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Date : 20161117


Dossier : A-201-16

Référence : 2016 CAF 287

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Présent : LE JUGE STRATAS

ENTRE :

ADE OLUMIDE

appelant

et

SA MAJESTÉ LA REINE DU CHEF DU CANADA, LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA, LE COMMISSAIRE AUX ÉLECTIONS FÉDÉRALES, L’ALLIANCE DU NORD, L’ANIMAL ALLIANCE ENVIRONMENT VOTERS PARTY OF CANADA, LE BLOC QUÉBÉCOIS, LE PARTI CANADA, LE PARTI ACTION CANADIENNE, LE PARTI DE L’HÉRITAGE CHRÉTIEN DU CANADA, LE PARTI COMMUNISTE DU CANADA, LE PARTI CONSERVATEUR DU CANADA, LE PARTI POUR L’AVANCEMENT DE LA DÉMOCRATIE AU CANADA, FORCES ET DÉMOCRATIE, LE PARTI VERT DU CANADA, LE PARTI LIBÉRAL DU CANADA, LE PARTI LIBERTARIEN DU CANADA, LE PARTI MARIJUANA, LE PARTI MARXISTE-LÉNINISTE DU CANADA, LE NOUVEAU PARTI DÉMOCRATIQUE, LE PARTI POUR LA RESPONSABILISATION, LA COMPÉTENCE ET LA TRANSPARENCE, LE PARTI PIRATE DU CANADA, LE PARTI PROGRESSISTE CANADIEN, LE PARTI RHINOCÉROS, LE PARTI DES AÎNÉS DU CANADA, LE PARTI POUR NOUER DES LIENS ENTRE CANADIENS, LE PARTI UNI DU CANADA, LE FIRST PEOPLES NATIONAL PARTY OF CANADA, LE PARTI DE LA LOI NATURELLE DU CANADA, LE NEWFOUNDLAND AND LABRADOR FIRST PARTY, POUVOIR POLITIQUE DU PEUPLE DU CANADA, LE WORK LESS PARTY ET LE WESTERN BLOCK PARTY

intimés

Requête jugée sur dossier sans comparution des parties

Ordonnance rendue à Ottawa (Ontario), le 17 novembre 2016.

MOTIFS DE L’ORDONNANCE :

LE JUGE STRATAS

 


Date : 20161117


Dossier : A-201-16

Référence : 2016 CAF 287

Présent : LE JUGE STRATAS

ENTRE :

ADE OLUMIDE

appelant

et

SA MAJESTÉ LA REINE DU CHEF DU CANADA, LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA, LE COMMISSAIRE AUX ÉLECTIONS FÉDÉRALES, L’ALLIANCE DU NORD, L’ANIMAL ALLIANCE ENVIRONMENT VOTERS PARTY OF CANADA, LE BLOC QUÉBÉCOIS, LE PARTI CANADA, LE PARTI ACTION CANADIENNE, LE PARTI DE L’HÉRITAGE CHRÉTIEN DU CANADA, LE PARTI COMMUNISTE DU CANADA, LE PARTI CONSERVATEUR DU CANADA, LE PARTI POUR L’AVANCEMENT DE LA DÉMOCRATIE AU CANADA, FORCES ET DÉMOCRATIE, LE PARTI VERT DU CANADA, LE PARTI LIBÉRAL DU CANADA, LE PARTI LIBERTARIEN DU CANADA, LE PARTI MARIJUANA, LE PARTI MARXISTE-LÉNINISTE DU CANADA, LE NOUVEAU PARTI DÉMOCRATIQUE, LE PARTI POUR LA RESPONSABILISATION, LA COMPÉTENCE ET LA TRANSPARENCE, LE PARTI PIRATE DU CANADA, LE PARTI PROGRESSISTE CANADIEN, LE PARTI RHINOCÉROS, LE PARTI DES AÎNÉS DU CANADA, LE PARTI POUR NOUER DES LIENS ENTRE CANADIENS, LE PARTI UNI DU CANADA, LE FIRST PEOPLES NATIONAL PARTY OF CANADA, LE PARTI DE LA LOI NATURELLE DU CANADA, LE NEWFOUNDLAND AND LABRADOR FIRST PARTY, POUVOIR POLITIQUE DU PEUPLE DU CANADA, LE WORK LESS PARTY ET LE WESTERN BLOCK PARTY

intimés

MOTIFS DE L’ORDONNANCE

LE JUGE STRATAS

[1]               Certains intimés au présent appel ont demandé une ordonnance déclarant l’appelant plaideur quérulent. L’appelant a ensuite déposé un document irrégulier supposé porter désistement de son appel.

[2]               Trois questions ont été soulevées ici. Le document irrégulier susdit entraîne-t-il le désistement de l’appel? Dans l’affirmative, la requête visant à faire déclarer l’appelant plaideur quérulent subsiste-t-elle? Vu les faits de la présente espèce, la Cour peut-elle répondre à ces questions dans le cadre d’une requête visant à obtenir des directives sur le fondement de l’article 54 des Règles?

[3]               Pour les motifs dont l’exposé suit, je réponds à ces trois questions par l’affirmative. Certaines questions administratives se posent en conséquence, et une ordonnance sera rendue pour les régler.

A.                Rappel des faits

[4]               Le présent appel vise une ordonnance de la Cour fédérale en date du 9 juin 2016, rendue dans le dossier T-892-16, par laquelle le juge Bell a prescrit la poursuite à titre d’instance à gestion spéciale de la demande portée devant ladite cour.

[5]               Quelque trois mois après l’introduction du présent appel, deux des intimés, soit Sa Majesté la Reine du chef du Canada et le procureur général du Canada, ont formé sur le fondement de l’article 40 de la Loi sur les Cours fédérales, L.R.C. (1985), ch. F-7, une requête visant à faire déclarer l’appelant, M. Olumide, plaideur quérulent. Si cette requête est accueillie, il sera interdit à M. Olumide d’introduire ou de poursuivre des instances devant la Cour. À l’heure actuelle, la Cour est saisie de cinq autres instances introduites par M. Olumide.

[6]               Environ un mois et demi plus tard, la Cour a rendu une ordonnance qui, entre autres dispositions, interdisait au greffe d’accepter pour dépôt tout document que M. Olumide lui présenterait jusqu’à preuve du paiement des dépens fixés dans des ordonnances antérieures, qui totalisaient 800 $.

[7]               M. Olumide a fourni cette preuve au greffe et lui a présenté un avis de désistement du présent appel, que le greffe a accepté pour dépôt.

B.                La lettre qui a donné naissance à la présente procédure

[8]               Trois des intimés, soit Sa Majesté la Reine du chef du Canada, le procureur général du Canada et le ministre du Revenu national (ci-après collectivement désignés le « Canada »), ont adressé à la Cour une lettre dont découle la présente procédure.

[9]               La première partie de cette lettre rend compte des circonstances dans lesquelles M. Olumide a payé les dépens de 800 $. Il s’était d’abord trompé sur le service auquel adresser ce paiement. Il appert que cette erreur a maintenant été corrigée. Par conséquent, à mon sens, rien ne s’oppose plus à ce que le greffe accepte pour dépôt l’avis de désistement. Ce dépôt, en effet, n’enfreint pas les dispositions de l’ordonnance antérieure de la Cour.

[10]           Le Canada affirme, dans la seconde partie de la lettre, que le présent appel subsiste. Le Canada y soutient également que, sans égard au point de savoir si l’appel subsiste, la requête visant à faire déclarer M. Olumide plaideur quérulent n’est pas éteinte.

[11]           M. Olumide, dans sa réponse à la lettre du Canada, a confirmé avoir corrigé son erreur en adressant le paiement des dépens non réglés au service compétent. Il a aussi adressé à l’avocat de l’intimé, en mettant la Cour en copie, un exemplaire de sa traite bancaire, et il a informé l’avocat que cette traite servirait [traduction] « de pièce à conviction dans une poursuite au criminel contre [l’intimé] ».

[12]           M. Olumide n’a pas répondu aux affirmations dans la lettre selon lesquelles subsistaient l’appel et la requête visant à le faire déclarer plaideur quérulent. Il n’a pas soutenu que la Cour doive s’abstenir d’examiner la lettre en question. S’il est vrai qu’il s’oppose à la requête susdite, il n’a jamais prétendu qu’elle ne serait pas recevable.

[13]           J’interprète la lettre du Canada comme une requête visant à obtenir des directives sur le fondement de l’article 54 des Règles. Le Canada y demande en effet des directives concernant l’état de l’appel et de la requête visant à faire déclarer l’appelant plaideur quérulent.

C.                La Cour devrait-elle donner des directives?

[14]           Il y a des limites au pouvoir de la Cour de donner des directives sous le régime de l’article 54 des Règles. Certaines de ces limites sont fixées aux paragraphes 37 à 47 de l’arrêt Bernard c. Canada (Agence du revenu), 2015 CAF 263, 479 N.R. 189. Il arrive que des parties – même représentées par avocat – demandent des directives sur des questions telles que celles de savoir si les bonnes personnes ont été désignées comme défendeurs ou intimés, si la Cour a compétence sur un point déterminé, s’il existe une règle leur permettant d’accomplir telle action, quelles mesures il convient de prendre contre un document qu’elles estiment irrégulier, et ainsi de suite.

[15]           Il faut voir ces questions pour ce qu’elles sont : une manière pour la partie qui les pose d’obtenir de la Cour des conseils juridiques gratuits.

[16]           Ce n’est pas là notre rôle. La Cour est indépendante des parties, absolument impartiale et neutre.

[17]           Les parties doivent établir elles-mêmes leurs thèses juridiques. En cas de différend, elles peuvent s’adresser à la Cour par voie de requête. La Cour statuera alors sur la requête.

[18]           La Cour a expliqué les choses comme suit aux paragraphes 39 à 41 de l’arrêt Bernard :

En vertu de l’article 54, il n’appartient pas à la Cour de donner des conseils juridiques, tactiques ou pratiques à quelque partie que ce soit. Rien ne saurait remplacer la lecture des Règles et le jugement à porter soi-même sur la façon de les appliquer.

À titre gracieux et officieux, un employé secourable du greffe pourrait tenter d’apporter son aide lorsqu’une demande de renseignements est faite au sujet des Règles, plus particulièrement lorsque quelqu’un agit en justice sans avocat, mais il incombe toujours à toutes les parties, plus particulièrement aux parties représentées par un avocat, de résoudre elles-mêmes les questions procédurales.

Les Règles répondent à peu près à toutes les questions pratiques que posent les instances devant les Cours fédérales. En fait, si certaines questions ne sont pas directement abordées par les Règles, l’article « bouche-trou », à savoir l’article 4, peut aider. L’article 55 permet même au tribunal sur requête de modifier une règle ou d’exempter quelqu’un de son application. Vu ces articles et bien d’autres, rares sont les cas où une partie doit recourir à l’article 54 plutôt que de déposer une requête en application d’un ou de plusieurs autres articles des Règles.

[19]           La Cour a exposé le bon usage de l’article 54 des Règles dans les termes suivants aux paragraphes 42 à 44 du même arrêt :

L’article 54 permet à une partie de présenter une requête « en vue d’obtenir des directives sur la procédure à suivre dans le cadre des [Règles] ». Ce libellé, l’existence des autres articles et la jurisprudence procédurale, ainsi que le rôle de la Cour comme décideur indépendant, impartial et neutre, nous éclairent sur les situations dans lesquelles des directives peuvent être sollicitées et données en application de l’article 54.

Une partie devrait utiliser l’article 54 en dernier recours. En demandant des directives en vertu de cet article, elle devrait préciser l’ambiguïté ou l’incertitude que créent les Règles et les circonstances de l’affaire, la conséquence pratique et l’importance de cette ambiguïté ou de cette incertitude et la raison pour laquelle l’aide de la Cour est nécessaire par voie de requête en vertu de l’article 54 plutôt que de présenter une requête en vertu d’un autre article des Règles ou de trouver soi-même la solution.

Dans le cas de documents déposés – domaine où les parties recherchent fréquemment des directives –, le recours à l’article 54 est toujours inutile. En cas d’ambiguïté ou d’incertitude à propos d’un document à déposer, une partie devrait tenter de le déposer et, si le greffe refuse de l’accepter, elle pourrait demander à celui-ci en application de l’article 72 de soumettre la question à un juge.

[20]           Dans la présente espèce, le Canada n’a pas suivi à la lettre les lignes directrices formulées dans l’arrêt Bernard. Il n’a pas précisé la nature de l’ambiguïté ou de l’incertitude engendrée par les Règles et les circonstances de l’affaire, ni la conséquence pratique et l’importance de cette ambiguïté ou de cette incertitude, ni la raison pour laquelle il lui était nécessaire de demander l’aide de la Cour par la voie d’une requête fondée sur l’article 54.

[21]           Il s’est cependant conformé à l’esprit de ces lignes directrices formulées dans l’arrêt Bernard. Il a en effet présenté suffisamment d’éléments d’information pour définir deux questions à la fois pratiques et importantes : 1) L’appel a-t-il fait l’objet d’un désistement? 2) Quel est l’état de la requête visant à faire déclarer l’appelant plaideur quérulent?

[22]           Dans la présente requête fondée sur l’article 54, le Canada ne demande pas à la Cour d’agir de manière incompatible avec son rôle d’arbitre indépendant, impartial et neutre. Le point de savoir si une instance subsiste ou non est une question que la Cour doit trancher, et elle a compétence plénière pour ce faire; voir le paragraphe 14 de l’arrêt Apotex Inc. c. Allergan, Inc., 2016 CAF 155. De plus, d’un point de vue pratique, le Canada se trouve dans une situation inhabituelle où il ignore s’il est tenu de prendre d’autres mesures en l’appel ou en la requête visant à faire déclarer l’appelant plaideur quérulent.

[23]           Pour ces motifs, la Cour se déclare valablement saisie de la présente requête fondée sur l’article 54 et consent à donner les directives demandées.

D.                L’avis de désistement 

[24]           L’avis de désistement de M. Olumide est un document irrégulier : il n’est pas conforme aux Règles; en fait, celles-ci ne prévoient pas la production d’un document de cette nature.

[25]           Cependant, l’article 56 des Règles dispose que l’inobservation d’une disposition de celles-ci « n’entache pas de nullité […] une mesure prise dans l’instance », mais qu’elle « constitue [plutôt] une irrégularité », laquelle peut être corrigée.

[26]           Qu’est-ce exactement que cet avis de désistement de M. Olumide? Notre tâche est de l’interpréter afin de donner une « appréciation réaliste » de sa « nature essentielle » en nous « employant à en faire une lecture globale et pratique, sans [nous] attacher aux questions de forme », comme il est expliqué au paragraphe 50 de l’arrêt Canada (Revenu national) c. JP Morgan Asset Management (Canada) Inc., 2013 CAF 250, [2014] 2 R.C.F. 557. La nature essentielle de ce document est que M. Olumide y déclare son intention de ne pas poursuivre l’instance, mais sans admettre que celle-ci était mal fondée. En substance, il s’agit d’un avis de désistement de la catégorie visée à l’article 166 des Règles.

[27]           Le désistement d’instance est un acte unilatéral : il n’est pas subordonné au consentement des parties adverses ni à l’autorisation de la Cour; de même, il n’a pas à être expliqué; voir l’arrêt Philipos c. Canada (Procureur général), 2016 CAF 79, au paragraphe 8; et l’arrêt Mayne Pharma (Canada) Inc. c. Pfizer Canada Inc., 2007 CAF 1, 54 C.P.R. (4th) 353. Le dépôt d’un avis de désistement éteint l’instance et clôt le dossier; voir l’arrêt Philipos, précité.

[28]           Comme je le disais plus haut, le greffe a valablement déposé l’avis de désistement. Par conséquent, le présent appel est éteint, et le dossier de la Cour doit être clos.

E.                L’état des requêtes incidentes à une instance ayant fait l’objet d’un désistement

[29]           Le désistement éteint donc l’instance, mais qu’en est-il des requêtes incidentes à celle-ci qui restent pendantes? Il n’existe aucun texte pertinent qui répondrait à cette question. Cependant, la logique peut nous aider. 

[30]           Une fois que l’instance a pris fin par désistement, toutes requêtes visant à régler des différends incidents à cette instance ou à la faire progresser se trouvent dénuées d’objet. Ces requêtes revêtent alors à tout le moins un caractère purement théorique. J’irais plus loin et je conclurais que de telles requêtes, si étroitement liées à l’instance, s’éteignent nécessairement avec celle-ci.

F.                 La requête visant à faire déclarer l’appelant plaideur quérulent est-elle éteinte?

[31]           Comme elle l’a fait pour l’avis de désistement de M. Olumide, la Cour doit interpréter la requête visant à faire déclarer l’appelant plaideur quérulent de manière à donner une appréciation réaliste de sa nature essentielle en s’employant à en faire une lecture globale et pratique, sans s’attacher aux questions de forme.

[32]           La requête susdite ne vise pas à régler un différend incident au présent appel ni à faire progresser celui-ci. Ce n’est pas une requête si étroitement liée à l’appel qu’elle s’éteindrait avec lui.

[33]           Qui plus est, cette requête est de portée plus vaste que l’appel. Elle vise à empêcher M. Olumide non seulement de poursuivre cet appel particulier, mais aussi de poursuivre ou d’introduire toute autre instance devant la Cour sans l’autorisation de cette dernière.

[34]           La Cour a posé en principe, au paragraphe 12 de l’arrêt Coote c. Lawyers’ Professional Indemnity Company, 2014 CAF 98, qu’il est possible de porter une requête de la nature considérée devant l’une des cours fédérales sous forme soit de requête incidente à une instance, soit de demande indépendante, introduisant elle-même une instance. Dans la présente espèce, nous avons affaire à une requête incidente, mais en fait, elle ne se distingue pas d’une demande indépendante.

[35]           L’article 40 de la Loi sur les Cours fédérales confirme ce point de vue. Il dispose que le recours doit être exercé par voie de requête introductive d’instance, c’est-à-dire de demande, et non de requête incidente. Une telle demande – qui n’est ni une demande de contrôle judiciaire ni une demande d’autorisation d’appel pour l’application de l’article 16 de la Loi sur les Cours fédérales, et qui peut donc être instruite par un seul juge – entre dans le champ d’application de l’article 300 des Règles et peut à ce titre être poursuivie comme instance indépendante sous le régime de la partie 5 desdites Règles; voir l’arrêt Canadian National Railway Company v. BNSF Railway Company et al., 2016 FCA 284.

[36]           Pour ces motifs, je conclus que la requête visant à faire déclarer l’appelant plaideur quérulent, qui présente les caractéristiques d’une demande dont l’objet dépasse le cadre de l’instance éteinte, survit d’une certaine manière à celle-ci.

G.               Que peut-on et que doit-on faire en conséquence?

[37]           Une affaire qui subsiste ne peut rester simplement à l’abandon dans les registres du greffe, sans dossier de la Cour. Comme l’article 4 de la Loi sur les Cours fédérales confère à la Cour le statut de cour supérieure d’archives, un dossier doit être constitué, et la requête doit y être versée.

[38]           La requête considérée a été introduite par un avis de requête. Mais un avis de requête n’est pas un acte introductif d’instance; il faut, pour introduire une instance, un avis de demande.

[39]           La présente situation est donc irrégulière. Que peut-on et que doit-on faire pour remédier à cette irrégularité?

[40]           L’article 57 des Règles interdit à la Cour d’annuler un acte introductif d’instance au seul motif que l’instance aurait dû être introduite par un autre acte : c’est là une irrégularité qui peut être corrigée, et l’article 47 des Règles permet à la Cour de la corriger de sa propre initiative.

[41]           Si c’était nécessaire, je pourrais aussi invoquer les articles 4 et 55 des Règles, et la compétence plénière de la Cour pour déterminer sa propre procédure; voir l’arrêt Canada (Revenu national) c. Compagnie d’assurance vie RBC, 2013 CAF 50, [2013] 3 C.T.C. 126, aux paragraphes 33 à 36; et l’arrêt Mazhero c. Fox, 2014 CAF 219, au paragraphe 4.

[42]           Dans la présente espèce, il convient de considérer l’avis de requête comme un avis de demande, d’ordonner au greffe d’ouvrir un nouveau dossier pour la demande, et d’autoriser le versement à ce nouveau dossier des écritures et pièces antérieurement versées au dossier de la requête. Cette manière de faire permet de reprendre le litige, qui subsiste, là où on l’avait laissé : elle évite la nécessité de remanier ou refaire et de déposer à nouveau les écritures déjà déposées. La Cour peut ainsi, conformément à l’article 3 des Règles, « apporter une solution au litige qui soit juste et la plus expéditive et économique possible ». Cette formule est également conforme à la consigne récente de la Cour suprême invitant les tribunaux judiciaires à élaborer et à appliquer des pratiques et procédures propres à promouvoir l’équité, la rapidité, l’efficacité, l’économie des ressources judiciaires et la réduction des coûts au minimum; voir l’arrêt Hryniak c. Mauldin, 2014 CSC 7, [2014] 1 R.C.S. 87.

H.                Les questions administratives à régler

[43]           Comme il est inévitable, certaines questions administratives se posent en conséquence, qu’il faut maintenant régler. Une ordonnance sera rendue à cette fin.

[44]           Le greffe considérera l’avis de requête fondé sur l’article 40 de la Loi sur les Cours fédérales comme un avis de demande et il ouvrira un nouveau dossier pour cette demande.

[45]           Le greffe tirera du dossier de requête auparavant déposé dans le dossier d’appel un exemplaire de l’avis de requête, qui devra dorénavant être considéré comme un avis de demande. Il versera cet exemplaire au nouveau dossier, puis communiquera aux parties le numéro de celui-ci.

[46]           Les présents motifs et la présente ordonnance seront versés au nouveau dossier.

[47]           L’intitulé de la cause à inscrire sur tous les documents ultérieurs relatifs à la demande sera le suivant. Les demandeurs seront les requérants de la requête visant à faire déclarer l’appelant plaideur quérulent, soit « Sa Majesté du chef du Canada et le procureur général du Canada ». Le défendeur sera « Ade Olumide ».

[48]           Les demandeurs au nouveau dossier paieront le droit de dépôt que prévoit l’article 1(d) du tarif A pour les avis de demande.

[49]           Le contenu du dossier de requête, y compris l’affidavit à l’appui et les observations écrites, sera versé au nouveau dossier. Ce contenu sera réputé constituer le dossier des demandeurs à la nouvelle instance pour l’application de l’article 309 des Règles.

[50]           Dans le cadre de l’appel, M. Olumide n’a pas répondu à la requête visant à le faire déclarer plaideur quérulent, et le délai dont il disposait à cette fin est expiré. Cependant, comme cette requête est maintenant continuée sous forme de demande indépendante, l’équité commande l’octroi à M. Olumide d’une autre chance de répondre au dossier des demandeurs.

[51]           Dans les 20 jours à compter de la présente directive, M. Olumide pourra signifier des affidavits visés à l’article 307 des Règles, et les parties pourront contre-interroger les auteurs des affidavits dans les 20 jours suivants conformément à l’article 308 des mêmes Règles. M. Olumide déposera son dossier conformément à l’article 310 des Règles dans les 20 jours suivant la date du contre-interrogatoire des auteurs des affidavits ou dans les 20 jours suivant l’expiration du délai prévu pour sa tenue, selon celui de ces délais qui est antérieur à l’autre. Les demandeurs au nouveau dossier déposeront ensuite leur demande d’audience conformément à l’article 314 des Règles.

[52]           Il sera rendu une ordonnance donnant effet aux instructions qui précèdent.

« David Stratas »

j.c.a.


COUR D’APPEL FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

A-201-16

 

INTITULÉ :

ADE OLUMIDE c. SA MAJESTÉ LA REINE DU CHEF DU CANADA ET AUTRES

 

REQUÊTE JUGÉE SUR DOSSIER SANS COMPARUTION DES PARTIES

MOTIFS DE L’ORDONNANCE :

LE JUGE STRATAS

 

DATE DES MOTIFS :

LE 17 NOVEMBRE 2016

 

OBSERVATIONS ÉCRITES :

Ade Olumide

 

PLAIDANT POUR LUI-MÊME

 

Daniel Caron

 

POUR SA MAJESTÉ LA REINE ET LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA, INTIMÉS

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

William F. Pentney

Sous-procureur général du Canada

 

POUR SA MAJESTÉ LA REINE ET LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA, INTIMÉS

 

 

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