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Date : 20160503


Dossier : A-185-15

Référence : 2016 CAF 137

[TRADUCTION FRANÇAISE]

CORAM :

LE JUGE EN CHEF NOËL

LA JUGE DAWSON

LA JUGE TRUDEL

 

 

ENTRE :

PRUDENTIAL STEEL ULC ET ALGOMA TUBES INC.

demanderesses

et

BOLY PIPE CO., LTD., ENERGEX TUBE, EVRAZ INC. NA CANADA, LE GOUVERNEMENT DE L'UKRAINE, INTERPIPE UKRAINE LTD., NORTH AMERICAN INTERPIPE, INC., LE ROYAUME DE THAÏLANDE, THAI OIL PIPE CO., LTD., WELDED TUBE OF CANADA CORP. ET LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

intimés

Audience tenue à Ottawa (Ontario), le 3 mai 2016.

Jugement rendu à l'audience à Ottawa (Ontario), le 3 mai 2016.

MOTIFS DU JUGEMENT DE LA COUR :

LA JUGE TRUDEL

 


Date : 20160503


Dossier : A-185-15

Référence : 2016 CAF 137

CORAM :

LE JUGE EN CHEF NOËL

LA JUGE DAWSON

LA JUGE TRUDEL

 

 

ENTRE :

PRUDENTIAL STEEL ULC ET ALGOMA TUBES INC.

demanderesses

et

BOLY PIPE CO., LTD., ENERGEX TUBE, EVRAZ INC. NA CANADA, LE GOUVERNEMENT DE L'UKRAINE, INTERPIPE UKRAINE LTD., NORTH AMERICAN INTERPIPE, INC., LE ROYAUME DE THAÏLANDE, THAI OIL PIPE CO., LTD., WELDED TUBE OF CANADA CORP. ET LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

intimés

MOTIFS DU JUGEMENT DE LA COUR

(Prononcés à l'audience à Ottawa (Ontario), le 3 mai 2016.)

LA JUGE TRUDEL

[1]               Les demanderesses, Prudential Steel ULC et Algoma Tubes Inc., sont des producteurs canadiens de fournitures tubulaires pour puits de pétrole (FTPP). Elles demandent le contrôle judiciaire de la décision du président de l'Agence des services frontaliers du Canada (ASFC) de mettre fin à une enquête menée en vertu de la Loi sur les mesures spéciales d'importation, L.R.C. 1985, ch. S‑15 (la Loi), concernant des subventions pour des FTPP originaires ou exportées de la République des Philippines, du Royaume de Thaïlande (la Thaïlande) et de l'Ukraine. Les motifs du président du 18 mars 2015 traitent également d'autres décisions connexes qui ne font pas l'objet de la présente demande.

[2]               La veille de l'audience, les demanderesses ont communiqué leur intention de renoncer à toute mesure contre les exportateurs ukrainiens Interpipe Ukraine Ltd. et North American Interpipe, Inc., qui avaient déposé un mémoire des faits et du droit sur le bien‑fondé de la demande. Les exportateurs ukrainiens ont comparu à l'audience pour présenter des observations relatives aux dépens seulement. Par conséquent, les demanderesses ont informé la Cour que l'audience se poursuivrait sur le fondement des observations déposées en vue d'obtenir un redressement de la Thaïlande et des exportateurs de ce pays n'ayant pas coopéré.

[3]               Les demanderesses ont souligné trois erreurs qui, à leur avis, justifient l'intervention de la Cour. Ces erreurs sont les suivantes : (i) l'omission de prendre en compte des subventions accordées par le gouvernement de la République populaire de Chine pour les tubes verts exportés en Thaïlande aux fins de transformation ultérieure avant d'être exportés au Canada, (ii) la décision du président selon laquelle la Thaïlande est un pays en voie de développement pour l'application de la Loi, (iii) la méthode choisie par le président pour déterminer le montant des subventions qu'ont reçues les exportateurs thaïlandais n'ayant pas coopéré.

[4]               Tout comme les intimés, les demanderesses soutiennent que la norme de contrôle applicable à la première et la troisième questions est le caractère raisonnable. Nous sommes d'accord : l'ASFC est un organisme hautement spécialisé et la décision du président a été prise conformément à une loi à laquelle l'ASFC est étroitement liée. D'après nous, les facteurs énoncés dans l'arrêt Dunsmuir c. Nouveau‑Brunswick, 2008 CSC 9, [2008] 1 R.C.S. 190, indiquent clairement que le contrôle se fait selon le caractère raisonnable. En ce qui concerne la deuxième question, soit celle de savoir si la Thaïlande est un pays en voie de développement, les demanderesses font valoir que le président a commis une erreur de compétence. Nous ne croyons pas que cette erreur alléguée soulève une véritable question de compétence qui justifie un contrôle selon la norme de la décision correcte.

I.                   Le président a raisonnablement conclu que la Thaïlande est un pays en voie de développement

[5]               Tout d'abord, les demanderesses ont déclaré que le président a commis une erreur en déterminant que la Thaïlande était un pays en voie de développement pour l'application de la Loi. Conformément aux obligations internationales du Canada en vertu de l'Accord sur les subventions et les mesures compensatoires faisant partie de l'annexe 1A de l'Accord instituant l'Organisation mondiale du commerce, Marrakech, 1867 R.T.N.U. 3 (l'« Accord sur les SMC »), il est mis fin à une enquête sur les subventions si les subventions n'excèdent pas 2 % de la valeur des marchandises, alors que le seuil ordinaire en vertu de la Loi pour mettre fin à une enquête est de 1 %.

[6]               Ni la Loi ni l'Accord sur les SMC ne précise clairement ce qui constitue un pays en voie de développement. En l'espèce, le président s'est appuyé sur la Liste des bénéficiaires du Comité d'aide au développement (la liste du CAD) de l'Organisation de coopération et de développement économiques. Puisque la Thaïlande figure sur la liste du CAD, elle a été considérée comme étant un pays en voie de développement aux fins de l'enquête.

[7]               Les demanderesses ne nous ont pas convaincus qu'il était déraisonnable de se fonder sur la liste du CAD ou que le fait que le président a utilisé la liste de manière différente au cours d'une enquête subséquente n'ayant aucun lien avec l'espèce (Énoncé des motifs concernant l'ouverture d'enquêtes sur le dumping et le subventionnement de certains tubes de canalisation en acier au carbone et en acier allié originaires ou exportés de la République populaire de Chine, 11 septembre 2015, au paragraphe 116) démontre que la conclusion du président n'était pas raisonnable en l'espèce.

[8]               Nous sommes également d'accord avec les observations de la Thaïlande et du procureur général du Canada selon lesquelles le Décret de retrait du bénéfice du tarif de préférence général (examen du TPG de 2013), DORS/2013‑161, en vertu duquel le bénéfice du tarif de préférence général a été retiré de la Thaïlande, n'est pas pertinent quant à la question de savoir si la Thaïlande est un pays en voie de développement aux fins d'une enquête sur les subventions en vertu de la Loi. Même si le décret de retrait indiquait que la Thaïlande n'est plus un pays en voie de développement, il suffit de noter que le décret n'est entré en vigueur qu'après la période visée par l'enquête et n'a donc aucune incidence sur la présente demande.

II.                Les subventions chinoises pour les matériaux

[9]               Les demanderesses font valoir que dans son enquête, l'ASFC aurait dû tenir compte des subventions accordées par le gouvernement de la République populaire de Chine pour les tubes verts exportés aux pays nommés dans l'enquête aux fins de transformation ultérieure avant l'exportation au Canada.

[10]           Nous sommes d'accord avec les intimés le procureur général du Canada et la Thaïlande qu'il était raisonnable de ne pas tenir compte des subventions accordées par le gouvernement de la Chine pour les matériaux transformés dans les pays nommés. En vertu de l'article 41 de la Loi, le président ne rend une décision qu'« au sujet de marchandises d'un ou de plusieurs pays [...] visées par l'enquête ». Les marchandises visées par l'enquête étaient « originaires ou exportées » des pays nommés, et la Chine n'était pas un des pays nommés (exposé des motifs, au paragraphe 32). Par conséquent, aux fins d'une enquête sur les subventions pour des biens exportés au Canada, les subventions en amont pour les matériaux accordées par tout pays autre que ceux nommés dans l'enquête excèdent la portée de celle‑ci.

[11]           À l'appui de leur observation, les demanderesses ont invoqué la décision Ideal Roofing Company Limited et Havelock Metal Products Inc., AP‑2013‑008 et AP‑2013‑009 (TCCE), dans laquelle le Tribunal canadien du commerce extérieur a conclu que des marchandises peuvent être visées par une enquête malgré le fait qu'elles passent par un pays intermédiaire au lieu d'être exportées directement au Canada. À notre avis, cela ne s'applique pas aux subventions en amont accordées par les pays ne faisant pas l'objet de l'enquête.

III.             La méthode visant à établir le montant des subventions

[12]           Enfin, les demanderesses font valoir que le président n'a pas employé la bonne méthode pour établir le montant des subventions qu'ont reçues les exportateurs qui n'ont pas fourni suffisamment de renseignements et que la méthode choisie pour les exportateurs vietnamiens n'ayant pas coopéré, qui aurait donné lieu à des subventions plus élevées, aurait dû être appliquée à toutes les parties n'ayant pas coopéré.

[13]           Nous sommes d'accord avec la Thaïlande que le président pouvait utiliser différentes méthodes à la lumière des renseignements disponibles sur les exportateurs de différents pays. Pour la Thaïlande, un exportateur a fourni suffisamment de renseignements, qui ont été pris en compte pour établir un montant pour les autres exportateurs. Une méthode différente a dû être employée pour établir le montant des subventions pour les exportateurs situés au Viêtnam, car ni le gouvernement vietnamien ni aucun exportateur vietnamien n'a fourni suffisamment de renseignements.

[14]           Étant donné que nous avons rejeté toutes les observations des demanderesses, la demande de contrôle judiciaire sera rejetée avec trois mémoires de frais calculés selon le milieu de la fourchette des valeurs de la colonne III du Tarif B.

« Johanne Trudel »

j.c.a.


COUR D'APPEL FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


Dossier :

A-185-15

 

INTITULÉ :

PRUDENTIAL STEEL ULC ET ALGOMA TUBES INC. c. BOLY PIPE CO., LTD., ENERGEX TUBE, EVRAZ INC. NA CANADA, LE GOUVERNEMENT DE L'UKRAINE, INTERPIPE UKRAINE LTD., NORTH AMERICAN INTERPIPE, INC., LE ROYAUME DE THAÏLANDE, THAI OIL PIPE CO., LTD., WELDED TUBE OF CANADA CORP. ET LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

 

 

LIEU DE L'AUDIENCE :

Ottawa (Ontario)

 

DATE DE L'AUDIENCE :

Le 3 mai 2016

 

MOTIFS DU JUGEMENT DE LA COUR :

LE JUGE EN CHEF NOËL

LA JUGE DAWSON

LA JUGE TRUDEL

 

PRONONCÉS À L'AUDIENCE PAR :

LA JUGE TRUDEL

COMPARUTIONS :

Geoffrey C. Kubrick

Jonathan P. O'Hara

 

Pour les demanderesses

PRUDENTIAL STEEL ULC ET ALGOMA TUBES INC.

 

Golsa Ghamari

 

POUR L'INTIMÉ

LE ROYAUME DE THAÏLANDE

 

Gerald H. Stobo

Mandy E. Aylen

 

Pour les intimées

INTERPIPE UKRAINE LTD. ET NORTH AMERICAN INTERPIPE, INC.

 

Andrew Gibbs

 

Pour l'intimé

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

McMillan LLP

Ottawa (Ontario)

 

Pour les demanderesses

PRUDENTIAL STEEL ULC ET ALGOMA TUBES INC.

 

Fasken Martineau DuMoulin S.E.N.C.R.L., s.r.l.

Ottawa (Ontario)

 

POUR L'INTIMÉE

THAI OIL PIPE CO., LTD.

 

Golsa Ghamari Professional Corporation

Ottawa (Ontario)

 

POUR L'INTIMÉ

LE ROYAUME DE THAÏLANDE

 

Borden Ladner Gervais S.E.N.C.R.L., s.r.l.

Ottawa (Ontario)

 

Pour les intimées

INTERPIPE UKRAINE LTD. ET NORTH AMERICAN INTERPIPE, INC.

 

William F. Pentney

Sous-procureur général du Canada

Ottawa (Ontario)

 

Pour l'intimé

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

 

 

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