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Date : 20161125


Dossier : A-142-16

Référence : 2016 CAF 297

CORAM :

LA JUGE GAUTHIER

LA JUGE TRUDEL

LE JUGE SCOTT

 

 

ENTRE :

RAYNALD GRENIER

appelant

et

SA MAJESTÉ LA REINE

intimée

Audience tenue à Québec (Québec), le 16 novembre 2016.

Jugement rendu à Ottawa (Ontario), le 25 novembre 2016.

MOTIFS DU JUGEMENT :

LE JUGE SCOTT

Y ONT SOUSCRIT :

LA JUGE GAUTHIER

LA JUGE TRUDEL

 


Date : 20161125


Dossier : A-142-16

Référence : 2016 CAF 297

CORAM :

LA JUGE GAUTHIER

LA JUGE TRUDEL

LE JUGE SCOTT

 

 

ENTRE :

RAYNALD GRENIER

appelant

et

SA MAJESTÉ LA REINE

intimée

MOTIFS DU JUGEMENT

LE JUGE SCOTT

[1]  Dans un jugement de la Cour canadienne de l’impôt du 13 mai 2016 (motifs rendus à l’audience du 4 mai 2016), le Juge Tardif (le Juge) a rejeté l’appel de monsieur Raynald Grenier (l’appelant) à l’encontre de nouvelles cotisations établies par le Ministre du Revenu national (le Ministre) pour les années d’imposition 2012 et 2013. Le Juge a déterminé que l’appelant avait sciemment omis de déclarer une somme de 17 242 $ à titre de revenus agricoles en 2012 et des revenus de pension de 20 162 $ pour l’année 2013. Il a aussi confirmé les pénalités imposées par le Ministre aux termes du paragraphe 163(2) de la Loi de l’impôt sur le revenu, L.R.C. 1985 (5e suppl.), c.1 (la LIR), ayant conclu que l’appelant n’avait pu établir que les omissions contenues dans sa déclaration fiscale pour l’année d’imposition 2012 étaient dues à de l’oubli ou de la négligence. Il a également sanctionné les pénalités imposées pour l’année d’imposition 2013 aux termes du paragraphe 163(1) de la LIR puisque l’appelant avait omis de déclarer une source de revenu d’intérêts plus d’une fois, au cours des trois années précédentes, soit en 2012.

[2]  Le Juge a déterminé que les éléments de preuve documentaire présentés étaient sans équivoque et établissaient que les faits tenus pour acquis pour valider les cotisations étaient tout à fait appropriés.

[3]  L’appelant interjette appel de cette décision. Autant à l’audition devant notre Cour que dans son mémoire, il soulève des questions et recherche des déclarations ne relevant pas de notre juridiction et qui ne concernent pas l’appel formé devant nous. Restent donc en litige les questions relatives à l’imposition des compensations reçues et les pénalités imposées.

[4]  Avant de procéder à l’analyse portant sur l’imposition des compensations, il convient de noter la concession de l’avocate représentant l’intimée selon laquelle des 17 242,49 $ reçus par l’appelant à titre de compensations, la somme de 5 596,93 $ ne constituait pas du revenu provenant d’une entreprise agricole, mais plutôt le produit de disposition d’un bien aux termes du paragraphe 43(1) de la LIR.

[5]  Lors de l’audition, l’appelant a reproché au Juge d’avoir erré en maintenant la décision du Ministre d’imposer à titre de revenus agricoles la somme de 11 645 $ qu’il a reçue de la société Énergie Éolienne des Moulins S.E.C. pour utilisation et accès à ses terres agricoles, et qui a été répartie dans le contrat notarié (le contrat) intervenu le 12 février 2012 de la façon suivante, soit : 11 120,56 $ pour compenser le bois debout , 500 $ pour les inconvénients sous forme de pertes et dommages accidentels causés à sa propriété par l’installation des éoliennes, et 25 $ de loyer. Il a prétendu que ces compensations constituent plutôt des indemnités pour des préjudices personnels, qu’elles ne sont pas imposables au sens du paragraphe 9(1) de la LIR, et qu’il n’y avait donc pas lieu d’imposer une pénalité pour faute lourde aux termes du paragraphe 163(2) de la LIR. De plus, il a soutenu que la compensation versée pour le bois debout ne représente pas la juste valeur marchande du bois et qu’elle constitue une perte plutôt qu’un revenu, puisqu’il aurait reçu une somme supérieure s’il avait vendu ce bois debout à des tiers.

[6]  L’appelant a également fait valoir que le Juge a erré en confirmant la décision du Ministre d’ajouter 20 162,84 $ à titre de revenus de pension qu’il a omis de déclarer pour l’année d’imposition 2013 et en lui imposant des pénalités. Il considère que l’Agence de Revenu du Canada (ARC) a été négligente en faisant défaut de vérifier si les T4RIF émis par la Banque Laurentienne et NBCN Inc., dont il n’est pas client, constituaient des doubles de feuillets ou pas. Selon l’appelant, l’ARC a fait défaut de répondre à ses demandes en ce sens et négligé de suivre sa politique voulant qu’elle valide les informations qui lui sont transmises. Il conclut que le Ministre ne pouvait donc pas lui imposer des pénalités d’intérêts pour omission prévue au paragraphe 163(1) de la LIR.

[7]  Il est bien établi en jurisprudence que notre Cour ne peut intervenir que si un juge a commis une erreur manifeste et dominante en concluant comme il l’a fait (Housen c. Nikolaisen, 2002 CSC 33, [2002] 2 R.C.S. 235).

I.  Analyse

A.  Compensations

[8]  Je suis d’avis que le Juge aurait pu être plus explicite dans ses motifs et aurait dû faire référence aux dispositions de la LIR pour appuyer ses conclusions. Ceci étant dit, il n’en demeure pas moins que l’appelant ne m’a pas convaincu que le Juge a erré en sanctionnant la position du Ministre voulant que les montants reçus à titre de compensations constituent des revenus provenant d’une entreprise agricole. Je dois rejeter l’argument de l’appelant voulant que la somme de 11 120,56 $ pour le bois debout, loyers et inconvénients, constitue une indemnité pour préjudice personnel. Le concept d’indemnité pour préjudice personnel sur lequel s’appuie l’appelant n’est pas cohérent avec le texte du contrat.

[9]  À la lecture de l’article 25 du contrat, il est clair qu’une partie des indemnités compensatoires qui lui sont versées compensent la perte de revenus agricoles qui auraient pu autrement être réalisés en l’absence de ce contrat par lequel l’appelant a donné un accès partiel à son exploitation agricole à Énergie Éolienne des Moulins S.E.C.

[10]  Je ne peux accepter l’argument que l’indemnité compensatoire de 11 120,56 $ versée pour le bois debout constitue une perte pour l’appelant. Ce dernier a accepté à l’article 25.1.b) du contrat que la somme versée pour compenser la valeur du bois debout soit établie à ce montant.

[11]  De plus, cette somme versée ne peut tomber sous le coup d’une exemption spécifique de la LIR. Elle constitue donc du revenu agricole aux termes de l’alinéa 3a) et du paragraphe 9(1) de la LIR.

[12]  À mon avis, le montant de 25 $ payé à titre de loyer ne constitue par un paiement compensatoire, mais plutôt un revenu directement tiré pour l'usage de la propriété de l'appelant et imposable aux termes du paragraphe 9(1) de la LIR.

[13]  Le montant forfaitaire de 500 $ prévu à l'article 25.7 du contrat vise à compenser les dommages matériels et inconvénients occasionnés à la propriété de l'appelant. On y précise au deuxième paragraphe qu’il couvre, par exemple, les dommages « aux clôtures, aux chemins forestiers, aux bâtiments et autres installations du Propriétaire » lors des travaux de construction des éoliennes. J’en conclus que ce montant constitue également du revenu qui peut être considéré comme étant le produit d’une disposition d’un bien tel que défini à l’alinéa 54 e) de la LIR.

[14]  Par ailleurs, l’appelant ayant omis de déclarer les sommes ainsi reçues en compensation. Le Ministre était donc justifié, vu ce défaut, d’imposer la pénalité prévue à l’article 163(2) de la LIR.

B.  Revenus de pension et pénalités

[15]  Je suis d’avis que le Juge n’a pas erré en maintenant la cotisation pour l’année d’imposition 2013 puisque l’appelant a reçu des revenus de pension totalisant 63 855 $ mais n’en a déclaré que 43 693,55 $. Il a ainsi sciemment omis de déclarer un revenu de pension de 20 162,84 $. Il s’ensuit que l’imposition d’une pénalité aux termes du paragraphe 163(1) était justifiée puisqu’il avait omis de déclarer des revenus dans les trois années précédentes. En fait, il n’avait pas déclaré certains revenus d’intérêts dans sa déclaration de 2012. Je tiens à souligner, par ailleurs, les explications de l’avocate de l’intimée voulant que l’existence de deux feuillets T4RIF provenant, apparemment, d’émetteurs distincts n’a pas donné lieu à une double imposition, et ce, contrairement à la prétention de l’appelant.

[16]  En conséquence, je propose d’accueillir cet appel en partie, de donner effet à la concession de l’intimée de réduire le revenu de l’appelant provenant de l’exploitation d’une entreprise agricole de 17 242,49 $ à 11 645 $ pour l’année d’imposition 2012, d’y soustraire également la compensation de 500 $ qui doit être considérée comme du revenu provenant de la disposition d’un bien, et d’ordonner que la pénalité imposée aux termes de paragraphe 163(2) de la LIR soit ajustée en proportion des montants ainsi réduits et soustraits, le tout avec dépens en faveur de l’appelant établis à 500 $ incluant les débours et les taxes.

« A.F. Scott »

j.c.a.

«Je suis d’accord.

Johanne Gauthier, j.c.a.»

«Je suis d’accord.

Johanne Trudel, j.c.a.»


COUR D’APPEL FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


Dossier :

A-142-16

INTITULÉ :

RAYNALD GRENIER c. SA MAJESTÉ LA REINE

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Québec (Québec)

 

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 16 novembre 2016

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT :

LE JUGE SCOTT

 

 

Y ONT SOUSCRIT :

LA JUGE GAUTHIER

LA JUGE TRUDEL

 

 

DATE DES MOTIFS :

LE 25 novembre 2016

 

 

COMPARUTIONS :

Raynald Grenier

Se représentant lui-même

 

POUR L’APPELANT

 

Anne Poirier

 

Pour l'intimée

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

William F. Pentney

Sous-procureur général du Canada

Ottawa (Ontario)

 

Pour l'intimée

 

 

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