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Date : 20161109


Dossier : A-549-15

Référence : 2016 CAF 272

[TRADUCTION FRANÇAISE]

CORAM :

LA JUGE DAWSON

LE JUGE NEAR

LA JUGE WOODS

 

 

ENTRE :

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

appelant

et

R. K. ET C. K.

intimés

Audience tenue à Toronto (Ontario), le 7 novembre 2016.

Jugement rendu à Toronto (Ontario), le 9 novembre 2016.

MOTIFS DU JUGEMENT :

LA JUGE DAWSON

 

Y ONT SOUSCRIT :

LE JUGE NEAR

LA JUGE WOODS

 


Date : 20161109


Dossier : A-549-15

Référence : 2016 CAF 272

[TRADUCTION FRANÇAISE]

CORAM :

LA JUGE DAWSON

LE JUGE NEAR

LA JUGE WOODS

 

 

ENTRE :

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

appelant

et

R. K. ET C. K.

intimés

MOTIFS DU JUGEMENT

LA JUGE DAWSON

[1]               La Section de la protection des réfugiés de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié a rejeté la demande d’asile des intimés, une adulte et son fils en bas âge, au motif que le témoignage de l’adulte manquait de crédibilité.

[2]               Les demandeurs d’asile ont interjeté appel de la décision de la Section de la protection des réfugiés devant la Section d’appel des réfugiés de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié. Ils n’invoquaient aucune erreur de la Section de la protection des réfugiés, mais fondaient plutôt leur appel sur de nouveaux éléments de preuve selon lesquels la demanderesse d’asile adulte aurait été sexuellement agressée pendant sa détention dans son pays d’origine. La Section d’appel a admis ces nouveaux éléments de preuve et décidé de tenir une audience dont l’objet se limiterait, d’une part, à la crédibilité de l’allégation d’agression sexuelle, et d’autre part, dans le cas où elle serait reconnue crédible, au point de savoir si les demandeurs d’asile avaient réfuté la présomption de protection de l’État.

[3]               La Section d’appel a rejeté l’appel des demandeurs d’asile au motif que la nouvelle allégation manquait de crédibilité.

[4]               Dans la décision portant la référence 2015 CF 1304, la Cour fédérale a accueilli la demande de contrôle judiciaire formée par les demandeurs d’asile contre la décision de la Section d’appel, au seul motif que cette dernière avait omis d’examiner de novo les allégations desdits demandeurs d’asile en se fondant sur la totalité de la preuve. La Cour fédérale a rejeté l’argument du ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration selon lequel la Section d’appel n’avait pas à tenir une audience de novo sur la totalité de la preuve, mais seulement sur les nouveaux éléments. Elle a formulé et certifié la question suivante :

Lorsque la Section d’appel des réfugiés (SAR) tient une audience en application du paragraphe 110(6) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, c[h]. 27, est-elle tenue de faire preuve de déférence à l’égard des conclusions en matière de crédibilité tirées par la Section de la protection des réfugiés (SPR)?

[5]               La Cour est ici saisie d’un appel formé par le ministre contre ce jugement de la Cour fédérale.

[6]               Le sort du présent appel me paraît dépendre d’un seul point : l’omission par les demandeurs d’asile, c’est-à-dire les intimés audit appel, de demander une audience de novo devant la Section d’appel. Ayant omis de demander à la Section d’appel de tenir une audience de novo sur la totalité de la preuve, les demandeurs d’asile n’étaient autorisés à mettre en litige devant la Cour fédérale aucune question relative au fait que la Section d’appel n’eût pas tenu une telle audience. La raison en est qu’on ne peut normalement contester le caractère raisonnable d’une décision de la Section d’appel en se fondant sur une question qui n’a pas été portée devant elle, en particulier lorsque, comme en l’espèce, la question soulevée pour la première fois à l’étape du contrôle judiciaire relève des fonctions ou de l’expertise spéciales de ladite Section; voir l’arrêt Alberta (Information and Privacy Commissioner) c. Alberta Teachers’ Association, 2011 CSC 61, [2011] 3 R.C.S. 654, aux paragraphes 23 à 25.

[7]               Les intimés soutiennent devant notre Cour avoir bel et bien soulevé la question d’une audience de novo devant la Section d’appel. Je ne peux souscrire à cette affirmation pour les raisons suivantes :

i.                     La mesure de réparation sollicitée par les intimés dans le mémoire qu’ils ont déposé devant la Section d’appel était une ordonnance annulant la décision de la Section de la protection des réfugiés et renvoyant l’affaire à celle-ci pour nouvelle audience. Or, cette mesure est incompatible avec la tenue d’une audience de novo devant la Section d’appel.

ii.                   La liste des questions à examiner à l’audience dressée par la Section d’appel portait que ladite audience serait [TRADUCTION] « limitée » aux questions suivantes :

[TRADUCTION]

1.         L’allégation de viol formulée par l’appelante principale […] dans son affidavit (pages 18 à 24 de son dossier) est-elle crédible et digne de foi?

2.         Dans l’affirmative, l’appelante principale et l’appelant mineur […] ont-ils droit à l’asile sous le régime des articles 96 ou 97 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 (la LIPR), et, en particulier, est-il établi que les appelants ont réfuté la présomption  de protection de l’État?

3.         La totalité des nouveaux éléments de preuve.

La Section d’appel, dans la liste modifiée des questions en litige qu’elle a établie après l’admission des nouveaux éléments de preuve, a répété que l’audience se limiterait aux deux premières questions.

Les intimés n’ont soulevé aucune objection à la formulation des questions en litige par la Section d’appel.

iii.                  Le président de l’audience et l’avocat des intimés ont échangé les propos suivants à l’audience de la Section d’appel :

[TRADUCTION]

PRÉSIDENT DE L’AUDIENCE :   Bon. Comme nous en avons convenu plus tôt, Maître, la présente audience découle de la contestation d’une décision de la SPR et de la production de nouveaux éléments de preuve. Elle se limitera à l’examen de la question de l’agression sexuelle.

Je vais d’abord passer en revue la liste des pièces. Je vais admettre ces éléments de preuve, c’est-à-dire que je les diviserai en deux catégories : la preuve initiale communiquée à la Commission avec la demande d’audience, et les éléments produits par la suite. Et je vais vous expliquer pourquoi je dois rejeter ceux-ci.

(Transcription, page 1105, lignes 26 à 34.)

[…]

PRÉSIDENT DE L’AUDIENCE :   Eh bien non, l’agression sexuelle forme toute la question, laissez-moi l’examiner.

AVOCAT :     Oui, bien sûr.

PRÉSIDENT DE L’AUDIENCE :   La présente audience a été accordée au motif d’une nouvelle question qui n’avait pas été soulevée à la première audience.

AVOCAT :     Oui.

PRÉSIDENT DE L’AUDIENCE :   C’est très simple : la question à trancher – la nouvelle question – est celle de l’agression sexuelle.

AVOCAT :     D’accord.

PRÉSIDENT DE L’AUDIENCE :   Alors je vous demande de limiter vos questions à ce point.

AVOCAT :     Très bien.

(Transcription, page 1107, lignes 27 à 44.)

[…]

PRÉSIDENT DE L’AUDIENCE :   Il s’agit donc ici des articles 96 et 97. Mais l’objet, je suppose – ce qui me préoccupait à propos des documents que vous avez déposés en dernier, malgré le fait qu’ils ne relevaient pas de l’article 29 des Règles, c’est qu’une bonne partie d’entre eux se rapportaient à la première décision de la Commission et visaient à y répondre. Or, ce n’est pas là l’objet de la présente audience.

AVOCAT :     D’accord.

PRÉSIDENT DE L’AUDIENCE :   La présente audience a pour seul objet l’examen de la nouvelle preuve.

AVOCAT :     Oui, bien sûr.

PRÉSIDENT DE L’AUDIENCE :   Et non de vous permettre de répondre à la première décision de la SPR ou d’essayer de la réfuter. Nous sommes bien d’accord?

J’ajoute que vos observations appuient ce que je viens de dire.

AVOCAT :     Mm-hmm.

PRÉSIDENT DE L’AUDIENCE :   Vous avez pratiquement – en fait vous reconnaissez explicitement dans vos observations, que j’ai relues hier soir, le caractère raisonnable de la conclusion de la Commission, abstraction faite de cette question qui n’a pas été portée devant elle.

AVOCAT :     Effectivement.

PRÉSIDENT DE L’AUDIENCE :   Alors c’est vraiment là la seule question à trancher.

AVOCAT :     Oui.

PRÉSIDENT DE L’AUDIENCE :   Nous sommes bien d’accord?

AVOCAT :     Tout à fait.

(Transcription, page 1108, lignes 6 à 36.)

[…]

(PRÉSIDENT DE L’AUDIENCE) :   Y a-t-il autre chose, Maître? Laissez-moi vérifier que je n’ai rien oublié.

Pour ce qui concerne la question à trancher, je répète que c’est l’article 57 des Règles qui limite l’audience aux questions communiquées avec l’avis de convocation. Je pense que vous comprenez cela, Maître.

AVOCAT :     Oui.

(Transcription, page 1109, lignes 5 à 11.)

[8]               Ces faits sont incompatibles avec la prétention des intimés selon laquelle ils auraient demandé une audience intégralement de novo devant la Section d’appel.

[9]               Les intimés soutiennent également que l’appelant est mal fondé à faire valoir pour la première fois dans le présent appel que la question de l’audience de novo n’avait pas été valablement portée devant la Cour fédérale. Cet argument des intimés est sans fondement, au motif que son contenu ne figure ni dans leur demande d’autorisation et de contrôle judiciaire, ni parmi les quatre points qu’ils ont mis en litige dans le mémoire des faits et du droit déposé au soutien de cette demande.

[10]           Pour ces motifs, j’accueillerais l’appel et j’annulerais le jugement de la Cour fédérale. Prononçant le jugement que la Cour fédérale aurait dû prononcer, je rejetterais la demande de contrôle judiciaire. Je refuserais en outre de répondre à la question certifiée, au motif que la question d’une audience intégralement de novo et celle, connexe, du degré de retenue que commandent les conclusions de la Section de la protection des réfugiés n’avaient pas été soulevées devant la Section d’appel et ne pouvaient donc l’être valablement devant la Cour fédérale. Dans le cas où elles seraient soulevées ultérieurement, notre Cour et la Cour fédérale devraient pouvoir profiter des opinions de la Section d’appel sur ces questions.

« Eleanor R. Dawson »

j.c.a.

« Je suis d’accord.

D.G. Near, j.c.a. »

« Je suis d’accord.

Judith M. Woods, j.c.a. »

Traduction certifiée conforme

Mario Lagacé, jurilinguiste

 


COUR D’APPEL FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

A-549-15

 

 

INTITULÉ :

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION c. R. K. ET C. K.

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

TORONTO (ONTARIO)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 7 NOVEMBRE 2016

 

MOTIFS DU JUGEMENT :

LA JUGE DAWSON

 

Y ONT SOUSCRIT :

LE JUGE NEAR

LA JUGE WOODS

 

DATE DES MOTIFS :

LE 9 NOVEMBRE 2016

COMPARUTIONS :

Negar Hashemi

Lucan Gregory

 

POUR L’APPELANT

 

Prasanna Balasundaram

Cheryl Robinson

POUR LES INTIMÉS

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

William F. Pentney

Sous-procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

 

POUR L’APPELANT

 

Downtown Legal Services

Avocats

Toronto (Ontario)

 

POUR LES INTIMÉS

 

Desloges Law Group

Avocats

Toronto (Ontario)

POUR LES INTIMÉS

 

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