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Date : 20161110


Dossiers : A-321-15

A-323-15

Référence : 2016 CAF 277

[TRADUCTION FRANÇAISE]

CORAM :

LA JUGE DAWSON

LE JUGE NEAR

LA JUGE WOODS

 

 

ENTRE :

MONROE SOLUTIONS GROUP INC.

demanderesse

et

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

défendeur

Audience tenue à Toronto (Ontario), le 10 novembre 2016.

Jugement rendu à Toronto (Ontario), le 10 novembre 2016.

MOTIFS DU JUGEMENT :

LA JUGE DAWSON

 

Y ONT SOUSCRIT :

LE JUGE NEAR

LA JUGE WOODS

 


Date : 20161110


Dossiers : A-321-15

A-323-15

Référence : 2016 CAF 277

CORAM :

LA JUGE DAWSON

LE JUGE NEAR

LA JUGE WOODS

 

 

ENTRE :

MONROE SOLUTIONS GROUP INC.

demanderesse

Et

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

défendeur

MOTIFS DU JUGEMENT

LA JUGE DAWSON

[1]  La Cour est saisie de deux demandes de contrôle judiciaire qui ont trait à deux initiatives du gouvernement fédéral, soit le Programme d’innovation Construire au Canada (PICC) et le Programme canadien pour la sûreté et la sécurité (PCSS), pour lesquelles Travaux publics et Services gouvernementaux Canada (TPSGC) a lancé des appels de propositions. Monroe Solutions Group Inc. a donné suite à ces appels en présentant, relativement au PICC, une proposition qui a été rejetée du fait de son non-respect de critères obligatoires applicables et, relativement au PCSS, deux propositions d’innovations qui n’ont pas été retenues en raison de difficultés diverses.

[2]  En conséquence, Monroe a déposé des plaintes auprès du Tribunal canadien du commerce extérieur. Le Tribunal a d’abord accepté d’enquêter sur les plaintes; or TPSGC lui a demandé, par voie de requête présentée au titre de l’article 24 des Règles du Tribunal canadien du commerce extérieur, DORS/91‑499, de rendre une ordonnance mettant fin à l’enquête. Le Tribunal a rendu l’ordonnance et a rejeté les plaintes du fait de l’application de l’alinéa 506(12)h) de l’Accord sur le commerce intérieur qui permet le recours à une procédure différente de passation de marchés publics lorsqu’« un seul fournisseur est en mesure de satisfaire aux conditions du marché public » ou lorsque le marché public porte « sur un prototype ou un produit ou service nouveau devant être mis au point dans le cadre d’un marché particulier en matière de recherche, d’essai, d’étude ou de conception originale, mais non pour quelque achat ultérieur ». Les plaintes étaient donc sans fondement.

[3]  Les demandes de contrôle judiciaire visent deux décisions rendues par le Tribunal : le dossier no PR‑2014‑053 portant sur la proposition relative au PICC et les dossiers nos PR‑2014‑054 et PR‑2014‑056 portant sur les propositions relatives au PCSS.

[4]  S’agissant de ces demandes, Monroe fait valoir les arguments suivants à l’appui de sa demande d’annulation des décisions du Tribunal :

  • i L’interprétation que le Tribunal a faite des dispositions pertinentes de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur, L.R.C. 1985, ch. 47 (4e suppl.), (la Loi) et de l’article 506 de l’Accord sur le commerce intérieur est susceptible de contrôle selon la norme de la décision correcte.

  • ii Le Tribunal a mal interprété la compétence que lui confère le paragraphe 30.13(5) de la Loi ou a appliqué à mauvais droit l’article 506 de l’Accord sur le commerce intérieur.

  • iii Subsidiairement, si la norme de contrôle applicable est celle de la décision raisonnable, la décision du Tribunal était déraisonnable.

  • iv Le Tribunal a manqué à son devoir d’équité procédurale en ne donnant pas à Monroe la possibilité de présenter des observations sur le fondement de ses plaintes.

[5]  Je ne suis pas de cet avis pour les motifs suivants.

[6]  L’interprétation que fait le Tribunal de la Loi ou de l’Accord sur le commerce intérieur correspond à celle du décideur administratif qui interprète sa loi habilitante ou une disposition intimement liée à sa fonction. Ni le contexte législatif ni la nature des questions d’interprétation en cause ne permettent de réfuter la présomption d’application de la norme de la décision raisonnable.

[7]  En outre, le procureur général fait valoir, à juste titre, qu’aucune véritable question de compétence ne se pose. En effet, aux termes de l’alinéa 10a) du Règlement sur les enquêtes du Tribunal canadien du commerce extérieur sur les marchés publics (DORS/93-602), le Tribunal peut ordonner le rejet d’une plainte lorsque, après avoir pris en considération les dispositions législatives et les ententes pertinentes, il conclut que « la plainte ne s’appuie sur aucun fondement valable ». Voilà la disposition sur laquelle le Tribunal s’est fondé pour rendre ses décisions.

[8]  Le Tribunal a conclu à l’absence de fondement des plaintes, étant d’avis que les marchés publics étaient visés par l’alinéa 506(12)h) de l’Accord sur le commerce intérieur. Il s’ensuit que la question qui se pose dans les présentes demandes est de savoir s’il était raisonnable pour le Tribunal de conclure à l’application de l’alinéa 506(12)h) de l’Accord sur le commerce intérieur aux processus en question.

[9]  Dans ses demandes, Monroe ne conteste pas la conclusion du Tribunal selon laquelle les marchés publics portent sur un « prototype [...] devant être mis au point ». Il conteste la conclusion du Tribunal selon laquelle « un seul fournisseur est en mesure de satisfaire aux conditions du marché public ».

[10]  Dans sa décision (dossier no PR-2014-053) portant sur la proposition relative au PICC, le Tribunal s’est exprimé ainsi au paragraphe 21 de ses motifs :

21.  Le processus décrit dans l’AP mène à un résultat plutôt particulier : les types de biens et services innovateurs offerts dans le cadre des propositions présélectionnées orientent les besoins du gouvernement, grâce au processus de jumelage avec un ministère pour la mise à l’essai, au lieu de répondre à un besoin déjà cerné par le gouvernement. Ainsi, par définition, un seul fournisseur, à savoir l’auteur d’une proposition donnée, « est en mesure de satisfaire aux conditions du marché public », et la condition énoncée au paragraphe 506(12) est par conséquent remplie.

[En italique dans l’original]

[11]  De même, dans sa décision (dossiers nos PR‑2014‑054 et PR‑2014‑056) portant sur les deux propositions relatives au PCSS, le Tribunal a fait les observations suivantes au paragraphe 22 :

22.  La procédure décrite dans l’AP a ceci de particulier, que les fournitures et services retenus aux fins de l’octroi de fonds ne répondent pas à un besoin déjà cerné par le gouvernement, mais mettent en lumière un besoin. Ainsi, par définition, un seul fournisseur, le partenaire non gouvernemental dans une proposition donnée, sera « en mesure de satisfaire aux conditions du marché public », de sorte que l’exigence énoncée au paragraphe 506(12) est remplie.

[En italique dans l’original]

[12]  À mon avis, Monroe n’a pas réussi à démontrer que l’analyse du Tribunal n’était pas justifiée, transparente ou intelligible, ni que la décision ne fait pas partie des issues rationnelles et acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit.

[13]  Ainsi, l’interprétation qu’a faite le Tribunal de l’Accord sur le commerce intérieur était raisonnable eu égard aux circonstances particulières du PICC et du PCSS. Il était expressément indiqué dans chaque appel de propositions qu’aucune garantie n’était offerte aux soumissionnaires retenus à la présélection, un tel libellé étant l’indication d’un processus à fournisseur unique.

[14]  L’article 2.2 de l’appel de propositions lancé dans le cadre du PICC était libellé ainsi :

La création des bassins de soumissionnaires préqualifiés est approuvée « en principe » et ne constituera pas une garantie de la part du Canada qu’un contrat sera attribué. « Approuvé en principe aux fins de considérations contractuelles » est défini comme une acceptation conditionnelle des propositions, sous réserve de respecter les critères indiqués dans la Partie 5, Méthode de sélection, et les exigences relatives au financement disponible.

[15]  Dans le cas du PCSS, les sommaires, les propositions complètes et les étapes de l’appel de propositions ont permis de dresser une liste restreinte de fournisseurs avec lesquels le Canada pouvait négocier un contrat si ceux-ci remplissaient un certain nombre de conditions supplémentaires.

[16]  Enfin, je ne suis pas convaincue qu’il y a eu manquement à l’équité procédurale. Monroe a présenté des observations au Tribunal sur l’application du paragraphe 506(12) de l’Accord sur le commerce intérieur et elle est réputée savoir que le Tribunal peut rejeter une plainte s’il est convaincu de son absence de fondement.

[17]  Par conséquent, je rejetterais les présentes demandes de contrôle judiciaire, avec dépens.

« Eleanor R. Dawson »

j.c.a.

« Je suis d’accord.

D.G. Near, j.c.a. »

« Je suis d’accord.

« Judith M. Woods, j.c.a. »

Traduction certifiée conforme

Andrée Morin, jurilinguiste


COUR D’APPEL FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


Dossiers :

A-321-15 et A-323-15

 

INTITULÉ DE LA CAUSE :

MONROE SOLUTIONS GROUP INC. c. LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA 

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

TORONTO (ONTARIO)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 10 novembre 2016

 

MOTIFS DU JUGEMENT :

LA JUGE DAWSON

 

Y ONT SOUSCRIT :

LE JUGE NEAR

LA JUGE WOODS

 

DATE DES MOTIFS :

Le 10 novembre 2016

COMPARUTIONS :

Me Laura Van Soelen

 

POUR LA DEMANDERESSE

 

Me Glynis Evans

Me Heather Thompson

 

Pour LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Gowling WLG (Canada) S.E.N.C.R.L., s.r.l.

Avocats

Toronto (Ontario)

 

POUR LA DEMANDERESSE

 

William F. Pentney

Sous-procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

 

Pour LE DÉFENDEUR

 

 

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