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[TRADUCTION FRANÇAISE]

Date : 20160923


Dossier : A-205-15

Référence : 2016 CAF 237

CORAM :      LE JUGE NADON

LE JUGE RENNIE

LA JUGE GLEASON

ENTRE :

OBAIDULLAH SIDDIQUI

appelant

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

intimé

Requête jugée sur dossier sans comparution des parties.

Ordonnance rendue à Ottawa (Ontario), le 23 septembre 2016

MOTIFS DE L’ORDONNANCE :

LE JUGE NADON

Y ONT SOUSCRIT :

LE JUGE RENNIE

LA JUGE GLEASON

 


[TRADUCTION FRANÇAISE]

Date : 20160923


Dossier : A-205-15

Référence : 2016 CAF 237

CORAM :      LE JUGE NADON

LE JUGE RENNIE

LA JUGE GLEASON

ENTRE :

OBAIDULLAH SIDDIQUI

appelant

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

intimé

MOTIFS DE L’ORDONNANCE

LE JUGE NADON

[1]               La Cour est saisie de la requête présentée par l’appelant afin d’obtenir une ordonnance, en application de l’art. 399 des Règles des Cours fédérales, DORS/98-106, annulant le jugement rendu par la Cour le 29 avril 2016 (2016 CAF 134), qui avait rejeté l’appel interjeté par lui d’une décision de la Cour fédérale (2015 CF 329), laquelle avait rejeté la demande de contrôle judiciaire présentée par l’appelant à l’égard d’une décision rendue par la Section de la protection des réfugiés de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié du Canada.

[2]               L’appelant demande que la Cour ordonne la tenue d’une nouvelle audience devant une nouvelle formation ou, à titre subsidiaire, rende une ordonnance, en vertu de l’art. 397 des Règles, annulant la partie du jugement de notre Cour accordant des dépens à l’intimé.

[3]               Pour les motifs suivants, je conclus que la requête ne devrait être accueillie qu’à l’égard des dépens accordés à l’intimé.

[4]               Je commence par reproduire les art. 397 et 399, sur lesquels la requête de l’appelant est fondée.

Réexamen

Motion to reconsider

397 (1) Dans les 10 jours après qu’une ordonnance a été rendue ou dans tout autre délai accordé par la Cour, une partie peut signifier et déposer un avis de requête demandant à la Cour qui a rendu l’ordonnance, telle qu’elle était constituée à ce moment, d’en examiner de nouveau les termes, mais seulement pour l’une ou l’autre des raisons suivantes :

397 (1) Within 10 days after the making of an order, or within such other time as the Court may allow, a party may serve and file a notice of motion to request that the Court, as constituted at the time the order was made, reconsider its terms on the ground that

a) l’ordonnance ne concorde pas avec les motifs qui, le cas échéant, ont été donnés pour la justifier;

(a) the order does not accord with any reasons given for it; or

b) une question qui aurait dû être traitée a été oubliée ou omise involontairement.

(b) a matter that should have been dealt with has been overlooked or accidentally omitted.

Erreurs

Mistakes

(2) Les fautes de transcription, les erreurs et les omissions contenues dans les ordonnances peuvent être corrigées à tout moment par la Cour.

(2) Clerical mistakes, errors or omissions in an order may at any time be corrected by the Court.

[…]

Annulation sur preuve prima facie

Setting aside or variance

399 (1) La Cour peut, sur requête, annuler ou modifier l’une des ordonnances suivantes, si la partie contre laquelle elle a été rendue présente une preuve prima facie démontrant pourquoi elle n’aurait pas dû être rendue :

399 (1) On motion, the Court may set aside or vary an order that was made

a) toute ordonnance rendue sur requête ex parte;

(a) ex parte; or

b) toute ordonnance rendue en l’absence d’une partie qui n’a pas comparu par suite d’un événement fortuit ou d’une erreur ou à cause d’un avis insuffisant de l’instance.

(b) in the absence of a party who failed to appear by accident or mistake or by reason of insufficient notice of the proceeding,

if the party against whom the order is made discloses a prima facie case why the order should not have been made.

Annulation

Setting aside or variance

(2) La Cour peut, sur requête, annuler ou modifier une ordonnance dans l’un ou l’autre des cas suivants :

(2) On motion, the Court may set aside or vary an order

a) des faits nouveaux sont survenus ou ont été découverts après que l’ordonnance a été rendue;

(a) by reason of a matter that arose or was discovered subsequent to the making of the order; or

b) l’ordonnance a été obtenue par fraude.

(b) where the order was obtained by fraud.

Effet de l’ordonnance

Effect of order

(3) Sauf ordonnance contraire de la Cour, l’annulation ou la modification d’une ordonnance en vertu des paragraphes (1) ou (2) ne porte pas atteinte à la validité ou à la nature des actes ou omissions antérieurs à cette annulation ou modification.

(3) Unless the Court orders otherwise, the setting aside or variance of an order under subsection (1) or (2) does not affect the validity or character of anything done or not done before the order was set aside or varied.

[Non souligné dans l’original]

[5]               Notre Cour a entendu l’appel à Vancouver le 19 avril 2016 et, à la fin de l’audience, elle a mis le jugement en délibéré.

[6]               Le 28 avril 2016, l’avocat de l’appelant a écrit à la Cour pour demander la possibilité de présenter des observations concernant la décision rendue par notre Cour le 27 avril 2016 dans l’affaire Canada (Citoyenneté et Immigration) c. Bermudez, 2016 CAF 131, 483 N.R. 115 (Bermudez).

[7]               Le 29 avril 2016, nous avons signé le jugement et les motifs du jugement par lesquels nous rejetions l’appel avec dépens. Par conséquent, le même jour, le jugement et les motifs ont été envoyés au greffe de la Cour pour dépôt et communication aux parties. Je devrais souligner que lorsque nous avons signé le jugement et les motifs, la lettre de l’avocat de l’appelant datée du 28 avril 2016 n’avait pas encore été portée à notre attention par le greffe. Je devrais également préciser qu’à ce moment, nous n’étions pas au courant de la décision rendue dans l’affaire Bermudez.

[8]               Le 2 mai 2016, la lettre datée du 28 avril 2016 ayant été portée à notre attention, le juge Rennie a donné aux parties une directive leur demandant de transmettre des observations concernant l’arrêt Bermudez dans un certain délai, à savoir au plus tard le 4 mai 2016 pour l’appelant et au plus tard le 6 mai 2016 pour l’intimé. Avant de donner sa directive, le juge Rennie avait été informé par le greffe que le jugement n’avait pas encore été rendu.

[9]               À la suite de cette directive du 2 mai 2016, le greffe a avisé le juge Rennie que, contrairement aux renseignements qui lui avaient été fournis précédemment, le jugement ainsi qu’une partie des motifs avaient été communiqués aux parties le 29 avril 2016. Par conséquent, le 9 mai 2016, le juge Rennie a donné une autre directive dans laquelle il informait les parties que, puisque le jugement avait été rendu le vendredi 29 avril 2016, la Cour n’accepterait aucune autre observation de leur part.

[10]           D’abord, l’appelant soutient que la décision rendue par la Cour le 27 avril 2016 dans l’affaire Bermudez, qu’il a portée à l’attention de la Cour le 28 avril 2016, constitue « des faits nouveaux [...] survenus ou [...] découverts après que l’ordonnance a été rendue » (al. 399(2)a) des Règles). Par conséquent, l’appelant affirme qu’il est loisible à la Cour d’annuler ou de modifier le jugement rendu le 29 avril 2016.

[11]           Ensuite, à titre subsidiaire, l’appelant déclare que, conformément au par. 397(2) des Règles, la Cour devrait réexaminer l’ordonnance relative aux dépens, auxquels il a été condamné.

[12]           Je me pencherai d’abord sur l’observation de l’appelant selon laquelle nous devrions annuler ou modifier le jugement rendu le 29 avril 2016, en vertu de l’al. 399(2)a) des Règles. Cette disposition constitue une exception au principe voulant que les décisions judiciaires soient définitives. Dans l’arrêt Collins c. Canada, 2011 CAF 171, 421 N.R. 201, le juge Mainville, s’exprimant au nom de la Cour, a fait les observations suivantes au paragraphe 12 de ses motifs. Il a clairement indiqué que l’al. 399(2)a) ne pouvait pas être utilisé :

[...] comme moyen pour réexaminer des jugements chaque fois qu’une partie est insatisfaite d’un jugement. Selon le principe général, les décisions judiciaires sont définitives, de sorte que l’annulation d’une telle décision en vertu de l’alinéa 399(2)a) des Règles doit être fondée sur des motifs exceptionnellement sérieux et convaincants. Cela est nécessaire pour assurer la certitude du processus judiciaire de même que préserver l’intégrité de ce même processus.

[13]           La question consiste alors à déterminer si la décision rendue dans l’affaire Bermudez, que l’avocat de l’appelant a portée à l’attention de la formation de juges, constitue des faits nouveaux qui sont survenus ou ont été découverts après que le jugement du 29 avril 2016 a été rendu, ce qui permettrait l’annulation ou la modification du jugement. À mon avis, ce n’est pas le cas. J’aimerais de nouveau préciser que nous n’avons été informés de la décision rendue dans l’affaire Bermudez que lorsque nous avons reçu la lettre de l’avocat de l’appelant datée du 28 avril 2016, c’est-à-dire après que le jugement du 29 avril 2016 a été signé et envoyé au greffe.

[14]           Pour étayer ses observations selon lesquelles la découverte de la décision rendue dans l’affaire Bermudez constitue des « faits nouveaux » au sens où il faut entendre cette expression pour l’application de l’al. 399(2)a) des Règles, l’avocat s’appuie sur la décision rendue par le juge Blais (plus tard juge en chef) dans l’affaire Velupillai c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 188 F.T.R. 314, 2000 CanLII 15997 [Velupillai]. Plus précisément, il fait référence aux par. 9 à 11 et au par. 13, dans lesquels le juge Blais s’exprime ainsi :

[9]        Quand j’ai signé ma décision le 15 juin 2000, je n’avais pas encore eu connaissance de la décision rendue trois jours auparavant par la Cour d’appel fédérale dans l’affaire Haghighi.

[10]      Étant donné le nombre de décisions rendues par la Section de première instance et la Section d’appel, il faut quelques jours pour prendre connaissance des jugements et, malheureusement, j’ai lu cette décision seulement après avoir rendu ma décision du 15 juin 2000.

[11]      Je suis convaincu que le demandeur a raison d’affirmer que la décision de la Cour d’appel fédérale dans l’affaire Haghighi aurait pu avoir une incidence sur ma décision relative à la demande d’autorisation.

[13]      Je devrais aussi mentionner qu’il s’agit d’une situation inhabituelle et je n’hésite pas à conclure que la règle 399(2)b) s’applique dans les circonstances et que la décision de la Cour d’appel dans l’affaire Haghighi a été découverte après que l’ordonnance a été rendue.

[15]           Malgré tout le respect que je lui porte, je suis d’avis que le juge Blais a tiré une conclusion erronée dans l’affaire Velupillai. Dans l’affaire Ayangma c. Canada, [2004] 313 N.R. 312, 2003 CAF 382 [Ayangma], le demandeur avait déposé devant notre Cour une requête visant à obtenir une ordonnance annulant l’ordonnance antérieure de la Cour ayant rejeté son appel et rendue le 20 mars 2003. La requête du demandeur était fondée sur une jurisprudence qu’il avait découverte et qui, selon lui, était déterminante quant à l’issue de son appel.

[16]           Après avoir exposé le par. 399(2) des Règles et énoncé les conditions auxquelles il doit être satisfait pour que la Cour intervienne, le juge Pelletier, s’exprimant au nom de la Cour, a formulé les remarques suivantes au par. 4 de ses motifs :

Nous ne sommes pas persuadés que les « faits nouveaux » dont il est fait mention à l’alinéa 399(2)a) renvoient à la jurisprudence. Dans Metro Can Construction Ltd. c. Canada, [2001] A.C.F. nº 1075 (C.A.F.), la Cour a statué que les jugements subséquents de la Cour ou d’un tribunal d’instance supérieure ne constituent pas des « faits nouveaux » qui sont survenus après que l’ordonnance a été rendue, au sens de l’alinéa 399(2)a). Malgré la décision de la Section de première instance (maintenant la Cour fédérale) dans Jhajj c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1995] 2 C.F. 369, il s’ensuit que la jurisprudence existant au moment du prononcé de l’ordonnance ne peut être un fait nouveau survenu après la décision. Conclure en sens contraire enlèverait tout caractère définitif aux jugements et inciterai[t] les parties à documenter leur thèse une fois le jugement rendu.

[Non souligné dans l’original.]

[17]           À mon avis, l’arrêt Ayangma appuie la proposition selon laquelle la jurisprudence, peu importe si elle existait avant ou après la décision contestée, ne constitue pas des « faits nouveaux », au sens de l’al. 399(2)a) des Règles des Cours fédérales.

[18]           Par conséquent, je suis d’avis que la requête visant l’annulation du jugement rendu le 29 avril 2016 ou la tenue d’une nouvelle audience dans l’appel devant une autre formation de juges doit être rejetée.

[19]           J’aborde maintenant l’argument subsidiaire de l’appelant selon lequel le jugement devrait être modifié, en application de l’art. 397 des Règles. Pour étayer son observation selon laquelle l’ordonnance relative aux dépens, auxquels il avait été condamné, devrait être annulée, l’appelant s’appuie sur l’art. 22 des Règles des cours fédérales en matière de citoyenneté, d’immigration et de protection des réfugiés, DORS/93-22, qui est ainsi rédigé :

22 Sauf ordonnance contraire rendue par un juge pour des raisons spéciales, la demande d’autorisation, la demande de contrôle judiciaire ou l’appel introduit en application des présentes règles ne donnent pas lieu à des dépens.

22 No costs shall be awarded to or payable by any party in respect of an application for leave, an application for judicial review or an appeal under these Rules unless the Court, for special reasons, so orders.

[20]           À mon avis, les observations de l’appelant au sujet des dépens sont justes. Nous n’avons pas conclu à l’existence de raisons spéciales permettant de condamner l’appelant aux dépens. Nous n’avons simplement pas tenu compte de l’art. 22, et il nous est donc loisible, en vertu du par. 397(2) des Règles des Cours fédérales, de réexaminer cette partie de notre jugement. Ainsi, le jugement rendu le 29 avril 2016 doit être modifié en ce qui concerne la question des dépens.

[21]           Pour les motifs qui précèdent, la requête de l’appelant est accueillie en partie. Par conséquent, le jugement du 29 avril 2016 doit être modifié et remplacé par la phrase suivante : « L’appel est rejeté, et la question certifiée reçoit une réponse affirmative ».

« M. Nadon »

j.c.a.

« Je souscris aux présents motifs.

Donald J. Rennie, j.c.a. »

« Je souscris aux présents motifs.

Mary J.L. Gleason, j.c.a. »

Traduction certifiée conforme

Marie-Luc Simoneau, jurilinguiste


COUR D’APPEL FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

A-205-15

 

INTITULÉ DE LA CAUSE :

OBAIDULLAH SIDDIQUI c. LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

REQUÊTE JUGÉE SUR DOSSIER SANS COMPARUTION DES PARTIES

MOTIFS DE L’ORDONNANCE :

LE JUGE NADON

 

DATE DES MOTIFS :

Le 23 septembre 2016

 

OBSERVATIONS ÉCRITES :

Douglas Cannon

 

Pour l’appelant

 

Brett J. Nash

 

Pour l’intimé

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Elgin, Cannon & Associates

Vancouver (Colombie-Britannique)

 

Pour l’appelant

 

William F. Pentney

Sous-procureur général du Canada

 

Pour l’intimé

 

 

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