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Date : 20160921


Dossier : A-151-14

Référence : 2016 CAF 234

[TRADUCTION FRANÇAISE]

CORAM :

LE JUGE NADON

LA JUGE DAWSON

LA JUGE WOODS

 

 

ENTRE :

RACHEL EXETER

appelante

et

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

(administrateur général, Statistique Canada)

intimé

Audience tenue à Ottawa (Ontario), le 14 septembre 2016.

Jugement rendu à Ottawa (Ontario), le 21 septembre 2016.

MOTIFS DU JUGEMENT :

LA JUGE DAWSON

Y ONT SOUSCRIT :

LE JUGE NADON

LA JUGE WOODS

 


Date : 20160921


Dossier : A-151-14

Référence : 2016 CAF 234

[TRADUCTION FRANÇAISE]

CORAM :

LE JUGE NADON

LA JUGE DAWSON

LA JUGE WOODS

 

 

ENTRE :

RACHEL EXETER

appelante

et

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

(administrateur général, Statistique Canada)

intimé

MOTIFS DU JUGEMENT

LA JUGE DAWSON

[1]               L’appelante a présenté une demande de contrôle judiciaire à la Cour fédérale. L’appelante a ensuite présenté une demande de redressement interlocutoire à un protonotaire de la Cour fédérale. Insatisfaite de l’ordonnance qui en a découlé, l’appelante a interjeté appel de la décision du protonotaire et a demandé une copie de l’enregistrement audio de l’audience devant le protonotaire.

[2]               Après avoir écouté l’enregistrement audio, l’appelante a pensé qu’il en manquait une partie. L’appelante a demandé qu’une enquête soit menée à propos de ce qu’elle a appelé une [TRADUCTION] « manipulation » de l’enregistrement audio (pièce 4 de l’affidavit de l’appelante). L’avocat de la Cour fédérale a répondu que les enregistrements audio de la Cour fédérale contenaient des repères de temps et des indicateurs de temps qui ne pouvaient pas être modifiés. L’avocat a en outre précisé qu’un examen de l’enregistrement audio [TRADUCTION] « démontre qu’il n’y a pas de parties manquantes dans les indicateurs de temps, ce qui établit qu’aucun segment de l’enregistrement n’a été effacé » (pièce 5 de l’affidavit de l’appelante).

[3]               L’appelante a ensuite [TRADUCTION] « demandé des directives à la Cour [fédérale], en vertu des articles 4 et 54 des Règles des Cours fédérales (les Règles) concernant les procédures applicables aux termes des Règles pour la production d’un enregistrement audio non altéré dans le dossier de la Cour fédérale numéro T-943-12, entendu le 15 mai 2013 » (avis de requête de l’appelante à la Cour fédérale).

[4]               Dans ses observations écrites à l’appui de sa requête visant à obtenir des directives, l’appelante a déclaré ce qui suit :

[TRADUCTION]

21.       L’appelante demande des directives à la Cour fédérale à l’égard de la procédure visant la réalisation d’une enquête appropriée par des experts judiciaires en enregistrements audio sur l’altération de l’enregistrement audio de l’audience tenue le 15 mai 2013.

22.       L’appelante demande des directives à la Cour à l’égard de la procédure applicable pour obtenir les services d’un spécialiste judiciaire en enregistrements audio afin de vérifier l’authenticité de l’enregistrement.

23.       L’appelante sollicite une directive afin d’obtenir une copie certifiée conforme de l’enregistrement audio afin de l’utiliser dans sa requête déposée à la Cour le 27 mai 2013.

[5]               Au paragraphe 9 de ses observations en réponse, l’appelante a répété qu’elle a sollicité des directives à l’égard de ce qu’elle décrit comme une question de procédure :

[TRADUCTION]

L’appelante demande des directives à la Cour à l’égard de la procédure applicable pour obtenir les services d’un expert judiciaire en enregistrements audio afin de valider l’authenticité de cet enregistrement. Une telle procédure n’existe pas dans les Règles des Cours fédérales ni dans la Loi sur les Cours fédérales.

[6]               Dans une ordonnance délivrée le 10 mars 2014, dans le dossier de la Cour fédérale numéro T-943-12, un juge de la Cour fédérale a rejeté la requête de directives, avec dépens. Selon le juge :

i.                     il n’existe aucun élément de preuve probant à l’appui des allégations de Mme Exeter selon lesquelles l’enregistrement audio fourni par la Cour n’était pas authentique;

ii.                   même si les allégations étaient étayées par des éléments de preuve clairs et convaincants, Mme Exeter n’a pas subi de préjudice;

iii.                  il n’est pas nécessaire de répondre aux arguments de Mme Exeter fondés sur son droit à la libre expression, garanti par l’alinéa 2b) de la Charte canadienne des droits et libertés.

[7]               Dans le présent appel de l’ordonnance de la Cour fédérale, l’appelante fait valoir un certain nombre d’erreurs commises par le juge. À mon avis, il a eu raison de rejeter la requête de l’appelante visant à obtenir des directives, même si j’arrive à cette conclusion pour des motifs différents de ceux de la Cour fédérale.

[8]               À mon humble avis, l’appelante interprète mal le but de l’article 54 des Règles, qui permet à une personne de « présenter une requête à tout moment en vue d’obtenir des directives sur la procédure à suivre dans le cadre des présentes règles ».

[9]               L’article 54 des Règles est entré en vigueur pour la première fois lors de la révision de 1998 des Règles des Cours fédérales, qui ont remplacé la version des Règles qui se trouvait dans la Codification des règlements du Canada (C.R.C.) 1978, ch. 663.

[10]           Dans l’une des premières décisions prenant en compte le nouvel article (une jurisprudence sur laquelle s’appuie l’appelante), le protonotaire Hargrave rappelle qu’un [TRADUCTION] « [...] tribunal ne devrait avoir à s’immiscer dans ces questions qu’exceptionnellement, car elles relèvent plus justement de la responsabilité des avocats » (Nash c. Sanjel Cementers Ltd. (1999), [1999] A.C.F. no 1580, 178 F.T.R. 296, 2 C.P.R. (4e) 528, au paragraphe 3).

[11]           Il en est ainsi puisque, dans notre système de justice accusatoire, la Cour ne peut abandonner son rôle de décideur indépendant et impartial.

[12]           Il s’ensuit qu’il n’appartient pas à la Cour de donner de conseils juridiques ou tactiques à quelque partie que ce soit (Bernard c. Canada (Agence du revenu), 2015 CAF 263, 479 N.R. 189, au paragraphe 39). Il incombe toujours à la partie qui fait valoir un droit de prouver les faits qui appuient sa prétention. À titre de décideur impartial, la Cour ne peut pas conseiller une partie sur la façon de prouver le bien-fondé de sa cause.

[13]           En l’espèce, il incombe à l’appelante de réunir les éléments de preuve techniques ou d’experts dont elle croit avoir besoin pour appuyer son allégation voulant que l’enregistrement audio fourni par la Cour fédérale soit de quelque façon inexact ou incomplet. À titre de décideur impartial, la Cour ne peut faire de recommandations sur la façon d’obtenir les services d’un [TRADUCTION] « spécialiste judiciaire en enregistrements audio », ne peut fournir de directives sur la façon de faire réaliser [TRADUCTION] « une enquête appropriée par des experts judiciaires en enregistrements audio » et ne peut non plus croire comme étant vraies les affirmations de l’appelante et lui fournir des directives lui permettant d’[TRADUCTION] « obtenir une copie certifiée conforme de l’enregistrement audio » que l’appelante pourrait utiliser dans son appel de l’ordonnance du protonotaire.

[14]           Pour les mêmes raisons, la règle des lacunes, l’article 4 des Règles, n’aide en rien l’appelante.

[15]           Étant donné que l’article 54 permet uniquement à la Cour de fournir des directives sur la procédure, il s’ensuit que la Cour n’est pas tenue de se prononcer sur des questions en litige tout en donnant des directives sur la procédure et ne devrait pas le faire. Par conséquent, lorsqu’elle est appelée à statuer sur la requête visant à obtenir des directives, il n’est pas pertinent que la Cour examine si les éléments de preuve appuyaient les préoccupations de l’appelante ou s’il existait un préjudice. De la même façon, il n’est pas pertinent que l’appelante fasse valoir un argument fondé sur l’alinéa 2b) de la Charte canadienne des droits et libertés.

[16]           La Cour fédérale a donc eu raison de rejeter la requête visant à obtenir des directives.

[17]           Lors des plaidoiries, l’appelante a cité une demande présentée au greffe de la Cour fédérale afin d’obtenir des renseignements techniques au sujet du système d’enregistrement audio utilisé par la Cour fédérale. Cette demande est postérieure à la date de l’ordonnance portée en appel et n’est donc pas pertinente en l’espèce. Cependant, les renseignements que la Cour fédérale a en sa possession ou qu’elle pourrait facilement obtenir, et qui font l’objet d’une demande par un expert judiciaire devraient être mis à la disposition de l’appelante sur demande, en l’absence de circonstances qui n’apparaissent pas au dossier présenté à la Cour.

[18]           Pour ces motifs, je rejetterais l’appel. Dans les circonstances, je n’adjugerais aucuns dépens.

« Eleanor R. Dawson »

j.c.a.

« Je suis d’accord.

M. Nadon, j.c.a. »

« Je suis d’accord.

J. Woods, j.c.a. »

 


COUR D’APPEL FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

A-151-14

 

 

INTITULÉ DE LA CAUSE :

RACHEL EXETER ET

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

(ADMINISTRATEUR GÉNÉRAL, STATISTIQUE CANADA)

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Ottawa (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 14 septembre 2016

 

MOTIFS DU JUGEMENT :

LA JUGE DAWSON

 

Y ONT SOUSCRIT :

LE JUGE NADON

LA JUGE WOODS

 

DATE DES MOTIFS :

LE 21 SEPTEMBRE 2016

 

COMPARUTIONS :

Rachel Exeter

l’appelante

POUR SON PROPRE COMPTE

 

Léa Bou Karam

Pour l’intimé

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

William F. Pentney, c.r.

Sous-procureur général du Canada

Ottawa (Ontario)

 

Pour l’intimé

 

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