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Date : 20161117


Dossier : A-70-16

Référence : 2016 CAF 290

CORAM :

LA JUGE GAUTHIER

LA JUGE TRUDEL

LE JUGE SCOTT

 

 

ENTRE :

DAVID LESSARD-GAUVIN

appelant

et

PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

intimé

Audience tenue à Québec (Québec), le 17 novembre 2016.

Jugement rendu à l’audience à Québec (Québec), le 17 novembre 2016.

MOTIFS DU JUGEMENT DE LA COUR :

LA JUGE TRUDEL

 


Date : 20161117


Dossier : A-70-16

Référence : 2016 CAF 290

CORAM :

LA JUGE GAUTHIER

LA JUGE TRUDEL

LE JUGE SCOTT

 

 

ENTRE :

DAVID LESSARD-GAUVIN

appelant

et

PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

intimé

MOTIFS DU JUGEMENT DE LA COUR

(Prononcés à l’audience à Québec (Québec), le 17 novembre 2016.)

LA JUGE TRUDEL

[1]               La Règle 302 des Règles des Cours fédérales D.O.R.S./98-106 prévoit qu’en l’absence d’une ordonnance à l’effet contraire, une demande de contrôle judiciaire ne porte « que sur une seule ordonnance pour laquelle une réparation est demandée. ».

[2]               En l’espèce, l’appelant a déposé, devant la Cour fédérale, une requête en vue d’obtenir une ordonnance l’autorisant à contester, par voie de contrôle judiciaire, deux décisions le concernant. La première décision, en date du 30 septembre 2015, est celle du Ministère de l’Emploi et Développement social Canada qui écarte sa candidature suite à un processus de nomination externe de la fonction publique fédérale.

[3]               La seconde décision est celle de la Commission de la fonction publique du Canada (la Commission) en date du 15 décembre 2015 qui se penche sur la plainte de l’appelant concernant le processus de nomination externe et la supposée ingérence d’un haut fonctionnaire dans ce processus en vue de l’exclure. La Commission a déterminé qu’il n’y avait pas lieu de tenir une enquête. La Commission a jugé que ce haut fonctionnaire détenait de l’information relative au rendement antérieur de l’appelant et que le comité de sélection ne pouvait ignorer cette information. Celle-ci était, en quelque sorte, assimilable à une prise de référence : Il ne s’agissait pas d’une démarche visant à exclure la candidature de l’appelant. Pour la Commission, l’information reçue de l’appelant ne soulevait pas de problème lié à l’application de la LEFP.

[4]               Exerçant sa discrétion, le juge LeBlanc de la Cour fédérale (le Juge) n’a pas fait droit à la requête de l’appelant. Après une brève discussion portant sur la Règle 302, le Juge énonce correctement que la décision de la Commission résulte de l’exercice de son pouvoir d’enquête menée aux termes de l’article 66 de la Loi de l’emploi dans la fonction publique, L.C. 2003 c. 22 (la LEFP).

[5]               Suivant cet énoncé, le Juge se dit d’avis que la requête de l’appelant fait intervenir des considérations liées à la théorie de l’épuisement des recours. Prenant appui sur la jurisprudence constante de la Cour fédérale, le Juge conclut que lorsque le processus administratif a été épuisé, comme c’est le cas ici, c’est la décision du dernier ressort qui est révisable devant la Cour, donc celle de la Commission rejetant la plainte, et non la décision écartant la candidature de l’appelant.

[6]               En conséquence, le Juge rejette la requête de l’appelant et proroge le délai pour le dépôt de la demande de contrôle judiciaire visant la décision de la Commission (ordonnance et motifs du Juge, 2016 CF 227).

[7]               En appel, l’appelant soulève de nombreux motifs pour lesquels l’ordonnance de la Cour fédérale devrait être réformée. En fin de course, nous sommes cependant d’avis que la question principale devant nous est celle de savoir si le Juge, dans l’exercice de sa discrétion, a commis une erreur manifeste et dominante justifiant l’intervention de notre Cour (Hospira Healthcare Corporation v. Kennedy Institute of Rheumatology, 2016 FCA 215, au paragraphe 79, citant Housen c. Nikolaisen, 2002 CSC 33, [2002] 2 R.C.S. 235).

[8]               Nous ne trouvons aucune telle erreur.

[9]               Pour donner raison à l’appelant, il nous faudrait accepter sa théorie selon laquelle la Cour fédérale a erré en ne reconnaissant pas : (a) que l’article 66 de la LEFP n’est pas un « recours alternatif adéquat » qui met ainsi en jeu le principe de l’épuisement des recours et; (b) que la Charte canadienne des droits et libertés et divers instruments internationaux accordent aux justiciables « le droit à un juge », c’est-à-dire « un droit judiciaire fondamental pour toute personne, en toute égalité, à une audition publique et équitable de sa cause, civile ou pénale, par un tribunal compétent, indépendant, impartial et établi par la loi » (mémoire de l’appelant, au paragraphe 59). À l’audition, l’appelant ajoute que ce droit judiciaire fondamental doit pouvoir s’exercer dans un délai approprié, lequel ici lui permettrait de pouvoir être entendu et, le cas échéant, d’être partie du bassin des candidats acceptés pour le poste convoité. Nous notons que cet argument portant sur le délai approprié pour l’accès à la justice n’a pas été plaidé devant le Juge. De plus, l’appelant n’a pas encore déposé la demande de contrôle judiciaire autorisée par le Juge.

[10]           La LEFP prévoit que la Commission a pour mission, entre autres, d’effectuer des enquêtes et des vérifications en matière de nomination à la fonction publique (article 11). En matière de nominations externes, l’article 66 prévoit :

Nominations externes

External appointments

66. La Commission peut mener une enquête sur tout processus de nomination externe; si elle est convaincue que la nomination ou la proposition de nomination n’a pas été fondée sur le mérite ou qu’une erreur, une omission ou une conduite irrégulière a influé sur le choix de la personne nommée ou dont la nomination est proposée, la Commission peut :

66. The Commission may investigate any external appointment process and, if it is satisfied that the appointment was not made or proposed to be made on the basis of merit, or that there was an error, an omission or improper conduct that affected the selection of the person appointed or proposed for appointment, the Commission may

a) révoquer la nomination ou ne pas faire la nomination, selon le cas;

(a) revoke the appointment or not make the appointment, as the case may be; and

b) prendre les mesures correctives qu’elle estime indiquées.

(b) take any corrective action that it considers appropriate.

[11]           Nous sommes d’accord avec le Juge que : « les pouvoirs dévolus à la CFP aux termes de l’article 66 de la [LEFP] présentent les caractéristiques d’un recours adéquat pour celui ou celle qui prétend qu’une nomination ou une proposition de nomination résultant de tout processus de nomination externe n’a pas été fondée sur le mérite ou qu’une erreur, une omission ou une conduite irrégulière a influé sur le choix de la personne nommée ou dont la nomination est proposée. ».

[12]           Il s’agit d’un recours commode faisant appel à l’expertise de la Commission en matière d’emploi dans la fonction publique. Il s’agit d’un recours qui se veut rapide, économique tout en permettant à un plaignant d’obtenir une réparation, le cas échéant. En l’espèce, nous notons, comme le fait l’intimé dans son mémoire, que les remèdes recherchés par l’appelant entrent dans le champ de compétence de la Commission.

[13]           La lettre de décision de la Commission démontre clairement que celle-ci s’est penchée sur les motifs de la plainte de l’appelant avant de décider qu’ils ne justifiaient pas la tenue d’une enquête. Il s’agit bel et bien d’une décision finale sur le mérite de la plainte et non sur sa recevabilité, comme le plaide l’appelant. Il est vrai que la Commission n’a pas répondu à l’ensemble des doléances de l’appelant mais au seul motif que les motifs de plainte n’étaient pas de sa juridiction. La Commission a revu la plainte de l’appelant à la lumière des lignes directrices applicables, référant ce dernier au Commissariat à la protection de la vie privée du Canada et au Commissariat à l’intégrité du secteur public du Canada relativement à ses allégations de divulgation d’information personnelle et de discrimination.

[14]           Cette décision représente l’aboutissement du processus administratif auquel l’appelant avait droit sous la LEFP. Il en ressort, comme en a décidé le Juge, que « lorsque le processus administratif a été épuisé, c’est la décision de dernier ressort qui est révisable » devant la Cour fédérale (motifs du Juge, au paragraphe 10).

[15]           Cependant, cela ne veut pas dire que la cour de révision ne prendra pas connaissance de la première décision écartant la candidature de l’appelant. Il est difficile d’imaginer un examen de la raisonnabilité des conclusions de fait ou mixtes de droit et de fait de la Commission (ici que les notes du haut fonctionnaire sont assimilables à une prise de référence) sans qu’un regard ne soit jeté sur la décision initiale et la manière dont elle a été prise. Surtout qu’en l’instance, l’appelant déclare avoir déjà fait la démonstration, dans un autre dossier, de fausses représentations faites à la Commission par un analyste ministériel.

[16]           Ceci dit, il n’en découle pas que le Juge a erré en ne permettant pas à l’appelant de se porter en révision judiciaire à la fois de cette première décision et de la seconde dans le cadre d’une même demande de contrôle judiciaire, comme il tente de le faire.

[17]           Nous nous tournons maintenant brièvement sur les arguments de l’appelant quant à la Charte et aux divers instruments internationaux auxquels il fait référence au paragraphe 42 de son mémoire des faits et du droit.

[18]           Le Juge en traite au paragraphe 23 de ses motifs :

[23] Enfin, le demandeur ne m’a démontré en quoi le fait de ne pas pouvoir contester à la fois la décision du Ministère et celle de la CFP interpellait la Déclaration canadienne des droits, SC 1960, ch 44, ou mettait en cause, d’une manière qui justifie l’intervention de la Cour, le Pacte international relatif aux droits civils et politiques ou encore la Déclaration américaine des droits et devoirs de l’Homme. Le demandeur n’est pas confronté à un problème d’accès aux tribunaux. La question est plutôt de déterminer si cet accès doit respecter la structure décisionnelle mise en place par le législateur aux termes de la Loi.

[19]           L’appelant ne nous a pas persuadés que le Juge avait eu tort d’ainsi conclure. Nous ne trouvons aucune erreur manifeste et dominante justifiant notre intervention.

[20]           En conséquence, l’appel sera rejeté avec dépens fixés à la somme de 350 $ incluant les débours et les taxes.

« Johanne Trudel »

j.c.a.

 


COUR D’APPEL FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


Dossier :

A-70-16

APPEL D’UN JUGEMENT DE LA COUR FÉDÉRALE RENDU LE 19 FÉVRIER 2016 (2015 CF 227)

INTITULÉ :

DAVID LESSARD-GAUVIN c. PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Québec (Québec)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 17 novembre 2016

 

MOTIFS DU JUGEMENT DE LA COUR :

LA JUGE GAUTHIER

LA JUGE TRUDEL

LE JUGE SCOTT

 

PRONONCÉS À L’AUDIENCE :

LA JUGE TRUDEL

 

COMPARUTIONS :

David Lessard-Gauvin

Se représentant lui-même

 

Pour l'appelant

 

Ludovic Sirois

 

Pour l'intimé

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

William F. Pentney

Sous-procureur général du Canada

Ottawa (Ontario)

 

Pour l'intimé

 

 

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