Décisions de la Cour d'appel fédérale

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Date : 20160923


Dossier : A-455-15

Référence : 2016 CAF 238

[TRADUCTION FRANÇAISE]

CORAM :

LA JUGE GAUTHIER

LE JUGE STRATAS

LA JUGE GLEASON

 

ENTRE :

CHEF RICHARD HORSEMAN ET LA PREMIÈRE NATION DE HORSE LAKE

appelants

et

SA MAJESTÉ LA REINE

intimée

Audience tenue à Vancouver (Colombie-Britannique), le 20 septembre 2016.

Jugement rendu à Ottawa (Ontario), le 23 septembre 2016.

MOTIFS DU JUGEMENT :

LA JUGE GAUTHIER

Y ONT SOUSCRIT :

LE JUGE STRATAS

LA JUGE GLEASON

 


Date : 20160923


Dossier : A-455-15

Référence : 2016 CAF 238

[TRADUCTION FRANÇAISE]

CORAM :

LA JUGE GAUTHIER

LE JUGE STRATAS

LA JUGE GLEASON

 

ENTRE :

CHEF RICHARD HORSEMAN ET LA PREMIÈRE NATION DE HORSE LAKE

appelants

et

SA MAJESTÉ LA REINE

intimée

MOTIFS DU JUGEMENT

LA JUGE GAUTHIER

[1]  Le chef Horseman et la Première Nation de Horse Lake interjettent appel de la décision de la Cour fédérale (2015 CF 1149) de ne pas certifier l’action en recours collectif proposée par les appelants, au motif qu’ils n’ont pas satisfait à l’ensemble des critères établis à l’article 334.16 des Règles des Cours fédérales, D.O.R.S./98-106 (les Règles). Plus précisément, la Cour fédérale a conclu que les réclamations des membres du groupe ne soulevaient pas de points de droit ou de fait communs, en vertu de l’alinéa 334.16(1)c) des Règles, et que les représentants demandeurs ne satisfaisaient pas aux exigences de l’alinéa 334.16(1)e) des Règles.

[2]  Dans leur avis d’appel modifié, les appelants déclarent que :

  1. [traduction]

La [Cour fédérale] a commis une erreur de droit en concluant que la question de savoir si les dispositions sur les annuités de chacun des Traités numérotés de 1 à 11 prévoyaient le droit de recevoir une annuité qui est rajustée annuellement pour tenir compte de l’inflation et des variations du pouvoir d’achat n’était pas un point commun à tous les membres du groupe proposé, étant donné que cette conclusion va à l’encontre des principes de la communauté de questions dans les recours collectifs, comme il a été établi par la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Vivendi Canada Inc. c. Dell’Aniello, 2014 CSC 1; et

  1. La [Cour fédérale] a commis une erreur de droit en concluant que l’appelant, le chef Eugene Horseman, n’était pas un représentant demandeur adéquat, du fait que la [Cour fédérale] avait imposé au représentant demandeur une norme de connaissance du droit et des procédures du recours collectif qu’une personne n’a pas à satisfaire pour agir à titre de représentant demandeur.

[3]  Même si, dans leur mémoire, les appelants ont présenté de brefs arguments concernant les trois autres points communs qu’ils avaient initialement proposés à la Cour fédérale, ils ont à juste titre choisi de ne pas les faire valoir devant nous.

[4]  À défaut d’une question de droit isolable, la question de savoir si les réclamations soulèvent un point commun tout comme la question de l’aptitude d’un représentant demandeur (alinéa 334.16(1)e) des Règles) sont des questions mixtes de fait et de droit qui appellent une appréciation de la preuve sur laquelle s’appuie la requête et une certaine sensibilité dans la gestion des instances envers laquelle il faut faire preuve de déférence. Ces éléments sont susceptibles de révision selon la norme de l’erreur manifeste et dominante : Canada c. M. Untel, 2016 CAF 191 aux paras. 29, 31; Condon c. Canada, 2015 CAF 159 au para. 7, 474 N.R. 300; Corporation de soins de la santé Hospira c. Kennedy Institute of Rheumatology, 2016 CAF 215 aux paras. 69, 72, 78, 79, 83.

[5]  Pour ce qui est des points communs, les appelants affirment qu’il existe une erreur de droit isolable. Ils soutiennent que, si la Cour fédérale avait appliqué les principes appropriés, elle n’aurait pas pu arriver à sa conclusion à l’égard du premier point commun décrit au paragraphe 2 ci-dessus.

[6]  Je ne suis pas convaincue que la Cour fédérale a commis une erreur de droit, isolable ou autre, à l’égard de ce point. La Cour fédérale a correctement défini l’ensemble des principes et de la jurisprudence applicables, notamment en ce qui a trait aux enseignements de la Cour suprême du Canada que les appelants ont invoqués, y compris ceux dans l’arrêt Vivendi mentionné dans l’avis d’appel modifié.

[7]  La Cour fédérale note avec justesse, à mon avis, que ce que les appelants recherchent va au-delà de l’approche nuancée confirmée dans l’arrêt Vivendi (et développée plus tôt dans l’arrêt Rumley c. Colombie-Britannique, 2001 CSC 69, [2001] 3 R.C.S. 184). La Cour fédérale mentionne également que, dans l’arrêt Vivendi, la Cour suprême a mis l’accent sur les effets qu’ont les réponses à la question commune pour chaque membre du groupe. Il est évident que la Cour fédérale savait que les réponses abordées dans l’arrêt Vivendi pouvaient différer selon les différents sous-groupes, comme l’a si clairement énoncé l’arrêt Vivendi. Quoi qu’il en soit, la notion de sous-groupe est expressément énoncée à l’article 334.16 des Règles et la Cour fédérale est présumée bien connaître ses propres règles de procédure. Je ne suis donc pas prête à déduire que la Cour fédérale a mal interprété le droit simplement parce que les faits qui lui ont été présentés l’ont amenée à une conclusion différente de celle de l’arrêt Vivendi. Je conviens avec l’intimée que le contexte factuel de l’arrêt Vivendi est nettement différent. Dans cette affaire, qui portait sur un recours collectif intenté au Québec (une province reconnue pour ses dispositions très larges en matière de recours collectifs), un seul contrat (un régime de retraite) était en jeu. En l’espèce, la Cour fédérale mentionne que, même si la question proposée par les appelants pouvait être commune aux signataires de chacun des Traités numérotés individuels (ce qui, à mon avis, pourrait aussi inclure les sous-groupes), cela ne signifie pas pour autant qu’il s’agit d’un point commun à tous les membres impliqués dans un recours collectif de la portée proposée, parce qu’il met en cause des « contrats » différents. La Cour fédérale met en doute la communauté de la question elle-même. Il ne s’agit pas d’une erreur susceptible de révision de la part de la Cour fédérale, d’autant plus que l’affaire repose sur la question de savoir s’il existe des modalités implicites dans chacun des Traités numérotés individuels.

[8]  Cela n’est pas seulement attribuable à l’approche en deux étapes qui doit être adoptée au moment d’interpréter un traité, mais aussi au fait que la question proposée implique nécessairement, entre autres choses, une décision éminemment factuelle concernant l’intention commune des parties, les motifs pour lesquels chacune des parties a conclu son traité respectif ainsi que les enjeux liés au contexte historique, culturel et économique entourant chaque traité (R. c. Marshall, [1999] 3 R.C.S. 456, aux paras. 82, 83, 177 D.L.R. (4th) 513). Dans l’ensemble, la Cour fédérale a conclu que les différences entre les Traités étaient telles qu’il ne conviendrait pas de certifier la vaste question commune qui a été proposée dans une tentative de les lier tous. Je suis d’accord en substance avec l’analyse de la Cour fédérale.

[9]  Comme l’a mentionné la Cour fédérale, ces problèmes auraient probablement pu être évités si la portée du recours collectif avait été limitée à un seul traité numéroté, comme cela a été fait dans des procédures antérieures relatives à cette affaire devant le Tribunal des revendications particulières du ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien. Ce n’est toutefois pas le cas en l’espèce. Je conclus que les appelants n’ont pas démontré une erreur manifeste et dominante justifiant de modifier la conclusion de la Cour fédérale selon laquelle les appelants n’ont pas satisfait au critère de l’alinéa 334.16(1)c) des Règles.

[10]  Pour ce qui est de la question de savoir si le représentant demandeur individuel satisfait aux conditions de l’alinéa 334.16(1)e) des Règles, la Cour fédérale a indiqué dans ses motifs le critère pertinent qui doit être appliqué. La Cour fédérale était tout à fait consciente que le seuil était bas et elle a inclus une référence précise à l’arrêt de principe Sullivan v. Golden Intercapital (GIC) Investments Corp., 2014 ABQB 212 aux paras. 54-57. La Cour fédérale a conclu que l’intimée avait établi, lors du contre-interrogatoire sur l’affidavit, que le représentant demandeur désigné n’avait aucune compréhension de son rôle et de ses responsabilités. Cette conclusion repose sur les éléments de preuve présentés à la Cour fédérale. En soi, cela suffit à justifier sa conclusion, malgré la caractérisation discutablement excessive de la connaissance des détails concernant l’action que la Cour fédérale semble peut-être avoir exigée du représentant demandeur. Je ne suis donc pas convaincue que la Cour fédérale a commis une erreur manifeste et dominante qui justifierait notre intervention. J’ajoute que, quoi qu’il en soit, ma conclusion voulant que la Cour fédérale n’ait pas fait d’erreur susceptible de révision en concluant que les appelants n’avaient pas satisfait le critère de l’alinéa 334.16(1)c) des Règles suffit à trancher le présent appel.

[11]  Dans les circonstances, il n’est pas nécessaire que la Cour traite des remarques incidentes faites par la Cour fédérale sur ce que serait la procédure à privilégier en l’espèce au sens de l’alinéa 334.16(1)d) des Règles.

[12]  À la lumière de ce qui précède et malgré les observations très éloquentes de l’avocat des appelants, je rejetterais cet appel.

« Johanne Gauthier »

j.c.a.

« Je suis d’accord.

David Stratas, j.c.a. »

« Je suis d’accord.

Mary J.L. Gleason, j.c.a. »


COUR D’APPEL FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


Dossier :

A-455-15

(APPEL D’UNE ORDONNANCE DE L’HONORABLE JUGE ZINN DE LA COUR FÉDÉRALE DATÉE DU 7 OCTOBRE 2015, DOSSIER NO T-1784-12)

INTITULÉ :

CHEF RICHARD HORSEMAN ET LA PREMIÈRE NATION DE HORSE LAKE c. SA MAJESTÉ LA REINE

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Vancouver (Colombie-Britannique)

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 20 septembre 2016

MOTIFS DU JUGEMENT :

LA JUGE GAUTHIER

Y ONT SOUSCRIT :

LE JUGE STRATAS

LA JUGE GLEASON

DATE DES MOTIFS :

Le 23 septembre 2016

COMPARUTIONS :

Paul R. Bennett

Mark W. Mounteer

Pour les appelants

Allan Donovan

Pour les appelants

Kathy Ring

Shelan Miller

Brett Nash

Josef Rosenthal

Pour l’intimée

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Bennett Mounteer LLP

Avocats

Vancouver (Colombie-Britannique)

Pour les appelants

Donovan & Company

Avocats

Vancouver (Colombie-Britannique)

Pour les appelants

William F. Pentney

Sous-procureur général du Canada

Ottawa (Ontario)

Pour l’intimée

 

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