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Date : 20160519

Dossier : A-277-15

Référence : 2016 CAF 156

Montréal (Québec), le 19 mai 2016

CORAM: LA JUGE GAUTHIER

LA JUGE TRUDEL

LE JUGE SCOTT

ENTRE :

LES INNUS DE UASHAT MAK

MANI-UTENAM, LES INNUS DE MATIMEKUSH LAC-JOHN,

LES INNUS D'EKUANITSHIT,

LES INNUS D'UNAMEN SHIPU,

LES INNUS DE PAKUA SHIPI

appelants

et

SA MAJESTÉ LA REINE DU CHEF DU CANADA ET LE PROCUREUR GÉNÉRAL DE TERRE-NEUVE-ET-LABRADOR

intimés

Audience tenu à Montréal (Québec) le 19 mai 2016.

Jugement rendu à l’audience à Montréal (Québec) le 19 mai 2016.

MOTIFS DU JUGEMENT DE LA COUR : LA JUGE TRUDEL

Date: 20160519

Docket: A-277-15

Citation: 2016 FCA 156

Montréal, Quebec, May 19, 2016

CORAM: GAUTHIER J.A.

TRUDEL J.A.

SCOTT J.A.

BETWEEN:

LES INNUS DE UASHAT MAK

MANI-UTENAM, LES INNUS DE MATIMEKUSH LAC-JOHN,

LES INNUS D'EKUANITSHIT,

LES INNUS D'UNAMEN SHIPU,

LES INNUS DE PAKUA SHIPI

Appellants

and

HER MAJESTY THE QUEEN IN RIGHT OF CANADA AND THE ATTORNEY GENERAL OF NEWFOUNDLAND AND LABRADOR

Respondents

Heard at Montréal, Quebec, on May 19, 2016.

Judgment delivered from the Bench at Montreal, Quebec, on May 19, 2016.

REASONS FOR JUDGMENT OF THE COURT BY: TRUDEL J.A

 



Date : 20160519

Dossier : A-277-15

Référence : 2016 CAF 156

Montréal (Québec), le 19 mai 2016

CORAM: LA JUGE GAUTHIER

LA JUGE TRUDEL

LE JUGE SCOTT

ENTRE :

LES INNUS DE UASHAT MAK

MANI-UTENAM, LES INNUS DE MATIMEKUSH LAC-JOHN,

LES INNUS D'EKUANITSHIT,

LES INNUS D'UNAMEN SHIPU,

LES INNUS DE PAKUA SHIPI

appelants

et

SA MAJESTÉ LA REINE DU CHEF DU CANADA ET LE PROCUREUR GÉNÉRAL DE TERRE-NEUVE-ET-LABRADOR

intimés

MOTIFS DU JUGEMENT DE LA COUR

(Prononcés à l’audience à Montréal (Québec) le 19 mai 2016.

LA JUGE TRUDEL

Date: 20160519

Docket: A-277-15

Citation: 2016 FCA 156

Montréal, Quebec, May 19, 2016

CORAM: GAUTHIER J.A.

TRUDEL J.A.

SCOTT J.A.

BETWEEN:

LES INNUS DE UASHAT MAK

MANI-UTENAM, LES INNUS DE MATIMEKUSH LAC-JOHN,

LES INNUS D'EKUANITSHIT,

LES INNUS D'UNAMEN SHIPU,

LES INNUS DE PAKUA SHIPI

Appellants

and

HER MAJESTY THE QUEEN IN RIGHT OF CANADA AND THE ATTORNEY GENERAL OF NEWFOUNDLAND AND LABRADOR

Respondents

REASONS FOR JUDGMENT OF THE COURT

(Delivered from the Bench at Montréal, Quebec, on May 19, 2016)

TRUDEL J.A.

[1]               Les appelants sont des Innus du Québec. Ils se portent en appel d’un jugement de la Cour fédérale, sous la plume de la juge Gagné (la Juge), suspendant leur action par laquelle ils recherchent des conclusions de nature déclaratoire, incluant une ordonnance d’injonction permanente à l’encontre de Sa Majesté la Reine du Chef du Canada (Canada). Entre autres, les conclusions recherchées visent une entente de principe conclue entre le Canada, la province de Terre-Neuve-et-Labrador et les Innus du Labrador. On retrouve le jugement et les motifs de la Cour fédérale sous la citation 2015 CF 687.

[2]               Selon les appelants, cette entente de principe et l’entente finale à venir, si cette dernière est conclue sans leur consentement, violent leurs droits ancestraux et issus de traités à l’égard de terres se trouvant sur le territoire du Labrador.

[3]               Exerçant la discrétion que lui confère l’alinéa 50(1) b) de la Loi sur les Cours fédérales, L.R.C. 1985, c. F-7 (la Loi), la Juge a suspendu l’action des appelants. Plus précisément, elle a conclu que l’essence des revendications des appelants tourne autour du litige entre ceux-ci et les Innus du Labrador et la province de Terre-Neuve-et-Labrador. Le litige ne peut se régler sans ces parties et la Cour fédérale n’a pas compétence pour rendre des ordonnances contre une province.

[4]               Ainsi, elle a conclu que les intérêts de la justice seraient mieux servis si l’action des appelants, plutôt que d’être radiée en partie, était entendue par la Cour suprême de Terre-Neuve-et-Labrador. Il n’y avait pas lieu de permettre la continuation en Cour fédérale d’un recours dénaturé en ne conservant que les allégués portant sur le devoir de consulter et d’accommoder de la Couronne fédérale (motifs de la Juge, au paragraphe 25).

[5]               Les appelants soulèvent plusieurs points en litige, allant de la norme de contrôle applicable à la qualification du recours intenté par eux devant la Cour fédérale. Comme ils l’avaient fait en première instance, ils font remarquer qu’ils ne cherchent qu’à faire reconnaître l’obligation constitutionnelle de la Couronne fédérale de les consulter et de les accommoder. Cette obligation reconnue, il s’ensuit que l’entente de principe est nulle puisque la Couronne fédérale est en défaut de ses obligations. Ainsi, la Juge n’aurait pas dû suspendre l’action. De plus, la Juge a erronément qualifié leur recours et il s’agirait d’une erreur de droit viciant l’exercice de sa discrétion. Donc, c’est la norme de contrôle correcte qui s’appliquer.

[6]               A l’audition de cet appel, les appelants ajoutent que leur déclaration pourrait être amendée de sorte de n’y laisser que les remèdes visant l’obligation de la Couronne de consulter et d’accommoder. La Juge a évoqué cette possibilité et pourtant, nous sommes ici entendant cet appel sur la foi de la déclaration originale.

[7]               Selon nous, cet appel ne porte pas sur la juridiction de la Cour fédérale et la Juge n’a pas erré en qualifiant le recours des appelants, même en tenant compte des paragraphes 1, 3, 5, et 7 sur lesquels ils ont insisté. La question en litige déterminante est celle de savoir si la Juge a erré dans l’exercice de sa discrétion qui l’a amenée à suspendre l’action devant la Cour fédérale. Nous répondons à cette question par la négative. Nous sommes tous d’avis que cet appel doit être rejeté.

[8]               Un examen attentif de la procédure introductive des appelants nous convainc que la Juge a eu raison de conclure que la presque totalité des conclusions recherchées par les demandeurs, si elles étaient accordées, auraient un impact sur les droits des Innus du Labrador et sur ceux de Terre-Neuve-et-Labrador; et que la Cour fédérale n’a pas compétence pour rendre des ordonnances contre le gouvernement d’une province (Joe c. Canada, [1986] 2 R.C.S. 145, 2 A.C.W.S. (3d) 424; Vollant c. Canada, 2009 CAF 185, 393 N.R. 183). À cet égard, à l’audition de cet appel, les appelants ont concédé que certains des remèdes recherchés auraient un impact sur la province d’où leurs propos relatés antérieurement relativement à un amendement possible du recours.

[9]               Il est bien établi en droit qu’une question constitutionnelle ne doit pas être envisagée dans le vide et, ajouterions-nous, sans toutes les parties nécessaires pour la résoudre (Danson c. Ontario (Procureur Général), [1990] 2. R.C.S. 1086, à la page 1101, 73 D.L.R. (4th) 686). Ici, l’obligation constitutionnelle de la Couronne fédérale de consulter et d’accommoder est liée à l’entente de principe qui porte sur des terres situées au Labrador. La Juge a eu raison de conclure que la continuation d’une action dénaturée ne servirait pas les intérêts de la justice. Nous notons aussi  le danger que des recours parallèles mènent à des jugements contradictoires ou irréconciliables en regard de la question de la consultation des appelants, laquelle question pourrait s’adresser autant à la Couronne fédérale qu’à la province.

[10]           Nous ne pouvons affirmer que la Juge a erré dans l’exercice de sa discrétion en suspendant l’action pour permettre aux appelants de débattre de l’ensemble de leurs revendications (telles que formulées présentement) devant la Cour suprême de Terre-Neuve-et-Labrador plutôt que de permettre que le dossier continue devant la Cour fédérale sur la foi d’une déclaration tronquée ne tenant qu’aux éléments qui relèvent de la juridiction de la Cour fédérale et dont on a retiré partie de son contexte.

[11]           Somme toute, nous n’avons pas été persuadés que la Juge s’est méprise dans son application de l’alinéa 50(1)b) de la Loi.

[12]           Enfin, il n’est pas nécessaire de se pencher sur la question de savoir si la Juge a erré en mentionnant que la preuve laissait transparaître que les appelants avaient été consultés dans le cadre de la négociation de l’entente de principe. Les appelants admettent que cette observation de la Juge n’affecte en rien sa décision de suspendre l’action afin de permettre qu’elle soit entendue par la Cour suprême de Terre-Neuve-et-Labrador. Les questions relatives à la consultation peuvent être débattues au fond.

[13]           Pour ces motifs, l’appel sera rejeté sans frais quant à Sa Majesté la Reine du Chef du Canada mais avec dépens fixés au montant de 5 000$, incluant les taxes et débours en faveur du Procureur Général de Terre-Neuve-et-Labrador.

[1]               The appellants, all Innu from Québec, are appealing a judgment of the Federal Court by Gagné J. (the Judge) wherein she stayed their action seeking declaratory and injunctive relief against Her Majesty the Queen in Right of Canada (Canada) in relation to an agreement in principle entered into between Canada, Newfoundland and Labrador, and the Labrador Innu. The judgment of the Federal Court is cited as 2015 FC 687.

[2]               The appellants claim that this agreement in principle and the final agreement to come, if it is concluded without their consent, violate their Aboriginal and treaty rights with respect to territory within Labrador.

[3]               Exercising her discretion under paragraph 50(1)(b) of the Federal Courts Act, R.S.C. 1985, c. F-7 (the Act), the Judge stayed the appellants’ action. Specifically, she found that the essence of the appellants’ claims was directed against the province of Newfoundland and Labrador and the Labrador Innu. They are essential parties to the dispute and the Federal Court lacks the jurisdiction to issue orders against a province.

[4]               As a result, she determined it was in the interest of justice to allow the entire action to be pursued in the Supreme Court of Newfoundland and Labrador rather than to strike the action in part. It would be contrary to the interests of justice to allow the continuation of a distorted action before the Federal Court where the only issues at play would be the federal Crown’s duty to consult and accommodate (Judge’s reasons at paragraph 25).

[5]               The appellants raise several issues, ranging from the applicable standard of review to the characterization of their action before the Federal Court. As they had done below at the hearing of the respondents’ motion for an order granting a stay of the proceeding, they argue that they are simply seeking to have the federal Crown’s constitutional duty to consult and accommodate recognized. Once this is done, it follows that the agreement in principle is invalid as Canada, being in breach of its obligations, could not sign it. Thus, the Judge erred when she decided to stay the proceeding. Moreover, the Judge erred in her characterization of the appellants’ action, an error which tainted the exercise of her discretion. As a result, this error would be reviewable on a standard of correctness.

[6]               At the hearing of this appeal, the appellants suggested that their statement of claim could be amended in order to remove the allegations that do not pertain to the Crown’s duty to consult and accommodate. The Judge alluded to that possibility; yet we are here, hearing this appeal on the original statement of claim.

[7]               In our view, this is not a case about jurisdiction and the Judge did not err in characterizing the action, including paragraphs 1, 3, 5, and 7 of the statement of claim to which the appellants drew the Court’s attention. The ultimate issue is straightforward: whether the Judge inappropriately exercised her discretion in staying the proceeding before the Federal Court. Our answer is no. We are all of the view that this appeal should be dismissed.

[8]               Having carefully examined the appellants’ Statement of Claim in the Federal Court, we agree with the Judge that the majority of the claims, if granted, could impact the rights of the Innu of Labrador and those of Newfoundland and Labrador; the Federal Court lacks jurisdiction to grant a remedy against a province (Joe v. Canada, [1986] 2 S.C.R. 145, A.C.W.S. (3d) 424; Vollant v. Canada, 2009 FCA 185, 393 N.R. 183). In this vein, at the hearing of this appeal, the appellants conceded that some of the remedies sought would impact the province – hence, their submissions with regards to a possible amendment, as discussed above.

[9]               It is trite law that a constitutional issue should not be heard in a vacuum and, we would add, without all the parties necessary to resolve it (Danson v. Ontario (Procureur Général), [1990] 2. S.C.R. 1086, at page 1101, 73 D.L.R. (4th) 686). The constitutional obligations of the federal Crown to consult and to accommodate are linked here to an agreement in principle concerning lands situated in Labrador. The Judge was right to conclude that the interests of justice do not favor the continuation of a distorted action. As well, we note that parallel recourses could very well lead to contradictory or irreconcilable outcomes with respect to the issue of the appellants’ consultation, which could engage both the federal Crown and the province.

[10]           It cannot be said that the Judge did not appropriately exercise her jurisdiction by allowing the action to be heard in its entirety in Newfoundland and Labrador before a court that is properly seized of jurisdiction to hear the appellants’ claims (as currently drafted) in their entirety, rather than hearing a modified, decontextualized version of the action stripped down to the elements that fit within the Federal Court’s jurisdiction.

[11]           In sum, we have not been persuaded that the Judge misapplied paragraph 50(1)(b) of the Act.

[12]           Finally, we need not address the issue of whether the Judge erred in stating that the evidence appeared to show that the appellants were consulted in respect of the negotiation of the agreement in principle. The appellants accept that this remark is immaterial to the question of whether or not the whole matter should be heard in the Supreme Court of Newfoundland and Labrador. Questions with respect to the consultation can be argued on the merits.

[13]           For the foregoing reasons, the appeal is dismissed without costs to Her Majesty the Queen in Right of Canada but with costs set at the amount of $5,000, inclusive of tax and disbursements, in favour of the Attorney General of Newfoundland and Labrador.

« Johanne Trudel »

j.c.a. / J.A.


COUR D’APPEL FÉDÉRALE


DOSSIER:

a-277-15

 

 

INTITULÉ:

LES INNUS DE UASHAT MAK

MANI-UTENAM, LES INNUS DE MATIMEKUSH LAC-JOHN,

LES INNUS D'EKUANITSHIT,

LES INNUS D'UNAMEN SHIPU,

LES INNUS DE PAKUA SHIPI

C. SA MAJESTÉ LA REINE DU CHEF DU CANADA ET LE PROCUREUR GÉNÉRAL DE TERRE-NEUVE-ET-LABRADOR

 

LIEU DE L’AUDIENCE:

MONTREAL, QUEBEC

 

DATE DE L’AUDIENCE:

lE 19 MAI 2016

 

motifs du jugement DE LA COUR:

la juge gauthier

la juge trudel

le juge scott

 

PRONONCÉS À L’AUDIENCE PAR:

LA JUGE TRUDEL

 

COMPARUTIONS:

James O’Reilly, Ad.E.

POUR LES APPELLANTS

LES INNUS DE UASHAT MAK MANI-UTENAM

Jean-Paul Lacasse

POUR LES APPELLANTS

LES INNUS DE MATIMEKUSH LAC-JOHN, LES INNUS D'EKUANITSHIT, LES INNUS D'UNAMEN SHIPU

François Lévesque

POUR LES APPELLANTS

LES INNUS DE PAKUA SHIPI

Eric R. Gingras

POUR L’INTIMÉE

SA MAJESTÉ LA REINE DU CHEF DU CANADA

Maxime Faille

Guy Régimbald

POUR L’INTIMÉ

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DE TERRE-NEUVE-ET-LABRADOR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER:

O’Reilly & Associés

Montréal (Québec)

POUR LES APPELANTS

LES INNUS DE UASHAT MAK MANI-UTENAM

Jean-François Bertrand Avocats Inc.

(Québec) (Québec)

POUR LES APPELANTS

LES INNUS DE UASHAT MAK MANI-UTENAM

Me Jean-Paul Lacasse

Ottawa (Ontario)

POUR LES APPELANTS

LES INNUS DE MATIMEKUSH LAC-JOHN, LES INNUS D’EKUANITSHIT, LES INNUS D’UNAMEN SHIPU

Lévesque Baillargé Société Nominale d’Avocats

(Québec) (Québec)

POUR LES APPELANTS

LES INNUS DE PAKUA SHIPI

William F. Pentney

Ottawa (Ontario)

POUR L’intimée

SA MAJESTÉ LA REINE DU CHEF DU CANADA

Gowling Lafleur Henderson LLP

Ottawa (Ontario)

POUR L’INTIMÉ

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DE TERRE-NEUVE-ET-LABRADOR

 

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