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Date : 20160719


Dossier : A-334-15

Référence : 2016 CAF 198

CORAM :

LA JUGE GAUTHIER

LE JUGE SCOTT

LE JUGE DE MONTIGNY

 

ENTRE :

SOCIÉTÉ RADIO-CANADA

partie demanderesse

et

SYNDICAT DES COMMUNICATIONS DE RADIO-CANADA (FNC-CSN)

et

SYNDICAT CANADIEN DE LA FONCTION PUBLIQUE, SECTION LOCALE 5757, à titre d’association de salariés accréditée pour remplacer le SYNDICAT DES TECHNICIEN(NES) ET ARTISAN(E)S DU RÉSEAU FRANÇAIS DE RADIO-CANADA

et

SYNDICAT CANADIEN DE LA FONCTION PUBLIQUE, SECTION LOCALE 675

et

ASSOCIATION DES RÉALISATEURS

partie défenderesse

Audience tenue à Montréal (Québec), le 11 avril 2016.

Jugement rendu à Ottawa (Ontario), le 19 juillet 2016.

MOTIFS DU JUGEMENT :

LA JUGE GAUTHIER

Y ONT SOUSCRIT :

LE JUGE SCOTT

LE JUGE DE MONTIGNY

 


Date : 20160719


Dossier : A-334-15

Référence : 2016 CAF 198

CORAM :

LA JUGE GAUTHIER

LE JUGE SCOTT

LE JUGE DE MONTIGNY

 

ENTRE :

SOCIÉTÉ RADIO-CANADA

partie demanderesse

et

SYNDICAT DES COMMUNICATIONS DE RADIO-CANADA (FNC-CSN)

et

SYNDICAT CANADIEN DE LA FONCTION PUBLIQUE, SECTION LOCALE 5757, à titre d’association de salariés accréditée pour remplacer le SYNDICAT DES TECHNICIEN(NES) ET ARTISAN(E)S DU RÉSEAU FRANÇAIS DE RADIO-CANADA

et

SYNDICAT CANADIEN DE LA FONCTION PUBLIQUE, SECTION LOCALE 675

et

ASSOCIATION DES RÉALISATEURS

partie défenderesse

MOTIFS DU JUGEMENT

LA JUGE GAUTHIER

[1]  La Société Radio-Canada (la SRC) demande le contrôle judiciaire d’une décision du Conseil canadien des relations industrielles (le Conseil) datée du 25 juin 2015 (2015 CCRI LD 3441). Cette décision a été rendue dans le contexte du processus de révision de la structure des unités de négociation couvrant les salariés du réseau français de la SRC, et plus précisément en ce qui concerne un scrutin de représentation tenu en marge de ce processus de révision pour déterminer lequel des deux agents négociateurs concernés représenterait

… tout le personnel travaillant à la Société Radio-Canada dans la province de Québec et à Moncton (Nouveau-Brunswick), à l’exclusion du personnel visé par d’autres certificats d’accréditation, des réalisateurs, des superviseurs et du personnel qui lui est assimilé [la Première unité].

(Société Radio-Canada, 2015 CCRI LD 3416 à la p. 2)

[2]  Le 19 septembre 2014, le Conseil avait effectivement donné suite à une demande de révision des unités de négociation formulée par la SRC et avait conclu que les quatre unités composant la structure alors existante au réseau français n’étaient plus habiles à négocier collectivement, conformément au paragraphe 18.1(1) du Code canadien du travail, L.R.C. (1985), ch. L-2 (le Code) (Société Radio-Canada, 2014 CCRI 741). Le 15 mai 2015, le Conseil avait ordonné la mise en place d’une structure comportant seulement deux unités pour le réseau français, ainsi que la tenue d’un scrutin de représentation par voie électronique pour la Première unité (le Scrutin) (Société Radio-Canada, 2015 CCRI LD 3416; Société Radio-Canada, 2015 CCRI 780).

[3]  Dans sa décision contestée devant nous, le Conseil était appelé à se prononcer sur certaines questions sur lesquelles les parties n’arrivaient pas à s’entendre pour déterminer  l’admissibilité de plusieurs catégories d’individus à participer au Scrutin, incluant les « collaborateurs » visés par l’Annexe Q de la Convention collective entre la SRC et le Syndicat des communications de Radio-Canada (le SCRC) (Dossier de la demanderesse, Volume 1 à la page 29). Le Conseil a conclu que lesdits collaborateurs étaient des « employés » au sens du Code qui devaient être inclus dans la Première unité pour les fins du Scrutin, sujet aux autres conditions fixées par le Conseil. Puisque le Conseil ne disposait d’aucune preuve pour déterminer qui de ces collaborateurs bénéficiaient d’un droit de rappel valide aux termes de la Convention collective, ils n’étaient habilités à voter que dans la mesure où ils avaient été au service de la SRC de façon continue et sans interruption entre le 19 septembre 2014 et le 15 juin 2015.

[4]  Le Conseil est parvenu à cette décision sur la seule base des représentations écrites soumises par les parties trois jours avant la décision, sans tenir d’audience. La décision a donc été prise en l’absence de preuve spécifique aux collaborateurs concernés (par exemple concernant leurs arrangements contractuels, statut, fonctions et responsabilités), qu’il s’agisse d’une preuve générique sur la base d’un cas type ou de preuve sur une base individuelle. Le Conseil s’est plutôt inspiré d’une décision de 1982 rendue par son prédécesseur, le Conseil canadien des relations du travail, pour conclure que les collaborateurs étaient habiles à voter au même titre que les pigistes dont le statut était contesté dans cette affaire (Société Radio Canada (1982) 44 di 19; 1 C.L.R.B.R. (NS) 129 (CCRT no 383)).

[5]  Le 14 juillet 2015, le Conseil a rendu une autre décision déterminant l’admissibilité à voter de certains employés « contractuels » et « temporaires » visés par la Convention collective et dont le statut demeurait contesté suite à la décision du 25 juin (2015 CCRI LD 3460). Cette décision se distingue de celle du 25 juin en ce que les contrats des personnes faisant l’objet de contestation avaient alors été déposés en preuve devant le Conseil. Plus important encore, le Conseil a pris soin de clarifier que « l’audition avait pour seul objet de déterminer l’admissibilité à voter de certaines personnes encore contestées et ce, malgré la décision du Conseil rendue à cet effet dans la [décision du 25 juin] » (Décision du 14 juillet à la p. 2, mon emphase).

[6]  Le Scrutin s’est terminé en juillet 2015, et une majorité des employés admissibles à voter de la Première unité a choisi d’être représentée par le SCRC. Ce dernier a donc été accrédité à titre d’agent négociateur le 8 octobre 2015 (Ordonnance d’accréditation no. 10880-U).

[7]  Avant de me pencher sur les arguments des parties, je note finalement que la décision du Conseil du 15 mai 2015 ordonnant la mise en place de deux unités de négociation (voir le paragraphe 2 ci-haut) fait l’objet d’une demande de contrôle judiciaire devant cette Cour. Celle-ci sera entendue le 13 septembre 2016, conjointement avec une autre demande déposée contre une décision du Conseil datée du 2 octobre 2015.

[8]  Dans son Avis de demande dans le présent dossier, la SRC demande l’annulation de la décision du 25 juin mais elle ne demande pas que le dossier soit renvoyé au Conseil. En effet, les avocats des parties ont confirmé à l’audience devant cette Cour qu’elles ne voulaient pas remettre en question le résultat du Scrutin. Il appert que la SRC était plutôt préoccupée par le fait que le Conseil se soit prononcé sur le statut des collaborateurs en n’ayant pas exhaustivement étudié leurs fonctions et leurs arrangements contractuels, sans toutefois limiter explicitement la portée de sa décision aux seules fins du Scrutin. Ceci laissait présager à la SRC que la décision du 25 juin 2015 pourrait avoir un effet sur la qualification du statut des collaborateurs aux fins d’application du Code dans le futur. La SRC craignait ainsi que cette décision ne soit invoquée à titre de précédent, notamment devant un tribunal d’arbitrage constitué en vertu de la Convention collective. Je note que le SCRC n’était pas prêt à concéder qu’il ne soulèverait pas un tel argument dans le futur et qu’il soumet que le débat à cet égard est prématuré.

[9]  Des arguments similaires avaient été soulevés par la SRC dans une demande de réexamen de la décision du 25 juin qu’elle avait déposée devant le Conseil le 24 juillet 2015. Les parties ont maintenant avisé la Cour que le 27 juin 2016, le Conseil a tranché cette demande ainsi qu’une demande de réexamen connexe déposée par le SCRC le 23 juillet 2015 (2016 CCRI LD 3650).

[10]  Dans cette dernière décision, le Conseil conclut qu’il n’y a pas lieu d’intervenir dans le contexte des demandes de réexamen. Il prend toutefois la peine de confirmer que sa décision du 25 juin 2015

… [a]vait pour but de trancher des questions précises au sujet de l’admissibilité à voter de plusieurs catégories de personnes. Cet objectif est indiqué clairement au début de la décision et dans les conclusions finales. Même si le Conseil n’a pas clairement précisé que sa conclusion au sujet du statut des collaborateurs s’inscrivait dans le contexte précis du scrutin de représentation, il a pris soin, dans [sa décision du 14 juillet 2015], de constater l’observation de la SRC concernant l’importance de limiter la porter de ses décisions quant à l’admissibilité des personnes éligibles à voter aux seules fins du scrutin de représentation.

Le Conseil n’a donc pas de difficulté, dans le cas présent, à confirmer que les décisions rendues [les 25 juin et 14 juillet 2015] avaient comme objectif de fournir des directives afin de faire avancer la procédure de scrutin de façon expéditive, et non de formuler une opinion définitive sur le statut des collaborateurs dans la relation d’emploi avec la SRC. Le Conseil était conscient du contexte restreint dans lequel il rendait ses décisions.

(Décision du 27 juin 2016 à la p. 6, mon emphase)

[11]  Il apparaît donc clairement que la décision du 25 juin 2015 a été rendue dans l’unique but de faire avancer les choses rapidement afin que le Scrutin ait lieu sans délai, sans que le Conseil n’ait eu l’intention de trancher le statut des collaborateurs de manière à influencer l’application du Code pour toute autre fin que la tenue du Scrutin.

[12]  À la lumière de cette clarification, et considérant que les parties ont reconnu devant nous qu’elles n’entendaient pas contester le résultat du Scrutin et que l’admissibilité des collaborateurs à voter n’avait pas été déterminante lors de la tenue du Scrutin, je suis d’avis que la demande de contrôle judiciaire est maintenant sans objet. En effet, tout différend concret qui pouvait exister lorsque la demande a été déposée a désormais disparu, et la déclaration recherchée par la SRC devant nous n’aurait aucune utilité pratique si elle était accordée : Borowski c. Canada (Procureur général), [1989] 1 R.C.S. 342. En outre, j’estime qu’aucune circonstance particulière ne justifie que cette Cour ne juge les questions maintenant théoriques soulevées par la demande.

[13]  La question de savoir si un collaborateur est un employé au sens du Code pour toute autre fin que la tenue du Scrutin reste à être déterminée par le Conseil si cela devenait nécessaire dans le futur, sujet au droit des parties de contester une décision à ce sujet en temps opportun, s’il y a lieu.

[14]  Je propose donc de rejeter la demande sur cette base seulement, avec dépens fixés à la somme de 3 000$ incluant les taxes et débours.

« Johanne Gauthier »

j.c.a.

« Je suis d’accord

A.F. Scott j.c.a. »

« Je suis d’accord

Yves de Montigny j.c.a. »

 


COUR D’APPEL FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


APPEL D’UNE DÉCISION DU CONSEIL CANADIEN DES RELATIONS INDUSTRIELLES DU 25 JUIN 2015.

DOSSIER :

A-334-15

INTITULÉ :

SOCIÉTÉ RADIO-CANADA c. SYNDICAT DES COMMUNICATIONS DE RADIO-CANADA (FNC-CSN) ET AL

LIEU DE L’AUDIENCE :

Montréal (Québec)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 11 avril 2016

 

MOTIFS DU JUGEMENT :

LA JUGE GAUTHIER

 

Y ONT SOUSCRIT :

LE JUGE SCOTT

LE JUGE DE MONTIGNY

 

DATE DES MOTIFS :

LE 19 juillet 2016

 

COMPARUTIONS :

Me Alexandre W. Buswell

Pour la PARTIE demanderesse

Me Guy Martin

Pour LA PARTIE défendeRESSE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Borden Ladner Gervais s.e.n.c.r.l., srl

Montréal (Québec)

Pour la PARTIE demanderesse

Laroche Martin

Montréal (Québec)

Pour LA PARTIE défendeRESSE

 

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