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Date : 20160511


Dossier : A-366-15

Référence : 2016 CAF 148

[TRADUCTION FRANÇAISE]

CORAM :

LA JUGE DAWSON

LE JUGE RENNIE

LA JUGE GLEASON

 

 

ENTRE :

AGENCE DU REVENU DU CANADA

demanderesse

et

JEFFREY ALAN CLOUGH, DIAN ROBSON et EDWARD LEUNG

intimés

Audience tenue à Ottawa (Ontario), le 11 mai 2016.

Jugement rendu à l’audience à Ottawa (Ontario), le 11 mai 2016.

MOTIFS DU JUGEMENT DE LA COUR :

LA JUGE GLEASON

 


Date : 20160511


Dossier : A-366-15

Référence : 2016 CAF 148

CORAM :

LA JUGE DAWSON

LE JUGE RENNIE

LA JUGE GLEASON

 

 

ENTRE :

AGENCE DU REVENU DU CANADA

demanderesse

et

JEFFREY ALAN CLOUGH, DIAN ROBSON et EDWARD LEUNG

intimés

MOTIFS DU JUGEMENT DE LA COUR

(Rendus à l’audience à Ottawa (Ontario), le 11 mai 2016.)

LA JUGE GLEASON

[1]               Dans la présente demande de contrôle judiciaire, la demanderesse, l’Agence du revenu du Canada, [l’ARC] cherche à faire annuler la décision rendue le 22 mai 2015 par une arbitre de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans la fonction publique [la CRTEFP] accueillant les griefs des intimés (2015 CRTEFP 48).

[2]               Dans leurs griefs, les intimés demandaient le versement d’une indemnité de départ fondée sur leurs années de service au sein de l’ARC et au sein de la fonction publique de la Colombie-Britannique, où ils ont travaillé comme vérificateurs avant d’être mutés à l’ARC. Ils ont été mutés en 2010 dans le cadre de plans visant l’établissement d’une taxe de vente harmonisée [TVH] en Colombie-Britannique. Bien que la TVH n’ait pas été adoptée par suite d’un référendum provincial en 2011, par la voie duquel la proposition de la TVH a été rejetée par les votants, les intimés ont eu le choix de rester à l’ARC, ce qu’ils ont choisi de faire.

[3]               Leurs griefs découlent d’une nouvelle disposition de la convention collective de 2012-2014 entre l’ARC et l’agent négociateur des intimés, l’Institut professionnel de la fonction publique du Canada [IPFPC]. Cette nouvelle disposition de la convention collective plafonnait l’accumulation des droits à une indemnité de départ à la retraite ou en cas de démission aux montants accumulés à la date d’entrée en vigueur de la nouvelle convention collective et offrait aux employés la possibilité de choisir le paiement immédiat de leur indemnité de départ accumulée. Les dispositions pertinentes de la convention collective établissent le droit à l’indemnité de départ selon le nombre d’années d’« emploi continu » d’un employé. Cette expression est définie à l’article 2.01 de la convention collective comme ayant le sens qu’elle a dans la Politique sur les conditions d’emploi [la politique] de l’ARC.

[4]               Dans la politique, l’expression « emploi continu » est définie comme étant [traduction] « une ou plusieurs périodes de service dans la fonction publique », selon la définition de la Loi sur la pension de la fonction publique, L.R.C. (1985), ch. P-36 [la LPFP]. La « fonction publique » est définie à l’article 3 de la LPFP comme étant essentiellement un emploi dans tout ministère fédéral ou office, conseil, commissions ou personne morale mentionnés à l’annexe I de la LPFP. L’ARC est mentionnée à l’annexe I de la LPFP, ses employés sont donc admissibles à une pension en vertu de la LPFP. La LPFP contient cependant d’autres dispositions qui permettent la reconnaissance de périodes de service auprès d’autres organisations en ce qui a trait aux droits en vertu de la LPFP. En vertu de ces dispositions, les plaignants avaient le droit que leurs années de service au sein de la fonction publique de la Colombie-Britannique soient reconnues en vertu de la LPFP, de sorte que leurs pensions de la LPFP seraient fondées sur leurs années de service auprès de la Colombie-Britannique et au sein de l’ARC.

[5]               Dans sa décision, l’arbitre de la CRTEFP a conclu que les dispositions définissant l’« emploi continu » dans la convention collective étaient ambiguës et s’est donc appuyée sur une preuve extrinsèque pour interpréter l’expression. Elle a en outre conclu que la preuve appuyait le point de vue selon lequel l’expression « emploi continu », en ce qui a trait aux droits à une indemnité de départ des plaignants, devait être interprétée comme incluant à la fois leurs années de service au sein de la fonction publique de la Colombie-Britannique et celles au sein de l’ARC. Cette preuve comprenait des déclarations dans les accords sur les ressources humaines entre l’ARC et le gouvernement de la Colombie-Britannique, dans un protocole d’entente entre l’ARC et l’IPFPC, ainsi que plusieurs déclarations faites par des membres de la direction de l’ARC aux plaignants et aux responsables de l’IPFPC. À des degrés variables, chacune de ces déclarations indiquait que le transfert des droits aux avantages sociaux liés au service des employés serait fondé sur le nombre total de leurs années de service au sein de la fonction publique de la Colombie-Britannique et de l’ARC.

[6]               Il est acquis de part et d’autre que la décision de l’arbitre est susceptible de contrôle selon la norme de la décision raisonnable, comme l’a fermement établi la jurisprudence de la Cour : voir, par exemple, l’arrêt Amos c. Canada (Procureur général), 2011 CAF 38, aux paragraphes 29 à 32, 417 N.R. 74; l’arrêt Bahniuk c. Canada (Procureur général), 2016 CAF 127, au paragraphe 14, 2016 CarswellNat 1429.

[7]               La demanderesse plaide que la décision de l’arbitre, selon laquelle il était approprié de tenir compte de la preuve extrinsèque, était déraisonnable; elle soutient aussi qu’il était déraisonnable de conclure que cette preuve démontrait que l’expression « emploi continu » devait être interprétée de la manière soutenue par les plaignants. La demanderesse affirme que les dispositions de la convention collective sont claires et doivent inévitablement mener à la conclusion opposée.

[8]               En toute déférence, nous ne sommes pas de cet avis. Nous ne voyons rien de déraisonnable dans le fait de soutenir que les dispositions pertinentes de la convention collective, de la politique et de la LPFP sont ambiguës et, par conséquent, nous concluons qu’il n’était pas déraisonnable que l’arbitre ait tenu compte de la preuve extrinsèque. En bref, l’expression « emploi continu » est loin d’être claire à première vue et son ambiguïté est encore accrue par le fait que le service en question pourrait être pris en compte en vertu de la LPFP à titre de service continu pour l’application du droit à pension. Comme la politique lie la définition de l’expression « emploi continu » de la convention collective à la LPFP et que la LPFP reconnaît le service en question pour l’application du droit à pension, il y avait amplement matière à une conclusion d’ambiguïté dans cette affaire. La décision de l’arbitre sur ce point n’est donc pas déraisonnable.

[9]               L’évaluation qu’elle a faite de la preuve extrinsèque n’est pas non plus déraisonnable. Il y avait suffisamment d’éléments de preuve pour appuyer l’interprétation des plaignants, et l’arbitre avait par conséquent le loisir d’interpréter l’expression « emploi continu », aux fins du calcul du droit à une indemnité de départ des plaignants, comme le fait d’inclure leurs années d’emploi au sein de la fonction publique de la Colombie-Britannique et de l’ARC.

[10]           Il s’ensuit que la décision de l’arbitre ne peut pas être modifiée et que la présente demande sera par conséquent rejetée avec dépens, fixés à 3 000 $, tout compris.

« Mary J.L. Gleason »

j.c.a.


COUR D’APPEL FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

A-366-15

 

 

INTITULÉ :

AGENCE DU REVENU DU CANACA c. JEFFREY ALAN CLOUGH, DIAN ROBSON et EDWARD LEUNG

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

OTTAWA (ONTARIO)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 11 mai 2016

 

MOTIFS DU JUGEMENT DE LA COUR :

LA JUGE DAWSON

LE JUGE RENNIE

LA JUGE GLEASON

 

RENDUS À L’AUDIENCE PAR :

LA JUGE GLEASON

COMPARUTIONS :

Richard Fader

 

Pour la demanderesse

 

Steven Welchner

 

Pour les intimés

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

William F. Pentney

Sous-procureur général du Canada

Pour la demanderesse

 

Welchner Law Office

Avocats

Ottawa (Ontario)

Pour les intimés

 

 

 

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