Décisions de la Cour d'appel fédérale

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Date : 20161108


Dossier : A-538-15

Référence : 2016 CAF 271

[TRADUCTION FRANÇAISE]

CORAM :

LA JUGE TRUDEL

LE JUGE SCOTT

LA JUGE GLEASON

 

 

ENTRE :

CHRIS HUGHES

appelant

et

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

et

LA COMMISSION CANADIENNE DES DROITS DE LA PERSONNE

intimés

Audience tenue à Ottawa (Ontario), le 8 novembre 2016.

Jugement rendu à l’audience à Ottawa (Ontario), le 8 novembre 2016.

MOTIFS DU JUGEMENT DE LA COUR :

LA JUGE GLEASON

 


Date : 20161108


Dossier : A-538-15

Référence : 2016 CAF 271

[TRADUCTION FRANÇAISE]

CORAM :

LA JUGE TRUDEL

LE JUGE SCOTT

LA JUGE GLEASON

 

 

ENTRE :

CHRIS HUGHES

appelant

et

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

et

LA COMMISSION CANADIENNE DES DROITS DE LA PERSONNE

intimés

MOTIFS DU JUGEMENT DE LA COUR

(Rendus à l’audience à Ottawa (Ontario), le 8 novembre 2016.)

LA JUGE GLEASON

[1]               M. Hughes interjette appel de l’ordonnance rendue par la Cour fédérale dans la décision Canada (Procureur général) c. Hughes, 2015 CF 1302, 260 A.C.W.S. (3d) 560 [décision Hughes CF], par laquelle la Cour fédérale a accueilli la demande de contrôle judiciaire déposée par le procureur général concernant le jugement rendu par le Tribunal canadien des droits de la personne (ci-après le Tribunal) dans la décision Chris Hughes c. Transports Canada, 2014 TCDP 19.

[2]               Dans cette décision, le Tribunal a conclu que Transports Canada avait fait preuve de discrimination à l’égard de M. Hughes sur la base de son invalidité dans le cadre d’un processus de dotation au cours duquel le comité de sélection a rejeté la candidature de M. Hughes. Plus précisément, le Tribunal a conclu que Transports Canada a fait preuve de discrimination indirecte ou non intentionnelle en refusant de conclure que les évaluations de rendement et autres documents déposés par M. Hughes fournissaient une preuve suffisante montrant que ce dernier satisfaisait au critère de l’attention au détail.

[3]               Au lieu de reconnaître que ces documents établissaient qu’il satisfaisait au critère, le président du comité de sélection voulait des références personnelles afin de valider que M. Hughes possédait l’habileté requise nécessaire pour accorder une attention aux détails. Toutefois, M. Hughes a indiqué au président du comité qu’il lui serait difficile d’obtenir des références de ses anciens employeurs, notamment parce qu’il avait été partie à un litige contre eux après avoir dénoncé un acte illégal et parce qu’il avait fait l’objet de discrimination. Il a également indiqué avoir souffert d’une invalidité mentale attribuable aux difficultés vécues avec ses anciens employeurs.

[4]               L’autre membre du comité de sélection qui a témoigné devant le Tribunal a indiqué qu’elle avait examiné les documents fournis par M. Hughes pour prouver qu’il possédait l’habileté nécessaire pour accorder une attention aux détails, mais qu’elle n’avait pas été convaincue que ces documents prouvaient que M. Hughes satisfaisait au critère de l’attention au détail. Le Tribunal a déterminé que son témoignage n’était pas crédible sur ces points.

[5]               Le Tribunal a conclu que les documents déposés par M. Hughes confirmaient autant – sinon plus – son habileté à accorder de l’attention aux détails que ne l’établissaient les références verbales obtenues pour les autres candidats. Cela, ajouté au fait que le comité de sélection connaissait l’invalidité de M. Hughes, a amené le Tribunal à conclure que M. Hughes avait établi une preuve prima facie de discrimination. Le Tribunal a ensuite conclu que Transports Canada ne s’était pas acquitté de son fardeau de démontrer qu’il n’avait pas fait preuve de discrimination et a, par conséquent, maintenu cette portion de la plainte de M. Hughes.

[6]               En annulant la décision du Tribunal, la Cour fédérale a affirmé qu’elle effectuait un examen selon la norme de la décision raisonnable, mais elle a en fait soupesé de nouveau les éléments de preuve dont disposait le Tribunal. La Cour fédérale n’était pas d’accord avec le Tribunal qu’il était problématique pour le comité de sélection de pénaliser M. Hughes pour son incapacité à fournir des références, puisqu’il n’y a eu aucun changement dans la politique du comité de sélection concernant les références après la divulgation faite par M. Hughes de son invalidité et qu’il n’y avait donc aucune preuve de conduite discriminatoire (décision Hughes CF, au paragraphe 54). La Cour fédérale a également conclu qu’étant donné que les documents fournis par M. Hughes à la place des références n’expliquaient pas « d’eux-mêmes » qu’il satisfaisait au critère de l’attention au détail, le Tribunal a commis une erreur en substituant sa propre conclusion à celle du comité de sélection sur ce point (décision Hughes CF, au paragraphe 53).

[7]               Dans le présent appel, nous devons nous mettre à la place de la Cour fédérale et décider si cette dernière a choisi la bonne norme de contrôle et si elle l’a appliquée correctement : voir l’arrêt Agraira c. Canada (Sécurité publique et Protection civile), 2013 CSC 36, aux paragraphes 45 à 47, [2013] 2 R.C.S. 559. En l’espèce, même si la Cour fédérale a choisi la bonne norme de contrôle – à savoir la norme de la décision raisonnable – elle ne l’a pas appliquée correctement.

[8]               En soupesant de nouveau la preuve et en rendant une nouvelle décision, la Cour fédérale a été beaucoup trop interventionniste. Le Tribunal disposait d’éléments de preuve très solides pour appuyer ses principales conclusions; par conséquent, interférer avec ces conclusions en vertu de la norme de la décision raisonnable n’est pas justifié.

[9]               Plus précisément, la preuve montrait que la décision concernant la candidature de M. Hughes a été prise uniquement après que M. Hughes eut parlé de son invalidité au comité de sélection et expliqué les raisons pour lesquelles il n’avait pu obtenir de références. La preuve montrait également que c’est le président du comité qui a contribué à donner à M. Hughes une note d’échec pour le critère de l’attention au détail et que cette décision a été prise uniquement après qu’il eut pris connaissance de l’invalidité de M. Hughes. Qui plus est, des éléments de preuve montraient qu’un document favorable à la cause de M. Hughes avait été modifié par l’employeur et que le président du comité de sélection a rejeté l’avis du représentant des ressources humaines siégeant au comité de sélection et a continué de refuser de tenir compte des documents écrits fournis par M. Hughes pour appuyer sa candidature, même après que le président du comité eut pris connaissance des raisons pour lesquelles il était incapable d’obtenir les références verbales adéquates. Enfin, la conclusion du Tribunal selon laquelle les documents écrits fournis par M. Hughes convenaient autant que les références verbales fournies par les candidats retenus était fondée sur des faits.

[10]           Par conséquent, la conclusion du Tribunal selon laquelle M. Hughes a établi une preuve prima facie de discrimination est raisonnable. De même, sa conclusion selon laquelle l’employeur n’a pas réussi à fournir une explication adéquate justifiant qu’il n’ait pas tenu compte des documents écrits fournis par M. Hughes ne peut être contestée, puisqu’elle s’appuie, dans une large part, sur les conclusions factuelles et les décisions en matière de crédibilité rendues par le Tribunal. Ainsi, sa décision est raisonnable et la Cour fédérale a commis une erreur en tirant une conclusion autre.

[11]           En conséquence, le présent appel sera accueilli avec dépens, l’ordonnance de la Cour fédérale sera annulée et, rendant la décision que la Cour fédérale aurait dû rendre, je rejette la demande de contrôle judiciaire déposée par l’intimé, le procureur général du Canada, avec dépens. Selon l’entente entre les parties, les dépens en Cour fédérale sont fixés à 1 500 $ et ceux en Cour d’appel fédérale sont fixés à 1 500 $, tous débours et taxes inclus dans les deux cas.

« Mary J.L. Gleason »

j.c.a.


COUR D’APPEL FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

A-538-15

 

 

INTITULÉ :

CHRIS HUGHES c. LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA et LA COMMISSION CANADIENNE DES DROITS DE LA PERSONNE

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Ottawa (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 8 novembre 2016

 

MOTIFS DU JUGEMENT DE LA COUR :

LA JUGE TRUDEL

LE JUGE SCOTT

LA JUGE GLEASON

 

PRONONCÉS À L’AUDIENCE PAR :

LA JUGE GLEASON

COMPARUTIONS :

David Yazbeck

 

Pour l’appelant

 

Ward Bansley

 

Pour les intimés

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Raven, Cameron, Ballantyne & Yazbeck LLP/s.r.l.

Avocats

Ottawa (Ontario)

 

Pour l’appelant

 

William F. Pentney

Sous-procureur général du Canada

Pour les intimés

 

 

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