons pour lesquelles notre Cour ne devrait pas rejeter les appels réunis au motif que les trancher ne résoudrait rien et que les examiner constituerait une utilisation abusive des ressources judiciaires.

La question sous-jacente à l’appel dont la Cour de l’impôt est saisie concerne le sens du terme « debt » [« créance »] à l’article 94.1 de la Loi. Répondant à la question qui lui avait été soumise conjointement par les parties – c’est-à-dire celle de savoir si les deux [billets] en cause « constituent […] une créance aux fins de la Loi de l’impôt sur le revenu » –, le juge de la Cour de l’impôt a énuméré « les caractéristiques fondamentales d’une créance, de façon générale aux fins de la Loi » (motifs, paragraphe 129) et jugé que les deux [billets] constituent des créances selon ces caractéristiques. C’est là l’objet de l’appel dont notre Cour est saisie, l’appelante contestant cette décision et l’intimée, l’appuyant.

Sous réserve des observations présentées par les parties sur ce point, il ne semble pas que la réponse à la question posée résoudra quoi que ce soit dans l’appel sous‑jacent, qui repose sur le sens du terme « debt » [« créance »] à l’article 94.1 de la Loi. Difficulté accessoire, il semble n’exister aucun critère légal pour évaluer le bien-fondé de l’opinion exprimée par le juge de la Cour de l’impôt, car la Loi ne prévoit aucune conséquence juridique pour l’instrument jugé être une créance « aux fins de la Loi dans son ensemble » (motifs, paragraphe 132).

Les parties ont tenté de contourner cette difficulté en affirmant que [traduction] « les parties conviennent que [...] le terme “debt” [“créance”] n’a aucun sens particulier à l’article 94.1 » (mémoire de l’appelante, paragraphe 25), ce qui laisse croire que le sens du terme « debt » [« créance »] à l’article 94.1 correspond au sens général que le juge de la Cour de l’impôt donne au terme. Encore une fois, sous réserve des observations faites par les parties, cette interprétation semble problématique, car le juge de la Cour de l’impôt a précisé que son opinion ne pouvait s’appliquer au sens du terme « debt » [« créance »] à l’article 94.1 ni d’ailleurs à tout autre article de la Loi (motifs, paragraphes 5 à 13 et 132).

Nous demandons aux parties de soumettre leurs observations, d’au plus cinq pages pour chaque cause, au plus tard le 15 novembre 2016 et de traiter de la question oralement au début de l’audience prévue pour le [29] novembre 2016.

[4]  Conformément au paragraphe ci-dessus, les observations conjointes des parties ont été reçues le 15 novembre 2016, et les parties ont eu l’occasion de traiter oralement de la question soulevée dans la directive au début de l’audience du 29 novembre 2016.

[5]  Dans leurs observations, les parties tentent d’expliquer tant bien que mal les raisons pour lesquelles la question présentée en vertu de l’article 58 des Règles a été formulée d’une manière aussi générale (observations conjointes, paragraphes 10 et 18). Cependant, malgré ces observations, il demeure qu’elles sont maintenant confrontées à un problème qui n’aurait pas existé si elles avaient expressément circonscrit la portée de la question aux seules dispositions de la Loi sur lesquelles les appels sous-jacents portaient.

[6]  Comme le juge de la Cour de l’impôt l’indique au début de ses motifs, le sens des termes « debt obligations » et « debt » dans la version anglaise du paragraphe 95(1) et de l’article 94.1 respectivement, tous deux définis dans la version française par « créance », était initialement en litige. Cependant, avant l’audience sur la question présentée en vertu de l’article 58 des Règles, le juge a été informé que la seule question encore en litige entre les parties portait sur le sens du terme « debt » [« créance »] à l’article 94.1 de la Loi (motifs, paragraphe 4).

[7]  Le juge de la Cour de l’impôt a compris de la question large qui lui a été posée conjointement par les parties qu’il devait produire une opinion générale sur le sens du terme « debt » [« créance »] pour l’application générale de la Loi. Il a également compris qu’il n’avait pas à émettre d’avis sur le sens du terme « debt » [« créance »] dans le contexte précis des dispositions en jeu dans les appels sous-jacents (motifs, paragraphes 5, 7, 11, 13 et 132 et note de bas de page 25). C’est dans ce cadre qu’il a conclu que les deux billets faisant l’objet du litige constituaient une créance [TRADUCTION] « aux fins de la Loi dans son ensemble » (motifs, paragraphe 132) ou « aux fins de la Loi de l’impôt sur le revenu » (motifs, paragraphe 134).

[8]  Comme il est mentionné dans la directive précitée, il ne semble pas que la réponse générale donnée par le juge de la Cour de l’impôt résout quoi que ce soit dans le contexte de l’appel sous‑jacent, lequel, comme il a été dit, concerne le sens du terme « debt » [« créance »] tel qu’il figure à l’article 94.1 de la Loi.

[9]  Dans leur réponse à la directive, les parties ont affirmé que, compte tenu du contexte juridique et factuel, il était évident que le juge de la Cour de l’impôt avait été appelé à déterminer si les billets étaient une « debt » [« créance »] pour l’application de l’article 94.1 (observations conjointes, paragraphe 19). Elles ont ensuite fait valoir que l’opinion générale donnée par le juge de la Cour de l’impôt établit le [TRADUCTION] « sens ordinaire » du terme « debt » [« créance »] et que le terme « debt » [« créance »], tel qu’il figure à l’article 94.1, est censé avoir ce « sens ordinaire » (observations conjointes, paragraphe 20).

[10]  Toutefois, le juge de la Cour de l’impôt n’a pas compris qu’il était appelé à donner son opinion sur le sens du terme « debt » [« créance »] à l’article 94.1 et, par conséquent, cette opinion ne peut être interprétée comme donnant réponse à cette question.

[11]  Dans un appel d’une ordonnance répondant à une question présentée en vertu de l’article 58 des Règles, il faut déterminer si la réponse donnée peut résister à un examen approfondi. Pour ce faire, notre Cour doit examiner la réponse qui a été donnée à la question posée, puisque c’est la réponse qui fait l’objet de l’appel. En l’espèce, la réponse donnée par le juge de la Cour de l’impôt, interprétée seule ou avec les motifs à l’appui, ne laisse aucun doute sur le fait que le juge ne s’est pas prononcé sur le sens du terme « debt » [« créance »] à l’article 94.1. Il nous est donc impossible d’examiner, comme les parties nous y invitent, une opinion qui n’a pas été donnée (observations conjointes, paragraphe 20).

[12]  Les parties insistent sur le fait qu’elles ne demandaient pas à ce que le juge de la Cour de l’impôt donne une opinion théorique (observations conjointes, paragraphe 19). Nous n’en doutons pas. Cependant, elles font abstraction du fait que la réponse d’ordre général que le juge a donnée répondait à la question posée. Sur ce point, il est évident à la lecture des motifs que le juge de la Cour de l’impôt tenait pour acquis que le libellé de la question avait sa raison d’être et que la réponse d’ordre général sollicitée pouvait être d’une certaine utilité (motifs, paragraphe 2) :

Cette question a été renvoyée à la Cour sur demande conjointe des parties. Les parties étaient toutes deux d’avis que le fait de trancher cette question avant une audience et un procès en règle pourrait mener au règlement de leur différend en totalité ou en partie, abréger considérablement l’audience ou entraîner une économie de frais substantielle.

[13]  Comme il s’avère, cependant, les parties n’ont pu y trouver une quelconque utilité.

[14]  Au bout du compte, il demeure que l’issue des appels sous-jacents ne repose en rien sur la question de savoir si le juge de la Cour de l’impôt a eu raison ou tort de conclure que les deux billets en litige constituaient une créance pour l’application de la Loi dans son ensemble.

[15]  Il s’ensuit qu’il serait inutile de trancher les présents appels sur le fond et que cela entraînerait une utilisation abusive des ressources judiciaires.

[16]  À la fin de ses observations orales, l’avocat de l’appelante a demandé à notre Cour de modifier la question pour qu’il y soit fait mention de l’article 94.1 et d’y répondre en conséquence.

[17]  Comme il a été mentionné à l’audience publique, seule la Cour de l’impôt a compétence pour répondre en première instance à une question présentée en vertu de l’article 58 des Règles. La compétence de notre Cour se limite à l’examen en appel de la réponse donnée par la Cour de l’impôt.

[18]  Pour ces motifs, les présents appels sont rejetés, et les parties assument leurs propres frais.

« Marc Noël »

Juge en chef

Traduction


COUR D’APPEL FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DossierS :

A-491-15, A-492-15

(APPELS DE DEUX ORDONNANCES DU JUGE BOYLE DE LA COUR CANADIENNE DE L’IMPÔT RENDUES LE 4 NOVEMBRE 2015, DOSSIER NOS 2014-4290(IT)G et 2014-353(IT)G)

INTITULÉ :

BAREJO HOLDINGS ULC c. SA MAJESTÉ LA REINE

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

MONTRÉAL (QUÉBEC)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 29 novembre 2016

 

MOTIFS DU JUGEMENT DE LA COUR :

LE JUGE EN CHEF NOËL

LA JUGE TRUDEL

LE JUGE BOIVIN

 

RENDUS À L’AUDIENCE PAR :

LE JUGE EN CHEF NOËL

COMPARUTIONS :

Guy Du Pont

John J. Lennard

Brandon D. Wiener

 

Pour l’appelante

 

Marie-Andrée Legault

Simon Petit

Philippe Dupuis

 

Pour l’intimée

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Davies Ward Phillips & Vineberg S.E.N.C.R.L., s.r.l.

Montréal (Québec)

 

Pour l’appelante

 

William F. Pentney

Sous-procureur général du Canada

Pour l’intimée

 

 

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